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27 avril 2025
Culture
DE LA DOUBLE DOMINATION, COLONIALE ET CAPITALISTE
EXCLUSIF SENEPLUS - D'une part, persiste l'archaïsme colonial dans les mentalités. D'autre part, l'imaginaire capitaliste s'impose, avec son culte de l'argent, de la compétition et de l'individualisme. Patrick Chamoiseau : art, politique et engagement
Le célèbre écrivain martiniquais, Patrick Chamoiseau, est bien plus qu'un auteur renommé. Dans cette discussion, avec Barbara Jean-Elie dans "A coeur ouvert", il partage ses réflexions sur sa vie en tant qu'écrivain, travailleur social et figure politique. Tout en explorant le besoin de transcender l'angoisse existentielle par le biais de l'art, Chamoiseau évoque son engagement politique en faveur de la reconnaissance des peuples de la Caraïbe et des Amériques.
Sublimer l'angoisse existentielle par l'art
Pour Chamoiseau, le bonheur chez un être humain ne peut être un état permanent. Il considère le bonheur comme des instants précieux que l'on s'efforce d'agrandir autant que possible. Cependant, il estime que donner un sens à sa vie est tout aussi crucial. Pour lui, l'activité artistique et le fait d'être un créateur jouent un rôle essentiel dans la sublimation de l'angoisse existentielle qui accompagne chaque être humain.
Engagement politique et conscience élargie
Patrick Chamoiseau ne se limite pas à son rôle d'écrivain. Il a également été un travailleur social, s'occupant de jeunes en situation difficile. Cette expérience a contribué à développer une conscience élargie, l'amenant à explorer en profondeur l'histoire de la Martinique et les réalités anthropologiques des Caraïbes. Cette acuité l'a conduit à s'engager politiquement, bien qu'il précise qu'il est un intellectuel politique et non un politicien.
La reconnaissance des peuples de la Caraïbe et des Amériques
Chamoiseau souligne l'importance de la reconnaissance des peuples de la Caraïbe et des Amériques, des nations uniques et inédites. Son travail est à la fois une préoccupation esthétique, éthique et politique, dans laquelle l'idée politique est intrinsèquement liée à l'éthique et à l'esthétique.
Les manifestes et le projet global
L'auteur du roman primé au Goncourt 1992 « Texaco » a publié plusieurs ouvrages majeurs avec une dimension politique importante dont "Écrire en pays dominé" et "L'éloge de la créolité". Il a également été journaliste, tenant une rubrique culturelle intitulée "Une semaine en pays dominé". Cette préoccupation politique découle de sa prise de conscience précoce de la richesse esthétique des réalités anthropologiques complexes et nouvelles qui n'étaient pas encore reconnues politiquement.
"Faire Pays" : Une dimension éminemment politique
En 2000, le Parti Communiste Martiniquais a publié le "Manifeste pour un projet global", signé par Gérard Delvert, Édouard Glissant, Bertène Juminer et Patrick Chamoiseau. Ce manifeste visait déjà à refonder les outre-mer. Chamoiseau revient sur ce même concept dans son dernier texte, "Faire Pays", soulignant la nécessité de trouver de nouveaux concepts pour résister à la nouvelle réalité de l'outre-mer.
Chamoiseau conclut en expliquant que le monde a considérablement évolué depuis l’an 2000. Aujourd'hui, il estime que la meilleure manière d'être utile à son pays est d'alimenter le débat politique avec des idées basées sur l'imaginaire de la relation, mettant en lumière l'interdépendance entre les cultures et les civilisations. Pour lui, une déclaration pertinente ne serait pas une déclaration d'indépendance, mais plutôt une déclaration d'interdépendance.
Responsabilisation pour sortir de la domination
Patrick Chamoiseau analyse la complexité de la situation actuelle, caractérisée par une double domination. D'une part, persiste l'archaïsme colonial dans les mentalités des territoires d'Outre-mer. D'autre part, l'imaginaire capitaliste s'impose, avec son culte de l'argent, de la compétition et de l'individualisme. Cette combinaison postcoloniale ou néocoloniale associée au capitalisme crée, selon Chamoiseau, une situation qu'il qualifie de "monstre d'Outre-mer".
Pour sortir de cette situation, Chamoiseau plaide en faveur de la responsabilisation. Il fait l'éloge de la responsabilité, expliquant qu'il s'agit de donner aux peuples d'Outre-mer un pouvoir de décision sur les grandes réformes qui affectent leur vie. Depuis 1946, les décisions importantes échappent en grande partie à ces territoires, ce qui a engendré des illusions successives. D'abord, l'illusion de l'assimilation, puis celle de la décentralisation. Enfin, une illusion plus récente, qui consiste à placer les territoires d'Outre-mer dans un cadre de déresponsabilisation collective, avec la possibilité de réclamer des habilitations et des compétences.
L'Appel de Fort-de-France : Une étape cruciale
L'Appel de Fort-de-France est pour Chamoiseau un événement politique majeur. Il marque la fin de l'illusion de la responsabilité en tant qu'option. Plusieurs grands responsables politiques et élus s'unissent dans une unanimité rare pour réclamer davantage de pouvoir et de responsabilisation. Cette unanimité souligne l'urgence de la situation et la nécessité de comprendre pourquoi les réformes précédentes n'ont pas abouti.
