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26 avril 2025
Cheikh Anta Diop
PAR HAWA BA ET RENÉ LAKE
LES EXIGENCES DE BON SENS
POINT DE MIRE SENEPLUS - Dépasser la simple cartographie des obstacles au développement. Mettre en avant les actions fédératrices. Décoloniser la pensée, l’action publique et individuelle. Approfondir ainsi le processus qui mène à la décolonialité
SenePlus publie ci-dessous la préface de l’ouvrage collectif "Enjeux 2019-2024, Sénégal, réflexions sur les défis d’une émergence" publié aux éditions L’Harmattan sous la direction de René Lake. L’une des dédicaces de ce recueil d’essais indique clairement l’orientation général de ce texte : "À tous les Sénégalais et amis du Sénégal qui ambitionnent des choix nouveaux afin de tourner le dos à la gestion de la misère pour une exploration commune de toutes les voies endogènes de développement harmonieux basé sur le bon sens collectif".
Où pose-t-on le pied pour aller vers le développement ? À la fourche du sentier tracé dans la savane aride, dans quelle direction s’engager pour déboucher sur l’émergence ? Au-delà des mots, des slogans et des vœux pieux, comment enfourcher le cheval de bataille pour la construction d’un futur collectif qui nous sorte de l’attentisme dans lequel nous engluent les prétextes de l’histoire d’hier et ceux de la misère d’aujourd’hui ? Les campagnes électorales offrent l’opportunité de voir fleurir toutes les réflexions et tous les engagements pour un vivre ensemble. Pour un construire ensemble.
Le 24 février 2019, le Sénégal organisait sa onzième élection présidentielle depuis son accession à l’indépendance. Un exercice routinier pour un pays présenté comme l’une des locomotives en matière de gouvernance avec une dixième place et une moyenne globale de 61,6/100 dans le dernier indice de la gouvernance Mo Ibrahim, publié en novembre 2018. Le Sénégal a une longue tradition d’organisation d’élections diverses, organisées à intervalles réguliers et disputées entre différents partis politiques, coalitions ou citoyens indépendants.
Et pourtant, paradoxalement, les rendez-vous électoraux sont toujours un moment de cristallisation. Ils révèlent des vulnérabilités institutionnelles et sociales qui, pour certains, portent potentiellement le risque de saper les fondements de l’État-nation.
L’élection de 2019 n’a pas dérogé à la règle, avec une période préélectorale marquée par des défis anciens et nouveaux qui ont nourri de fortes tensions socio-politiques. Encore une fois, la présidentielle a été marquée par de profonds désaccords sur les règles du jeu électoral portant, d’une part, sur les modalités de participation des citoyens électeurs et des potentiels candidats (inscription et distribution des cartes d’électeur, loi sur le parrainage, poursuites judiciaires), et d’autre part, sur les conditions d’organisation de l’élection (fichier électoral, rôle du ministère de l’Intérieur, de la Commission électorale nationale autonome [CENA], du Conseil national de régulation de l’audiovisuel [CNRA] et du Conseil constitutionnel). En cette absence de climat de confiance autour du processus, voilà que les enjeux autour de l’élection risquaient d’être confinés à la procédure, renforçant la thèse que le pays n’est encore qu’une démocratie procédurale.
La Grande Nuit
L’année 2020, c’est celle du soixantième anniversaire de l’indépendance du Sénégal. À l’unisson, plusieurs pays africains fêtent la fin, depuis plusieurs décennies, de l’odieuse période coloniale. Ce pan de l’histoire, coloré d’une multitude de crimes et d’attaques à la plus élémentaire humanité des soumis, semble se prolonger et rendre bien difficile la sortie du continent noir de la Grande Nuit.
Au milieu du grand sommeil, c’est le cauchemar sans fin de la haine de soi qui hante nos esprits. Il ne s’agit plus de se dresser contre le colon et le colonialisme, mais de se redresser pour s’extraire des effets et méfaits du passé qui prolongent au présent l’épaisseur de la nuit.
C’est ce sommeil qui explique qu’une figure importante de l’élite puisse publier ses mémoires post-indépendance et faire référence exclusivement au jugement laudateur porté sur son action par des Français. La caricature va jusqu’à ne citer, sur plus de 350 pages, que des auteurs de ce qu’était la métropole avant les années 60.
C’est ce sommeil qui justifie la violence, psychologique, émotionnelle et intellectuelle sans nom qui se poursuit depuis 60 ans dans l’initiation des enfants au savoir et à la connaissance. Dès leurs premiers contacts avec l’école, leur univers mental est façonné avec brutalité dans une langue étrangère à l’écrasante majorité de la société qui est la leur. Dans la plupart des cas, le choc est tellement insupportable que les adultes qu’ils deviendront n’y feront jamais référence. Quelle manière habile de ne jamais questionner l’absurdité d’un système qui refuse les évidences de bon sens !
C’est ce sommeil qui prolonge l’extraversion monétaire. À grande échelle, comme nulle part ailleurs, le lien ombilical avec la métropole ancienne est maintenu par un instrument d’échange dont le seul avantage est d’inciter à l’importation et de favoriser le rapatriement à l’extérieur des revenus générés dans l’ancienne colonie. Les élites d’ici et de toute l’Afrique francophone ont pourtant l’illusion d’être bénéficiaires de cet instrument qui hypothèque en fait toutes les chances d’un développement économique. L’inexistence d’un tel modèle sur le reste de la planète ne semble pas inciter au réveil.
C’est ce sommeil qui perpétue le renoncement à assurer sa sécurité pour la confier à l’ancienne puissance coloniale tout en sachant que les interventions militaires unilatérales sont toujours rejetées par les peuples. L’argument est celui du réalisme pour des micro-États d’une Afrique balkanisée qui n’ont pas les moyens de se défendre face à des attaques extérieures. Cette approche est à contre-courant de l’histoire qui suggère l’alternative d’une coalition internationale dans laquelle l’ancien colonisateur n’a pas toute la marge de manœuvre. Cette « multi-dépendance » est une alternative bien plus réaliste et constructive que celle générée par la prolongation des interventions unilatérales françaises en Afrique.
Cet ouvrage collectif ne revient pas sur la topographie des complexes du colonisé qui empêchent le développement. Des tonnes de pages ont déjà été écrites sur ce drame des opprimés. Cette compilation de textes écrits avec des sensibilités différentes ambitionne plutôt de dépasser la simple cartographie des obstacles et des freins au développement et de mettre en avant les exigences de bon sens qui pourraient être fédératrices d’une action commune. Elle prétend participer de manière hardie à décoloniser la pensée et l’action publique et individuelle. Les exigences de bon sens apparaîtront clairement au fur à mesure de l’approfondissement du processus qui mène à la décolonialité.
Dans les centaines de pages qui suivent, il ne s’agit pas de déférer aux passions des auteurs au lieu d’employer leur raison. L’ambition est d’entretenir une réflexion commune, mais plurielle sur notre présent et notre futur communs. L’espoir est de générer de la lumière plutôt que de diffuser de la chaleur qui attise les contradictions. Cependant, il n’est pas question pour autant d’effleurer les sujets et de les survoler sans en affronter les écueils.
