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28 avril 2025
Culture
QUEEN BIZ SUSPEND PROVISOIREMENT SES ACTIVITES MUSICALES
Sur sa page Facebook, Queen Biz a remercié le président de la République pour cette distinction et a annoncé la suspension temporaire de ses activités artistiques et musicales, pour se consacrer pleinement à ses nouvelles responsabilités
La chanteuse Coumba Diallo, plus connue sous le nom de « Queen Biz », a exprimé sa reconnaissance suite à sa nomination en tant que Présidente du Conseil d’administration (PCA) du Théâtre national Daniel Sorano. Cette décision a été officialisée lors du Conseil des ministres du mercredi 22 janvier 2025, sous la présidence de Bassirou Diomaye Diakhar Faye.
Dans une publication sur sa page Facebook, Queen Biz a remercié le président de la République pour cette distinction et a annoncé la suspension temporaire de ses activités artistiques et musicales, afin de se consacrer pleinement à ses nouvelles responsabilités.
« Je voudrais, à la Suite de ma nomination à la Présidence du Conseil d’Administration du Théâtre National Daniel Sorano, exprimer mes sincères remerciements au Président de la République, Son Excellence, Monsieur Bassirou Diomaye Faye et au Premier ministre, Monsieur Ousmane SONKO, pour cette confiance placée en ma modeste personne.
J’associe à ces remerciements Mme Khady Diène Gaye,ministre de la Jeunesse, des Sports et de la Culture.
Je mesure l’importance que revêt cette nouvelle responsabilité et assure de la remplir avec humilité, honneur et dévotion.
J’adresse également mes remerciements à ma Famille, aux membres de mon Mouvement Politique (MJR), à mes amis et Sympathisants, et à tous les Sénégalais
pour leurs conseils et leurs prières.
Pour assumer pleinement mon rôle de PCA et mieux servir mon pays, j’ai décidé de suspendre mes activités artistiques et musicales ».
KEN BUGUL HONOREE EN ESPAGNE
L’autrice sénégalaise Ken Bugul, Mariétou Mbaye de son vrai nom, à reçu, samedi dernier, la distinction de Docteur Honoris Causa de l’Université de La Laguna à Tenerife.
L’autrice sénégalaise Ken Bugul, Mariétou Mbaye de son vrai nom, à reçu, samedi dernier, la distinction de Docteur Honoris Causa de l’Université de La Laguna à Tenerife.
Tenerife en Espagne a rendu un hommage à l’écrivaine sénégalaise Ken Bugul. Ce samedi, Mariétou Mbaye de son vrai nom a été faite Docteur Honoris Causa de cette université espagnole. La cérémonie solennelle a été largement relayée sur la page de l’institution. «Cette autrice de onze romans a grandi dans une famille polygame et a été abandonnée par sa mère à l’âge de cinq ans. Son intelligence lui a toutefois permis de faire des études universitaires dans son pays et en Belgique. Considérée comme l’un des écrivains les plus importants du continent africain, son œuvre offre une vision fascinante de la condition humaine, de l’exil et de la recherche d’une place dans le monde et d’une identité, le tout avec une approche humaniste, un regard critique sur les structures sociales et culturelles, et un engagement ferme en faveur des droits de l’Homme», a salué Dulce María González Doreste, du Département de philologie classique, française, arabe et romane, à propos de Ken Bugul. L’écrivaine a, à son tour, exprimé son amour pour la langue et la culture espagnoles, citant des inspirateurs tels que Unamuno, Lorca, Machado, García Márquez et Neruda au cours de son discours. «Elle a expliqué que, pour elle, l’écriture est une nécessité et une passion, une arme thérapeutique, un instrument de militantisme en faveur des droits des femmes, pour donner une voix à celles qui sont restées silencieuses pendant si longtemps», rapporte le site.
Née en 1947 à Malem Hodar dans le Centre du Sénégal, Mariétou Mbaye Bileoma, Béninoise par alliance, signe ses ouvrages du pseudonyme de Ken Bugul, pseudonyme qui signifie en wolof : «Personne n’en veut.» Diplômée de langues, spécialiste du développement et de la planification familiale, elle est intervenue dans de nombreux pays d’Afrique en qualité de fonctionnaire internationale.
Au total, 50 personnes ont reçu cette distinction de l’université de La Laguna. Mais seules huit parmi elles sont des femmes dont les trois qui ont été investies samedi dernier. «Ces dernières années, on a tenté d’équilibrer cette proportion en décernant plus de doctorats à des femmes qu’à des hommes, et l’institution continuera à persévérer dans cette voie», a indiqué le Recteur de l’université, Francisco J. García Rodríguez. «Cette cérémonie démontre l’intention de l’institution de renverser l’intolérable écart entre les hommes et les femmes dans le nombre de doctorats honorifiques», ajoute-t-il.
SOULEYMANE BACHIR DIAGNE REFLECHIT SUR L’UNIVERSALISME
Philosophe, le Pr Souleymane Bachir Diagne a fait face à ses lecteurs ce samedi aux Editions Harmattan. Le Quotidien a rassemblé les grands moments de ce face-à-face.
Rassemblés par Ousmane SOW |
Publication 22/01/2025
Philosophe, le Pr Souleymane Bachir Diagne a fait face à ses lecteurs ce samedi aux Editions Harmattan. Dans cette discussion animée par le journaliste Pape Alioune Sarr, en collaboration avec le Département de philosophie de la Fastef et l’Association sénégalaise de philosophie, l’auteur des ouvrages «Ubuntu» et «Universaliser» est revenu sur les questions d’universalité, de singularité qui sont au cœur de ses réflexions et engagements. Le Quotidien a rassemblé les grands moments de ce face-à-face.
Que faisons-nous de nos singularités ?