Chamoiseau estime que la proposition de "Faire Pays" repose sur l'idée que les peuples d'Outre-mer sont des nations avec une histoire, une culture, une identité, et un désir profond de décider de leur propre destin. Cette prise de conscience de la durée historique et de la conscience identitaire est ce qui, selon lui, peut être le moteur du changement. Il conclut en insistant sur la nécessité de comprendre cette dynamique pour espérer dépasser les obstacles systémiques qui persistent depuis des décennies.
Vers la reconnaissance des peuples sans État
Patrick Chamoiseau évoque un changement d'approche par rapport à l'imaginaire des années 50, où la conscience nationale était souvent associée à la revendication d'un État souverain, avec ses frontières et ses symboles nationaux. Dans le monde contemporain, marqué par l'interdépendance, Chamoiseau reconnaît que l'idée de drapeaux nationaux peut persister, même dans un cadre d'interdépendance. En tant qu'indépendantiste, il exprime le désir de voir le drapeau de la Martinique reconnu.
Cependant, Chamoiseau propose une catégorie juridique alternative : celle de "pays". Il estime que la reconnaissance des peuples en tant que nations peut se faire sans nécessairement aboutir à la création immédiate d'États souverains. Il souligne que de nombreux peuples dans le monde vivent sans État souverain et participent à l'intelligence collective mondiale. Il cite l'exemple des Kanaks et d'autres peuples qui ont conservé une vision atavique, inspirée des années 50.
La spécificité des peuples d'Outre-mer réside dans leur composition complexe, résultant de la colonisation et de l'immigration. Cette diversité rend leur situation unique. Dans le monde interdépendant d'aujourd'hui, Chamoiseau estime que les peuples puissants sont ceux qui peuvent mobiliser toutes leurs ressources géographiques, historiques, et culturelles. Cela nécessite une responsabilisation collective et le développement de systèmes relationnels pour tirer parti de ces sources diverses.
Chamoiseau insiste sur l'importance de la responsabilisation collective, qui permettra aux peuples d'Outre-mer de développer leur intelligence collective et de mobiliser leurs ressources pour s'épanouir dans ce nouveau contexte mondial d'interdépendance.
Repenser la Constitution et la République
Patrick Chamoiseau souligne que la constitution française, datant de l'après-guerre, est obsolète dans un monde de plus en plus interconnecté. Il critique la vision verticale de la République française, basée sur l'indivisibilité et l'unité linguistique, et propose une vision plus ouverte. Pour lui, il est envisageable d'avoir une République unique qui rassemble des pays et des peuples différents, fondée sur un pacte démocratique et républicain. Il insiste sur la nécessité de repenser ces notions pour l'avenir.
Responsabilité collective
Chamoiseau met en avant la responsabilité collective comme un élément essentiel pour sortir de la situation actuelle. Il estime que les peuples d'Outre-mer ont la responsabilité de conquérir davantage de compétences, d'habilitations et de pouvoir collectif. Cette responsabilisation doit les pousser à faire un bilan des grands défis qui se posent à eux et à voir s'ils sont véritablement responsables.
Méthode pour la responsabilisation collective
Pour Chamoiseau, la méthode pour parvenir à la responsabilisation collective consiste à soutenir toutes les demandes politiques dans le cadre juridique existant, en récupérant toutes les habilitations et compétences disponibles. Il s'agit d'obtenir un socle solide de pouvoirs. Cependant, il reconnaît que depuis 50 ans, cela n'a pas suffi, et il insiste sur le caractère systémique du problème.
Charte de pays et vision d'avenir
Chamoiseau propose de se battre pour que les Martiniquais puissent définir ce qu'il appelle le "pays Martinique" en élaborant une charte de pays. Cette charte permettrait de visualiser le pays que les générations futures souhaitent avoir dans les 15 à 20 ans à venir. Il estime que cela nécessite une responsabilisation collective optimale obtenue par les habilitations, tout en maintenant l'idée d'indépendance et d'une perspective nationaliste.
Il appelle à remettre en marche une pensée politique qui permette de sortir de l'impasse actuelle et de créer un avenir plus prometteur pour les peuples d'Outre-mer.
Hommage à Édouard Glissant et appel à l'action collective
En conclusion, Patrick Chamoiseau souhaite rendre hommage à Édouard Glissant, dont l'influence a été déterminante dans sa propre réflexion esthétique et politique. La notion centrale de "relation" qu'il a puisée chez Glissant a profondément marqué son travail, tant sur le plan esthétique que politique. Il invite tous les responsables culturels, politiques et ceux qui cherchent à comprendre la réalité complexe de la Caraïbe, des Amériques et du monde contemporain à lire l'œuvre de Glissant, particulièrement "La Poétique de la Relation". Pour Chamoiseau, cette notion de relation reflète la dynamique du monde contemporain, que nous devons affronter pour construire un avenir meilleur.
