MACKY SALL SUR LA CORDE RAIDE
Entre récession économique annoncée et incertitudes sur la situation sécuritaire dans la sous-région, les défis du président sont immenses. Y parviendra-t-il avec une concentration excessive des pouvoirs entre les mains ?

La posture du président Macky Sall, depuis l’adoption en mai 2019 par l’Assemblée nationale d’une loi constitutionnelle supprimant le poste de Premier ministre, fait débat. En première ligne sur toutes les grandes controverses, notamment celles liées à la gestion quotidienne de la pandémie de Covid-19, le Président sénégalais est assailli de toutes parts. Obligé même d’intervenir pour mettre la pression sur son beau-frère de ministre en charge de la distribution des vivres aux populations impactées par le Covid-19.
«C’est le choix du Président de la République de ne pas être en deuxième ou troisième ligne. En tant que clef de voûte de nos institutions, il ne peut être qu’en première ligne. C’est son option. Mais il a des collaborateurs qui l’aident avec dévouement et efficacité. Et ça donne des résultats», répond Abdou Mbow, porte-parole adjoint du parti présidentiel interrogé par Sputnik.
Selon Mbow, par ailleurs premier vice-président de l’Assemblée nationale, le Président Sall s’en tiendra à cette ligne aussi longtemps qu’il en verra la nécessité. «L’idée de ramener le poste de Premier ministre ou de procéder à un remaniement gouvernemental dépend exclusivement de lui et de lui seul.» Un son de cloche qui ne fait pas l’unanimité.
«Continuer à rester sans Premier ministre est un risque qui expose le Président de la République. En lieu et place de la concentration des pouvoirs, l’option de déléguer plus de responsabilités existe. Elle a l’avantage de protéger le chef. Tout système a besoin de fusibles», indique à Sputnik Patrice Sané, militant du parti présidentiel et membre des cadres dudit parti.
La suppression du poste de Premier ministre avait été expliquée par le souci du Président Sall d’accélérer la mise en œuvre des projets et programmes de l’État en éliminant les lenteurs et les blocages dans l’administration. Elle tenait compte, aussi, des rapports difficiles entre l’ex-Premier ministre Abdallah Dionne et plusieurs ministres au cours du mandat présidentiel 2012-2019. Le «fast-track» est ainsi arrivé pour remettre les choses à l’endroit. Mais le doute persiste sur son succès.
«La vitesse n’est pas un gage d’efficacité ni de qualité. Le slogan "fast-track" est-il d’ailleurs bien choisi s’il est rapproché de "fast-food" qui renvoie à "manger vite et manger mal"? La concentration et la personnalisation excessives du pouvoir entre les mains du Président nuisent au bon fonctionnement du travail gouvernemental», écrit dans le journal Sud Quotidien le docteur Maurice Dione, enseignant-chercheur en sciences politiques à l’université Gaston Berger de Saint-Louis.
Cette verticalité du pouvoir sans un Premier ministre agissant en coordonnateur de l’activité gouvernementale est d’autant plus difficile à perpétuer que Macky Sall entretient lui-même l’incertitude sur ses intentions par rapport à un troisième mandat à la tête du pays en 2024.