Etre ensemble, cela suppose aussi l’affirmation de nos identités. Il ne s’agit pas de transformer nos identités en des identitarismes. Le problème, ce sont les identitarismes. Faire de mon identité une politique, c’est absurde, c’est une impasse. Malheureusement, dans le monde de la fragmentation où nous vivons, dans le monde des tribus, chacun fait de sa tribu, de son particularisme et de son identité, l’alpha et l’oméga de sa politique. Je fais la politique qui est la mienne parce que j’ai l’identité qui est la mienne, ça, c’est s’enfermer encore dans des logiques tribales. En revanche, cela ne signifie pas que pour faire communauté, il faille effacer qui on est. Au contraire, comprendre que le monde est pluriel, qu’il est tissé de différences, c’est la condition même d’une orientation commune vers un horizon d’universalité. Comprendre que l’affirmation de soi et de son identité se fait dans un même geste d’ouverture à la communauté et de constitution de la communauté. La meilleure expression de cela, je dis malheureusement pour moi, mais malheureusement parce que chaque fois que l’on parle de Senghor, vous avez des gens qui sont prêts à s’exciter et à considérer que c’est parce que je fais partie de ce qu’on appelle aujourd’hui les élites occidentalisées et cosmopolites, que je le cite volontiers. Mais on ne peut pas faire mieux que cette phrase : «Mesurer l’orgueil de sa différence au bonheur d’être ensemble.» Essayez de penser cela sans les termes senghoriens que voilà, vous n’y arriverez pas. Donc il va bien falloir quand même trouver une petite place dans le panthéon des grands penseurs dont notre continent peut être fier. Un panthéon au fond où les personnages ont toutes les raisons d’être parfaitement réconciliés. Les différents s’effacent dès lors qu’avec le temps, ne surnage plus ce qui a été. Nous naissons dans une famille, nous naissons dans un clan, nous naissons dans une Nation (…). Il faut bien la construction de l’humanité comme une construction philosophique. Les philosophes le savent et l’enseignent : que l’humanité est le premier universel même s’il n’y a pas un instinct qui lui correspond. Précisément parce que l’humanité n’est pas de l’ordre de l’instinctif, il est de l’ordre de la réflexion. Mais pas seulement de la réflexion, il est également de l’ordre de l’émotion. L’émotion en particulier portée par la religion. Nous n’avons pas besoin de quoi que ce soit, nous n’avons besoin de rien pour produire l’instinct de tribu qui nous fragmente, qui fait que nos politiques sont devenues des politiques de la polarité absolue, où il ne s’agit plus seulement d’avoir des différents parce que les différents peuvent encore parler le même langage, mais d’avoir carrément des positions absolument irréconciliables comme l’étaient les tranchées de la Première Guerre mondiale, où on a l’impression que chaque parti politique poursuit la mort de l’autre et pas simplement établir une conviction qui va emporter l’adhésion, ce qui est la définition même de la démocratie. La crise de la démocratie que nous vivons aujourd’hui et que nous vivons sur tous les continents, chez nous ça se traduit aussi par des coups d’Etat, mais cette crise de la démocratie est liée aussi à la fragmentation, à la tribalisation et à la racialisation de notre monde aujourd’hui, où toutes les identités sont devenues des identitarismes, et les politiques sont devenues des politiques d’identité.
Pourquoi ce besoin de repli identitaire ?
C’est aussi une attitude défensive, parce que l’émotion sur laquelle il est le plus facile d’agir, c’est la peur. Je peux contrôler la peur de l’autre, la peur que j’inflige à l’autre, en disant par exemple, faites très attention, les immigrés sont là, ils nous envahissent, il faut faire une ré-migration, qui est d’ailleurs un mot, ça c’est l’euphémisme délicat des Européens qui parlent de ré-migration. Les Américains parlent eux carrément de déportation. Les Européens n’osent pas parler de déportation parce qu’évidemment, déportation, ça évoque les nazis. Mais c’est bien ça que veulent les partis d’Extrême-droite, qui jouent tous sur la peur. Et la peur devient très facilement aussi ressentiment. Il y a une sorte de parenté et de communication entre la peur, la colère et le ressentiment. Et à ce moment-là, vous vous constituez comme une communauté purement réactive par rapport à quelque chose d’extérieur à vous. Et ça, ça vous soude, mais ça vous soude sur la base de la peur et ça vous soude sur la base du ressentiment. Regardez beaucoup de discours politiques aujourd’hui, comme ils ont besoin d’être toujours dans l’accusation de quelqu’un d’autre. Parce qu’en effet, dans cette accusation permanente de quelque chose qui vous est extérieur et vous constitue comme groupe et comme communauté de l’extérieur, vous avez besoin de cela pour être communauté et avoir le sentiment que vous êtes ensemble, dans une forme de résistance et dans une forme de victimisation permanente. La communauté construite sur des bases positives, c’est précisément cette communauté humaine dont est porteur le concept Ubuntu.
Vous dites dans votre ouvrage que ce concept ou ce mot doit jouer une sorte de catapulte au concept Ubuntu. Pourquoi ?
Parce qu’il est né comme cela. Ubuntu a une valeur religieuse. Il y a une valeur religieuse dans le fait de penser une humanité en voie de constitution. Ce n’est pas un hasard si, au fond, ces ouvrages-là, vous avez montré la parenté qui les lie. Il y a une parenté profonde entre ce que j’écris là et la réflexion que j’ai menée sur un philosophe comme Muhammed Iqbal. Ça a l’air d’être totalement détaché. Mais l’idée que Muham-med Iqbal nous a appris à penser d’abord que le monde est toujours un mouvement et un devenir. On est dans une cosmologie de l’émergence. Le monde n’est pas constitué une fois pour toutes. Il est toujours un monde ouvert à l’activité créatrice de Dieu. Et l’humain participe de cette activité créatrice. C’est la même chose que Ubuntu. L’hu-main devient pleinement ce qu’il a à être à l’intérieur d’une cosmologie de l’émergence. Tout cela est ce que contient aussi le mot Ubuntu. Voilà le cadre dans lequel on peut en effet penser une action politique comme une action de constitution de l’humanité. C’est la raison pour laquelle le sous-titre de mon livre «Universaliser», c’est «l’humanité par les moyens d’humanité» qui est une citation de Jean Jaurès.
