RECOMPOSITION POLITIQUE
L’APR se nourrit à travers un soutien désespéré à un président en difficulté. Elle bat le rappel des troupes et tente de mobiliser le ban et l’arrière-ban pour survivre au tsunami du 16 février

Voilà déjà qu’une nouvelle recomposition politique, s’opère sitôt après la sortie du 16 février du chef de l’État annonçant sa décision de s’appliquer le septennat, suite à l’onction du Conseil constitutionnel. La majorité présidentielle espérait bien mettre fin au tumulte, par cette déclaration télévisée. C’était mal apprécier le contexte sociopolitique et les conséquences immédiates du coup d’accélérateur que le Président Macky Sall a donné à la situation politique, après une faute morale d’une vaste amplitude.
Le non-respect de la parole affaiblit la parole présidentielle et du coup alanguit les institutions dont le président de la République est la clé de voûte. Mais cette contrefaçon fend l’armure institutionnelle et conséquemment dope ceux qui guettaient la moindre faille pour tenter de porter l’estocade au Chef de l’exécutif.
Le boycott annoncé du référendum du 20 mars est le premier rite d’étape de ses farouches opposants et ses alliés estomaqués par ce reniement auquel ils vont s’accrocher pour ramollir le Président Sall en souffrance morale, après ce rétropédalage surréaliste.
Le Président du MRDS et député BBY Imam Mbaye Niang a vite donné le ton d’un vaste mouvement de révolte et de désaffection contre la décision présidentielle. Contrairement à son fils Mame Mbaye, ministre de la Jeunesse et de l’Emploi et zélateur entiché dans la majorité présidentielle, le député islamologue a préféré sortir du cercle désormais peu vertueux de BBY. En d’autres temps et sous nos cieux ancestraux, jamais un fils n’oserait prendre à rebours son père et combattre même indirectement le point de vue de son géniteur. Autres temps, autres mœurs, au-delà d’un réel déchirement dramatique dans la famille Niang.
Le format républicain comporte ses réalités en défiance aux stéréotypes socioculturels solidement ancrés dans notre société en transition vers la modernité.
La Ligue Démocratique prépare probablement ses valises, si effectivement l’acte joindra la tonalité avant-première de la déclaration de son secrétaire général, Mamadou Ndoye, offusqué par la volte-face présidentielle. Optant pour la prévalence de l’éthique de conviction, les jallardistes n’ont plus de raison objective de rester au gouvernement. Même avec un empressement tardif, le président a réuni les membres de la coalition BBY et d’autres personnalités indépendantes, pour justifier en urgence les raisons de son choix contesté. Mais quand c’est urgent, c’est déjà trop tard.
Le tonitruant Me El Hadji Diouf est jusqu’ici resté de marbre. Lui sembler avoir opté pour une prudente ou méthodologique ambivalence. S’il soutient mordicus que le président doit respecter sa parole, il reconnaît par ailleurs que le Conseil constitutionnel n’a d’autre option que de retoquer le Président sur la réduction du mandat en cours. Mais le connaissant, on peut bien croire que si la tentation le prenait de soutenir de manière franche et ferme le Président Sall, il s’y prendrait de manière plus ostensible, et au besoin avec fracas.
Le leader de Bess Dou Niak, Serigne Mansour Sy Djamil, a aussi pris ses distances et se démarque de la reculade présidentielle. Sa foucade vient de s’ajouter au concert de rejets de quatre nouvelles organisations de la société civile et de Cheikh Tidjane Gadio, leader du MLPC.
Il n’en fallait pas plus pour que le maire de Dakar, pris de court et freiné dans son élan par le renoncement du Président Sall, sortît de sa réserve pour tirer à boulets rouges sur ce tête-à-queue, et par ricochet fustiger le zèle du «télégraphiste» Ousmane Tanor Dieng. Qui ne peut y voir les prémices d’une bataille rangée entre Khalifa Sall mis de fait sur la touche jusqu’en 2019, et son secrétaire général, désormais commis aux tâches de SAV du Président Sall ?
À cette jacquerie compulsive, il faudrait ajouter les mouvements d’humeur de la gauche caviarde de Momar Samb (RTAS) et d’Ibrahima Sène du PIT dont les strapontins respectivement au CESE et de PCA de la Société des Mines d’or de Sabadola, sont encore trop confortables pour qu’ils s’autorisent une liberté de penser et de parole franche. Au risque de payer cher cette inadmissible (aux yeux du Président Sall bien sûr) sortie de route. Exemple : la valeureuse Amsatou Sow Sidibé.
Quant à l’AFP, la voie est clairement tracée depuis belle lurette. Le choix en faveur du camp présidentiel est irréversible, malgré les louvoiements du Grand parti de Malick Gackou, son excroissance qui tente de lui ravir la vedette. Pour avoir soutenu tous les présidents du Sénégal, Senghor, Diouf, Wade et Sall, on se demande bien qui soutiendra un jour Moustapha Niasse ? A moins qu’il n’ait décidé de se soutenir lui-même à travers ses états de services répétitifs.
Président de l’Assemblée nationale, sa carrière politique est tout de même aboutie. Acceptons-en l’augure ! Mais la sortie pourrait être moins glorieuse, si aux Législatives de 2017, la défaite prévisible de sa majorité, lui désigne la voie de la petite porte ? Et ainsi sera-t-il fini d’un homme, presque sans coups férir, qui aura traversé toutes les républiques avec une flexibilité politique exemplaire !
Le décor est donc planté, l’opposition réelle ne changeant pas de configuration. Le PDS et ses alliés du FPDR, Bokk Gis Gis de Pape Diop, Rewmi d’Idrissa Seck et UCS d’Abdoulaye Baldé, sont déjà dans leurs pénates, prêts à des unités d’actions ou des coalitions d’intérêts immédiats, pour contrer leur ex-frère, affaibli par les circonstances de son reniement.
Il est difficile pour l’heure de lire dans un marc de café et dire dans quels sens iront ces constellations d’alliances et de positionnements politiques. Une chose est certaine le Parti socialiste fonce droit vers une crise byzantine, car Khalifa Sall se sentant floué par son secrétaire général, en mission commandée pour Macky Sall, n’a d’autre solution que de se rapprocher d’Aïssata Tall Sall, autre frondeuse socialiste cible d’Abdoulaye Wilane, porte-parole du manitou Tanor. S’il veut exister, croître et embellir, c’est sa seule alternative, car à soixante ans depuis le premier janvier, le temps de la décision a sonné pour lui.
Face à un président démonté, il ne lui reste qu’à prendre son destin en main, sachant que pour Tanor Dieng, la trajectoire est déjà fixée. Les sillages des résidus de l’avenir politique de son mentor se confondent désormais au futur politique brouillé du Président Macky Sall et non plus au PS, réduit au rang de marche pied.
À n’en point douter, une nouvelle recomposition politique naît sous nos cieux. L’APR, parti présidentiel semble terriblement atone. Elle se nourrit de langue de bois, à travers un soutien désespéré pour un président en difficulté. Elle bat le rappel des troupes et tente de mobiliser le ban et l’arrière-ban pour survivre au tsunami du 16 février. Elle compte sur un oui massif le 20 mars pour espérer réussir l’exercice difficile de crédibilisation d’un référendum déjà raté avant la lettre. Une seule issue reste : libérer Karim Wade, récupérer les fragiles dirigeants libéraux qui frappent à la porte du Président et recomposer avec la bénédiction de Wade, la famille libérale. Mais c’est là, avouons-le, une autre paire de manches.