Chamoiseau conclut en exprimant son espoir que, dans les années à venir, avant que les catastrophes liées à la transition climatique ne nous affectent irrémédiablement, il y aura un véritable élan de responsabilisation collective. Il appelle à sortir des contraintes politiciennes pour repenser notre monde et mettre en place une politique culturelle qui projette notre pays dans le contexte mondial. Pour lui, il est urgent de faire progresser cette vision avant que les défis climatiques ne deviennent insurmontables.
MAMADOU DIOUF PUBLIE L’AFRIQUE DANS LE TEMPS DU MONDE
L'intellectuel et historien sénégalais offre une réflexion approfondie sur l'histoire de l'Afrique et de la diaspora noire, mettant en lumière les conséquences de la colonisation et la résilience des communautés africaines face à cette tragédie
Dans son dernier ouvrage intitulé « L’Afrique dans le temps du monde », l'intellectuel et historien sénégalais Mamadou Diouf offre une réflexion approfondie sur l'histoire de l'Afrique et de la diaspora noire, mettant en lumière les conséquences de la colonisation et la résilience des communautés africaines face à cette expérience traumatisante.
Le livre explore les dynamiques complexes de la colonisation de l'Afrique par les puissances européennes, en soulignant le rôle de l'idéologie de la hiérarchie raciale dans ce processus. Diouf met en évidence comment cette idéologie a été utilisée pour déposséder les communautés africaines de leurs cultures, les reléguant ainsi à la périphérie de l'histoire et les privant de leur place légitime dans le temps du monde.
Face à cette expropriation et à ce bannissement, l'Afrique et la diaspora noire ont réagi en produisant des contre-récits qui remettent en question la prétendue mission civilisatrice de l'Occident. L'auteur explore comment l'histoire africaine et noire a puisé dans les narrations orales et les cultures matérielles dédaignées pour revitaliser l'identité africaine et reconstruire un récit universel débarrassé de l'impérialisme occidental.
Mamadou Diouf, qui enseigne l'histoire et les études africaines à l'université Columbia de New York, est un spécialiste renommé de la colonisation africaine et des sociétés subsahariennes. Avec une œuvre historiographique abondante à son actif, dont des ouvrages tels que « Le Kajoor au XIXe siècle » et « Histoire du Sénégal », il apporte une perspective unique sur l'histoire africaine et les enjeux qui lui sont associés.
En tant que co-directeur des ouvrages « Déborder la négritude » et « Afrika N'ko : la bibliothèque coloniale en débat », Diouf a déjà contribué à la réflexion sur la déconstruction des paradigmes coloniaux et à la valorisation des voix africaines dans le discours académique.
Né à Rufisque, au Sénégal, Mamadou Diouf puise dans son expérience personnelle et académique pour livrer une analyse nuancée et approfondie de la condition africaine et de la diaspora noire. Son livre « L’Afrique dans le temps du monde » offre une contribution précieuse à la compréhension de l'histoire africaine et à la reconstruction d'un récit universel plus inclusif et équilibré.
En mettant en lumière les complexités de l'histoire africaine et en soulignant le rôle central de l'Afrique et de la diaspora noire dans la construction d'un récit universel, Mamadou Diouf invite les lecteurs à repenser les paradigmes coloniaux et à reconnaître la richesse et la diversité des cultures africaines. Son travail contribue à la valorisation des voix africaines et à la réaffirmation de l'importance de l'Afrique dans le concert des nations.
« L’Afrique dans le temps du monde » est un ouvrage incontournable pour tous ceux qui s'intéressent à l'histoire de l'Afrique, à la déconstruction des récits coloniaux et à la recherche d'un avenir plus juste et égalitaire pour le continent africain et ses diasporas à travers le monde.
À l’occasion de la sortie de "L’Afrique dans le temps du monde", Mamadou Diouf sera en France du 13 au 22 octobre pour une série de présentations étincelantes…
Vendredi 13 octobre, 19h00
En avant-première à la sortie de son livre, Mamadou Diouf sera en dialogue avec Nadia Yala Kisukidi à la Maison des Relations Internationales, 14, rue Descente en Barrat, Montpellier, une rencontre animée par Salim Mokaddem, dans le cadre de la Biennale Euro-Africa.
Jeudi 19 octobre, 19h30
Lancement de "L’Afrique dans la temps du monde" à la librairie Petite Égypte, 25, rue des Petits Carreaux, Paris. Une rencontre animée par Alexis Argyroglo.
Samedi 21 octobre, 15h30
Mamadou Diouf présente "L’Afrique dans la temps du monde", à la Gaîté Lyrique, 3 bis, rue Papin, Paris. Une rencontre animée par Jean-Marie Durand, dans le cadre du festival Et maintenant ?
Dimanche 22 octobre, 13h30
Mamadou Diouf présente "L’Afrique dans la temps du monde", au Carreau du Temple 4, rue Eugène Spuller, Paris. Une rencontre animée par Valérie Nivelon, dans le cadre de la foire AKAA.
BAABA MAAL REMONTE LE TEMPS
Le Daande Leñol a produit un spectacle de qualité, ce samedi 07, sur la scène du Grand théâtre. Baaba Maal a ainsi reconstitué un répertoire de 38 ans de scène, communiant avec fans, proches et mélomanes...
Le Daande Leñol a produit un spectacle de qualité, ce samedi 07, sur la scène du Grand théâtre. Baaba Maal a ainsi reconstitué un répertoire de 38 ans de scène, communiant avec fans, proches et mélomanes...
