«TALLA SYLLA N’EST PAS A SON COUP D’ESSAI EN MATIERE D’ILLEGALITE»
Pour Saër Mangane, responsable Rewmi à Thiès, la ville est gérée de manière «populiste et théâtrale» par son maire

Pour Saër Mangane, la ville de Thiès est gérée de manière «populiste et théâtrale» par Talla Sylla. Le responsable de Rewmi soutient que le maire de Thiès dont la gestion a été épinglée par l’Ige, est un «récidiviste». Dans cet entretien, il qualifie, par ailleurs, de «fiasco» la gestion de la pandémie et demande plus «d’autonomie financière et de pouvoirs» aux collectivités locales.
Vous vous êtes fait remarquer après la publication du rapport de l’Ige. Pensez-vous, comme d’autres, qu’il y a une volonté de protéger des agents de l’Administration ?
Difficile de soutenir le contraire au regard de certaines considérations. Je me demande d’abord où est-ce que les Ige trouvent la motivation à produire continuellement un rapport dont les recommandations sont ignorées et les personnes incriminées pour la plupart non inquiétées ? A la longue, c’est la pertinence de l’existence même de cette institution qui sera en jeu. D’autant plus l’Inspection générale d’Etat n’est pas exempte de reproches parce qu’elle viole le principe de l’annualité du dépôt des rapports entre les mains du président de la République. L’institution est restée quand même 4 ans sans déposer de rapports. Et tout cela conjugué avec les prérogatives en matière de poursuites judiciaires du président de la République des personnes fautives, il n’est guère étonnant, pour des raisons politiques, que certains peuvent voir leurs dossiers sous le coude du Président et certains adversaires gênants finir en prison. D’où la nécessité de revoir ce corps d’élite pour qu’il puisse jouer son rôle premier.
Vous avez qualifié la gestion du maire Talla Sylla de «scandaleuse» après la publication du rapport de l’Ige qui a épinglé la gestion de la ville de Thiès. Vous l’avez même qualifié de maire hors la loi. Pourquoi ?
Il faut d’emblée dire qu’il n’y a rien de politique dans ma démarche puisque Talla Sylla, dans le bureau du centre de vote de son quartier où il a grandi, n’a récolté que 23 voix alors qu’il était tête de liste nationale lors des dernières Législatives. Il est bon de savoir qu’il n’est pas à son coup d’essai en matière d’illégalité, c’est un récidiviste dans la mesure où le premier acte majeur qu’il a pris en tant maire de la ville Thiès fut illégal. Il avait autorisé unilatéralement l’installation d’un Mickey Land en face de la mairie sans la délibération du Conseil municipal. Pire, pendant deux ans, il a voulu se faire voter son budget sans présenter le compte administratif qui permet à l’organe délibérant de vérifier d’éventuels détournements proprement dits ou d’objectifs. C’est ce qui avait expliqué le refus des conseillers de Rewmi de le joindre dans l’illégalité. Donc, l’Ige ne vient que consacrer ce que nous savons déjà. Par conséquent, celui qui se met en marge de la loi comment pourrait-on l’appeler ? En ce qui concerne sa gestion, Thiès a le maire qui, en six ans de magistère, a fait zéro inauguration alors que c’est le maire qu’on entend le plus dans les médias. Il doit choisir entre parler beaucoup et travailler beaucoup.
Mais Talla Sylla a indexé ses adversaires politiques qui chercheraient à l’éliminer. Ne pensez-vous pas qu’il y a des dessous politiques comme beaucoup pensent de ces rapports ?
