TIRAILLEURS SÉNÉGALAIS, QU'ILS SOIENT DÉCLARÉS MORTS POUR LA FRANCE
Ingrate, la France a oublié les passagers de l’Afrique, et le sacrifice imposé à ses soldats « indigènes » en particulier. Documentée, cette histoire est pourtant gommée de la mémoire d’un pays qui aime se raconter

Lettre ouverte au chef de l’État français et aux candidats à l’élection présidentielle de 2022.
Il y a tout juste cent deux ans, le paquebot Afrique coulait au large de Bordeaux. Parmi les quelque 600 passagers, 192 tirailleurs sénégalais, qui rentraient chez eux après avoir servi la France durant le premier conflit mondial. Une tragédie dont les tirailleurs naufragés ont été oubliés, parmi les oubliés.
Il faut se souvenir du 12 janvier 1920. Il faut, cent ans plus tard, honorer la mémoire de ces 192 tirailleurs sénégalais qui espéraient rentrer chez eux après avoir mené une guerre qui n’était pas la leur. Il faut les déclarer « morts pour la France ». Documentée, cette histoire est pourtant gommée de la mémoire d’un pays qui aime se raconter.
Front de Salonique
C’est de Bordeaux, le 9 janvier 1920, sur le quai des Chartrons, que partit l‘Afrique, de la Compagnie des Chargeurs réunis. À son bord, 602 passagers (dont 132 membres d’équipage), sans compter les compagnies de tirailleurs entassées sur l’entrepont, des fonctionnaires de l’administration coloniale, des hommes d’affaires, des commerçants, leurs femmes et enfants.
Ces 192 tirailleurs africains, qui n’étaient Sénégalais que de nom (en réalité, seuls trente-quatre d’entre eux avaient pour destination Dakar), devaient débarquer à Conakry ou au warf de Grand-Bassam, devant Abidjan. Combattants sur le front de Salonique et à Gallipoli, ces soldats, redoutables nettoyeurs de tranchées et rescapés des tueries d’Argonne, d’Artois, de Verdun ou des Flandres, avaient été démobilisés plus tardivement que leurs camarades ayant combattu sur le sol français.
Quand le bateau sombra, au large de la Nouvelle-Aquitaine, trois jours après son départ de Bordeaux, seuls trente-quatre rescapés furent retrouvés, dont Mamadou Ndiaye, l’un des treize tirailleurs secourus, qui décéda d’ailleurs peu après.