Un groupe de citoyens concernés
Les résistances à la réflexion autonome, au développement d’une pensée et d’une action endogène sont multiples et multiformes. Le courage des auteurs est mis à l’épreuve. Le test est vite passé parce qu’il s’agit d’un groupe de citoyens concernés qui vivent dans leur quotidien leur désir de progrès pour tous. Tous s’accordent à dire que l’état dans lequel se trouve le pays est le résultat de choix. Les choix auraient pu être différents. Mais aujourd’hui, la posture de victime n’est pas une option. Des dynamiques internes doivent initier des mouvements endogènes susceptibles de réparer les blessures infligées par d’autres, mais également, aujourd’hui, principalement par nous-mêmes.
L’expression du moindre changement qui profiterait au plus grand nombre est souvent castrée sous un label disqualifiant. Tantôt c’est une référence au populisme, au gauchisme, à une certaine radicalité idéaliste ou encore à une forme d’extrémisme destructeur. Peu importe si le changement préconisé relève du simple bon sens et de l’évident intérêt du plus grand nombre, pour ne pas dire de l’ensemble de la communauté.
Autre stratégie des conservatismes : s’opposer au changement, à l’évolution, au nom de la tradition, de l’héritage ancestral. L’idée est toujours la même : hier, c’était mieux. Préserver le passé, avancer en reculant vers des pensées et pratiques rétrogrades, c’est toujours mieux parce que cela maintient le système en l’état et continue de bénéficier à ma caste, à ma secte, à mon groupe, à ma classe. Et puis les références d’hier sont connues. Les changer, les modifier, y compris, pour les améliorer significativement, fait prendre le risque de l’inconnu qui pourrait remettre en question non seulement l’ordre établi, mais aussi la hiérarchie des pouvoirs anciens.
Toutes ces formes de lutte contre le progrès sont vivaces et pleines d’énergie dans notre société.
L’élection présidentielle a été un prétexte pour le site d’informations et d’opinions SenePlus.com et ses analystes de lancer, relancer la conversation nationale pour qu’ensemble nous puissions dire que nous n’acceptons plus la misère. Nous ne voulons plus d’une adaptation à la misère. Nous voulons exprimer et mettre en œuvre une ambition pour le pays, pour nos populations. L’ambition va au-delà de la gestion de la misère. Dans cette expression, les auteurs mettent en avant leur capacité à accepter l’imperfection du consensus contre l’idéalisme d’une utopie.
Avec son projet #Enjeux2019, SenePlus a voulu offrir aux Sénégalais, aux amis du Sénégal et aux candidats à la présidentielle de 2019 une opportunité d’être informés et peut-être édifiés, sans parti pris, sur les questions de fond qui touchent à la vie du citoyen et de la nation. Pendant plusieurs mois, SenePlus, qui se veut un espace d’exploration et d’expression libre et plurielle des décideurs et des leaders d’opinion, s’est ouvert à des universitaires, des éditorialistes, des activistes, des experts, des citoyens concernés, de diverses générations et avec des regards croisés, qui ont scruté les grandes problématiques et les secteurs-clés du sociétal, du culturel, de l’économique et du politique.
Ces analyses se sont intéressées aussi bien aux questions strictement nationales qu’à celles concernant notre environnement géopolitique et stratégique immédiat, mais aussi global. Ainsi, la sécurité, la diplomatie, l’éducation, la justice, la monnaie et les médias ont été passés à la loupe. Un accent tout particulier a été mis sur des sujets sensibles dans la société sénégalaise tels que le traitement des enfants, les violences faites aux femmes, les enjeux de l’enseignement en langues nationales et les défis environnementaux grandissants.
Avec #Enjeux2019, SenePlus a redonné vie, corps et voix à l’intellectuel public sénégalais. Les analystes que l’on entendait de moins en moins ont planché sur les questions majeures et partagé avec tous savoir, interrogations et propositions pour un Sénégal en progrès. Cet espace dans lequel s’est déroulé cet exercice a été celui d’une acceptation de la dissidence. Les propos contraires, les critiques ne sont pas des ennemis. Les voix dissidentes participent à la construction de réponses pertinentes et constructives.
De la démocratie procédurale, vers une démocratie substantielle
Enfin et en somme, #Enjeux2019 s’est voulu une pierre précieuse dans l’édifice dont l’ambition est de faire évoluer la démocratie, encore largement procédurale, vers une démocratie substantielle, où le fond prime sur la forme. Participer à l’œuvre de bâtir une citoyenneté forte. Appuyer sur les leviers d’une démocratie délibérative et participative.
À une époque où le citoyen a peu de lisibilité sur l’offre politique, sur les partis politiques et leurs orientations idéologiques, où l’accent est plutôt mis sur des individualités présentées comme des messies, quoi de plus salutaire que de poser le débat en termes de faire société ensemble ?
Où voulons-nous aller et comment y parvenir ? Qui décide de l’agenda et qui s’assure du contrôle de conformité entre le cahier des charges et la mise en œuvre ? Comment s’assurer que les actes sont conformes aux promesses ?
L’ambition de cet ouvrage est aussi de servir de référence aux amis du Sénégal, en particulier aux agences bilatérales et multilatérales dans le secteur du développement international. Ils trouveront ici ce que des Sénégalais et des amis du Sénégal, des acteurs et militants du développement pensent être les véritables priorités pour le pays. S’ils ont l’ambition de donner un coup de main à portée réelle, ils sauront quoi faire et comment le faire.
Cette compilation de textes est une ambitieuse initiative et vous livre sur plus de 500 pages les réflexions des nombreux contributeurs sur le Sénégal de 2019 et sur ce que devrait être le Sénégal de 2024. L’ouvrage comporte trois parties.
Une première partie examine les défis chroniques auxquels fait face la société sénégalaise. Ces défis sont à la fois la cause et la résultante de vulnérabilités multiples et imbriquées de plusieurs manières. Ces vulnérabilités sont d’abord symboliques et concernent notre être, notre rapport à nous-mêmes et à l’autre : les contributions sur les langues nationales, la culture et leur place dans les politiques publiques en attestent largement. Elles sont aussi économiques, politiques et sociales. Et c’est parmi ce que la nation renferme de plus cher que la somme de ces trois types de vulnérabilité se manifeste, à savoir, les enfants, avec la lancinante question des talibés ; les femmes, prises entre le marteau du patriarcat et l’enclume de la faillite de l’État à les protéger et garantir leurs droits socio-économiques, civils et politiques ; et enfin les familles, qui payent le lourd tribut de la crise multiforme que vivent nos sociétés.
La deuxième partie traite de la culture et de la société. Elle renferme des contributions de très haute facture sur les politiques culturelles, les jeunes, la santé et la protection sociale, les médias, l’éducation, et plus largement, la justice sociale.
