J’AI APPRIS A TRAVERS LA PRESSE MA DESTITUTION DU POSTE DE PCA
MATA SY DIALLO DU GRAND PARTI

La «lionne» du Ndoucoumane rompt le silence. Mata Sy Diallo qui s’était emmurée dans un silence depuis très longtemps a décidé finalement de se confier à «L’As». L’ex-ministre du Commerce, qui a claqué la porte de l’Alliance des forces de progrès (Afp) et tourné le dos à son mentor Moustapha Niasse au profit de Malick Gackou, explique son choix par son combat contre l’injustice. Dans cet entretien, Mata Sy Diallo est revenue sur sa séparation avec Niasse, son éviction de la présidence du Conseil d’administration (Pca) de la Snr les ambitions du Grand Parti et les démarches du pouvoir pour une éventuelle alliance avec Malick Gackou etc.
Vous avez quitté l’Afp pour le Grand Parti. Quelles sont les raisons de votre départ de ce parti?
La page de l’Alliance des forces de progrès (Afp) est définitivement tournée. Je me suis engagée auprès de Moustapha Niasse au nom d’un certain nombre de valeurs et de principes. Je suis fière d’avoir apporté ma contribution, en donnant le meilleur de moi pour le triomphe de ces idéaux. Depuis la création de l’Afp, je me suis engagée, sans attendre en retour ni reconnaissance, encore moins une récompense. Mais aujourd’hui, il se trouve nous ne nous retrouvons plus dans ces (Ndlr, Niasse) valeurs. Nous sommes en train d’écrire une nouvelle page sur le Sénégal d’aujourd’hui et de demain. C’est tout ce qui m’importe au moment où je vous parle.
Pourquoi vous avez préféré poursuivre votre combat politique avec Malick Gackou en abandonnant Moustapha Niasse.
Malick Gackou est un homme pour qui j’ai beaucoup de respect et d’admiration pour tout ce qu’il a fait au sein de l’Afp. J’ai pleinement approuvé sa démarche et je suis totalement en phase avec lui. J’ai décidé, depuis longtemps, que nous serons ensemble dans ce combat qui est celui du Sénégal. J’en assume toutes les responsabilités. Et je ferai tout ce qui est possible pour qu’il succède à Macky Sall le plus rapidemment possible. Si Dieu réalise mes voeux et les voeux de millions de Sénégalais, Malick Gackou mettra toute son énergie au service du Sénégal et des Sénégalais. Il donnera l’exemple par son comportement et par ses innombrables qualités. Ce garçon aime les gens quand les autres s’en détournent. Il prend chaque visage comme une rencontre, chaque relation comme un sacerdoce.
D’aucuns avancent que Gackou n’ira nulle part. Comment se porte le Grand Parti ?
De mémoire de femme politique aguerrie, je n’ai jamais vu un parti réussir une implantation d’une telle envergure en un temps record. Aujourd’hui, nous sommes présents presque partout dans les grandes villes, les communes de l’intérieur et dans la Diaspora. En moins de deux mois, notre leader a fait le tour de plusieurs départements des régions de Kaffrine, Tambacounda, Sédhiou, Kolda, Kédougou et Kaolack. Les différentes instances du parti fonctionnent normalement, même si pour le moment la structuration n’est pas encore effective. Je n’avais jamais espéré qu’on aboutisse à ces résultats au moment où je vous
parle. Maintenant, j’ai conscience qu’il faut encore se massifier.
Vous avez régné pendant longtemps sur le Ndoucoumane, d’où votre surnom de «Lionne du Ndoucoumane». Mais, il paraît que les militants de l’Afp de la région ne vous ont pas suivie
Le Ndoucoumane, ce sont mes racines. J’ai été, pendant de longues années, présidente du Conseil régional de Kaffrine. Cette région, je l’ai défendue fermement, partout où je suis allée et dans tous les postes que j’ai occupés, y compris lorsque j’ai été ministre sous les régimes de Abdou Diouf et de Macky Sall, ainsi que lorsque j’étais vice-présidente de l’Assemblée Nationale durant trois mandats successifs. Ce que j’ai arraché dans mon parcours politique, je l’ai fait fructifier dans le Ndoucoumane qui est, il ne faut pas l’oublier, une région où les paysans, les femmes, les jeunes manifestent tous les jours l’excellence de leur travail sans en recevoir les récompenses. C’est leur lutte qui m’éclaire aujourd’hui. J’estime que le Grand Parti, c’est d’abord leur Parti. Vous verrez aux prochaines élections que le Ndoucoumane, comme vous l’appelez, est un bastion du Grand Parti.
