FORTE PRESSION SUR MACKY
Réduction du mandat présidentiel

(SenePlus.Com, Dakar) - Les professeurs Pape Demba Sy et Babacar Guèye invitent le Président Macky Sall à respecter son engagement de réduire son mandat de 7 à 5 ans. Dans cette perspective, le premier estime que le chef de l'État devra se tenir à sa volonté d'organiser un référendum en mai 2016. Sinon, prédit le secon, Macky Sall s'expose à la sanction du peuple. Nos confrères du Quotidien ont abordé le sujet avec les deux juristes.
PR PAPE DEMBA SY, CONSTITUTIONALISTE
«Macky Sall doit réduire son mandat et organiser le référendum en mai 2016»
Accroché samedi en marge de la conférence des Jeunesses fédéralistes et africaines, le Pr de Droit Pape Demba Sy estime que le Président Macky Sall a deux promesses à respecter. Il s’agit, selon lui, de réduire le mandat présidentiel de 7 à 5 ans et d’organiser le référendum en mai 2016. Sinon, prévient le constitutionnaliste, le chef de l’Etat fera face au Peuple sénégalais.
Pensez-vous que le référendum sur les réformes constitutionnelles va se tenir en mai 2016 ?
Je rappelle que c’est le Président lui-même qui a dit qu’il va organiser un référendum en mai 2016. C’est cela que je prends en compte. Je lui demande de respecter sa parole et doublement même. D’abord, il doit respecter sa promesse d’organiser un référendum en mai 2016 et celle relative à la réduction de son mandat de 7 à 5 ans. Nous allons le pousser à respecter sa parole. S’il ne le fait pas, il fera face au Peuple. Il doit organiser ce référendum. Ce type de scrutin n’est pas compliqué. Il y a un bulletin pour le «Oui» et un autre pour le «Non».
Certains pensent que le Président va soumettre la loi relative à la réduction de son mandat, mais aussi d’autres réformes qui sont «déconsolidantes» pour la démocratie. Partagez-vous cet avis ?
(Rires) Vous attaquez quelqu’un en parlant de «déconsolidantes». (Ndlr : le terme est du Pr Ismaïla Madior Fall). Cependant, vous me posez une question à laquelle je ne pourrai pas répondre. Je n’ai pas encore vu le texte qui sera présenté au référendum.
A l’Assemblée nationale, un débat juridique s’est posé avec la bataille pour le contrôle du groupe parlementaire de l’opposition entre le camp de Modou Diagne Fada et celui de Oumar Sarr. A votre avis, qui a raison sur l’autre ?
D’abord, je tiens à vous dire que ce n’était pas un débat juridique, mais politique. L’opposition a dit qu’on ne doit pas lui refuser la création d’un groupe et que celui- ci doit émaner des partis poli- tiques. Fada a déclaré que, pour modifier un groupe, cela doit passer par le président dudit groupe, invoquant l’article 22 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Mais je crois que ce qu’on aurait dû faire, c’est qu’il y a une tradition qui veut que la constitution des groupes se fassent de manière consensuelle. Mainte- nant, s’il y a des contestations, qu’on se réfère au texte.
Donc, peut-on dire que la décision du bureau de l’Assemblée est fondée ?
Je n’ai pas dit qui a raison ou qui a tort. Pendant longtemps, on ne respectait pas les textes. On constituait les groupes parlementaires de façon consensuelle. Alors que les textes disent que les groupes doivent être validés en Assemblée. C’est ce qui s’est fait cette année. Maintenant, l’opposition soutient que l’ancienne méthode a toujours prévalu. C’est un débat politique. On accepte des choses aujourd’hui, mais dès que cela ne vous arrange pas demain, on rue dans les brancards.
Récemment, Moustapha Niasse a fustigé l’absence notoire des députés dans le cadre du vote du budget. Est- ce qu’il ne faut pas prévoir dans le Règlement intérieur de l’Assemblée des sanctions pour les absentéistes ?
Pour moi, l’absence des députés, ce n’est pas nouveau. Le Règlement intérieur prévoit bel et bien des sanctions à l’égard de ces pratiques. Mais ces dispositions ne sont pas appliquées.
En tant que juriste, quel commentaire faites-vous de la polémique entre l’Ums et Me Mame Adama Guèye qui indexe l’existence de la corruption au sein de la Magistrature ?