Enfin, la troisième partie regroupe l’ensemble des contributions traitant de l’économique et du politique avec des analyses pointues sur l’état des institutions et les besoins en matière de réformes, les performances et politiques économiques en rapport avec la demande sociale. La question du franc CFA est abordée, avec à la clé le débat sur la souveraineté monétaire ou encore la souveraineté tout court après 60 ans d’indépendance. Le Sénégal étant situé dans une région fortement affectée par des défis sécuritaires, les interpellations sont multiples. Quel est le véritable niveau de préparation face au danger terroriste qui menace le pays ? Quelle stratégie d’alliance régionale et internationale pour faire face aux dangers croissants ? Quelles réponses aux menaces intérieures qui semblent de plus en plus agitées ?
Au vu de tous ces challenges, politiques et économiques, comment faire de nos cultures et de nos fondements sociétaux de véritables ressorts d’élévation de la jeunesse ? Comment transformer le dividende démographique, les nouvelles technologies de l’information et les ressources naturelles nouvellement découvertes, en leviers pour élaborer ensemble un nouveau contrat social sénégalais ?
Les pages de cet ouvrage collectif sont moins une injonction qu’un possible. À la suite du projet #Enjeux2019 pointe celui de #Consensus2019-2024. Il doit s’appuyer sur les acquis de notre vivre ensemble, de notre génie politique, de nos atouts économiques et de l’impérieuse nécessité de bâtir une société plus juste et plus équitable, surtout à l’endroit des plus jeunes, des femmes, des personnes vivant avec un handicap.
N’ayons pas peur du vertige qui parfois accompagne les pas en avant. Soumettons-nous au vertigo, à ce que les anglophones appellent « Falling Forward », tomber en avant pour progresser. Cela revient à s’appuyer sur les leçons du passé pour en sortir et construire aujourd’hui et demain.
Demain est un autre jour qui n’a pas encore été entamé. Il est inédit. Les pages de son histoire sont encore vierges. À nous de les écrire avec nos mots, notre regard, notre vision, nos espoirs, nos doutes, nos nuances, nos ambitions, notre détermination et tout notre engagement.
Peut-on préparer toute une conférence sur une carte de visite ? L’égyptologue congolais Théophile Obenga relève quelques qualités exceptionnelles du père de l’égyptologie, le professeur Cheikh Anta Diop, qu’il a côtoyé pendant des années
L’égyptologue congolais Théophile Obenga, disciple et compagnon de Cheikh Anta Diop, rend un vibrant hommage à son mentor, le savant sénégalais et père de l’égyptologie. Le Pr. Théophile Obenga originaire de Congo Brazzaville invité en RDC pour être honoré par ses paires, a profité a détour d’une interview pour lever un coin de voile sur une facette de la vie de Cheikh Anta Diop. Il s’agit du témoignage de souvenir qu’il garde encore de du célèbre chercheur sénégalais, lors de son passage de à Lubumbashi en République démocratique du Congo dans les années.
Théophile Obenga se rappelle que l’égyptologue était très attendu pour une conférence qu’il devrait faire face aux étudiants. Mais paradoxalement, l’invité ne faisait rien en termes de préparation. Il était plutôt zen et relaxe alors que lui Obenga s’en inquiétait. Et quand il l’incite à préparer quelque chose, surprise.
C’est sur le dos d’une carte de visite que Cheikh Anta griffonne juste 1, 2n 3, 4 comme pour rassurer Obenga qui malgré reste sceptique. Mais quand est venu le moment, Cheikh Anta a brillé de mille feux et a émerveillé son audience au point d’être porté en triomphe par les étudiants eux homme, tout colosse qu’il fut. Pour Théophile, la conférence publique qui portait sur «L’histoire ancienne de l’Afrique», tutoyait la perfection en dépit de cette absence manifeste de préparation de la part du conférencier.
Le comble c’est que ça a duré 4 tours d’horloge. « Il l’a fait sans papiers pendant 4 heures un beau discours avec une logique, un vocabulaire choisi, une éloquence», rare à tel enseigne qu’un enseignant belge président confie à Obenga que même si on n’est pas d’accord avec Cheikh Anta Diop, après l’avoir écouté, il faut vraiment l’être.
«C’était extrêmement éblouissant. C’était tellement éblouissant qu’à la fin de la conférence, les étudiants du campus ont débordé la police universitaire , ils ont soulevé Cheikh Anta Diop qui était un colosse et l’ont porté en triomphe à travers le campus. Ils l’ont soulevé comme un enfant. On ne pouvait pas les arrêter. C’était émouvant, la police était débordée», révèle l’égyptologue congolais. Face à la beauté du discours « tu ne peux qu’être admiratif», dit l’universitaire congolais qui découvrait ainsi cette autre part de Cheikh Anta Diop : son «éloquence naturelle».
Le professeur relève dans son entretien quelques comportement barbare de l’homme blanc qui a toujours la propension a considéré le Noir comme barbare et primitif. Or, rappelle le prof, à une époque, quand vous mourrez sans savoir payer vos impôts, le pouvoir colonial vous coupait un membre pour compenser le non-paiement de l’impôt, quand vous voliez un petit fromage, l’on vous pendait. C’est cela un monde civilisé ? S’interroge l’universitaire congolais qui estime que les Blancs ont «reversé les valeurs» pour mener à bien la colonisation
Suivez sone entretien
par Cheikh Tidiane Gadio
CHEIKH ANTA DIOP MÉRITAIT PLUS ET MIEUX
Dans l’édition du Devoir de mars 1986, le sociologue, journaliste et plus tard ancien ministre des Affaires étrangères du Sénégal, rendait hommage à Cheikh Anta Diop qui venait de nous quitter
Le Devoir |
Cheikh Tidiane Gadio |
Publication 11/05/2021
Dans l’édition du Devoir de mars 1986, le sociologue et journaliste Cheikh Tidiane Gadio rendait hommage à Cheikh Anta Diop qui venait de nous quitter.
Nous reproduisons cette capacité divinatoire de celui qui a été le ministre des Affaires étrangères de Me Wade et combattant pour la paix en Afrique.
Loin de la querelle d’héritiers présumés, le Dr Cheikh Tidiane Gadio apprécié de partout aujourd’hui a produit il y a près de quarante ans un très bel article d’un journaliste engagé comme il en existait à l’époque. Nous avons redécouvert avec un plaisir inégalé le vocabulaire, la syntaxe et les tournures de ce texte d’hommage à un très grand homme.
C’est un cadeau mémoriel inestimable du Devoir qui rend hommage aujourd’hui à cette capacité de vision sur le futur d’en enfant du siècle.
Cheikh est parti. L’heure est surtout au recueillement car, comme le dit une métaphore négro-africaine, « ses os n’ont pas encore refroidi sous terre ». Aussi, seule la dignité est de mise. Mais il reste que l’amertume des Sénégalais (des Africains) est visiblement une amertume coléreuse.
L’Occident impérialiste, angoissé et destructeur nous avait dénié jusqu’à la simple appartenance au genre humain en nous différenciant à peine du singe. Ce constat rend encore plus amer le gâchis énorme qui a résulté de l’isolement et de la banalisation de l’immense « technicien du savoir pratique » que fut Cheikh Anta Diop.