La tournée de Malick Gackou à Kaolack…
La tournée de Kaolack a été, sans conteste, une réussite éclatante. Vous avez vu les images à la télévision avec ce raz-de-marée. Pour nous, Kaolack est une région importante qu’il faut impérativement conquérir le plus rapidement possible. Cette visite m’a personnellement remplie de fierté et d’émotion parce que Kaolack a été pendant longtemps ma base électorale et un solide repère.
Où en êtes-vous avec l’implantation du Grand Parti et les préparatifs pour les prochaines échéances électorales ?
On prépare les élections en s’implantant d’abord. On ne peut pas prétendre gagner une élection au Sénégal sans construire au préalable les bases d’un large enracinement. D’ailleurs, il est heureux de constater que le Mémorandum qui avait été présenté au public fait l’objet d’une appropriation à la base. Il est encore plus heureux de constater que les jeunes s’organisent à Guédiawaye, à Pikine et dans les grandes villes pour la vulgarisation de ce programme.
Jusqu’à présent, on ne connaît pas encore le calendrier électoral. Que vous inspire cette situation?
Que les élections se tiennent en 2015, en 2016 ou en 2017, nous sommes prêts. Nous n’avons pas fait plus de trente ans de carrière politique pour rien. Notre leader a été, pendant de longues années, le numéro 2 de l’Afp, après avoir fait un passage au Parti socialiste du temps de sa splendeur. Donc, nous ne serons jamais pris au dépourvu. Maintenant, il est inconcevable pour un pays, comme le nôtre, de naviguer dans un bateau en eaux troubles, sans cap, ni destination. La moindre des choses que le Président Macky Sall doit à notre pays, c’est de l’éclairer sur le calendrier électoral. Nous avons le droit de savoir si l’élection présidentielle et les élections législatives auront lieu en 2017, si elles seront couplées ou si le calendrier électoral sera inversé. C’est pourquoi, nous appelons le Président Macky Sall à plus de clarté. Et j’espère que ce sera fait le 31 décembre à l’occasion de son discours de fin d’année.
Et sur le plan économique…
(Elle coupe). C’est difficile pour les Sénégalais. Ce m’inquiète dans le Ndoucoumane, c’est l’arachide. Chaque nouveau ministre de l’Agriculture qui arrive fait croire qu’il a compris les failles et qu’il va changer le système. Mais, il le renforce négativement. Tant que l’arachide ne sera pas vendue par le paysan, c’est une perte pour le pays. On ne peut pas produire et attendre que l’acheteur fixe le prix. Ça n’existe nulle part. Il y a une amélioration parce que les Chinois sont revenus et il est interdit de vendre le kilogramme à moins de 200 Fcfa. Mais, on ne permet qu’aux opérateurs de vendre aux Chinois. Et pourquoi pas le paysan ?
Le Grand parti aura-t-il un candidat à la prochaine présidentielle ?
Le président du Grand Parti a eu l’occasion de dire clairement que le parti avisera le moment venu. Nous ne pouvons pas nous prononcer sur une élection dont nous ne connaissons ni la date, ni les modalités.
Lorsque cette question viendra à son heure, elle sera abordée par nos instances respectives qui se prononceront sans équivoque. Notre souhait est que Malick Gackou soit le candidat à la prochaine présidentielle. Mais c’est le congrès du parti qui va se réunir peut être au mois de mars ou d’avril qui va en décider. Aujourd’hui, l’engouement et les demandes pour aller installer le parti dans les régions me dépassent. Prochainement nous serons à Koungheul, Louga, Saint-Louis et Kébémer etc. Nous sommes pressés par des nouveaux militants de Malick Gackou et des militants de l’Afp.