Au fait, ce n’est pas un débat de juriste. C’est un conflit au sein de la compagnie judiciaire. Main- tenant, je crois qu’on peut régler le problème à l’amiable et ne pas aller devant la justice. Cependant, lors- qu’on accuse, il faut savoir le prou- ver surtout si on fait allusion à la corruption. C’est très grave. Si on n’arrive pas à prouver ces accusations, l’auteur se met en difficulté. Je pense qu’on aurait pu régler cela et non devant la presse. Entre nous, ces questions se posent. Si on dit tous les journalistes sont corrompus, vous allez tous vous sentir blessés. C’est la même chose avec l’affaire Me Mame Adama Guèye chez les magistrats.
PR BABACAR GUÈYE
«Si Macky Sall ne respecte pas son engagement, il en subira les conséquences»
Le chef de l’Etat a plus de chance d’être réélu s’il respecte son engagement de réduire son mandat à cinq ans. C’est la conviction du Professeur Babacar Guèye. Le cas contraire, souligne-t-il, Macky Sall en subira les conséquences.
Le chef de l’Etat n’a pas encore concrétisé sa promesse de réduire son mandat à cinq ans. La question de la date de la tenue de l’élection présidentielle en 2017 ou 2019 reste entière. En marge de la conférence sur «Les transitions politiques en Afrique et la question de la limitation des mandats présidentiels» organisée par la Ligue démocratique (Ld) samedi, le Professeur Babacar Guèye a réitéré sa position sur le débat. «Je ne pense pas qu’on puisse faire autre chose que passer par le référendum», a-t-il dit.
Maintenant, la question qui taraude tous les esprits est la suivante : Est-ce que Macky Sall va respecter cet engagement ? Le constitutionnaliste est d’avis que le successeur de Abdoulaye Wade a intérêt à ne pas faire marche arrière. «C’est en respectant cet engagement qu’il a les meilleures chances d’être réélu. S’il ne le fait pas, je pense qu’il en subira les conséquences», avertit-il.
Revenant sur la limitation des mandats en Afrique, Pr Guèye constate que de nombreux chefs d’Etat africains ont modifié ou tenté de modifier leur Constitution pour «s’éterniser» au pouvoir. Pourtant, cette limitation des mandats présidentiels est un «puissant moyen» d’épargner le continent de tensions politiques liées à ces tripatouillages.
Le constitutionnaliste estime que ce principe est un «garde-fou». «Elle peut conforter la démocratie, lutter contre la corruption, contre le clientélisme, contre le ‘’patrimoinalisme’’ et contribuer au développement d’un pays. Par exemple, le Cap-Vert, qui respecte ce principe, est parvenu à combattre la corruption», a expliqué Pr Guèye.
Pour un septennat unique
Pour éviter cette «boulimie» du pouvoir, le président du Collectif des organisations de la société civile pour les élections (Cosc) préconise un septennat unique. «J’ai choisi 7 ans en tenant compte de la durée dont à besoin une politique publique pour être élaborée et pour être mise en œuvre», a-t-il souligné, rejetant l’argument de certains Présidents qui, en voulant modifier la charte de leur pays, demandent à leur Peuple de leur laisser le temps de finir les chantiers entamés. Selon lui, «l’Etat, c’est une continuité» et les Constitutions peuvent être «revissées pour qu’elles collent à l’ère du temps». Cependant, précise Pr Guèye, il ne peut s’agir de «révisions pirates et opportunistes».
En ce qui concerne le Sénégal, il trouve que la modification de 2008 «viole délibérément la Constitution en sachant que le Conseil constitutionnel se déclarera incompétent». Si pour le Burkina Faso où Blaise Compaoré a modifié l’article 37, «le droit a été respecté en passant par la procédure normale», le conférencier relève en revanche qu’«en réalité, l’intention est de se maintenir au pouvoir, de renforcer son pouvoir».
L’invité du parti dirigé par Mamadou Ndoye a indiqué qu’il existe trois variantes de la limitation de mandats en Afrique. Il s’agit de la limitation à deux mandats successifs, la limitation à deux mandats alternatifs et la limitation à deux mandats par intermittence élaborée dans la nouvelle constitution du Burkina Faso.