SYMBOLE POUR SYMBOLE …

Le président de la République, usant d’une prérogative qu’il est seul à détenir, a décidé de faire sortir l’ancien ministre d’Etat, fils de l’ancien président de la République Abdoulaye Wade, de prison, trois ans après qu’il y eut été enfermé, pour six années. Et pour le délit d’enrichissement illicite, selon les lois sénégalaises, suite à un procès en bonne et due forme. Ce qui précède reste clair, net et précis. A portée de lecture pour n’importe qui est doté d’ouïe, de vue et de raison. Mais le prisonnier n’était pas n’importe qui, et il faut ajouter qu’il avait été investi candidat du Parti démocratique sénégalais pour la prochaine élection présidentielle, alors même qu’il n’avait pas encore été condamné.
Par conséquent, depuis sa mise en demeure, selon les procédures de la juridiction l’ayant finalement condamné, et jusqu’à sa libération, des pans entiers de militants du Pds et responsables de cette formation politique, des «Karimistes», sincères ou opportunistes, s’étaient enrégimentés pour sa libération. Selon des modalités politiques qu’ils avaient certainement arrêtées. Leur objectif : sortir leur champion de prison, lavé de sa condamnation infamante, auréolé de la couronne de lumière du martyr, pour le présenter, neuf comme un sou, face à Macky Sall et d’autres candidats, en 2019.
La libération de Karim était aussi voulue par ses parents, ses amis, certains guides religieux et médiateurs sociaux, dont c’est le rôle librement assumé de concilier les Sénégalais, de les réconcilier s’il le fallait -«Taape Xol yi» disait un de leurs fameux prédécesseurs, Maam Abdou - la voulaient aussi. Leur objectif : voir sortir Karim de prison – sans souci pour son casier judiciaire ou son avenir politique-, juste pour qu’il retrouve la liberté «retourne auprès de sa famille» ; «Et pour que le pays continue de vivre en paix», ont pu ajouter certains parmi eux. Comment ne pas penser aux Sénégalais qu’on ne trouve dans aucune des deux catégories décrites ici. Ceux qui désiraient que l’ancien ministre d’Etat purge sa peine de prison jusqu’au bout. Ils sont nombreux et se trouvent dans toutes les couches de la société, sont issus de partis politiques et d’organisations de la société civile, sont des individus connus ou anonymes de toutes conditions. On peut penser que ceux-ci, leur objectif était de voir Karim rendre l’argent et purger une peine qu’ils estimaient largement méritée.
Et cela n’épuise pas les sensibilités, nombreuses et diverses, que le président de la République doit prendre en compte quand il prend la décision la plus anodine. Alors, celle-ci !!! Or, ce même président de la République est un homme politique qui a accédé au pouvoir pour y demeurer le temps que la loi le lui permet. Le seul moyen de rester au pouvoir au Sénégal étant la politique, Macky Sall ne pouvait prendre une telle décision, sans garder un oeil politiquement vigilant sur les groupes qui entendaient armer Karim contre lui, un œil politiquement intéressé sur ceux qui lui demandaient de le libérer «pour le bien du pays» ; et un dernier regard politiquement attentif sur les inconditionnels de la punition pleine et entière de Karim Wade.
Cela peut paraître comme la quadrature du cercle, mais Macky Sall semble avoir tiré son épingle du jeu. Et, apparemment, il s’est même payé une espèce de Cerise sur le gâteau. Les déclarations des responsables du Pds, cinq longs jours après la grâce de Karim, pour expliquer le voyage express du grâcié, et que l’on peut résumer par «On lui avait posé des conditions qu’il a accepté, et il tient parole » indiquent bien que rien n’a été laissé au hasard dans cette affaire par le pouvoir (la presse, notamment Le Pop, en a rendu compte amplement). Macky Sall et son équipe ont été très attentifs à éviter que Karim sorte et fasse une conférence de presse, par exemple, plus une marche bleue, et se rende à Touba, Tivaouane, etc. Cela aurait bien sûr été ingérable, en tout cas très sensible, du point de vue sécuritaire, pour tout dire, catastrophique au plan politique. Or, en se livrant à des bravades, genre : «Je ne demanderai pas de grâce», Karim nous avait fait saliver…
Une manche difficile donc de gagnée par Macky Sall que cet «exil» inattendu, lointain, et sans «Au revoir», de l’ex-prince héritier vers le Qatar. Et c’est là qu’on se dit que la libération de Karim à cette date, «un 23 juin», ne pouvait pas être imputée à une étourderie du pouvoir. C’est peut-être carrément fait exprès. Alors, « Est-ce que PSK a trouvé ça tout seul ? » Hé bien, non, justement ! Au lieu de voir ce symbole comme une agression contre le «M 23», comme l’ont voulu certains esprits hâtifs, j’ai plutôt prêté crédit au doyen Abdou Salam Kane (ASAK) dans sa chronique du lundi, (27/06) dans le journal Enquête, qui y décèle plutôt un humour féroce, ou «franchement noir» de la part de M. Sall, que de grâcier son désormais ex-challenger à la Présidentielle le jour anniversaire de l’effondrement du projet monarchique qui devait le mener au sommet.
Ainsi je terminerai ce papier par un adage wolof : «Mag matt naa bayi cim reew». Parce que c’est beaucoup plus sensé pour Macky Sall de symboliquement ironiser ainsi, que de vouloir chahuter le 23 juin, jour où, à la fin des fins, a commencé son ascension vers le sommet où il trône aujourd’hui.