C’est un Grand Théâtre comble, debout comme un seul homme, qui a accueilli le roi du yéla. Des notes de guitare et la voix grave d’un griot annoncent El Hadji Baba Maal. Les rideaux s’ouvrent sur un décor avec un Baaba Maal vêtu d’un grand boubou bleu, la voix fluette, chantant « Mali Sadio ». Les retardataires ont négocié des places sans succès. Baaba Maal était accompagné par deux joueurs de xalam, deux percussionnistes et un joueur de Kora au milieu. Voilà pour la partie acoustique. Ce fut aussi l’entrée en salle de la délégation de la communauté léboue conduite par le Jaraaf Youssou Ndoye, vêtu d’un grand boubou et coiffé d’un bonnet de dignitaire.
L’artiste prend le public à témoin pour dire : «Youssou Ndoye est un exemple ; il a fait le déplacement au Fouta à l’occasion des Blues du fleuve. Les Thioubalos et les Lébous sont un exemple de parenté. Les Sérères et les Diolas sont également des cousins, le Sénégal est un exemple de cohésion sociale.» Le public participe au spectacle et scande : Baaba ! Baaba! Une pirogue en arrière-plan crée une profondeur qui rehausse le décor et emporte le spectateur vers les bords du fleuve. Cinq choristes font à ce moment leur entrée, accompagnant la deuxième chanson : Taara d’«El Hadji Umar Tall». La voix de Baba surfe sur les chœurs. Le rythme de la musique monte aussi d’un cran. Deux danseuses assises balancent des bras d’un côté à l’autre. Une chanson dédiée au Jaraaf fait bouger la salle : «Sounou ndaanaan». Les billets de banque jetés par les mélomanes jonchent le plancher du Grand théâtre : hommes et femmes se bousculent pour montrer leur générosité, esquissant des pas de danse. Seulement le défilé pollue les images des télévisions qui assuraient en direct la diffusion du spectacle. Baaba Maal, lors d’un interlude, invite les parents à écouter leurs enfants. C’est, dit-il, le devoir de tous les parents. Il remercie dans la foulée les mélomanes, au nom du Daande Leñol. Il rend aussi honneur aux disparus.
LA DEUXIEME PARTIE DU SPECTACLE S’OUVRE SUR LE SON DU FILM BLACK PANTHER
Lever de rideau. Baaba est perché sur la pirogue, chantant la mythique « Souka Naayo », accompagné de deux vents, d’une batterie, d’une guitare basse et d’une guitare solo. Le percussionniste est au centre tandis que les deux claviéristes sont sur les deux extrémités de la scène. La voix de Baaba Maal emplit le théâtre, avec des notes dans une parfaite harmonie. Il avance, le tengaade sur la tête. Il lance : « aujourd’hui va être un voyage dans le temps, avec le Daande Leñol, les musiciens qui m’ont fait connaître à travers le monde. L’occident avec qui on a eu des clashs parfois, qui nous a donné quelquefois, ne doit pas nous empêcher de chanter dans nos langues nationales », plaide l’artiste. Il enlève le chapeau traditionnel, engage le combat de la valorisation des langues nationales, armé de son micro.
La pagaie à terre, il chante «Poulo...» ; la salle est en transe. Un solo de clarinette avec la voix de l’artiste, meublé par un jeu de lumière, émerveille le public qui chante en chœur avec l’artiste sur un rythme de reggae. Baba esquisse des pas de danse tandis que les billets pleuvent sur lui. Il chante aussi la communauté haal pulaar, et partage la scène avec Mbakhé Sène, dans un battement de tam-tam saccadé. Ils magnifient la parenté entre Sérère, Toucouleur et Diola. L’artiste Kane Diallo, lui, a partagé avec Baaba Maal la chanson « Yerimayo Celebration», du dernier album Being.
DES «GENIES» SENEGALAIS S’EXPOSENT ET S’EXPRIMENT A PARIS
InduLes Sénégalais étaient bien visibles à Paris les 6, 7 et 8 octobre dernier à l’occasion du Forum Création Africa
Seydina Bilal DIALLO (Envoyé spécial à Paris) |
Publication 09/10/2023
Le Sénégal est très bien représenté au Forum Création Africa à Paris. Plus d’une dizaine de jeunes créateurs et artistes culturels y ont exposé leur savoir-faire dans le domaine des jeux vidéo, du motion design, de l’art, du cinéma… Certains d’entre eux ont accepté de raconter à «L’AS» leur histoire avec les ICC et de donner leurs avis sur la redéfinition des relations entre la France et l’Afrique.
Les Sénégalais étaient bien visibles à Paris les 6, 7 et 8 octobre dernier à l’occasion du Forum Création Africa. En plus de proposer un état des lieux de l’industrie culturelle et créative en Afrique où de nouveaux modes de narration et de nouvelles projections de l’imaginaire se mettent en place, c’était une bonne tribune pour des « génies » sénégalais d’exposer leur savoir-faire et de s’exprimer sur l’utilisation des ICC pour redéfinir les relations entre la France et l’Afrique.
