LE PRIX DE L’EXIL

C’est un décret présidentiel qui l’annonce, publié avant-hier, mercredi 5 octobre, au Journal officiel de la République française, et en jouant plus ou moins sur les mots, le journal Le Monde laisse aussi entendre que les avantages et autres privilèges accordés aux anciens chefs d’Etat français n’ont pas été «abolis», loin de là…Mais disons qu’il y a eu «restriction», en plus d’une «rationalisation du soutien logistique et matériel» que leur offrait jusque-là l’Etat français, et que ces avantages et autres faveurs accordés à ces messieurs seront désormais «limités dans le temps». A titre d’exemple, notons que «pendant les cinq (premières) années qui suivront la cessation de leurs fonctions», les «collaborateurs permanents» des anciens chefs d’Etat français passeront de sept à trois, qu’il n’y aura plus qu’un seul agent de service, au lieu de deux, et qu’il n’y aura même plus de «voiture de fonction» avec deux chauffeurs, pour les anciens présidents de la République en France, qui perdent aussi la possibilité de se faire transporter gratuitement en première classe. Même si «la fin de ces privilèges ne sera effective qu’à partir de la cinquième année» après «la fin de leur mandat».
Pour les anciens Présidents, «investis avant le 15 mai 2012», autrement dit avant la passation de pouvoirs entre Sarkozy et Hollande, que ce soit Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Chirac ou Nicolas Sarkozy lui-même, «ce délai de cinq années court à compter de la date d’entrée en vigueur du présent décret». Cité par Le Monde, un rapport du site d’information français Mediapart, publié le 20 septembre dernier, révèle à ce sujet que ces anciens Mister President coûteraient quelque chose comme 10,3 millions d’euros à l’Etat français, dont un peu plus de 6 millions destinés à «leur protection».
Pendant que l’on «rabote» ailleurs, la retraite de nos anciens Présidents de la République reste encore très confortable, et on se souvient d’ailleurs du blues d’Abdoulaye Wade à l’époque, (voir Sud Quotidien du 10 décembre 2014), qui avait eu assez de cran pour jouer les victimes ou pour se sentir lésé, ce qui avait d’ailleurs contraint le service de presse de la Présidence de la République à dépoussiérer le décret 2013-125 sur la dotation des anciens chefs d’Etat…
Dans un pays aussi peu nanti que le Sénégal, avec ses miséreux et ses crève-la-faim, où les anciens locataires du Palais de la République coûtent au contribuable la rondelette somme de «5 000 000 francs CFA par mois, autrement dit «7, 622. 450 euros» ; contre «6000 euros par mois, ou 3, 935, 742 francs CFA» dans l’Hexagone, il serait assez malsain ou indécent de se plaindre. Surtout quand on sait que chaque ancien président de la République au Sénégal a un personnel à sa disposition : «un aide de camp (…) des gendarmes pour assurer la protection de son logement ; deux agents de sécurité pour assurer la protection de sa personne ; un agent du protocole ; deux assistantes ; un standardiste ; un cuisinier ; une lingère ; un jardinier et enfin deux chauffeurs».
Sans oublier que nos anciens chefs d’Etat passeraient quasiment pour de très fortunés exilés, que l’Hexagone accueillerait en fin de carrière…Certains vous diront d’ailleurs qu’ils évitent ainsi d’embarrasser leur successeur ou que ce serait pour faire profil bas…Toujours est-il qu’ils mangent à d’autres tables que les nôtres, engraissant sans doute l’économie hexagonale, se contentant de ces épisodiques visites qu’ils veulent bien nous rendre, en catimini, pour les honneurs, pour battre campagne, pour entretenir leur image, ou pour quelque promenade politique.