UNE DÉMISSION, PLUSIEURS INTERROGATIONS
CUMULS DE MANDATS - Le cas Aliou Demba Sow à Vélingara Ferlo
Aliou Demba Sow a rendu publique sa lettre de démission. Mais des interrogations demeurent. Pourquoi le maire n'a informé ni le conseil municipal ni l'autorité administrative ? Pourquoi est-il resté plus de 20 mois sans procéder au remplacement du député de Benno bokk yaakaar ? Certains conseillers doutent même de l'authenticité de la lettre en question. Le Quotidien revient sur cette affaire de Vélingara Ferlo, qui a éclaté après le cas Aïda Mbodj.
Aliou Demba Sow ne serait pas donc "dans le même cas" que Aïda Mbodj. Dans sa lettre de démission qu'il a adressée au maire de Vélingara-Ferlo, datée du 18 juillet 2014, dont il a envoyé une copie au journal Le Quotidien, il est écrit :
"Je viens par cette présente, à la suite de l'installation du Conseil municipal et de son bureau, le 17 juillet 2014 dans les locaux de l'hôtel de ville de Vélingara Ferlo, déposer ma lettre de démission en ma qualité de conseiller municipal dudit conseil (sic). Toutefois, je veux me conformer aux dispositions règlementaires en vigueur dans mon pays. Cependant le cumul de trois mandats électifs dont je fais l'objet (installation député en juillet 2012, conseiller départemental installé le 16 juillet 2014 et enfin conseiller municipal le 17 juillet 2014) me met dans une situation inconfortable. J'ai décidé de mettre fin à mon mandat de conseiller municipal à partir d'aujourd'hui." Au bas de page, il est indiqué : "Fait en deux exemplaires."
Le sous-préfet pas informé
Mais justement il y a des interrogations dans cette lettre. A qui est destiné l'autre exemplaire ? Le Code général des collectivités locales dispose que "les démissions volontaires sont adressées par lettre recommandée au maire avec copie au représentant de l'Etat". Interrogé, le maire Cheikh Mamadou Sow n'a pas nié n'avoir pas fait ampliation à l'autorité administrative. "La lettre est directement adressée au maire. Tout ce que je peux vous dire c'est que j'ai reçu une démission de Aliou Demba Sow en qualité de conseiller municipal de Vélingara dans mes services, au lendemain de l'installation du Conseil municipal", a-t-il dit.
Doutes sur l'authenticité de la lettre de démission
En l'absence du sous-préfet, que Le Quotidien a tenté de joindre sans succès, son adjoint ne souhaite pas se prononcer sur la question. Dans tous les cas, des conseillers doutent encore de l'existence de cette lettre jusqu'à vendredi dernier. "Je peux vous assurer que le représentant de l'Etat n'en a pas été informé, comme le stipule la loi. Si c'était le cas, le suppléant sur la liste majoritaire de Benno bokk yaakaar l'aurait remplacé à la session suivante, d'autant qu'il y a une dizaine de jours, Abdou Karim Bâ, ancien Pcr de Vélingara Ferlo a démissionné de son poste de conseiller et sera remplacé à la prochaine session", confie un des conseillers municipaux.
Le maire : "Depuis, il n'a pas siégé en tant que conseiller municipal"
Si des conseillers s'interrogent sur l'authenticité de la lettre du député de Bby, c'est parce que le suivant sur la liste majoritaire, Cheikh Dia dit "Bambado" n'a jamais été informé de cette démission, encore moins de son installation qui s'imposait. Alors, la responsabilité du maire Cheikh Mamadou Sow est engagée aussi bien pour n'avoir pas informé le Conseil et l'autorité administrative que pour n'avoir pas procédé au remplacement de Aliou Sow.
"Il n'a pas été remplacé depuis parce qu'on devait diligenter l'affaire", a dit Cheikh Sow qui pourtant avoue qu'"en tant que chef de l'exécutif local", c'est lui-même qui devait s'atteler au remplacement du démissionnaire "après avoir informé le conseil municipal et le sous préfet". Le maire de Vélingara Ferlo d'ajouter au téléphone : "Maintenant, on verra le suppléant qui sera installé par le sous préfet."
M. Sow précise que le député "n'est pas le seul" à devoir être remplacé. "Il y a deux autres démissionnaires et un décès. De toute façon, je ne vois pas d'inconvénients à cela. J'ai 46 conseillers et, donc, je ne crains pas un problème de quorum. Le moment opportun, Aliou Demba Sow sera remplacé, tout comme les autres démissionnaires", promet-il, soulignant que depuis lors, le président du Conseil départemental de Ranérou "n'a pas siégé en tant que conseiller municipal". Des conseillers municipaux jurent que Aliou Demba Sow a siégé au mois d'août 2014, alors que la lettre de démission est datée du 18 juillet de la même année.