Les réseaux sociaux face à Ubuntu…
Les réseaux sociaux sont comme la langue des autres, la meilleure et la pire des choses. La meilleure dans la mesure où les réseaux sociaux, par définition et dans leur nom même, auraient dû, devraient être des moyens de faire communauté, de constituer de la socialité et d’être une traduction technologique de Ubuntu. Mais on voit que les réseaux sociaux peuvent aussi très facilement être transformés et être happés, pour ainsi dire, par le tribalisme. Le tribalisme se satisfait parfaitement de ces outils-là parce que vous pouvez constituer à l’intérieur des réseaux sociaux, des sortes de bulles, même des sortes de commandos. Vous avez de véritables commandos politiques dans les réseaux sociaux qui sont là à l’affût de ce qui se dit et qui regardent si ce qui se dit ressemble véritablement à la direction qu’ils prennent, et si ce n’est pas le cas, c’est le lynchage médiatique des réseaux sociaux. On fabrique les opinions. On les manipule. Les tribus, aujourd’hui, se sont emparées en grande partie des réseaux sociaux. Mais il faut qu’on puisse imaginer de rendre les réseaux sociaux à leur destination première, à leur idéalisme premier. Malheureusement, nous n’en prenons pas pour l’instant le chemin. On va vivre avec ces réseaux sociaux-là, avec leurs méfaits. Mais, il faut essayer en effet de toujours continuer le combat pour être digne de cet héritage que nous ont laissé Nelson Mandela et Desmond Tutu.
La souveraineté culturelle, est-elle possible ?
Souveraineté et culture, si par souveraineté, on prend le premier aspect de la citation que j’ai donnée de Senghor. L’orgueil d’être différent, c’est-à-dire l’appréciation et l’affirmation de ce caractère unique, de ce visage unique que l’on donne à l’aventure hu-maine. Chaque langue humaine, chaque culture humaine porte un visage particulier, unique de l’aventure humaine, mais cette aventure humaine, encore une fois, est commune. Ce n’est pas qu’elle se constitue et qu’elle s’ouvre. Elle est constituée par l’ouverture elle-même. Poursuivre la culture de l’identité, c’est se tromper sur l’identité de la culture, sur la signification de la culture. Il n’est de culture, en effet, que dans cette ouverture que ma particularité me donne sur l’universel humain. Par exemple, j’entends des gens estimer que la meilleure manière d’affirmer sa différence et sa souveraineté, c’est de s’amputer d’une langue, s’amputer de la langue française. L’islam nous enseigne que autant de langues on parle, autant d’humains on vaut. Parler plusieurs langues, c’est justement comprendre ce décentrement qui est constitutif de la culture et comprendre que la culture de l’identité doit toujours être éclairée par cette dimension de l’ouverture, de la multiplication, et comprendre en particulier en effet que le savoir est dans la traduction. L’humain est un animal qui traduit, c’est-à-dire qui s’approprie. Aujourd’hui, on a une espèce de phobie de l’appropriation culturelle, ne touche pas à ma culture. Une culture à laquelle on ne touche pas de l’extérieur, perd tout de suite sa propre valeur de culture.
Ce que l’on perd vaut mieux ce que l’on gagne. Qu’est-ce que l’on perd, qu’est-ce que l’on gagne en s’ouvrant ? Ou bien il faut savoir s’ouvrir ?
Il faut savoir s’ouvrir, c’est-à-dire il faut toujours savoir que l’ouverture est, comme je le disais tout à l’heure, constitutive de l’identité. On dit par exemple qu’il faut être arc-bouté sur son identité. Arc-bouté sur son identité, avoir l’impression que c’est une identité culturelle toujours menacée, c’est qu’elle est déjà morte. Une culture qui n’arrête pas de penser à sa propre disparition est une culture qui est déjà morte parce qu’elle ne comprend pas qu’elle est ouverture permanente, qu’elle est devenir davantage que l’identité. Il n’est pas vrai que la jeunesse africaine soit préoccupée de son identité, elle est préoccupée de son devenir. L’identité, je dis toujours en plaisantant, mais à moitié seulement, l’identité elle fait comme l’intendance, elle suit. Engagez-vous dans le mouvement de devenir à partir de ce que vous êtes et ce que vous allez créer va être votre identité. L’identité, c’est une identité en mouvement. Parce que le monde lui-même est en mouvement, il est en émergence continue. C’est là, à mon avis, qu’il faut poser la réflexion sur la souveraineté. Effectivement, il ne faut pas que ce mouvement de devenir soit un mouvement qui soit actionné de l’extérieur. Autrement dit, renouer avec son propre principe de mouvement, c’est reconnaître ce principe comme étant un principe interne de développement et non pas un principe externe. C’est là que vous avez l’impérialisme culturel. Mais lutter contre l’impérialisme culturel, ce n’est pas encore une fois avoir une réaction réactive et défensive, c’est avoir une intelligence active, proactive. Et en mouvement de ce que signifie l’identité dans le devenir et l’affirmation d’une différence dans le bonheur d’être ensemble.
Est-ce qu’il y a une possibilité de ce dialogue des cultures si on sait que le monde maintenant parle avec les chiffres ?