Vous avez été évincée de votre poste de président de Conseil d’Administration (Pca) de la Snr. Avez-vous été victime de votre proximité avec Gakou ?
Absolument. Je me suis réveillée un jour et j’ai appris à travers la presse, comme tous les autres Sénégalais, ma destitution. Je n’avais pas aimé le sort qu’on a réservé à Malick Gackou alors qu’il pouvait mener l’Afp à bon port. Malick Gackou était derrière un homme depuis 1999, alors que Me Wade était prêt à décaisser des millions pour le débaucher, il a refusé. Et aujourd’hui, Macky Sall est prêt à lui donner des millions, mais il a voulu rester avec cet homme (Ndlr, Niasse) en qui il croit. C’est pourquoi je trouve injuste le sort qu’on lui a fait subir. C’est pourquoi, j’ai décidé de le soutenir quoi que cela puisse me coûter. Et cela m’a couté mon poste de président de Conseil d’administration (Pca).
Il paraît que le pouvoir a cherché à faire rallier Malick Gackou. Qu’en est-il ?
On ne fait que parler. Je pense qu’ils n’ont pas besoin de Gackou. Parce que s’ils avaient besoin de lui, il y a la manière de l’aborder. A mon avis, Gackou ne les intéresse pas. En tout cas, ils me connaissent et savent mes convictions politiques. Ils savent également que mes décisions ne sont pas négociables et monnayables. J’ai mes principes et je crois à des valeurs. Si je ne croyais pas à des valeurs, je n’allais pas perdre mon poste de Pca.
Le Grand Parti émet fréquemment des réserves sur le Pse. Avez-vous une alternative à proposer ?
Le Plan Sénégal émergent (Pse) n’est pas opérationnel parce qu’il ne donne pas une vision claire de l’avenir du Sénégal. Le président Gackou s’est épanché longuement sur cette question. Nous considérons que l’actualité, c’est notre mémorandum, c’est le projet de société que des experts du parti aux profils divers sont en train de préparer pour redresser l’économie, redresser notre industrie, donner réellement la priorité à l’agriculture, mettre la solidarité au coeur de nos politiques publiques, approfondir notre décentralisation et booster l’emploi des jeunes etc. Le fameux Plan Sénégal Emergent (Pse) condamné à l’échec, comme l’a si bien démontré notre leader lors de ses différentes sorties dans la presse.
A quand la retraite pour vous ?
Malick Gackou m’a confié la gestion du Sine et du Saloum, notamment les régions de Kaolack, Kaffrine et Fatick. Aujourd’hui qu’il m’oblige à prendre en charge les trois régions, je suis obligée de rester encore
dans l’arène politique pour l’aider à atteindre son objectif qui est de devenir le président de la République. J’avais voulu arrêter la politique en 2000 lorsque le Président Abdou Diouf a perdu le pouvoir. Car, je ne m’entendais pas avec la direction du Ps. J’avais décidé d’arrêter la politique pour faire autre chose. D’autant que j’avais acquis beaucoup d’expériences et noué beaucoup de relations. J’avais beaucoup d’opportunités. Mais, mes camarades de parti, surtout ceux de Kaffrine n’ont pas voulu que je mette fin à ma carrière politique. Cela avait fait l’objet de débats houleux pendant des mois à Kaffrine. Les gens me suppliaient de ne pas partir. C’est le même débat qui se pose actuellement à Kaffrine, les jeunes ne veulent pas que je parte, ils veulent que je les encadre et les accompagne jusqu’à la mise en place d’une équipe capable de me remplacer. J’avais voulu arrêter aussi la politique après 2012 lorsque j’étais ministre du Commerce. J’étais malade et j’avais subi une opération. Des jeunes se mettaient à genou pour me supplier de rester avec eux. Aujourd’hui, ils ont tous quitté l’Alliance des forces de progrès (Afp) pour le Grand Parti. Et parmi eux, il y avait des professeurs et de hauts fonctionnaires. Ils étaient conscients de ce qu’ils faisaient en me demandant de rester. Parmi eux, il y a Malick Gackou.