BABA DIOUM, L’ICONE ESPORT PROFESSIONNEL EN AFRIQUE
Parmi ces «génies» on peut compter Baba Dioum qui s’active dans le domaine de l’Esport au Sénégal. Manager du premier club Esport professionnel de l'Afrique de l'ouest et Président de l'association SENGAMES, ce spécialiste du jeu vidéo est convaincu que les industries culturelles et créatives ont le potentiel de transformer la relation entre la France et l'Afrique en favorisant une compréhension mutuelle plus profonde, en promouvant la diversité culturelle, en créant des collaborations artistiques et en renforçant les liens personnels et professionnels. «Elles peuvent également contribuer à l'éducation, au tourisme et à la diplomatie culturelle, tout en renforçant l'influence positive de la France en Afrique par le biais de son soft power», laisse t-il entendre. Il déclare dans la foulée que la relation France Afrique continue d'évoluer vers une coopération plus équilibrée. La preuve, note-t-il, la France maintient toujours des liens historiques, culturels et économiques avec de nombreux pays africains. «J'observe une évolution vers une relation plus équilibrée et moins néocoloniale motivée par plusieurs facteurs : le renforcement des partenariats économiques avec l'Afrique en favorisant le commerce équitable ; la réduction des forces militaires directe au profit d'une collaboration avec les armées africaines ; et la multiplication des opportunités dans le secteur de la culture et des innovations pour les Africains à travers des évènements», affirme Baba Dioum.
MOCTAR SIDIBE, LE «GEEK» SPECIALISE EN ART DIGITAL
Si Baba excelle dans la pratique et le management de l’Esport, Moctar Sidibé lui, est dans la création artistique digitale. Cet entrepreneur au parcours atypique combine sa profession de développeur avec sa passion pour l'art digital. Il a fait ses premiers pas dans le monde du numérique, il y a six ans maintenant. Il a eu à explorer divers domaines, du développement à la 3D, avant de trouver sa véritable passion, le motion design. Aujourd'hui, il est un artiste numérique polyvalent qui crée des animations captivantes, tout en continuant de développer son entreprise et en repoussant sans cesse les limites de la créativité dans ce monde en constante évolution. Sa spécialité dans les industries culturelles et créatives réside principalement dans la blockchain et le web 3. Il a lancé une marketplace NFT appelée Kucibok, qui constitue un espace novateur pour les artistes et les créateurs de contenu numérique. Cette plateforme, en plus d'être un agrégateur d'art phygital, permet aux artistes de vendre leurs œuvres sous forme de tokens NFT, ouvrant ainsi de nouvelles opportunités pour la monétisation de l'art numérique. En plus de sa plateforme NFT, il propose également des prestations de services liées au web 3. Cela peut inclure des conseils en matière de blockchain, de conception et de développement d’Apps (applications décentralisées), ainsi que d'autres services liés à cette technologie émergente. Son expertise dans ces domaines lui a permis de contribuer à l'essor de l'art numérique et de la technologie blockchain dans le secteur culturel et créatif africain. Moctar Sidibé dit être présent à ce forum pour établir des connexions cruciales avec d'autres acteurs du secteur, notamment des artistes, des créateurs, des investisseurs et des experts. «Ces interactions peuvent déboucher sur des collaborations fructueuses, des financements et des opportunités d'apprentissage mutuel, renforçant ainsi notre réseau professionnel», laisse-t-il entendre. Non sans se réjouir du fait que ce forum offre une plateforme pour partager des idées innovantes, des tendances émergentes et des bonnes pratiques dans les ICC en Afrique. Il pense que les entrepreneurs africains doivent être conscients du potentiel des ICC pour favoriser un échange culturel plus équilibré et mutuellement enrichissant. «En exportant nos créations artistiques vers la France, nous contribuons à faire découvrir et apprécier la diversité de notre continent», a-t-il soutenu. Non sans dire qu’elles encouragent le dialogue interculturel et permettent de dépasser les stéréotypes et les préjugés. «En montrant que l'Afrique est bien plus qu'une série de clichés, nous contribuons à une meilleure compréhension mutuelle entre nos deux sociétés», souligne monsieur Sidibé. Mieux, ajoute-t-il, les entrepreneurs africains actifs dans les ICC doivent jouer un rôle crucial dans la redéfinition positive de la relation entre l'Afrique et la France. «Nos initiatives créatives peuvent aider à construire des ponts culturels et économiques solides, contribuant ainsi à une collaboration plus harmonieuse et équilibrée entre nos continents», préconise le Motion designer. D’ailleurs, il estime que la relation entre la France et l'Afrique est complexe et en constante évolution. «Certaines personnes considèrent cette relation comme étant empreinte de néocolonialisme, tandis que d'autres voient un potentiel pour une coopération mutuellement bénéfique. En fin de compte, l'avenir de cette relation dépendra des choix et des actions des gouvernements africains et français, ainsi que des aspirations des peuples des deux régions», laisse-t-il entendre. Et d’indiquer que les jeunes entrepreneurs peuvent contribuer à façonner une relation plus équilibrée et fructueuse entre la France et l'Afrique. Et que les Industries culturelles et créatives (ICC) doivent jouer un rôle essentiel dans la redéfinition positive de la relation entre l'Afrique et la France.