Il me faut vraiment la retenue d’un grand Saint pour ne pas en rire. Talla Sylla avait subitement fait volte-face pour rejoindre le camp présidentiel. Ceci après avoir acheté la carte du parti Rewmi, prêté allégeance au Président Idrissa Seck et s’être autoproclamé son Baye Fall et son bouclier contre les agissements de Macky. L’histoire nous a montré qu’il manigançait juste pour avoir l’onction de Idy pour devenir maire. Il faut signaler que quand Talla Sylla rejoignait notre coalition lors des Locales, il était seul, sans parti ni mouvement contrairement aux entités de notre coalition. Maintenant, il n’y pas de victimisation qui vaille et l’évocation d’ennemis imaginaires quand on est fautif dans sa gestion. Il doit assumer ses responsabilités et se conformer à la loi, c’est très simple. La gestion publique est et restera toujours gouvernée par cette triptyque : transparence, reddition des comptes et responsabilité. Et il ne va pas jusqu’au bout de la logique de ses accusations. Comment on peut accuser le directeur de Cabinet du président de la République, Augustin Tine, de divulgation illégale des rapports et essayer d’absoudre Macky Sall, patron de ce dernier ?
Vous avez aussi dénoncé son «Wagnou daara» qu’il a initié pour venir en aide aux talibés dans le cadre de la pandémie. Et vous, quelle action avez-vous menée dans la lutte contre le Covid-19 ?
Je n’ai pas dénoncé le «Wagnou daara». C’est une bonne initiative conjoncturelle. J’ai juste dénoncé le fait que, après la sortie du rapport de l’Ige l’incriminant, le maire ait voulu prendre comme bouclier les talibés alors que les faits qui lui sont reprochés datent de 2015 et son «Wagnou daara» a été lancé en 2020. C’est le lieu de féliciter tous les agents municipaux et thiessois de bonne volonté qui se sont beaucoup investis pour la réussite de cette opération. Malgré leurs inlassables efforts, force est de constater que l’opération est ponctuée de beaucoup de couacs liés au système de distribution, à l’hygiène, à la qualité et à la quantité des mets. En ce qui me concerne, j’ai apporté ma modeste contribution en requérant les services d’une socio-anthropologue qui a une belle expérience en matière de pandémie pour m’aider, dès les premières heures de l’Etat d’urgence, à sensibiliser la population. Et, dans ce cadre, nous avons usé de tous les leviers communautaires, notamment les infirmiers chefs de poste, les badiénou gokh, les imams, les étudiants, les Asc, les notables, etc. Nous avons aussi procédé à des distributions de masques, de denrées alimentaires pour soulager certaines populations. Nous nous sommes aussi investis dans la salubrité des écoles. Dieu merci, dans notre champ d’action, il n’y a pas encore de cas déclaré, je touche du bois.
Justement, quel est votre avis sur la gestion de cette pandémie du Covid-19 ?
Ce serait un euphémisme de dire que la gestion de la pandémie globalement est un fiasco. A mon sens, tout a été raté dès le début. On aurait pu freiner la pandémie en procédant par des confinements totaux de certaines localités. En tant qu’élu local, à travers la pandémie, j’ai pu mesurer réellement les limites des collectivités locales en termes de moyens et de pouvoirs. Si nos maires avaient l’autonomie financière pour pouvoir décider de confiner leur population nous n’en serions pas à ce stade de la pandémie. D’où la nécessité de revoir l’Acte 3 de la décentralisation.
Comment avez-vous accueilli les mesures sociales et économiques prises par le chef de l’Etat pour faire face aux effets du Covid-19 ?
Nous avons senti une certaine volonté du président de la République d’accompagner son Peuple dans les moments de résilience. Cependant, il y a beaucoup de nébuleuses liées aux marchés passés durant la période du Covid-19. En ce qui concerne la distribution de vivres qui fut une grande source de tension sociale, non seulement la mesure n’est pas pertinente, mais il y a aussi beaucoup de manquements. Je pense que l’Etat a choisi cette méthode plutôt que celle de la Côte d’ivoire qui a fait des mandats via les servies de transfert d’argent.
Economiquement, le Sénégal allait déjà inéluctablement vers une récession économique due à un taux d’emprunt très élevé et sans l’orienter vers des secteurs productifs. Ceci étant dit, dans la relance économique qui est à l’ordre jour, il ne faut pas que l’Etat néglige le secteur privé local. Il faut nécessairement qu’il incite les banques à l’accompagner.