UNE DÉMOCRATIE DANS L'ÂME DU TEMPS
La perversion de la notion d’opposition, et ce qu’elle suppose de traversée du désert, de paupérisation, est peut-être tout simplement insupportable sur un continent où la politique, pour beaucoup, est un métier, et même le seul métier

Invité-surprise lors du 60e anniversaire de l’indépendance du Mali, cette semaine : le général Amadou Toumani Touré. Sa seule présence vous semble constituer une possible source d’inspiration pour la réflexion sur l’avenir politique que va devoir s’inventer le Mali. Pourquoi donc ?
Sans doute parce que cet homme revient de loin. Sous d’autres cieux, il serait sans doute encore au minimum au purgatoire. La veille de la commémoration, ATT tenait la vedette, sur la première chaîne de la télévision nationale. Pendant plus d’une heure, il a pu s’expliquer, se justifier, se réhabiliter. Dire qu’il y a tout juste huit ans, il était renversé par des jeunes officiers qui lui reprochaient d’avoir livré la patrie aux jihadistes ! Lâché par l’opinion, tel un général ayant fui la guerre au prix du déshonneur, il a dû s’exiler au Sénégal, alors que se sont noués les conditions déterminantes de l’instabilité actuelle qui, depuis, n’a cessé de sévir au Mali et s’est étendue au Niger et au Burkina. Le « ATT » qui se racontait à la télévision, ce 21 septembre 2020, avait tout d’un héros, et rien à voir avec l’homme à qui les jeunes officiers imputaient, en mars 2012, tous les maux de la nation.
Est-ce donc cela que les Maliens retiendront de lui ?
Pour l’essentiel, oui. Il a par ailleurs eu quelques réflexions de bon sens. Comme lorsqu’il a affirmé que les coups d’État ne sont pas la solution aux problèmes du Mali. Pour en avoir perpétré un et subi un autre, il s’estime légitime pour conclure que l’immixtion des militaires dans la vie politique résulte toujours de l’incapacité des politiciens à… finir leurs palabres. Même si, en l’écoutant, l’on ne peut s’empêcher de penser à tous ces militaires qui, au Mali ou ailleurs, savent si bien tirer alibi des mésententes entre politiciens pour confisquer le pouvoir, sans jamais se montrer ensuite à la hauteur de leurs propres engagements.