SEYDINA MOHAMED SENE, UN ENTREPRENEUR DIGITAL ENGAGE
A côté de Moctar Sidibé, on peut compter Seydina Mouhamed Sène, lui aussi Tech entrepreneur sénégalais. Cet artiste passionné a co-fondé une startup tech dans les Industries culturelles et créatives. Cet expert en art engagé est ouvert à toutes les formes d'expression artistique pourvu qu'elles servent à véhiculer un message en lien avec les objectifs de développement durable. «Notre plateforme rassemble et répertorie les artistes engagés disséminés à travers l'Afrique, dans le but de les inciter à collaborer au sein des programmes axés sur les objectifs de développement durable initiés par les ONG et les Associations œuvrant sur le continent africain», informe-t-il. Seydina Mohamed Sène estime que ce forum a permis aux uns et aux autres de se rendre compte que les Africains ne collaborent pas assez et qu’il convient de combler ce vide afin d’ouvrir des marchés plus vastes, avant de chercher des financements étrangers. Selon lui, les artistes africains sont capables d'instaurer un dialogue entre l'art et le développement, mais aussi entre l'art et la politique, l'art et la culture... À travers leurs créations, note-t-il, ils reflètent les réalités et les enjeux authentiques de leur environnement, tout en transmettant un message sans en altérer le sens. Au contraire, précise-t-il, ils en renforcent l'impact et encouragent l'échange. Parlant de la relation entre la France et l’Afrique, Seydina Mohamed Sène soutient que ce que l'on ressent aujourd'hui est parfois mal interprété comme un sentiment anti-français, alors qu'il s'agit simplement de l'évolution des mentalités, des besoins et de la manière dont la génération perçoit les changements actuels. Ainsi, souligne-til, il est impératif qu’on réévalue collectivement les collaborations, les échanges culturels. Ces dynamiques ne doivent pas se limiter à une relation entre dirigeants, mais doivent impliquer chacun dans la réflexion en amont, plutôt qu'après que les décisions ont déjà été prises, ajoute-t-il.
MAHFOUSSE, L’HUMORISTE DU NET TISSE SA TOILE
Enfin, le dernier acteur des ICC sénégalais rencontré lors de ce forum est Cheikh Mahfousse Samb alias Mahfousse. Ce jeune humoriste, youtubeur et acteur sénégalais, est révélé en 2014 au public à travers ses premières vidéos sur Youtube. Il devient populaire grâce à son concept «caméra cachée» créé il y a dix ans maintenant et qui l’a propulsé au-devant de la scène. Il est aujourd'hui l'humoriste sénégalais le plus productif sur Youtube avec le plus grand nombre de vidéos visionnées à son actif. Avec quatre millions de followers sur les réseaux sociaux, il est aujourd'hui un As dans son domaine. Il a réussi à accrocher son public avec des vidéos dans lesquelles il met en scène des situations cocasses de la vie de tous les jours en s'inspirant principalement des faits de société. Celui qui se fait appeler le «Dentiste du rire» veut aujourd’hui donner un nouvel élan à sa carrière. Il s’est lancé récemment dans la production en réalisant une série sur l'émigration clandestine intitulée GAAL GUI.
L'AFRIQUE ET LES ÉCRIVAINS OUBLIÉS DU NOBEL DE LITTÉRATURE
Le continent reste largement sous-représentée parmi les lauréats de ce prix, tandis que l'Europe et l'Amérique du Nord dominent le classement avec les trois quarts des auteurs récompensés
Le prix Nobel de littérature est l'une des récompenses les plus prestigieuses du monde littéraire. Depuis sa création en 1901, il a honoré de nombreux écrivains talentueux du monde entier. Cependant, un constat amer persiste : l'Afrique reste largement sous-représentée parmi les lauréats de ce prix, tandis que l'Europe et l'Amérique du Nord dominent le classement avec les trois quarts des auteurs récompensés.
Sur les 118 lauréats à ce jour, seuls cinq écrivains africains ont été couronnés. Il s'agit de Wole Soyinka, Naguib Mahfouz, Nadine Gordimer, John Maxwell Coetzee et Abdulrazak Gurnah. Bien que ces écrivains aient indéniablement mérité leur récompense, il est indéniable que la production littéraire africaine dans son ensemble est largement sous-représentée.
Elara Bertho, chercheuse au CNRS et spécialiste des littératures africaines, souligne cette disparité. Elle affirme à RFI que cinq auteurs primés depuis 1901 sont très peu par rapport à la richesse et à la diversité de la production littéraire africaine. Selon elle, il existe une prétention à l'universel dans la manière dont les littératures mondiales sont considérées, mais cet universalisme est en réalité fortement eurocentré.
La question se pose alors de savoir pourquoi les écrivains africains sont souvent oubliés par le comité Nobel. Certains estiment que cela est dû à la profusion d'écrivains talentueux en Europe et en Amérique du Nord. Sami Tchak, écrivain togolais et lauréat du Grand prix littéraire d’Afrique noire, affirme toujours dans les colonnes de RFI qu'il n'y a pas autant de Boubacar Boris Diop, Ben Okri ou Mia Couto en Afrique. Selon lui, ceux qui méritent le Nobel sont une minorité, même si la qualité de leur œuvre est indéniable. Pour lui, il y a également une longue histoire d'invisibilisation des littératures africaines.