De simples ouvriers m’ont confié 24 heures après sa mort : « On n’a pas voulu utiliser ses connaissances de son vivant, maintenant on va le magnifier en son absence. Ah les Africains !». Cheikh Anta, ami des simples gens, a dû les approuver sans réserve là où désormais il se trouve.
Vigilants se doivent d’être tous les progressistes africains. Après le torrent unanimiste de larmes qui a charrié douleur, révolte et peut-être regrets sincères, il faut maintenant froidement et sereinement méditer et s’approprier les leçons de courage et de constance de Cheikh Anta Diop afin que de tels gâchis ne soient plus possibles dans une Afrique encore reine des souffrances et des humiliations.
Première leçon de courage. Relever la tête et faire face aux grands défis, c’est fatalement dans notre Afrique écartelée et pressurée- opter résolument pour un destin tragique. Cabral, Lumumba, NKrumah, Fanon, Cheikh Anta et même David Diop et Mandela sont de cette race prestigieuse d’intellectuels organiques dont la sincérité, l’engagement et la passion pour les masses n’ont d’égal que les brimades, vexations (et parfois assassinats) qui ont jalonné leur vie de combat. « On n’est rien sur terre si on n’est pas l’esclave d’une cause : celle de la justice, celle de la liberté et celle des peuples » disait Fanon, disaient-ils tous. Ce même Fanon a pu aussi dire « (…) En tant qu’intellectuel (…), je m’engage à affronter le risque de l’anéantissement pour que deux ou trois vérités jettent sur le monde leur essentiel de clarté ». Merveilleuse épitaphe pour la pierre tombale de l’enfant de Thieytou. Car Cheikh aussi a affronté le risque de l’anéantissement et ses deux ou trois vérités hantent et hanteront pour toujours l’histoire falsifiée de l’humanité.
Dévoués aux masses de notre continent, ces intellectuels ont toujours été. Inconnus d’elles, ils ont aussi souvent ou parfois été style élitaire de leur part, ou bien obstruction et écran de fumée entre eux et les masses ! En tout cas, le mythe a bien souvent supplanté la réalité scientifique et féconde de leur œuvre.
Enfant, j’avais entendu et propagé avec la certitude innocente de l’adolescence qu’il existait au Sénégal un homme qui demandait peu de moyens pour éclairer le Sénégal tout entier à partir de Tambacounda avec… une seule lampe. D’autres mythes témoignent encore de l’éblouissement provoqué par le génie de Cheikh Anta.
CONSENSUS
L’impérissable Mao Tsé Toung et Jean Paul Sartre, l’autre symbole attachant, ont bénéficié de plus de clémence que les autres. L’usure implacable du temps leur a quand même laissé le temps de goûter aux fruits si doux de l’arbre universel généré par leur œuvre novatrice. Les autres géants de ce siècle de tragédie, de confusion et de lumière tout à la fois, ont, pour l’essentiel, été incompris, mal aimés, isolés, n’ayant comme compagnon fidèle que le froid mordant de la solitude.
Heureusement qu’en Afrique-deuxième leçon-la mort des grands hommes réunit sur l’essentiel. La symbolique qui entoure les grandes pertes provoque chez nous un moment consensuel exceptionnel. J’ai été ému de voir d’authentiques adversaires politico-idéologiques de Cheikh visiblement bouleversés, assister, les yeux rougis et les dents serrées, à l’oraison funèbre prononcée de façon somptueuse et majestueuse par des amis ou par des officiels à la demeure du défunt. Le moment n’était pas à la démesure et aux rancœurs car Cheikh réalisait, là encore, une œuvre pharaonique (c’est-à-dire grandiose) ultime réunir – en dépit de l’adversité normale – les Africains sur l’essentiel sans contrepartie de reniement ou de renonciation.
Le discours admirable de Iba Der Thiam dont le cœur a parlé plus que le mandat de la raison d’Etat n’a pu néanmoins combler l’absence remarquée de Abdou Diouf lui-même. C’est là un grand rendez-vous avec le peuple, attentif en de telles circonstances, qu’a manqué un homme dont l’arrivée au pouvoir a pu favoriser des ambiguïtés dans la facette homme politique de Cheikh Anta. C’est là me semble-t-il une fissure dans le consensus autour de Cheikh Anta symptomatique du contenu que l’homme du consensus national met dans le consensus qu’il préconise au demeurant.
L’autre fissure, mais celle-là à peine surprenante, vu le manque de finesse réputé du « ministre-rédacteur en chef suprême », est la lenteur de réaction impardonnable de l’ORTS. Et c’est la troisième leçon. Il n’est pas difficile de deviner le faux dilemme qui d’ailleurs n’en est un que pour le journalisme aux ordres. L’équation à résoudre aurait fait sourire le professeur Cheikh Anta. Bien voilà un deuil national frappe notre pays le jour où dans l’entendement de certains «la nation entière attend frémissante Abdou Diouf de retour d’un périple triomphal ».
Alors la solution à l’équation, elle est tristement invariable quoi qu’il advienne dans la vie de la nation, d’abord et toujours le président.
Il est déplorable que notre ORTS soit englué dans un culte de la personnalité tyrannique qui horrifie le simple bon sens. Le Vendredi 7 février 1986, Cheikh Anta, tragiquement, malgré lui, avec son immense charisme, a occupé sans conteste les devants de l’Actualité nationale.
INDELICATESSE ET INDECENCE
Pour des Sénégalais-et c’est mon cas- qui ont appris la mort de Cheikh Anta vers 20h25, il est légitime de se précipiter sur le petit écran. 20H30 : le journal. Trois titres : Retour de Abdou Diouf, Philippines, Haiti ; Point de Cheikh Anta
Le journaliste de service, avec un look visiblement atterré, diffuse stoïquement les 15 à 20 minutes sur l’arrivée du président. Pis : un autre journaliste inspiré par une indécence renversante, trouve le moyen de faire éclater de rire le président à propos de la « douce dame de fer ». Terrible révélation pour les Sénégalais : la TV est un médium redoutable qui, par un effet boomerang, peut se retourner contre ses utilisateurs. Car je me garderai de rapporter ici les propos et réaction des gens religieusement plantés devant leur téléviseur espérant des images de Cheikh Anta plus qu’autre chose…
En fait d’images de Cheikh Anta, à la 20ème minute du J.T, on aura droit à une pâle image fixe pendant deux petites minutes. C’est peu. C’est insuffisant. C’est injuste. C’est Cheikh A…
Pendant ce temps, au Gabon, à « Africa no 1 », des heures d’émission étaient consacrées à Cheikh Anta avec l’instantanéité qui sied aux exigences d’une station qui se respecte.