Loi N° 96-11 du 22 mars 1996 et Code général des collectivités locales
Diouf Sarr cumule les erreurs
Il y a de quoi craindre qu'un éventuel recours de Aïda Mbodj devant la Cour suprême soit non seulement recevable mais que ses arguments prennent le dessus sur ceux du ministre en charge des Collectivités locales qui a mis fin à ses fonctions de conseiller départemental. Les articles du Code général des collectivités locales relatifs au Chapitre 4 traitant de "Dissolution du conseil, substitution, suppléance, cessation de fonctions" ne confèrent aucunement la prérogative pour Abdoulaye Diouf Sarr de prononcer la révocation de la responsable libérale.
Voici les scénarii. L'article 55 dispose :
Le président du Conseil départemental qui, pour une cause postérieure à son élection, ne remplit plus les conditions requises pour être président ou qui se trouve dans un des cas d'inéligibilité prévus par la loi, doit cesser immédiatement ses fonctions. Le ministre chargé des Collectivités locales l'enjoint de se démettre aussitôt de ses fonctions sans attendre l'installation de son successeur. Si le président refuse de démissionner, le ministre chargé des Collectivités locales décide par arrêté sa suspension pour un mois. Il est ensuite mis fin à ses fonctions par décret."
D'abord, si Aïda Mbodj n'a pas cessé "immédiatement" ses fonctions après constat de cumul de deux mandats, Abdoulaye Diouf Sarr ne lui a pas notifié une "suspension d'un mois". Par conséquent, son (simple) arrêté ne pouvait mettre fin à ses fonctions, le décret étant l'acte requis dans ces cas.
Confusion entre cumuls et incompatibilités
L'article 56 ajoute : "Le président du Conseil départemental nommé à une fonction incompatible avec son mandat est tenu de faire une déclaration d'option dans un délai de trente jours. Passé ce délai, il peut être invité par le ministre chargé des Collectivités locales à abandonner l'une de ses fonctions. En cas de refus ou quinze jours après cette mise en demeure, le président est déclaré démissionnaire par décret." Il faut faire remarquer que cette disposition traite de cas d'incompatibilité.
Or le cas Aïda Mbodj est relatif au cumul de plus de deux mandats, comme l'a si bien précisé le spécialiste de la décentralisation Amadou Sène Niang sur Rfm. Et même à supposer que la député du Pds était dans un cas d'incompatibilité, la tutelle n'interviendrait que pour l'inviter à"abandonner l'une de ses fonctions", puis, en cas de refus, seul un décret peut la déclarer démissionnaire.
Démissions volontaires
En revanche, l'article 57 stipule, et vraisemblablement il s'agit de démission volontaire, que "la démission du président du Conseil départemental est adressée au ministre chargé des Collectivités locales par lettre recommandée avec accusé de réception. Elle est définitive à partir de son acceptation par le ministre chargé des Collectivités locales ou un mois après envoi d'une nouvelle lettre recommandée".
Et c'est le cas de l'actualité collatérale de Aliou Demba Sow qui est visé par l'article 160 du même Code dans son chapitre traitant de "Démission Suspension Dissolution du Conseil municipal". Voici ce que dit cette disposition : "Les démissions volontaires sont adressées par lettre recommandée au maire avec copie au représentant de l'Etat, elles sont définitives à partir de l'accusé de réception par le maire ou un mois après un nouvel envoi de la démission constatée par lettre recommandée."
Révocations
Donc, sur les possibilités de révocation, il faut se référer aux articles 59 et 60 du nouveau Code général des Collectivités locales, comme le souligne Aliou Souaré. Sur sa page Facebook, il qualifie d'ailleurs la déchéance de Aïda Mbodji à la tête du Conseil départemental de Bambey sur la base de Loi N° 96-11 du 22 mars 1996 relative à la limitation du cumul des mandats électifs et de certaines fonctions, de "bévue" et d'"abus de pouvoir" de la part de Diouf Sarr.
En effet, cette loi visée par le ministre des Collectivités locales dispose dans son article premier :
"Nul ne peut cumuler plus de deux mandats électifs. Est considéré comme un seul mandat celui du maire ou du membre du Conseil de la Commune d'arrondissement représentant cette Commune au Conseil municipal de la ville."
Et l'article 2 ajoute :
La fonction de président de Conseil régional est incompatible avec les fonctions de président de l'Assemblée nationale, président du Conseil économique et social, ministre, président de comité de communauté urbaine, président de Conseil d'administration d'une société nationale ou société anonyme à participation publique majoritaire, directeur de société nationale ou société anonyme à participation publique majoritaire, directeur d'un établissement public, directeur d'administration centrale, maire ou président de Conseil rural, ambassadeur."
Remarque : cette loi est dépassée parce qu'étant contextualisée avec les conseils régionaux et communes d'arrondissements qui n'existent plus.