AU COEUR DES BASTIONS REPRIS AU MFDC
Il a juste fallu moins de 72 heures à l’armée pour faire tomber quatre bases rebelles. Plus d’une semaine après la chute de l’une des ailes sud d’Atika, carnet retour dans les anciennes bases rebelles perdues dans les forêts de Blaz et de Bissine
Vers la fin du mois de janvier, il a juste fallu moins de 72 heures à l’armée pour faire tomber quatre bastions rebelles appartenant à l’aile sud du Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (Mfdc). Plus d’une semaine après la chute de l’une des ailes sud d’Atika, carnet retour dans les anciennes bases rebelles perdues dans les forêts de Blaz et de Bissine.
Avec ardeur, des femmes, formant un cercle et pilon à la main, pilent du riz. Elles s’accordent un répit à la vue d’un impressionnant convoi de véhicules de l’armée accueilli par une salve d’applaudissements en signe de gratitude. Des cris de joie fusent de toutes parts. Le retour progressif à la paix a ses vertus. Nous sommes à Niadhiou, dans l’arrondissement de Niaguis, dernier village avant les bases rebelles nichées dans les forêts de Blaz et de Bissine. Le convoi amené par l’armée s’y est arrêté par moments pour procéder aux derniers réglages, avant de se fondre dans les denses et immenses saillies. Parmi les soldats, des journalistes « embeded » quelque peu impressionnés. Les militaires, dont la sérénité n’a point été troublée, apprêtent leurs armes et leurs radios leur permettant de communiquer. Aucun détail n’est négligé. Après les ovations enthousiasmantes des villageoises et les instants de communion, on reprend le périple. «Top, c’est parti ! Les gars, on peut y aller », lance un colonel. Aussitôt après, les véhicules se mettent en route, laissant derrière eux les villages de Petit Agnack, d’Agnack grand et de Niadhiou.
Nous empruntons ainsi une petite piste réalisée à la va-vite par le génie militaire venu de Bargny pour prêter main forte à la zone militaire n°5 dirigée par le Colonel Souleymane Kandé dans le cadre de cette opération de sécurisation et de restauration de l’autorité de l’État. C’est silence radio au beau milieu de nulle part. Seuls des militaires installés à deux voire un peu plus dans les bases avancées donnent vie à ces immenses forêts. On s’y perdrait. Les voitures décélèrent. Pour atteindre les bases rebelles démantelées par l’armée vers la fin du mois de janvier, nous étions obligés d’affronter cette piste distante d’environ 60 km de la ville de Ziguinchor. Le voyage vers Bouman, Boussouloum, Badiong et Sikoune est une longue suite de secousses.
Vieux matelas, ustensiles, documentation…
Après quelques kilomètres de route, nous voilà à Bouman, premier site rebelle repris par l’armée. Les combats y ont été « un peu intenses », confie un élément du bataillon de commandos venu de Thiès. Les rebelles, ajoute-t-il, n’ont pas hésité à répliquer aux tirs à l’arme lourde. Ils ont abandonné et disparu dans la nature à la vue de l’avion de reconnaissance. Les combattants appartenant au Mfdc ont fui, laissant sur place tout leur matériel (de vieux matelas, de la documentation, ustensiles de cuisine…), leurs plantations de cannabis…
Cap sur Badiong, à une vingtaine de kilomètres de la commune d’Adéane. Dans cette ancienne base rebelle, sont exposés des vélos (15), de l’armement, des munitions, du matériel d’intendance, de la logistique, des médicaments. L’armée a pu saisir des canons de B10, des roquettes Rpg, des minutions de 7-62 sur bande et de 12-7, des armes M203 (lance grenades), des fusils d’assaut Famas, trois motos Jakarta, cinq calèches et du bétail dont des poules qui se sont accommodées à la nature. Mais, la prouesse des soldats, c’est surtout d’avoir mis fin à la culture du chanvre indien dans ces zones. Dans presque toutes les bases reprises par l’armée, les éléments de l’aile sud du Mfdc y développaient la culture de ce produit prohibé sur des hectares.
Une stratégie bien murie
Pour faire tomber toutes les quatre bases, l’armée a bien étudié son plan. En plus de l’avion de reconnaissance qui survolait les zones repérées et les tirs d’artillerie, des troupes au sol avançaient en même temps. Toutes ces opérations combinées ont précipité la chute des bases de Bouman, dans les forêts de Bilasse, de Boussoloum, de Badiong et celle historique de Sikoune. Deux hommes ont été à la tête de ces opérations. Il s’agit des Lieutenants-colonels Mathieu Diogoye Sène commandant le 3ème bataillon d’infanterie de Kaolack et Clément Hubert Boucal du bataillon de commandos installé dans la base militaire de Thiès. Lors de cette opération, le premier a dirigé le Groupement tactique interarmes Charly, essentiellement composé des éléments du 3ème bataillon d’infanterie venu de Kaolack et qui a conquis la base de Badiong. Son bataillon était au premier échelon pour la conquête de cette base effective le 1er février dernier. À Badiong, il y a eu également une « petite » résistance des individus armés. Il en a été de même à Bouman dans les forêts de Blaz.
Des plantations de cannabis à perte de vue
Sikoune, sanctuaire de la rébellion, est tombée grâce au commandant du bataillon de commandos. Le Lieutenant-colonel Hubert Boucaly a joué un rôle déterminant. C’est une historique position rebelle où ont transité tous les caciques du mouvement indépendantiste (César Atoute Badiate, Salif Sadio) avant de migrer vers leurs bases actuelles. Dans cette base historique, se développent beaucoup d’activités illicites telles que le commerce de bois et l’exploitation des produits forestiers. Il y a des champs de chanvre indien à perte de vue. « Cette économie criminelle permettait aux bandes armées d’acquérir des équipements militaires pour affronter les armées. L’armée sénégalaise a démantelé toutes ces bases », s’est félicitéle chef de corps du bataillon de commandos le mardi 09 février 2021 au terme d’une visite à l’initiative de la zone militaire n°5 de Ziguinchor. Les rebelles ont donc vidé les lieux pour des destinations encore inconnues. L’une des ailes sud d’Atika est conquise. Pendant ce temps, l’armée sénégalaise se déploie dans ces zones et travaille d’ores et déjà à un retour des populations. Un retour dans leurs terroirs d’origine attendu depuis plus de trois décennies.