Pendant ce temps, au Congo, un deuil national était décrété pour magnifier l’illustre africain Cheikh Anta Diop. Pendant ce temps, des Sénégalais furieux s’interrogeaient : Cheikh Anta aura-t-il un deuil national comme de Gaulle l’a eu au pays de la négritude et de l’enracinement ? Certes, l’ORTS s’est largement rattrapé par la suite. Côté radio surtout. Pour les images de Cheikh Anta, on attend…. Et on attendra longtemps car l’irréparable a été consommé. Le monde entier va découvrir qu’au Sénégal, terre de démocratie, de pluralisme et d’ouverture, des « géants du savoir » de la trempe de Cheikh depuis douze ans qu’existe la T.V., n’ont pas les honneurs du passage à l’antenne.
Alors veut-on rectifier ? Oui ? Alors faisons vite. Car sur d’autres registres, des Sénégalais tels les Mamadou Dia, Majmouth, Abdoulaye Ly, Abdoulaye Wade, Abdoulaye Bara Diop, Amady Ali Dieng et autres témoins et acteurs majeurs de la vie politique et intellectuelle nationale n’ont plus la fougue de leurs trente années, même si c’est un souhait des dizaines d’années peuvent les séparer du rendez-vous fatal…
Rien que l’atmosphère survoltée et teintée de colère, lors de l’hommage rendu à Cheikh Anta par l’Université, peut prouver aux autorités que sans être forcément bellicistes, les masses ont une mémoire vigilante face aux grandes injustices. Amar Samb de l’Université a été bouleversant de spontanéité (désordonnée certes), mais admirable d’émotions vraies et de révélations poignantes. Cheikh Anta, opposant politique au régime sénégalais, fut cependant une force intarissable et inlassable de propositions généreuses et salvatrices. Cheikh, contre ceux qui arguent de la faiblesse de nos infrastructures, avec son petit laboratoire de l’IFAN, a fait sinon mieux du moins autant que les laboratoires suréquipés d’Occident. Cheikh non-poreux aux honneurs factices n’a pas jubilé lors de son accession au grade de chevalier de l’Ordre National du Lion. C’est ici que son image pure et sublime se superpose à celle de Sartre refusant, à la stupeur générale, le Nobel et autres distinctions, pour leur préférer l’amitié touchante, fidèle, et admirable des simples gens. Amar Samb a bousculé et dérangé. Le Sénégal entier… n’eut été la censure des média d’Etat- aurait dû lire, voir et entendre son précieux témoignage sur le côté être de chair, de sang, de sentiments, de principes de Cheikh Anta.
L’autre homme de courage de cette séance mémorable fut le doyen Aloise R. Ndiaye de la Faculté des Lettres qui n’a pas résisté à l’envie d’être l’interprète de la clameur populaire (des enseignants et des étudiants). Clameur qui a déjà, de fait, baptisé l’Université de Dakar, université Cheikh Anta Diop. Le gouvernement a-t-il senti naître se développer et exploser ce sentiment fort répandu en proposant dans une précipitation suspecte d’associer le nom de Cheikh Anta à l’IFAN ? C’est peu. C’est insuffisant. Cheikh mérite plus… D’ailleurs où est le problème ? L’Université de Dakar est vierge de tout baptême ; alors vivement que les autorités se conforment au commun vouloir des Sénégalais.
Du reste, quand on est bien intentionné, il n’est jamais trop tard pour bien faire. Aussi, nos propositions sont les suivantes :
Que le gouvernement décrète le «7 février journée culturelle et scientifique Cheikh Anta Diop fêtée sur toute l’étendue du territoire national, le deuil national manqué sera vite oublié !
Que l’Université de Dakar porte le nom de l’illustre professeur, l’Ecole nouvelle n’en sera que plus rédemptrice et mieux lancée… !
Que l’œuvre de Cheikh Anta soit méthodiquement, patiemment expliquée aux larges masses qui ignorent parfois jusqu’à l’existence de l’Egypte antique, afin que ces masses (seules créatrices de l’histoire universelle) en fassent avec l’apport d’autres idéologies progressistes une force matérielle capable de briser les reins à l’Apartheid (désir ardent de Cheikh Anta), vaincre famine, sécheresse, humiliation impérialiste (préoccupation constante de Cheikh)-mettre fin à l’oppression pluri-séculaire de la toujours souffrante race nègre dont le pénible sanglot retentit toujours des Caraïbes aux Amériques, de l’Afrique à l’Europe (souci majeur de Cheikh) édifier les Etats Unis démocratiques et progressistes d’Afrique (volonté permanente de Cheikh).
Nous attendons. Nous agissons. Nous espérons. Quant à toi Cheikh Anta Diop, excuse cette pelletée de terre tardive, mais sache qu’elle n’a pas le poids de ce que la jeunesse africaine te doit.
par l'éditorialiste de seneplus, alymana bathily
AMADOU MAKHTAR MBOW, CE CONTEMPORAIN FONDAMENTAL
EXCLUSIF SENEPLUS - L’enseignement de nos héros nationaux à tous les niveaux de l’école, dans les langues du pays, est indispensable si nous voulons ancrer dans les mémoires, de génération en génération, notre trajectoire historique
Alymana Bathily de SenePlus |
Publication 07/04/2021
Je reprends ici l’expression en l’appliquant à Amadou Makhtar Mbow pour signifier que l’homme qui vient de fêter son 100e anniversaire représente pour nous Sénégalais et autres Africains, à la fois une référence historique et une balise mémorielle importante.
Il représente l’une de ces figures contemporaines, acteurs de premier plan et témoins privilégiés de notre histoire récente. Comme ses autres contemporains que sont entre autres, Léopold Sédar Senghor, Cheikh Anta Diop, Mamadou Dia, Abdoulaye Ly, Majemout Diop et Abdoulaye Wade.
Ce qui est remarquable chez ces hommes-là, qui sont de la même génération à peu près, c’est que le combat politique pour l’indépendance de l’Afrique se doublait toujours d’un engagement intellectuel fécond sur d’autres champs. La poésie pour Senghor, l’égyptologie pour Cheikh Anta Diop, l’économie politique pour Mamadou Dia, l’histoire pour Abdoulaye Ly, la sociologie politique pour Majemout Diop, l’économie et le droit pour Abdoulaye Wade.
C’est pourquoi la figure et le parcours de vie de chacun de ces hommes sont particulièrement significatifs et peuvent servir de référentiels pour les générations actuelles et futures.
Pourquoi ce contemporain est-il si fondamental ?
D’abord du fait de cette trajectoire intellectuelle et politique tout aussi éclectique et qui a bénéficié d’une remarquable longévité. Il a traversé quasiment le siècle dernier en prenant part à toutes les grandes luttes intellectuelles et politiques dans lesquelles le destin du Sénégal et de l’Afrique s’est joué. Il fut, on le sait, tour à tour et parfois simultanément, activiste étudiant, enseignant et chercheur, militant et dirigeant de parti, ministre, directeur général de l’UNESCO et maître d’œuvre des Assises nationales du Sénégal.
D’abord, étudiant, il fut de ceux qui ont initié dans les années 1940 en France les luttes des étudiants africains et qui ont ouvert la voie à la Fédération des Étudiants africains en France (FEANF) dont on connaît la contribution à l’indépendance de l’Afrique.
