RIFIFI DANS LA FAMILLE BONGO
Les stratèges du Quai d'Orsay et de l'Elysée auraient ils finalement conclu que les intérêts bien compris de la France seraient mieux défendus par Jean Ping plutôt que par Ali Bongo ?

L'élection présidentielle qui s'est déroulée ce samedi 27 Aout 2016 au Gabon a la particularité d'avoir opposé des hommes pour la plupart issus du sérail du parti Démocratique du Gabon (PDG) , des barons du régime de feu Oumar Bongo qui se sont relayés aux plus hautes fonctions de l'administration et de l'État pendant plus de trente ans.
Certains de ces hommes entretenant même des liens familiaux.
Ainsi du principal challenger de l'actuel Président du Gabon, Jean Ping, l'ancien président de la Commission de l'Union Africaine, qui a été du premier cercle des collaborateurs d'Oumar Bongo durant tout le règne du parrain de la Françafrique.
Tour à tour Ministre de l'information, des Postes et des Télécommunications, du Tourisme et des Loisirs, de la Réforme du secteur parapublic, chargé des relations avec le parlement et porte parole du gouvernement (excusez du peu) ; puis ministre des mines, de l'énergie et des ressources hydrauliques, ministre de l'économie des affaires étrangères, ministre d'État, ministre des affaires étrangères , de la coopération et de la francophonie dans les gouvernements successifs du père Bongo de 1990 à 2008.
Et c'est Oumar Bongo qui le fait élire à la présidence de la Commission de l'Union Africaine en Février 2008.
En outre, il a deux enfants avec Pascaline Bongo, la propre fille d'Omar Bongo.
Pourtant Jean Ping annonce sa démission du PDG en Février 2014 et son ancrage dans l'opposition
Puis se saisissant de la thèse du livre de Pierre Péan selon laquelle Ali ne serait pas le fils biologique de l'ancien président gabonais et son acte de naissance serait un faux, il entreprend de faire prononcer l'irrecevabilité de la candidature de ce dernier à l'élection présidentielle d'aout 2016.
Il pose en même temps sa candidature à l'élection présidentielle.
"Ne fais pas cela, tu es de la famille" lui aurait dit Pascaline Bongo pour le dissuader de s'opposer à la réélection de son "beau frère" pour un second mandat.
Pourtant Jean Ping développe une vigoureuse campagne électorale et réussit à rallier les autres barons dissidents du PDG que sont Pascal Oyé Mba,Guy Nzouba-Ndama et Léon-Paul Ngoulaka. Ce dernier est par ailleurs cousin germain d'Ali Bongo Odimba.
Les "amis" du Président gabonais expliquent le basculement de Jean Ping dans l'opposition par le refus d'Ali Bongo Odimba de soutenir sa candidature à un deuxième mandat de président de la Commission de l'Union Africaine.
Selon le camp d'Ali Bongo, tout est parti de la volonté du président , succédant à son père, de rajeunir la classe politique gabonaise et de ne pas renouveler encore une fois le bail de plus de trente ans des vieux barons aux plus hautes fonctions de l'administration et de l'État.
Jean Ping quant à lui ; tente de fournir une explication plus politique de sa posture. Le Gabon serait "une dictature pure et simple entre les mains d'une seule famille" dont le président actuel serait entouré d'une "légion étrangère" de conseillers qui "dirigent véritablement le Gabon".
L'ancien président de la Commission de l'Union Africaine estime en outre que "Ali Bongo est la chose de Sarkozy et de Guéant. Ils l'ont fabriqué."
Cette explication sur la nature du régime gabonais parait évidemment peu crédible venant d'un homme qui a servi 'Oumar Bongo si longtemps et sans états d'âme.
"L'affaire Kadhafi" parait constituer une source plus sérieuse du différend entre les deux hommes.
On sait en effet qu'en 2009 Jean Ping a conduit l'initiative de médiation de l'Union Africaine pour empêcher l'intervention militaire française et américaine contre la Lybie alors qu'Ali Bongo qui venait d'être élu apportait son appui au président français.
Comme on le sait l'initiative de Jean Ping sera purement et simplement ignorée par la France, les États Unis et même par les Nations Unies.
