SAVOIR RAISON GARDER !
En lieu et place des cris d’indignation de la classe politique, face à de prétendus financements occultes de partis politiques par Lamine Diack, ne faudrait-il pas s’atteler à la mise en œuvre de mécanismes de contrôle efficients ?

Du nom de l'ancien président de l'IAAF, la Fédération internationale d'Athlétisme, mis en examen pour “corruption passive” et “blanchiment aggravé”, ce qu'il est convenu d'appeler "L'affaire Lamine Diack" secoue depuis vendredi dernier le Landerneau politique local. Toutefois au Sénégal l'objet du délit (lire article publié dans le quotidien Le Monde du 18 décembre 2015) s'est déplacé pour se focaliser désormais sur des partis politiques d'opposition que Lamine Diack aurait dit avoir financé lors des locales et 2009 et de la présidentielle de 2012. Pourtant, hormis le chapeau de l'article, même avant qu'il ne fasse une précision deux jours plus tard, "Le Monde" n'a nullement incriminé dans le corps du texte le président Macky Sall par des propos explicitement prêtés à Lamine Diack.
Qu'importe ! Comme à leurs habitudes, certains partis vont déplacer "L'Affaire Lamine Diack“ sur le terrain politique en en faisant une affaire d'Etat, allant jusqu'à réclamer la saisine de la Crei voire la démission du président de la République. Même à supposer que Lamine Diack, citoyen sénégalais, ait participé à financer les activités de ce dernier, on peut imaginer aisément qu'il se serait gardé de lui indiquer l'origine de sa fortune, surtout si, comme on le subodore, elle est illicite. Aussi, les tirs de barrage qui se donnent sous forme d'indignations revêtent-ils ainsi une forme de diversion qui en dit long sur une certaine conception de la politique.
Tous les coups sont en effet permis, même les plus tordus, à condition d'appuyer là où ça fait mal dans le but de déstabiliser et d'affaiblir l'adversaire d'en face. C‘est à un tel spectacle que les Sénégalais sont présentement soumis. Et les médias ne sont pas en reste, eux qui dans leur course effrénée au sensationnel n'ont pas hésité à forcer les choses, quitte à emprunter des raccourcis qui n'ont rien à voir avec les faits.
Le problème est pourtant simple : Lamine Diack est soupçonné d'avoir fermé les yeux sur des soupçons de dopage à l'endroit de certains athlètes russes. Lui-même , si l'on en croit les aveux rapportés par " Le Monde" le corrobore puisqu'il aurait reconnu avoir dû se résoudre à ce mode opératoire pour ne pas compromettre l'organisation des championnats du monde d'athlétisme devant se dérouler à Moscou. Sans compter que les pratiques de dopage auront été couvertes et les sanctions retardées en échange d'argent. Il s'agit donc bien d'une "Affaire Lamine Diack" et non d'une "Affaire Macky Sall".
Une affaire que certains médias avait tôt fait de dénoncer comme relevant d'une machination teintée de racisme. Encore un dérapage qui devrait inciter à revenir sur la sacralité des faits car, même si l'opinion est libre, elle se doit de s'adosser à cela au risque de se retrouver victime d'une autosuggestion qui pose ses certitudes en vérités absolues. Alors cessons d'instrumentaliser "L'Affaire Lamine Diack". Même si l'Etat lui doit assistance, au même titre que tout autre citoyen en difficulté à l'étranger, il importe de reconnaitre que cette affaire est privée et est pendante devant la justice française. Il lui revient, par conséquent, d'apporter les preuves de sa bonne foi.
Au demeurant, qu'un parti politique puisse être financé par un pays tiers ou par des personnes ou des cercles à la moralité douteuse est une réalité qui se décline sur tous les continents. Aussi, n'est-il pas rare en Amérique, en Afrique , en Asie ou en Afrique de voir des partis politiques épinglés et suspectés d'avoir bénéficié de financements illicites. Des enquêtes sont alors diligentées pour éplucher des comptes de campagne dans les pays qui se sont dotés d'une architecture de contrôle du financement des partis politiques. soumis à un plafonnement.
Aussi, en lieu et place des cris d'indignation de la classe politique, face à de prétendus financements occultes de partis politiques et autres organisations de la société civile par des fonds supposés appartenir à Lamine Diack , ne faudrait-il pas s'atteler à la mise en œuvre effective de mécanismes de contrôle efficients, seuls capables de déceler et de punir de possibles manquements et cela conformément à la loi ?
Sachons donc raison garder car le Sénégal mérite mieux que les invectives politiciennes dans lesquelles le pays patauge. Il faut surtout avoir à l'esprit que ça bouge en Afrique . Des signes qui ne trompent pas montrent que tout près, dans la sous-région, la Cote d'Ivoire se réveille de sa longue descente aux enfers des années de guerre. Première productrice mondiale de cacao, elle vient d'ouvrir sa première chocolaterie. Avec un taux de croissance de plus de 8% en 2014 et une croissance qui devrait rester forte en 2015 et en 2016, elle retient l'attention d'Air France qui veut en faire un hub régional.
La Fnac et Carrefour y ont ouvert des magasins. Au Burkina, après une résistance citoyenne à une tentative de coup d'Etat militaire, l'élection présidentielle qui s'est déroulée dans des conditions de transparence semble annoncer une aube nouvelle. A l'Est du continent, la Tanzanie qui a élu en novembre dernier un nouveau président semble elle aussi vouloir s'inscrire dans de bonnes pratiques en prenant l'initiative de réduire le train de vie de l'Etat et consacrer les économies ainsi faites dans des secteurs clés tels que la santé, l'éducation ou les infrastructures.
Agé de 56 ans, John Magufuli a ainsi décidé de restreindre le déplacement de ses ministres à l'étranger. Lors du dernier sommet du Commonwealth, organisé à Malte , la délégation tanzanienne ne comptait que quatre représentants, contre plus d'une cinquantaine habituellement. Les réunions organisées par le gouvernement se tiendront désormais dans des bâtiments publics et non dans des hôtels de luxe.
C'est dire que là où l'on attend le débat c'est que la politique redevienne ce qu'elle n'aurait pas dû cesser d'être : un formidable outil de transformation socio économique au profit des populations notamment les plus démunies. A ce titre, il y a beaucoup à faire au Sénégal où les urgences sont criantes.