Ensuite, dans le champ de l’éducation et de la culture, il s’impose comme une référence essentielle.
Du fait de sa formation initiale de professeur d’histoire et de géographie, de sa pratique d’enseignant en Mauritanie et au Sénégal, de ses recherches sur le terrain, de ses travaux sur l’éducation de base et des réformes des programmes d’histoire et de géographie qu’il a proposées en 1965 déjà.
Du fait aussi de ses fonctions de ministre, de l’éducation et de la Culture dans le gouvernement d’autonomie interne en 1957/1958 puis de l’éducation nationale de 1966 à 1968.
Il y a aussi que dans le champ politique, il fut un témoin privilégié et un acteur de premier plan, souvent à des moments décisifs de notre histoire.
Ainsi, pendant cette période charnière qui va du Congrès constitutif du Parti du Regroupement africain (P.R.A) à Cotonou, en juillet 1958 ou le projet d’indépendance immédiate de l’Afrique de l’Ouest sous domination française dans un cadre fédéral est lancé, au démantèlement du PRA réduit en une section sénégalaise qui se dissoudra en 1966 dans l’Union Progressiste Sénégalaise (UPS). Ainsi sa « station » de ministre de l’Éducation nationale du Sénégal jusqu’aux « événements de mai 1968 ».
Il y a aussi bien entendu sa présidence de l’UNESCO de 1974 à 1988, pendant cette période de la « Seconde Guerre froide » « quand tout était possible même le pire » pour l’humanité, quand il a voulu faire de ce bras culturel de l’ONU, un moyen pour établir un système mondial d’échange équitable de communication et d’échanges culturels.
En s’entourant de quelques-uns des esprits les plus brillants et les plus généreux de l’époque comme l’avocat irlandais, cofondateur d’Amnesty International, Sean Mc Bride, le journaliste français et fondateur du quotidien Le Monde, Hubert Beuve-Méry, l’écrivain colombien et prix Nobel de littérature Gabriel Garcia Marquez et le sociologue américain des médias Marshall Mc Luhan.
Enfin, il y a son rôle de maître d’œuvre et de caution intellectuelle et morale des Assises nationales du Sénégal.
Amadou Makhtar Mbow, un monument ?
La célébration du 100e anniversaire de l’homme dans le cadre d’un musée, le Musée des Civilisations Noires qui plus est, une première il me semble, est significative : elle semble indiquer une volonté nationale délibérée de conserver désormais le legs de nos contemporains fondamentaux pour le rappeler à notre mémoire à volonté et le transmettre aux générations futures.
Il s’agirait de constituer ainsi le patrimoine humain de la Nation pour le partager aujourd’hui et demain entre nous, avec l’Afrique et avec le monde entier.
On s’est souvent référé à Amadou Makhtar Mbow comme à un « monument ». Entendons le mot comme signifiant à la fois témoin et mémoire d’une époque. Mais ceci ne veut pas dire que nous devons ériger une statue à la gloire et au souvenir de l’homme.
D’abord parce que la statue comme support et rappel de la mémoire me parait d’effets limités, même quand il s’agit de figures contemporaines. Voyez la statue de Cheikh Anta Diop à l’entrée du campus de l’Université éponyme : je doute qu’elle convoque l’illustre égyptologue et homme politique à la mémoire des passants, même étudiants.
Cela n’a rien à voir avec la valeur artistique de l’œuvre, mais avec le fait que la statue n’est évocatrice que dans un cadre culturel de référence, pour ceux qui ont été préalablement initiés à son sens. Ce qui est valable il est vrai pour toute expression artistique.
La transmission orale me semble particulièrement indiquée pour célébrer et transmettre la mémoire de nos grands hommes (et femmes !). Je ne parle pas ici des griots dont l’art est trop souvent si perverti par la politique, qu’ils se déguisent désormais sous le sobriquet de « communicateurs traditionnels » et qu’ils ne sont en rien ces gardiens de la mémoire historique et dépositaires de la tradition d’antan. Je pense plutôt à ces « spécialistes de l’oralité », conteurs autant qu’artistes que sont par exemple Massemba Gueye, Boubacar Ndiaye et Dyénaba Gueye, entre autres. Je pense aussi aux musiciens modernes et particulièrement aux rappeurs. Mais il y a aussi et d’abord l’école. Car c’est là que se forge la mémoire autant que se transmet le savoir.
L’enseignement de nos héros nationaux, contemporains et anciens, de Njajaan Njaay à Amadou Macktar Mbow, à tous les niveaux de l’école, dans les langues du pays, est indispensable si nous voulons ancrer dans les mémoires, de génération en génération, notre trajectoire historique en tant que peuples et l’idée de notre communauté de destin.
Le livre est bien entendu un support indispensable pour ce faire. L’ouvrage de M. Mahamadou Lamine Sagna : « Amadou Mahtar Mbow, une légende à raconter » devrait être suivi de beaucoup d’autres.
Les techniques du multimédias et du numérique qui sont déjà, il me semble bien intégrées dans nos musées, devraient être exploitées dans toutes leurs fonctions.
Mais nous ne disposons toujours pas dans ce pays, d’un fonds organisé d’images et de sons, indispensable à la conservation mémorielle surtout quand elle porte sur un Amadou Makhtar Ba, un Mamadou Dia ou un Cheikh Anta Diop dont les patrimoines comportent tant de documents audiovisuels.
Il est souhaitable qu’une institution comparable à l’Institut National de l’Audiovisuel (INA) en France, à la BBC Archives en Grande-Bretagne ou aux US Archives of Public Broadcasting soit mise sur pied.
Une telle institution dont l’accès et l’usage par le grand public seraient facilités en vertu d’une Loi sur l’Accès à l’Information (régulièrement annoncée et toujours différée), permettra aux publics de connaître véritablement ces contemporains et de s’identifier à eux.
abathily@ seneplus.com
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CHEIKH ANTA DIOP AU COLLOQUE DU CAIRE
L'évenement tenu en 1974 avait pour but de rétablir la vérité au sujet de la véritable identité des égyptiens anciens qui étaient des kamites natifs du continent africain !
Le colloque du Caire qui a eu lieu en 1974 avait pour but de rétablir la vérité au sujet de la véritable identité des égyptiens anciens qui étaient des kamites natifs du continent africain !
LA PLATEFORME CITOYENS NUMERIQUES ALERTE CONTRE LA TENTATIVE DE L'ETAT DE REGULER LES RESEAUX SOCIAUX
Dans le cadre de la lutte contre les dérives sur l’internet, les membres de la plateforme Citoyens numériques se font l’écho des inquiétudes du Chef de l’Etat Macky Sall, par rapport aux excès déplorés dans les réseaux sociaux
Dans le cadre de la lutte contre les dérives sur l’internet, les membres de la plateforme Citoyens numériques se font l’écho des inquiétudes du Chef de l’Etat Macky Sall, par rapport aux excès déplorés dans les réseaux sociaux. Ils ont fait face à la presse hier, lundi 8 février 2021, dans le but de sensibiliser, prévenir et expliquer, sur l’usage des réseaux sociaux.
