LA REDDITION DES COMPTES, UNE EXIGENCE DE TRANSPARENCE ET DE RESPONSABILITÉ
La reddition des comptes n’est pas la revanche des uns sur les autres. La justice ne doit être ni spectacle, ni instrument politique. Elle doit demeurer ce qu’elle est fondamentalement : l’expression sereine du droit

Ce qu’il y a de rassurant avec la reddition des comptes, lorsqu’elle a lieu dans le cadre d’un Etat de droit, c’est d’emblée de faire comprendre qu’elle repose sur une exigence cardinale. A savoir que toute accusation doit être soutenue par des preuves irréfutables, tout comme l’innocence bénéficie d’une présomption intangible.
Ce rappel élémentaire semble pourtant mis à mal par l’agitation médiatique et politique qui entoure les auditions ouvertes après la publication du rapport de la Cour des Comptes. Dans une démocratie respectueuse de ses principes, faut-il le rappeler, être convoqué à la Dic, être placé sous mandat de dépôt ne saurait, en soi, être assimilé à une déclaration de culpabilité puisqu’il s’agit d’une procédure, non d’une condamnation.
Pourtant, de toutes parts, s’élèvent des accusations de « justice des vainqueurs », ou de « règlement de comptes politique ». Cette précipitation à juger, ce réflexe de suspicion systématique fragilisent non seulement les institutions, mais entament la confiance collective dans le processus judiciaire.
Invité par Baye Oumar Guèye, Directeur général de Sud Fm, dans le cadre de l’émission dominicale « Objection », Jean-Louis Corréa, Professeur agrégé de Droit et Vice-recteur de l’Université numérique Cheikh Hamidou Kane, rapporteur du Comité scientifique des Assises nationales de la Justice, a ainsi rappelé avec beaucoup de pédagogie, qu’il n’y avait pas lieu de s’émouvoir outre mesure du défilé des sommes astronomiques servies pour cautionnement.
La raison en est que cela ne préjuge en rien d’une quelconque culpabilité. La caution fait-il savoir, est un outil juridique visant à garantir la disponibilité du mis en cause. Elle n’est ni une sanction, ni un aveu. Et de préciser que si les milliards consignés devaient interroger, il reviendrait alors tout simplement à l’Ofnac, en cas de doute, d’enquêter conformément aux procédures en cours, pour établir la licéité ou non d’une telle accumulation de capital parla personne concernée. En d’autres termes, au lieu de s’emmêler les pinceaux dans un ballet fait-diversier qui donne le tournis, la raison voudrait plus que jamais, que l’accent soit mis sur la consolidation des institutions. Et plus exactement sur la mise en place d’une justice arcboutée sur les principes de droit, d’équité, ne penchant ni d’un côté ni de l’autre, conformément à la balance qui la symbolise.
C’est dire que les magistrats portent ici une responsabilité immense. Leur probité, leur indépendance sont déterminantes pour faire advenir un Etat de droit digne de ce nom. On peut ainsi relever que la récente décision du Conseil constitutionnel sur la loi interprétative relative à l’amnistie rendue le 23 avril 2025, a montré que des choix juridiques clairs peuvent contribuer à restaurer la confiance dans les institutions. La reddition des comptes n’est donc pas la revanche des uns sur les autres ; elle est la manifestation d’une exigence collective de transparence et de responsabilité. Il ne saurait alors être interdit de s’enrichir, dès lors que cela procède d’un travail licite et respectueux des règles. C’est ainsi, et seulement ainsi que la société sénégalaise pourra se réconcilier avec une éthique du mérite et de l’effort. La justice ne doit être ni spectacle, ni instrument politique. Elle doit demeurer ce qu’elle est fondamentalement : l’expression sereine du droit.