Une autre raison de cette sous-représentation réside dans les langues utilisées par les écrivains africains. Parmi les cinq lauréats africains, quatre écrivaient en anglais et un seul en arabe littéraire. Les écrivains africains francophones, quant à eux, se sentent souvent oubliés. La France, avec 16 auteurs récompensés depuis 1901, domine largement le classement des pays primés. Les langues africaines, telles que le wolof ou le swahili, sont donc souvent négligées en faveur des langues européennes.
Ngugi wa Thiong'o, écrivain kényan souvent cité comme candidat potentiel au Nobel, est intéressant à cet égard. Depuis la publication de son livre "Pour décoloniser l’esprit" en 1986, dans lequel il prône la décolonisation linguistique, il a cessé d'écrire en anglais et se consacre exclusivement à sa langue maternelle, le kikuyu. Cette prise de position est un défi à l'eurocentrisme de la littérature et met en lumière la nécessité de reconnaître et de valoriser les langues africaines.
Bien que la traduction puisse permettre aux écrivains africains de dépasser les frontières linguistiques, elle ne suffit pas à garantir leur visibilité internationale. Sami Tchak souligne à RFI que la question du nombre de personnes lisant dans les langues africaines se pose également. Les auteurs africains ont besoin d'une validation et d'une reconnaissance locales pour briser les dominations symboliques. Cela impliquerait la mise en place de prix littéraires en Afrique et le développement de maisons d'édition puissantes sur le continent.
Actuellement, de nombreux écrivains africains se font éditer dans de grandes maisons d'édition en Europe et dépendent des prix littéraires européens pour obtenir une reconnaissance. Ce système centralisé de légitimation limite leur autonomie et leur visibilité internationale. Il est donc nécessaire derepenser les mécanismes de reconnaissance littéraire et de valorisation des écrivains africains.
Certaines initiatives ont été mises en place pour remédier à cette situation. Par exemple, le prix Caine pour la littérature africaine, créé en 2000, vise à promouvoir et à récompenser les écrivains africains émergents. Il a permis de mettre en lumière de nombreux talents et d'encourager la production littéraire africaine.
Par ailleurs, la diversification des jurys des prix littéraires internationaux pourrait contribuer à une meilleure représentation des écrivains africains. Il est important d'inclure des membres issus de différentes régions du monde et de différentes cultures afin d'éviter les biais et les préjugés culturels.
Enfin, il est essentiel de soutenir et de promouvoir les maisons d'édition africaines, qui jouent un rôle crucial dans la diffusion des œuvres littéraires africaines. Le renforcement de ces maisons d'édition permettrait aux écrivains africains d'avoir un meilleur accès au marché international du livre et de gagner en visibilité.
YOUSSOU NDOUR, UNE ÉTOILE ÉTERNELLE
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LES INDUSTRIES CULTURELLES CREATIVES AU CŒUR DE LA REDEFINITION DES RELATIONS FRANCE-AFRIQUE
Le monde de la création artistique émergente se donne rendez-vous les 6, 7 et 8 octobre 2023 à la Gaîté Lyrique et au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) à Paris
Paris accueille actuellement le Forum création africa qui est dédié à la production et à la circulation de la création artistique émergente. cet évènement met ainsi en lumière des acteurs issus des séries tv, du cinéma d’animation, des univers immersifs (Xr), des jeux vidéo et de l’édition (bande dessinée). Pour les autorités françaises, cette initiative va permettre de passer par les industries culturelles et créatives (icc) pour redéfinir profondément les relations entre le France et l’Afrique.
Le monde de la création artistique émergente se donne rendez-vous les 6, 7 et 8 octobre 2023 à la Gaîté Lyrique et au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) à Paris. Il s’agit de braquer les projecteurs sur les acteurs issus de filières en plein développement: des séries TV, du cinéma d’animation, des univers immersifs (XR), des jeux vidéo et de l’édition (bande dessinée). Cette première édition est l’occasion pour plus de six cents professionnels dont 300 africains – artistes créateurs, producteurs, diffuseurs et capitaines d’industrie - de se rencontrer, de partager le meilleur de la création contemporaine africaine, d’échanger autour des enjeux de production, de filières et d’envisager de nouvelles façons de collaborer avec les entrepreneurs français et européens. Plus de 60 entreprises françaises en recherche d’opportunités seront également sur place.
13 MILLIARDS DE FCFA DEDIES AUX ICC EN AFRIQUE
Selon les organisateurs de ce grand évènement, en amont du Forum Création Africa, le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères a lancé cette année un fonds de soutien à l’entrepreneuriat culturel en Afrique (FAEC).
Doté de 20M€ (environ 13 milliards de FCFA) en 2023 à destination de 16 pays en Afrique, ce fonds permet d’accompagner des porteurs de projets, spécifiquement sur les ICC et l’entrepreneuriat culturel en Afrique.