Pour un dialogue des cultures, c’était jusqu’au dernier moment le sous-titre de mon livre, «Universaliser». On n’a jamais vu des cultures dialoguer. Ce qu’on voit, ce sont des individus particuliers, éclairés à l’intérieur des différentes cultures, dialoguant entre eux. Mais le dialogue des cultures, c’est cette interpénétration, cette pénétrabilité de toutes cultures par toutes autres cultures qui est la condition même de la créolisation du monde à laquelle nous assistons aujourd’hui, qui est aussi bien une européanisation du monde qu’une africanisation du monde, qu’une civilisation du monde, qu’une indianisation du monde. Le monde est traversé de devenir et il en sera ainsi de plus en plus. Avoir l’impression que le souverainisme, ça va être des îlots et des insularités, c’est ne pas comprendre la configuration du monde et le mouvement du monde. Et dans ce mouvement du monde, il faut que nous soyons engagés, il faut que nous affirmions la présence africaine sur toutes les grandes questions du monde, au lieu de dire que nous avons simplement des questions strictement africaines qui seraient strictement les nôtres, ou des questions strictement sénégalaises. Certaines cultures sont portées par des industries culturelles, comme on les appelle, d’une très grande puissance. Et les nouvelles technologies permettent même à des petites différences de s’affirmer. Cela veut dire que vous n’avez pas besoin d’être une puissante industrie sur le plan technique pour affirmer votre présence dans le monde. Et donc, travailler à cette présence africaine dans le monde, c’est la direction dans laquelle nous devons nous engager. Et ça ne doit pas être, encore une fois, cette attitude purement réactive et purement défensive. Oui, on parle, et c’est d’ailleurs l’actualité qui se branche dans ces ouvrages universalisés.
Il faut enseigner nos auteurs, parler de nos cultures, de notre histoire…
Absolument, c’est important. C’est important, en effet, de s’enseigner à soi-même sa propre identité, mais dans le même temps, il est important aussi de savoir que l’éducation, comme son nom l’indique, comme son étymologie l’indique, ça consiste à sortir de soi. Et l’éducation qui consiste simplement à dire «je m’enferme sur moi-même et je n’enseigne que moi-même», ce n’est plus de l’éducation. Ceux qui ont écrit les ouvrages critiques les plus importants sur la littérature africaine, ce sont ceux qui ont été nourris de littérature non africaine. Le nationalisme est le pire ennemi de l’éducation. Comprendre que l’éducation est engagée dans le mouvement de Ubuntu, c’est-à-dire enseigner à l’humain à devenir pleinement humain, c’est-à-dire enseigner à l’humain la capacité de décentrement, la capacité d’aiguisement de l’esprit critique qu’il y a dans le décentrement, c’est cela la véritable éducation. Il faut le faire évidemment dans les langues qui sont les nôtres parce que confiner notre langue wolof dans une simple activité d’interaction privée, ça, ce n’est pas rendre justice à cette langue-là, il faut les rendre à leur devenir, leur devenir langue de création, leur devenir langue de science, évidemment. Mais en même temps, comprendre que la relation que nous devons avoir pour savoir est une relation de décentrement et d’ouverture, et non pas une manière de se craquemurer dans ce qu’on estime être son identité.
Alors, panafricanisme est universel ?
Il y a aujourd’hui une forme de panafricanisme qui est purement réactive. On dit qu’on est panafricaniste en fonction de ce contre quoi on est. Et on se demande que signifie un panafricanisme. Un panafricanisme de la construction. C’est-à-dire un panafricanisme où nous ne nous retrouvons pas simplement par ce contre quoi nous sommes. Il faut être anticolonialiste certainement. Mais quand vous construisez le panafricanisme, c’est une construction qui est une construction positive et non pas une construction réactive. Et c’est en cela que le panafricanisme ne va pas contre l’universel, mais est une exigence de l’universel. Notre particularité est notre panafricanisme qui est un panafricanisme anti-occidental. Parlons de la totalité et ne nous enfermons pas dans notre particularisme parce que nous avons une responsabilité vis-à-vis de cette totalité.
Qu’est-ce qui exactement a été ce moment de basculement où vous avez décidé de ne pas poursuivre une carrière d’ingénieur, mais plutôt une carrière de philosophe ?
La vérité, c’est que je ne sais pas. Je peux évidemment essayer de voir l’enchaînement des causes, la conversation que j’ai eue avec Monsieur Paul Deheuvels du Lycée Louis-Le-Grand, je peux considérer que ça a été décisif. Quand j’écris sur ma propre trajectoire, je suis un homme qui est maintenant au-delà de la retraite, qui essaie de se mettre dans la peau du jeune homme de 17 ans que j’étais. Je peux revoir au fond l’enchaînement des causes qui ont fait qu’à un moment donné, j’ai dit «bon, je ne vais pas à Lyon, je reste à Paris, je ne fais pas des mathématiques, j’en ai refait après». Parce que heureusement, j’ai eu le temps après l’agrégation, j’étais encore suffisamment jeune pour ne pas commencer tout de suite à travailler, et donc j’ai pu satisfaire mon désir de mathématiques en allant penser maîtrise d’algèbre. (…) Je n’interviendrai jamais dans la politique du Sénégal. J’ai respecté mon serment. Déjà quand je donne ma parole, je la respecte. Alors, si en plus je jure évidemment, je suis totalement assermenté. Je n’ai jamais prononcé un seul mot sur la politique du Sénégal. Je garde la liberté de me taire en effet, parce que je n’ai pas non plus l’impression que le monde entier attend mes réactions sur telle ou telle chose.
L’orientation politique qui est derrière mon travail, encore que je ne produis pas de manière systématique des énoncés politiques à proprement parler, mais l’arrière-pensée politique de ce que je fais, c’est également la reconstruction du socialisme. Que signifie reconstruire aujourd’hui le socialisme sur des bases qui sont différentes du socialisme qui vient de s’écrouler ? C’est important d’aller dans cette direction-là et c’est important de le faire autour de la question de la signification de ce premier universel qu’est l’humanité telle qu’elle a été poursuivie par Jean Jaurès. Et cette reconstruction se fera, je pense, sur la base d’un humanisme et d’une forme de spiritualisme au sens de l’esprit soulevant la matière ou bien au sens, au fond, d’un horizon que l’on se donne, un horizon d’humanité.
