FACE À L'ÉCONOMIE DE LA PRÉDATION, LA DÉMOCRATIE DES COMMUNAUTÉS
Ni le vieux modèle occidental, ni sa version chinoise ne permettront au continent de briser les chaînes de l’appauvrissement. La prospérité et le bien-être ne sont pas synonymes de ponction indéfinie des corps humains et des richesses matérielles
La civilisation industrielle n’est pas immortelle. Mélange de puissance et de vulnérabilité, elle est foncièrement fragile. Nous avons eu le loisir de le constater à la faveur de la pandémie, lorsque les moteurs du monde eux-mêmes, à savoir les populations humaines, ont été ébranlés. Et ce n’est pas fini.
Depuis l’avènement de la modernité occidentale, les humains sont engagés dans une interminable guerre contre le vivant. Grâce notamment aux découvertes scientifiques et technologiques, l’humanité a accompli des progrès gigantesques. Sur tous les plans. Ceux-ci n’ont guère permis, du moins jusqu’à présent, de vaincre la mort. Mais ils ont contribué, à peu près partout, à une nette amélioration des conditions de vie, à un recul des maladies et à un allègement significatif des souffrances sur terre.
Ces progrès ont cependant nécessité le développement d’un système d’extraction et de gaspillage sans précédent des richesses de la planète. Au demeurant, ce système ne survit que grâce à la combustion constante et ininterrompue de carburants fossiles et de masses gigantesques d’énergie qu’il faut aller chercher de plus en plus loin dans les entrailles de la Terre et au fond des océans.
Marquer une pause
Le plus grave, aujourd’hui, c’est la rapidité avec laquelle l’humanité est en train de détruire la couche d’ozone. C’est la concentration, dans l’atmosphère, de dioxyde de carbone, d’oxyde nitreux, de méthane. Et que dire des poussières extrêmement ténues, des rejets de gaz toxiques, des substances invisibles, des fines granulations et particules de toutes sortes ?
Pour ce qui concerne l’Afrique en particulier, c’est la déplétion des stocks de pêche, la dégradation des mangroves, la hausse des flux de nitrate et l’altération des zones côtières. C’est aussi le bradage des forêts, l’épandage agricole, l’artificialisation des sols, la perte des espèces rares, bref, la destruction de la biosphère.
À la faveur de la pandémie, il aurait donc fallu marquer une pause, ouvrir les yeux, nous laisser secouer et prendre de la distance. Demain ne saurait être simplement une répétition d’hier. Ce dont le continent a besoin, c’est d’une grande transition.
Il faut en effet repenser de fond en comble la question fondamentale du bien-être collectif ou, si l’on veut, du développement. La croissance économique et matérielle ne saurait, à elle seule, justifier autant de dégâts. En tant que projet historique de transformation, le développement en Afrique doit être fondé sur une conception élargie de la santé, celle des êtres humains et, avec eux, celle de toutes les autres composantes du vivant.