On peut croire que l'ancien président de la Commission de l'Union Africaine qui n'était pourtant pas particulièrement lié au dirigeant libyen, ait ressenti une certaine amertume de l'échec de sa mission et en ait tenu rigueur au président de son pays.
Pourtant c'est un certain jeu de la France qui semble avoir été déterminant dans le durcissement de l'opposition à l'actuel président de la république du Gabon, particulièrement de la posture de Jean Ping:.
Il y'a d'abord la publication en France du livre de Pierre Pean, "Nouvelles Affaires Africaines" qui servit d'argument à l'opposition gabonaise et à Jean Ping en particulier pour contester la légitimité du pouvoir d'Ali Bongo Odimba.
Il y'a ensuite la déclaration du Premier Ministre français, Manuel Valls, à la télévision selon laquelle le président gabonais n'aurait pas été élu "comme on l'entend"
Il faut aussi prendre en compte la couverture des médias audiovisuels publics français ; RFI, AFP et France 24 ; résolument en faveur de l'opposition et de Jean Ping, en particulier. Ils ont couvert avec assiduité toutes les démarches et déclarations relatives à l'illégitimité d'Ali Bongo, régulièrement relayé les déclarations de Jean Ping et ils annoncent déjà sa victoire en ce dimanche, lendemain du scrutin ; alors que les résultats ne sont pas encore proclamés par les autorités gabonaises.
Le Monde indique que dans un premier temps, "la France" aurait tenté de faire revenir Jean Ping sur sa décision de se présenter à l'élection présidentielle en lui proposant d'abord le secrétariat général de la Francophonie puis le poste d'envoyé spécial de Ban Ki-moon dans les Grands Lacs et celui de la direction générale de Gabon Oil Company pour son fils.
Les stratèges du Quai d'Orsay et de l'Elysée auraient ils finalement conclu que les intérêts bien compris de la France seraient mieux défendus par Jean Ping plutôt que par Ali Bongo ?
Le Président gabonais aurait il eu quelques poussées nationalistes et tenter de défendre quand même l'intérêt national, ne serait ce que par à coups ?
Jeune Afrique révèle ainsi que c'est essentiellement d'un redressement fiscal de 805 millions de dollars contre Total au Gabon qu'il s'est agit lors d'une rencontre à l'Elysée le 8 avril 2014 entre Ali Bongo Odimba et François Hollande.
S'agissait-il déjà d'un rappel du président gabonais à ses obligations dans le cadre de la Françafrique ? A ton estimé par la suite qu'il n'en avait pas tenu compte ? Jean Ping s'est il alors mieux "vendu" ?
Le Monde informe que Jean Ping a eu des consultations avec l'Elysée "….notamment avec Hélène Le Gal, qui en dirigeait la cellule Afrique et vient d'être nommée ambassadeur de France en Israël"
Le quotidien parisien rapporte ces propos étonnants de l'opposant gabonais face avec au haut fonctionnaire français :
"….La Françafrique, nous sommes tous d'accord, c'est fini, me dit-elle. Entendu, mais que fait-on ? Je lui réponds : nos liens sont forts, liés à colonisation, à la langue, etc. Alors, je renchéris : on jette tout ? Débrouillez-vous, me fait-elle. Mais qu'est-ce que ça veut dire : ce n'est pas possible de dire aux Africains francophones une chose pareille sans rien proposer. Je vois cela comme un repli que l'on peut mettre en parallèle avec un repli français sur lui-même et ça me désole",
La Lettre du Continent nous apprend que le ralliement de dernière minute des autres leaders de l'opposition à la candidature de Jean Ping ; notamment de Pascal Oyé Mba et de Guy Nzouba-Ndama, à été organisé par le vieux routier de la Françafrique qu'est Albert Bourgi ; à partir de ses bureaux parisiens
On l'aura compris : si les élections présidentielles en cours au Gabon mettent fin à une dynastie en place depuis 50 ans ce sera pour la remplacer par une nouvelle oligarchie qui maintiendra le statu quo.
L'hégémonie de la France sera maintenue voire renforcée.
Quant aux intérêts du peuple gabonais …
Espérons que le paix civile sera préservée quand même.