PAR Vieux Savané
LA FOLIE DES JEUX D’ARGENT
Voilà une enquête journalistique minutieuse où l’auteur paye de sa personne pour nous plonger dans l’univers impitoyable des jeux électroniques
C’est un jeu, une activité à laquelle on se prête avec insouciance et légèreté. Seulement, on finit souvent par s’enliser tout doucement, profondément, dans le sable mouvant du jeu, jusqu’à se retrouver dans une posture de dépendance absolue. Tombé en addiction, le joueur convulsif voit ainsi sa capacité à décider par lui-même s’estomper peu à peu, à force d’avoir du mal à surseoir voire à différer une irrépressible envie. En d’autres termes l’adepte aux jeux électroniques court le risque de ne plus être maître de ses actes. Il se retrouve par contre, « à l’insu de son plein gré» à ne plus agir mais à être agi par un ensemble de pulsions qui le plongent dans le jeu. A son corps défendant, il passe ainsi du jeu qui aère l’esprit, d’un moment de détente donc, à ce qui ressemble à une descente aux enfers. Happé qu’il est dans une spirale qui le fait balloter entre l’espoir le plus fou de gagner le jackpot et la chute la plus brutale de constater avoir tout perdu.
Fort de ces désastres qu’il a constatés au cours de sa minutieuse enquête journalistique opérée dans le milieu des casinos dakarois, l’auteur de l’ouvrage trouve que les nouveaux jeux d’argent électroniques, « dont le pari sportif a adopté et adapté le mécanisme », bouleversent la vie quotidienne de gens qui ont joué et tout perdu. L’auteur égrène des cas d’école qui épousent le visage d’un homme, d’une femme, qui portent leurs projets en bandoulière et les voient se déliter et se fracasser sur le rocher de leurs désillusions. Des exemples sont donnés pour dire que l’addiction dont il est question est chair et d’os. Elle fausse tout, met tout en l’air, déshumanise, parce qu’elle expulse la raison de son champ de vision, pour ne laisser place qu’à une sorte de compulsion pour le jeu. Un état d’esprit qui entraîne dans une détresse et une terrible angoisse la personne qui, tout d’un coup, se retrouve défaite de toute sa richesse. Brutalement, jusque ne plus en avoir, au risque de basculer dans la délinquance, dans la folie. Surtout lorsqu’elle se retrouve face aux urgences à régler : se nourrir, payer le loyer, la scolarité des enfants, les dettes. Selon l’auteur, « Naar bi », en référence au précurseur Libano-Syrien qui l’a disséminé dans les quartiers aura ainsi contribué à beaucoup de drames personnels voire familiaux. Cela a par conséquent ruiné et conduit de nombreux joueurs vers « la déchéance par l’accoutumance, la marginalisation professionnelle et sociale, la prostitution, la délinquance ».
C’est ainsi qu’il dénonce « le jeu d’argent », comparé à un « tueur silencieux » qui plus est, se développe « un peu partout dans les villes » avec ses « kiosques » qui « se sont intégrés au paysage et ont recréé les ambiances des Fortune’s club ». Aussi l’auteur de militer pour la suppression des jeux d’argent électroniques et d’appeler à la vigilance des parents. S’y ajoute qu’ils fragilisent l’économie nationale par le biais de fraudes fiscales et constituent un danger mental pour les jeunes utilisateurs.
Edition réactualisée de l’enquête intitulée « Le poker menteur des hommes politiques », publié en 2006 aux « Editions Sentinelle », ce livre raconte la détresse d’hommes et de femmes qui ont perdu beaucoup d’argent puisqu’ils étaient emprisonnés dans les mailles du filet des jeux. Aussi, très tôt, l’auteur avait dénoncé un projet de mise en place de « machines à sous » par des Corses alliés à des politiques locaux. Ils comptaient implanter des milliers de machines à sous dans « les bas quartiers de Dakar » après avoir sévi dans différents pays d’Afrique centrale : Gabon, Congo, Cameroun, notamment. Ce livre est donc né d’une idée de reportage de l’auteur, alors qu’il était à l’époque, directeur de publication du quotidien « Taxi ».
Il s’est aussi intéressé aux dessous économiques, juridiques et politiques de cette activité commerciale.
Par le biais d’une enquête menée avec ténacité, l’auteur essaie de débrouiller les fils de l’écheveau ‘ou démêler l’écheveau) empêtrée dans des imbrications dans lesquelles pataugent des personnalités, des prêtes noms avec l’obsession tenace de profiter de leur situation pour se faire créer un espace de business.
Voilà une enquête journalistique minutieuse où l’auteur paye de sa personne pour nous plonger dans l’univers impitoyable des jeux électroniques.
Et il ressort clairement de cette enquête la fragilité des joueurs qui n’arrivent pas à asseoir leur lucidité et à couper le cordon, abimés qu’ils sont dans une dépendance déstabilisante qui n’épargne aucune couche sociale.
IDRISSA DIARRA, GARDIEN DES CONTES DE CHEZ NOUS
À Bakel, sur les rives du fleuve Sénégal, vit un homme dont la vie ressemble à ses histoires : riche, profonde et guidée par une passion inflexible pour la culture et la nature
Par Papa Abdoulaye SY, Envoyé spécial à Bakel |
Publication 21/01/2025
À Bakel, sur les rives du fleuve Sénégal, vit un homme dont la vie ressemble à ses histoires : riche, profonde et guidée par une passion inflexible pour la culture et la nature.
Idrissa Diarra, ancien enseignant et directeur d’école, a passé plus de quarante ans à transmettre son savoir aux générations futures. Mais cet homme au sourire chaleureux et au regard pétillant ne s’est pas arrêté là. Aujourd’hui, il est conteur, écrivain et guide touristique, portant haut les couleurs de ses racines soninkées et de son amour pour la nature.
En 2023, lors d’un séminaire à Bakel, une idée germe dans l’esprit d’Idrissa. Inspiré par le fleuve Sénégal, ce trait d’union entre les villages, il imagine une histoire où ce cours d’eau devient la frontière entre deux mondes : celui des hommes et celui des animaux.
Dans La Grande Décision, les animaux, exaspérés par les festivités humaines marquées par des sacrifices excessifs et des destructions, décident de se rebeller. Le conflit qui s’ensuit force les hommes à réfléchir et, pour la première fois, à dialoguer avec les animaux. Ensemble, ils trouvent un compromis : protéger la forêt, réduire les abus et vivre en harmonie.
