THIAAT, LE DERNIER SURVOLTÉ
Dernier gardien de la flamme de "Y en a marre", il prend les rênes d'une organisation en quête de renouveau. Tandis que ses compagnons ont divergé, le rappeur kaolackois compte raviver l'esprit contestataire qui a forgé la renommée du collectif sénégalais

Parmi les membres fondateurs de Y en a marre, Thiaat est peut-être le seul qui garde toujours la fibre originelle du début. Porté hier à la tête de cette emblématique organisation citoyenne, le passionné activiste aura pour mission manifestement de donner un nouveau souffle à ce mouvement qui a perdu de sa superbe dans le dédale des mutations politiques.
Y en a marre n'est plus un mouvement à présenter au Sénégal et en Afrique. Créé en 2011 pour protester contre la cherté de la vie et les dérives autoritaires du régime du président Abdoulaye Wade, Fadel Barro, Kilifeu, Thiaat, Aliou Sané, Malal Talla et compagnie ont été au cœur des combats citoyens de ces dernières. Leur engagement a même fait tache d'huile en Afrique en inspirant d'autres mouvements citoyens comme Balai Citoyen du Burkina ou encore Filimbi du Congo. Mais force est de constater que si leur influence est indéniable dans l'échiquier politico-social du pays, le mouvement a perdu sa vigueur, de sa tonicité et sa propension d'antan à mettre la pression sur l'Etat et à donner le tempo dans la société civile.
Y en a marre manque visiblement de passion. Sauf pour Thiaat. Le rappeur, membre fondateur du mouvement, est peut-être le seul qui laisse entrevoir dans sa démarche clarté, la clarté de ses prises de position et la vigueur de ses critiques, la «saveur originelle» de Y en a marre. Le natif de Kaolack demeure un Y en a marriste pur jus, contrairement à certains de ses camarades, à commencer par son «frère de sang», Kilifeu qui est devenu PCA et a décidé de soutenir le nouveau régime.
L'activiste marque en effet son ancrage dans la société et compte rester un contre-pouvoir. D'ailleurs, ces derniers jours, l'insubmersible activiste a fait des sorties au vitriol pour fustiger la loi interprétative qui a fait couler beaucoup d'encre. Une prise de position qui lui vaut même d'être voué aux gémonies par les militants du Pastef dans les réseaux sociaux. Des critiques qui laissent de marbre apparemment Thiaat qui a pris ses distances avec le tandem Diomaye-Sonko tout en gardant sa subversion légendaire.
Il faut signaler aussi qu'il avait sorti en décembre un clip «doulnaliste» qui fustigeait le manque de neutralité de certains médias qui, selon lui, ne sont plus dans l'équilibrisme journalistique mais plutôt dans une sorte de manichéisme qui remet en cause la fiabilité des informations.
Y en a marre a certes connu une évolution, l'emblématique coordonnateur Fadel Barro est devenu acteur politique. Le rappeur Kilifeu, qui avait été suspendu après ses déboires judiciaires, soutient la mouvance présidentielle. Les seuls leaders gardiens du temple qui restent sont Aliou Sane, Mala Talla et Thiaat. Et parmi ces trois, ce dernier est sans doute le dernier survolté, avec une passion invariable, malgré les soubresauts politiques et l'avènement d'autres dynamiques sociales et activistes-influenceurs.
Devenant le nouveau Coordonnateur de Y en marre, Thiat aura à cœur à déteindre sa vivacité sur cette organisation citoyenne, au creux de la vague et qui aura besoin d'un nouveau souffle pour se mouvoir dans l'espace public. Thiaat est peut-être le survivant désigné....