LA MÉTAMORPHOSE DE Y EN A MARRE
12 ans ans après avoir battu le pavé contre le troisième mandat, le collectif a perdu de son influence. Ses projets d'éducation populaire sont décriés tandis que d'autres collectifs ont supplanté sa fonction contestataire

Y en a marre, figure de proue de l'opposition au troisième mandat d'Abdoulaye Wade dans les années 2010-2012, occupe aujourd'hui "une place politique aussi centrale qu'à l'époque", souligne le magazine XXL Afrique. En effet, d'autres mouvements contestataires comme le Parti des Patriotes Africains du Sénégal pour le Travail, l'Ethique et la Fraternité (Pastef) d'Ousmane Sonko ont émergé. Toutefois, Y en a marre reste actif sur le terrain de l'engagement citoyen à travers différents programmes, tout en conservant son esprit contestataire lorsqu'il s'agit de défendre la démocratie.
Un signe du recul du mouvement est l'emprisonnement depuis plus de trois mois de son coordonnateur Aliou Sané, arrêté alors qu'il se rendait chez Ousmane Sonko. Une centaine de personnalités, dont le militant Alioune Tine, ont dénoncé dans une lettre ouverte en janvier 2024 "l'acharnement" judiciaire à son égard. Le mouvement cherche aujourd'hui à obtenir sa libération.
Né en 2011 d'une frustration face aux coupures d'électricité, Y en a marre s'est imposé dans la lutte contre le troisième mandat d'Abdoulaye Wade aux côtés de l'opposition et de Macky Sall. Suite à la victoire de ce dernier en 2012, le mouvement a conservé son indépendance en refusant des postes au gouvernement. Il s'est progressivement transformé en une association spécialiste de l'engagement citoyen à travers des "chantiers du nouveau type de Sénégalais", rompant avec le fatalisme.
Parmi ses programmes figurent les "Dox ak sa gox", visant à renforcer les capacités citoyennes de contrôle des élus locaux, ou les "Jeunes reporters citoyens" formant des jeunes au journalisme participatif. Cependant, le financement de tels projets par des bailleurs internationaux a égratigné la réputation du mouvement auprès de certains jeunes qui l'accusent d'être devenu "du système".
Si Y en a marre a perdu en influence sur la scène politique au profit de mouvements plus radicaux comme le Pastef, il continue d'incarner des "combats de principe" pour la démocratie aux côtés d'autres collectifs. Le mouvement souhaiterait par ailleurs à l'avenir créer une "cité des dissidents" au Sénégal pour accueillir les activistes africains contraints à l'exil.