En réunion hebdomadaire du Conseil des ministres, la semaine dernière, le président de la République, Macky Sall, a réitéré son appel à mettre fin aux dérives sur les réseaux sociaux à travers la mise en place d’«un dispositif de régulation et d’encadrement, spécifique aux réseaux sociaux», histoire d’apporter des solutions face à de tels moyens de communication pour assurer protections des données à caractères personnels des utilisateurs. La plateforme Citoyens numériques qui partage les inquiétudes du chef de l’Etat a organisé hier, lundi 8 février 2021, une conférence de presse dans les locaux de la Pressafrik.
Dans le but de venir en aide aux jeunes utilisateurs et éviter les dérives surles réseaux sociaux, les leaders de Citoyens numériques ont opté d’intervenir, d’être en action mais aussi d’alerter. Revenant sur plan juridique, Emmanuel Dioh, juriste et membre du collectif, souligne que le dispositif à mettre en place doit tenir compte de l’évolution rapide des TIC. «Si aujourd’hui on prend des dispositions sur seulement les réseaux sociaux, on devrait se poserla question par rapport à la rapidité de l’évolution d’internet ; si dans 10 ans ou dans 5 ans, on a d’autres outils, qu’est-ce qu’on va faire ? Doit-on encore légiférer ? Et là ne se pose pas le problème parce que depuis 2008, le Sénégal dispose d’un cadre juridique quand-même assez soutenu pour encadrer tout ce qui se passe dans le cyber espace et pour être vraiment large, en dehors des réseaux sociaux. Tout ce qui se passe aujourd’hui dans le cyber espace, le Sénégal a des dispositions adaptées et pouvant vraiment réglementer nos rapports entre humain, nos rapports entre les administrations, et les administrés et tout», a-t-il précisé.
ALERTE CONTRE UNE INFLATION DE TEXTES LEGISLATIFS QUI NE SERVIRONT A RIEN
Et Emmanuel Dioh de poursuivre : «vouloir maintenant proposer un autre dispositif, c’est comme si on est en train de nous dire qu’à l’heure actuelle, le Sénégal n’a pas des dispositions capables de réguler ou d’encadrer ce qui se passe dans le cyber espace. Je recommande vivement au membre du gouvernement de scruter les législations pour éviter vraiment cette inflation législative qui, après, ne sert à rien. Les juges ont eu à se baser sur des textes pour adresser des questions connexe au cyber espace, ils n’ont qu’à également revoir la jurisprudence, le droit positif sénégalais est ok et à jour par rapport à tout ce qui peut se passer dans le cyber espace. Compte tenu de tout cela, il est maintenant venu l’heure de nous demander qu’est-ce qu’ils veulent en fait réguler ? Qu’est ce qu’on veut réguler ?
L’usurpation dans l’identité numérique a été prise en compte, le vol dans le cyber espace a été pris en compte bien avant la loi de 2008, c’est-à-dire en 2006, la diffamation, les nouveaux médias ont été pris en compte avec le Code pénal de 2016, qui parle de diffusion par un quelconque moyen. Même dans la manière de faire les lois, nos spécialistes sont vraiment allés trop loin. On donne même la possibilité aux juges d’aller plus loin et de ne pas être embrigadés dans les textes», détaille Emmanuel Dioh. Lui emboitant le pas, Ibrahima Lissa Faye Administrateur et Directeur de publication de Pressafrik, relèvera que le président de la République devrait être mieux avisé pour éviter de mettre en place une nouvelle législation qui va encore rendre les choses beaucoup plus compliqué. «Nous avons un arsenal assez répressif contre les utilisateurs du numérique et surtout quand il y a des dérives, quand il y a des actes répréhensifs…
D’après certaines informations, c’est plutôt un organe de régulation qui se prépare, qui va plus tuer l’instantanéité sur les réseaux sociaux, et va faire en sorte, en tout cas, que certains contenus, à des moments très fort d’actualités (ne passent pas). Je pense que c’est la liberté d’expression qui va en pâtir ; mais ce n’est pas seulement cette liberté-là car, aujourd’hui, il faut comprendre qu’il y a un business numérique et les jeunes qui n’arrivent pas à trouver de l’emploi basculent carrément sur internet. Il y’a beaucoup de producteurs de contenus, également beaucoup de startup qui aujourd’hui gagnent leur vie grâce à internet, et c’est tout cet écosystème qui va être menacé… Et je pense que le président de la République devrait penser à cet écosystème qui est autour du numérique ; les écoles, les universités l’utilisent pour partager les cours.
Pour limiter les dérives, il y’a tout un arsenal mais, également je pense que l’Etat devrait aller vers la mis en place de programme scolaire sur la culture numérique. Car on doit apprendre aux élèves comment tirer profil sur les réseaux sociaux, l’Etat a un rôle d’éducateur». La plateforme Citoyens numériques qui rappelle que beaucoup de pays africains ont échoué dans leur tentatives de réguler le numérique, car ils n’ont pas réussi à contrôler de façon répressive les réseaux sociaux, prône la formation, la sensibilisation et l’alerte, entre autres solutions en plus du dispositif juridique déjà existant.
LA CHRONIQUE DE PAAP SEEN
NOTES DE TERRAIN (1)
EXCLUSIF SENEPLUS - Notes de terrain s'arrête pour un moment - Retrouvez toutes les chroniques de notre éditorialiste Paap Seen - Merci aux lecteurs et aux lectrices
Il y a un an, presque jour pour jour, « Notes de terrain » devenait un rendez-vous hebdomadaire sur SenePlus. Chaque dimanche, je parlais de mes rencontres. Je disais mes expériences. Je faisais des commentaires sur des sujets divers. J’ai décidé de prendre une pause. Retrouvez, ci-dessous, toutes les chroniques. Merci aux lecteurs et aux lectrices.
En marge d’un panel organisé hier par le Projet d’Appui à la Stratégie nationale pour l’Equité et l’Egalité du genre (PASNEG), en collaboration avec l’Ecole Supérieure de Journalisme, des Métiers de l’internet et de la Communication (E-jicom), dans le cadre des 16 jours de mobilisation contre les violences basées sur le genre (VBg),la représentante de l’Association des Juristes Sénégalaises (AJS) a indiqué que pour cette année, de janvier à septembre, 1 446 cas de viol ont été notés. En outre, dans le but de lutter contre ce fléau, les panélistes ont appelé les professionnels des médias à revoir leurs approches pour traiter le sujet.
Malgré ce contexte marqué par la pandémie de Covid-19, les femmes ont continué à subir des violences. En tout cas, c’est en substance la déclaration de la coordinatrice de la boutique du droit de l’Association des Juristes Sénégalaises, Nafissatou Seck, lors du panel organisé sur le thème « le contenu médiatique sur les VBG et discriminations faites aux femmes et aux filles : rôles et responsabilités des professionnels des médias». «Pour cette année 2020, de janvier à septembre, nous sommes à 1 446 cas de violences basées sur le genre et de toutes, c’est-à-dire de violences physiques, sexuelles, économiques, psychologiques et de violences conjugales », a dit la représentante de l’AJS en marge de cette rencontre qui clôture la vaste campagne de lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles lancée le 25 novembre dernier, sous le hashtag « Orangez Le Monde ».