Ce conte, bien plus qu’une simple histoire, est un miroir tendu à nos sociétés. Avec une sensibilité désarmante, Idrissa nous pousse à nous interroger sur notre rapport à la nature et sur l’urgence de préserver notre environnement.
Le livre a été chaleureusement accueilli, notamment dans sa région natale, où les enseignants l’ont adopté comme un outil pédagogique précieux. Mais son écho a également traversé les frontières, séduisant même des lecteurs en France.
Trois ans plus tard, en 2025, Idrissa revient avec un nouvel ouvrage, Les Contes du Gadiaga, un recueil de onze histoires tirées des traditions orales soninkées. Ces récits, racontés autrefois autour d’un feu de bois, sous les nuits étoilées de la pleine lune, capturent l’essence même de la vie communautaire.
Dans cet univers, les animaux sont les héros. Ils parlent, pensent et agissent comme des humains, révélant des vérités qu’il serait parfois difficile de dire autrement. Justice, respect, solidarité, protection de la nature… chaque conte est une leçon, une invitation à réfléchir sur notre façon d’être et de vivre ensemble.
Publier un livre, surtout en autoédition, n’est jamais facile. Mais cela n’a pas découragé Idrissa. Avec ses propres économies, il a investi près de 800 000 francs CFA pour imprimer Les Contes du Gadiaga. Chaque exemplaire est vendu à 5 000 francs CFA, un prix qui ne couvre même pas les frais. Mais pour lui, ce n’est pas l’argent qui compte. Ce qui importe, c’est que ses histoires atteignent les jeunes, qu’elles éveillent en eux une curiosité, un amour pour la lecture et une fierté pour leur héritage culturel.
À travers ses deux livres, Idrissa Diarra ne fait pas que raconter des histoires. Il crée des ponts : des ponts entre les générations, entre les hommes et la nature, entre les traditions anciennes et les défis modernes. Ses contes rappellent que, parfois, pour avancer, il faut regarder en arrière, écouter les voix du passé et apprendre des leçons qu’elles portent.
Idrissa n’est pas seulement un écrivain. Il est un gardien, un passeur d’histoires, un homme qui croit profondément en la puissance des mots pour changer les cœurs et éveiller les consciences. Son travail est un appel, à la fois humble et puissant, pour un monde plus respectueux, plus harmonieux.
Lire ses contes, c’est entrer dans un univers où chaque ligne respire l’authenticité, où chaque personnage, qu’il soit homme ou animal, a quelque chose à nous apprendre. Et à la fin, on ne peut qu’être touché par cette voix, celle d’Idrissa, qui résonne comme une invitation à repenser notre rapport à la vie, à la nature et à nos traditions.
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COMMENT L'OCCIDENT LAVE LES CERVEAUX AUX AFRICAINS ?
Après la colonisation, le moyen par lequel l’occident continue d’avoir l’influence sur les Africains est l’éducation, plus précisément des curricula de formation qui ne sont nullement fait pour servir les Africains au contraire pour les dominer. Malheureusement en dépit des constats implacables faits çà et là, les dirigeants ne prennent pas la décision politique radicale de rompre et proposer des systèmes qui sont en adéquation avec les besoins des africains. C’est l’avis du Professeur Ousmane Ba, spécialiste des curricula de formation.
Le système éducatif légué par la colonisation n’a jamais été conçu pour répondre aux besoins des pays africains. Au contraire, il visait à conditionner les esprits au service des intérêts des anciennes puissances coloniales. Les dirigeants africains en ont pleinement conscience.
Pourtant, pourquoi hésitent-ils encore à entreprendre une réforme en profondeur de ce système afin de mettre en place des curricula de formation capables d’accompagner le continent vers un véritable développement ? Telles sont les interrogations soulevées par le Pr Ousmane Ba, enseignant-chercheur spécialisé dans les curricula de formation. Il s’est exprimé à ce sujet lors d’un panel tenu en marge de la première édition d’Africa Diaspora, organisée fin décembre à Dakar.
QUAND L’UNIVERSEL SE FORGE A TRAVERS LE DIALOGUE DES CULTURES ET LA RECONNAISSANCE MUTUELLE !
La présentation des deux nouvelles publications du Professeur Souleymane Bachir Diagne, tenue samedi 18 janvier 2025, à L’Harmattan, a été marquée par des réflexions profondes sur la philosophie et l’universalité.
La présentation des deux nouvelles publications du Professeur Souleymane Bachir Diagne, tenue samedi 18 janvier 2025, à L’Harmattan, a été marquée par des réflexions profondes sur la philosophie et l’universalité. L’événement, organisé dans le cadre des « Arthéroges de la matinée », a rassemblé des universitaires, des éditeurs, des étudiants et un large public, témoignant de l’impact intellectuel et académique du Professeur Diagne.
L es deux ouvrages, bien que distincts dans leurs thématiques, partagent un point commun : l’exploration du lien entre le particulier et l’universel. Le Professeur Diagne y développe une réflexion qui établit que l’universalité n’est pas un concept intemporel et abstrait, mais une construction active ancrée dans les réalités culturelles et historiques. L’idée centrale repose sur l’humanité en tant que processus collectif et réciproque.
Les points forts des échanges ont été la construction de l’humanité, l’impact de la philosophie dans la société et les références au concept d’Ubuntu. Le Professeur Diagne a expliqué que l’universalité se forge à travers le dialogue des cultures et la reconnaissance mutuelle. Elle repose sur l’idée que « devenir humain » implique une coconstruction avec autrui, un principe résumé dans le mot bantou Ubuntu, que l’auteur associe à l’idée de « co-humanité ».
Lors de ses interventions, le philosophe a insisté sur le rôle de la réflexion philosophique dans les enjeux contemporains. Selon lui, la philosophie, loin d’être un luxe intellectuel, est une nécessité pour éclairer les décisions politiques et sociales, particulièrement dans des contextes de crises.