En outre, selon Nafissatou Seck, les formes les plus récurrentes sont les violences économiques suivies de celles sexuelles et psychologiques. « Les violences économiques, c’est tout ce qui a affaire au défaut d’entretien. Comme au Sénégal, c’est l’homme qui est le chef de la famille. A ce titre, il lui revient de subvenir aux charges du ménage, c’est-à-dire les dépenses quotidiennes, les frais scolaires et médicaux de la famille. Mais il est à constater que très souvent, ce n’est pas le cas. C’est une violence que vit bon nombre de femmes au Sénégal », explique la coordinatrice de la boutique du droit de Pikine. En plus de cela, relève-t-elle, il y a également des situations d’abandon de familles.
C’est-à-dire, fait remarquer Nafissatou Seck, quand le conjoint disparaît deux mois et reste sans nouvelle et sans soutien à la famille. Donc, dit-elle, c’est une forme de violence qui est punie par la loi. Par ailleurs, pour lutter efficacement contre ces violences basées sur le genre, elle estime que les journalistes devraient tenir compte, dans le traitement de l’information relative à ce genre de sujet, du fait qu’il s’agit d’êtres humains qui ont besoin du respect de leurs droits comme le droit à l’image, à leur intimité, à la confidentialité. « Ce qui n’est pas toujours le cas lors du traitement d’information des cas de violences basées sur le genre », se désole Mme Seck.
De ce fait, la journaliste Mariam Selly Kane, panéliste, estime qu’il faut que les écoles de formation en journalisme intègre le journalisme sensible au genre dans la formation des journalistes. Car, fait-t-elle noter, le traitement de l’information relative aux violences basées sur le genre, notamment pour ce qui est des cas de viol, peut-être plus blessant pour la victime que la dénonciation de la personne qui leur a fait subir cela. «Au point que beaucoup de victimes ont même tendance à renoncer à dénoncer à cause de cette exposition. Il faut que les médias soient un peu plus sensibilisés à ce phénomène», relève la journaliste. Egalement présent, le Secrétaire général du Syndicat des professionnels de l'information et de la Communication, Bamba Kassé, pense que le problème provient de la formation des journalistes. Toutefois, il a invité les différentes panélistes à ne pas tomber dans l’amalgame.
UNE STRATÉGIE NATIONALE DE DÉVELOPPEMENT DE LA MICROFINANCE EN GESTATION
La ministre de la Microfinance et de l’Economie sociale et solidaire, Zahra Iyane Thiam, a annoncé samedi l’adoption prochaine d’une stratégie nationale destinée à renforcer l’efficacité du Fonds national de la microfinance
Dakar, 14 Nov (APS) - La ministre de la Microfinance et de l’Economie sociale et solidaire, Zahra Iyane Thiam, a annoncé samedi l’adoption prochaine d’une stratégie nationale destinée à renforcer l’efficacité du Fonds national de la microfinance (FONAMIF), récemment mis en place dans son département, a appris l’APS.
Elle a fait cette annonce à la cérémonie d’ouverture de l’assemblée générale annuelle de l’Association professionnelle des services financiers décentralisés au Sénégal (AP/SFD).
Le FONAMIF, appelé à être doté d’un volet financier et d’une assistance technique, illustre l’importance que ’’l’Etat du Sénégal accorde au secteur de la microfinance, un secteur névralgique pour une inclusion financière et une économie solidaire’’, a expliqué la ministre.
Elle a souligné que ce fonds constitue un instrument financier sur lequel son département fonde beaucoup d’espoir pour apporter des réponses adaptées au besoin de financement des bénéficiaires notamment en zones rurales.
’’Ce document de stratégie nationale devrait permettre d’identifier les besoins de financement afin d’accéder facilement à des crédits pour les bénéficiaires’’, a indiqué Mme Thiam.
Elle a par ailleurs invité les professionnels des SFD à davantage travailler pour une ’’modernisation des services financiers décentralisés afin d’assurer une meilleure sécurisation de l’épargne publique.’’
Zahra Iyane Thiam a également insisté sur la nécessité d’adopter de nouveaux ’’mécanismes’’ pouvant permettre d’assurer une amélioration des procédés de recouvrement et des services et la protection des données personnelles.
Cette assemblée générale à l’issue de laquelle une nouvelle équipe dirigeante de l’AP/SFD sera mise en place a été l’occasion d’inviter les professionnels des services financiers décentralisés, une directive de l’UEMOA depuis 2007, à se ’’réinventer’’ pour mieux faire face aux enjeux et défis du moment qui auront comme nom une économie digitalisée, l’ingénierie financière, entre autres.
Le président intérimaire de l’AP/SFD, Ousmane Thiongane, a, de son côté, plaidé pour la garantie de taux d’intérêt concessionnaire à travers les 100 milliards de FCFA mis à la disposition des SFD à travers le fonds force Covid-19 doté d’une enveloppe de 1000 milliards pour la relance de l’économie nationale.
Il a aussi appelé les SFD à un maillage du territoire national pour une meilleure prise en charge des besoins de financements des populations dans les régions.
UNE STATUE DE CHEIKH ANTA DIOP DÉVOILÉE À DAKAR
L’intellectuel a bouleversé la vision de l’Histoire africaine, en mettant l’accent sur l’apport de l’Afrique noire à la civilisation, notamment égyptienne. Sa statue est désormais érigée devant l’université et sur l’avenue qui portent son nom
Au Sénégal, une nouvelle statue a été dévoilée au cœur de Dakar, mardi 3 novembre, celle de l’historien Cheikh Anta Diop, décédé en 1986. L’intellectuel a bouleversé la vision de l’Histoire africaine, en mettant l’accent sur l’apport de l’Afrique noire à la civilisation, notamment égyptienne. Sa statue est désormais érigée devant l’université et sur l’avenue qui portent son nom.
C’est une statue en bronze, de deux mètres de haut. Cheikh Anta Diop, en costume cravate, lunettes, le bras droit levé, en face de la grande porte de l’université d’où sort tout juste Hapsa Thiam. Pour cette étudiante en histoire, c’est tout un symbole : « C’est une fierté d’avoir un leader, Cheikh Anta Diop, qui nous a permis vraiment de regarder plus loin, surtout sur la science. Je suis contente. »
Un emplacement choisi avec soin
L’initiative a été lancée par le directeur sortant du Centre des œuvres universitaires de Dakar (Coud), qui vient d’entrer au gouvernement. Et le rond-point où est érigée la statue n’a pas été choisi au hasard. « Entre étudiants et forces de l’ordre, à chaque fois qu’il y avait des remous, c’était lié au rond-point où les jets de pierre se faisaient. Nous avons pensé mettre là-bas la statue de Cheikh Anta pour dissuader les uns et les autres de jeter des pierres », explique Mansour Ndoye, chef du département des services techniques du campus.