LES RÉFÉRENCES AU CONCEPT D’UBUNTU
Le Professeur Diagne a longuement commenté l’éthique d’Ubuntu, expliquant son émergence comme concept politique en Afrique du Sud post-apartheid. Il a également exploré les parallèles avec des notions similaires dans d’autres cultures africaines, comme Nité en wolof, qui évoque également l’idée de responsabilité et de devenir humain par l’intermédiaire des autres. Dans Universaliser « l’humanité par les moyens d’humanité » ( Albin Michel, 2024), le Pr Souleymane Bachir Diagne explore la notion d’universalité en mettant l’accent sur la nécessité d’un dialogue interculturel. Le philosophe réfléchit sur ce que signifie être « universel » dans un monde marqué par la diversité culturelle et les différences historiques. Il plaide pour une conception de l’universalité qui ne soit pas uniforme ou dominatrice, mais qui s’enrichisse des particularités culturelles et des spécificités locales. Le livre du Pr Bachir Diagne s’inscrit dans une démarche philosophique consistant à déconstruire les hiérarchies des systèmes de pensée pour promouvoir une mondialité basée sur la pluralité et l’échange, où chaque culture contribue à une humanité commune sans nier sa propre singularité.
L’événement a été ponctué de questions et de débats sur l’applicabilité des idées développées par le Professeur Diagne. Les participants ont discuté de la manière dont ces concepts pourraient être intégrés dans les curriculums éducatifs et les pratiques politiques. Cette matinée de réflexion a mis en lumière la profondeur et la pertinence des travaux de Souleymane Bachir Diagne, dont les publications récentes invitent à repenser la philosophie comme un outil de transformation sociale et de construction d’une humanité partagée. Le message d’universalité et d’interconnexion a résonné fortement auprès des participants, consolidant l’importance de ces contributions dans le paysage intellectuel contemporain.
LE DAK'ART 2024 A TENU SES PROMESSES
On redoutait des couacs en raison d’un report inattendu de six mois de ce grand événement culturel. Mais force est de constater que ce report s’est révélé être un repli stratégique, permettant un bon départ pour aboutir à un résultat remarquable.
On redoutait des couacs en raison d’un report inattendu de six mois de ce grand événement culturel. Mais force est de constater que ce report s’est révélé être un repli stratégique, permettant un bon départ pour aboutir à un résultat remarquable.
La 15ᵉ édition de la Biennale de l’art contemporain de Dakar (Dak’Art 2024) a connu un franc succès, presque à tous points de vue : la mobilisation, notamment de la jeunesse (collégiens et lycéens attirés par la magie des réseaux sociaux), la diversité des thématiques, les excellentes propositions des artistes, etc.
C’est le constat sans équivoque du journaliste culturel et critique d’art Aboubacar Demba Cissokho, qui suit cet événement culturel depuis plusieurs années.
Non seulement il note le bon déroulement de cette édition, mais il relève qu’au fil des années, l’intérêt pour cet événement demeure intact, du moins pour le monde des arts et de la culture, ainsi que pour les différents acteurs que cet événement implique et engage.
En revanche, sur le plan de la communication institutionnelle, des lacunes subsistent. Il appartient aux autorités d’y remédier pour continuer à positionner le Dak’Art comme un événement culturel et artistique incontournable. En effet, le Dak’Art est à mettre sur le compte du soft power du Sénégal.
Retrouvez les explications d’Aboubacar Demba Cissokho sur AfricaGlobe TV.
VOYAGE À TRAVERS L’HISTOIRE DU FORT DE BAKEL
Ses murs ont été témoins des combats héroïques de Mamadou Lamine Dramé et de la transformation du pays. Ce monument, désormais siège de la préfecture et site UNESCO, reste un symbole vivant de la mémoire collective
Perché sur une colline stratégique, le fort de Bakel domine fièrement le fleuve Sénégal et la Mauritanie voisine. Construit entre 1818 et 1853, ce fort n’est pas simplement une fortification : il incarne l’histoire et les luttes de cette région, un témoignage de l’époque coloniale et des résistances locales. Depuis 1960, il abrite également la préfecture de Bakel, un rôle administratif qui renforce son importance et son ancrage dans la vie contemporaine.
En 1854, Federbe, gouverneur du Sénégal et militaire, prend les rênes de la région. Bien qu’il n’ait pas été directement sur place, il joue un rôle décisif dans la transformation du fort. De Saint-Louis, il supervise les travaux de modernisation, renforçant les fortifications et transformant le fort de Bakel en un lieu stratégique. Des canons sont installés, orientés vers la Mauritanie, prêts à défendre cette position clé.
Les murs épais du fort, munis de meurtrières, permettent aux soldats de surveiller les alentours tout en restant protégés. À travers ses nombreuses tours, comme la tour du pigeon au nord et la tour du Mont au Singe au sud, le fort pouvait signaler les mouvements ennemis. À l’ouest, la tour Jaurice, surnommée le « tout télégraphique », était un centre vital pour les communications.
Non loin du fort se trouve le pavillon René Caillet, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. Ce pavillon, qui porte le nom de l’explorateur français, est un témoignage de l’époque coloniale. René Caillet, en traversant Bakel sur son chemin vers Tombouctou, y laissa une trace indélébile. Le pavillon reste un point de mémoire et un symbole de l’histoire de l’exploration.
Mais Bakel n’a pas été seulement un lieu de colonisation. C’est également un lieu de résistance. En 1886, Mamadou Lamine Dramé, un homme de Boundiourou (Mali), se dresse contre l’oppression coloniale. Après avoir accompli son pèlerinage à La Mecque, il revient dans son village natal, où il forme une armée pour lutter contre les forces coloniales. Le 12 avril 1886, il mène ses hommes dans une bataille contre les Français, mais malgré leur courage, les bombardements français les dispersent. Cet acte de résistance fait partie des nombreux récits de la lutte pour l’indépendance.
La construction du fort de Bakel, réalisée avec des pierres locales, est un exemple frappant de durabilité. Perché sur une colline, il a été conçu pour résister aux intempéries, et malgré les années, il reste en bon état. Son emplacement élevé lui a permis de résister aux inondations, un défi que d’autres fortifications n’ont pas toujours su surmonter. Ce fort, fait de pierre et de mémoire, se dresse toujours malgré les affres du temps.
Aujourd’hui, l’histoire du fort de Bakel continue d’être racontée par des passionnés comme Idrissa Diarra, un enfant du pays. Enseignant et directeur d’école pendant 40 ans, Idrissa a choisi, après sa retraite en 2012, de devenir guide touristique. Il permet ainsi aux visiteurs de découvrir l’histoire fascinante du fort et de la région. Grâce à des hommes comme lui, l’héritage de Bakel, riche de combats et de conquêtes, demeure vivant et accessible.
Depuis 1960, le fort de Bakel n’est plus seulement un site historique, mais aussi le siège de la préfecture. Il incarne ainsi l’évolution de la ville, passant d’un symbole militaire à un centre administratif vital. Le fort, avec ses pierres et ses tours, continue de raconter l’histoire de la région, une histoire d’indépendance, de résistance et de transformations. Aujourd’hui inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, il est un lieu de mémoire et un trésor à préserver pour les générations futures.
Les belles feuilles de notre littérature par Amadou Elimane Kane
LA RÉSISTANCE DES FEMMES DANS L’ŒUVRE THÉÂTRALE DE MAROUBA FALL
EXCLUSIF SENEPLUS - Cette courte pièce, vive et drôle, est une réussite dans ce qu’elle dénonce et dans la complexité de l’engagement panafricain en politique
Notre patrimoine littéraire est un espace dense de créativité et de beauté. La littérature est un art qui trouve sa place dans une époque, un contexte historique, un espace culturel, tout en révélant des vérités cachées de la réalité. La littérature est une alchimie entre esthétique et idées. C’est par la littérature que nous construisons notre récit qui s’inscrit dans la mémoire. Ainsi, la littérature africaine existe par sa singularité, son histoire et sa narration particulière. Les belles feuilles de notre littérature ont pour vocation de nous donner rendez-vous avec les créateurs du verbe et de leurs œuvres qui entrent en fusion avec nos talents et nos intelligences.
Aliin Sitooye Jaata ou la dame de Kabrus de Marouba Fall est un texte très engagé sur le thème de la résistance. Le genre théâtral permet ici de mettre en résonnance la démarche de la renaissance africaine. Chaque personnage représente la conscience de chacun à s’interroger sur l’histoire et sur les luttes qui ont été conduites pour résister à l’esclavage et à l’aliénation exercée par la puissance coloniale.
La dame de Kabrus est une prêtresse qui, par ses pouvoirs divins, invite la population à ne plus courber l’échine devant l’envahisseur mais à écouter la voix des ancêtres pour recouvrer la dignité. Le drame épique est ainsi posé. Mais les forces françaises, aidées de collaborateurs peu scrupuleux, ne l’entendent pas ainsi, il faut anéantir toute contestation. La révolte pacifique partie du Sud divise le pays car au Nord les alliances conduites par l’administration française détruisent la cohésion et la résistance. Aliin Sitooye Jaata refuse toute compromission et aspire à l’unité africaine. Selon elle, il n’y a pas de nord ni de sud mais une population pareillement morcelée, déchirée par la guerre coloniale. La réunification est la seule solution pour parvenir à la liberté. Ainsi elle choisit l’arme de la démocratie et de la négociation pour parvenir à un accord respectueux des hommes et des femmes, son message est celui de la paix. Courageuse et rebelle, telle une reine africaine, elle se livre aux autorités qui veulent sa tête et la brutalisant tuent l’enfant qu’elle porte.
Aliin Sitooye Jaata est donc la figure héroïque de la résistance, chère aux épopées antiques, qui offre sa vie en sacrifice et qui crie « plutôt la mort que l’esclavage », comme le scandaient les Femmes de Nder. Le théâtre de Marouba Fall est un terrible réquisitoire sur le massacre des esprits qu’a généré l’occupation coloniale française. L’unité spatio-temporelle du théâtre de l’auteur occupe le genre littéraire de manière poétique et engagée. Le texte est un hommage à l’unité, à la paix, à la dignité, à l’espérance d’une liberté grandie par le sacrifice. La parole de Marouba Fall est la promesse du rayonnement de la Renaissance Africaine.
Le second texte, Adja, militante du G.R.A.S., met en lumière la corruption politique qui occupe le pouvoir et qui se traduit par les échecs successifs de certaines gouvernances. Adja est une femme respectueuse, épouse et mère, qui veut devenir député pour aider son pays, au grand désespoir de son mari. Malheureusement, sa pensée est trahie, elle confond la formation politique dénuée d’intérêts personnels et la réussite corrompue. Elle revendique la condition moderne de la femme comme signe de vertu mais adopte une attitude irresponsable au sein de son foyer. Le modèle occidental est son référent social mais cela détruit ce qu’elle est profondément, une femme africaine honnête attachée aux valeurs humaines. Pourtant, le personnage d’Adja et son engagement sincère pose la question du rôle des femmes dans la conduite politique des Etats. Abusée par un escroc déguisé en marabout, Adja retrouve la raison afin de poursuivre son combat sur une voie nouvelle dégagée de l’opportunisme dévastateur.
Cette courte pièce, vive et drôle, est une réussite dans ce qu’elle dénonce et dans la complexité de l’engagement panafricain en politique. Le continent africain doit inventer son fonctionnement politique en s’appuyant sur ses valeurs culturelles, sociales et humaines. C’est tout le message de l’œuvre théâtrale de Marouba Fall qui inspire brillamment la démarche de la Renaissance africaine.
Aliin Sitooye Jaata ou la dame de Kabrus suivi de Adja, militante du G.R.A.S.,
Marouba Fall, Les Nouvelles Editions Africaines du Sénégal, Dakar, 2005.