Outre ses dimensions culturelles et économiques, informent-ils, les ICC contribuent à créer du lien social dans les communautés. «Au-delà de l’expression artistique, de leur dimension sociale, intellectuelle ou esthétique, les industries culturelles et créatives (ICC) constituent un secteur économique en pleine croissance en Afrique, représentant près de 3% du PIB des Etats Africains en 2020 », lit-on dans le dossier presse envoyé par les organisateurs qui ajoutent que les industries du cinéma et de l’audiovisuel notamment pèsent pour 5 milliards de dollars dans le PIB du continent africain et emploient près de 5 millions de personnes en 2021. «Ce secteur est aussi un axe fort du savoir faire français, reconnu et sollicité à l’international. Avant la pandémie, les ICC représentaient en France près de 92 M€ de chiffre d’affaires dont environ 12% provenaient des exportations et 2.3% du PIB national, soit un poids économique comparable à celui de l’industrie agro-alimentaire et deux fois plus important que celui de l’industrie automobile. Ces chiffres démontrent le fort potentiel de croissance d’un secteur considéré comme l’un des plus porteurs au niveau mondial», renseignent les organisateurs.
DEPLOIEMENT EN LIGNE DE MANSA, LA MAISON DES MONDES AFRICAINS
Pour la Secrétaire générale du Forum Création Africa, ce forum doit aider à «transcender nos imaginaires». Élisabeth Gomis de dire que c’est une continuité de la Saison Africa 2020 qui avait réuni sur le territoire français plus de 2 000 acteurs africains venus de tous les champs de la création. Cet évènement, dit-elle toujours, permet de réinventer la narration et les modes de consommation télévisuels, et emmène les gens vers des horizons qui façonneront le monde de demain. «Au cours de ces trois journées, nous aurons l’occasion d’explorer de nouveaux récits, de débattre de nos enjeux sectoriels communs et de forger des partenariats solides entre acteurs des industries culturelles et créatives qui transcenderont les barrières géographiques», a soutenu la Secrétaire générale du Forum Création Africa. Selon elle, cet évènement signera aussi le premier acte d’un projet d’envergure : MansA, la Maison des Mondes Africains.
Initiée par le Pr Achille Mbembe, MansA est conçue comme une institution culturelle d’une nature inattendue. «Conçue comme une architecture dynamique, vivante et ouverte, MansA amorcera dans un premier temps son déploiement en ligne grâce à une plateforme hybride, à mi-chemin entre média et réseau social, avant de prendre résidence au cœur de Paris», lit-on dans le dossier de Presse dont nous avons copie. Non sans préciser que La Maison rayonnera également au sein d’un réseau de partenaires européens et africains partageant une philosophie commune. En définitive, selon les organisateurs, cet évènement est le Premier salon de ce type en Europe, et qu’elle a vocation à s’inscrire dans la durée. Sur ce, notent-ils, elle se déroulera de façon alternative entre la France et le continent africain pour devenir le rendez-vous incontournable des créateurs. Il faut juste relever que parmi les participants, on peut citer de nombreux créateurs et innovateurs sénégalais parmi lesquels Modou Diongue qui fait partie des 10 jeunes entrepreneurs culturels africains qui se verront remettre un Prix pour leur performance lors d’un «Pitching Session». Il y a également le Youtubeur Makhfouss ; le champion d’Afrique d’e-foot, Mohamed Thiam, plus connu sous le nom de Dexx Junior ; Ibee Ndaw, coordinatrice générale du Dakar Séries, premier festival panafricain des séries, ancré au Sénégal,… Celle-ci proposera en effet un état des lieux de l’industrie de l’audiovisuel en Afrique où de nouveaux modes de narration et de nouvelles projections de l’imaginaire se mettent en place.
OSCARS 2024, SIX FILMS EN LICE POUR REPRÉSENTER LE SÉNÉGAL
Le ministère la Culture et du Patrimoine historique a annoncé, dimanche, avoir reçu les six films parmi lesquels sera sélectionné celui qui représentera le Sénégal dans la catégorie du long métrage international à la 96e cérémonie des Oscars
Le ministère la Culture et du Patrimoine historique a annoncé, dimanche, avoir reçu les six films parmi lesquels sera sélectionné celui qui représentera le Sénégal dans la catégorie du long métrage international à la 96e cérémonie des Oscars prévue le 14 mars 2024, à Hollywood, aux Etats-Unis.
Il s’agit de quatre films fictions et de deux documentaires : ‘’Tirailleurs’’ de Mathieu Vadepied, ‘’Banel et Adama’’ de Ramata Toulaye Sy, ‘’Le mouton de Sada’’ de Pape Bouname Lopy, ‘’Dent pour dent’’ de Mamadou Ottis Ba, ‘’Une histoire du francs CFA’’ de Katy Léna Ndiaye et ‘’Le fleuve n’est pas une frontière’’ de Alassane Diago.
Le jury chargé de sélectionner le film devant représenter le Sénégal a été aussi dévoilé, signale le ministère. Il est composé de neuf professionnels du monde du cinéma, dont les producteurs Ndiouga Moctar Ba (président) et Hamet Fall Diagne, le directeur de la photographie Amath Niane, l’actrice Fatou Jupiter Touré, la technicienne de film Aïda Badji Soumaré, entre autres.
SISTER LB (ARTISTE RAPPEUSE) : L’AVOCATE DES FEMMES
Avocate des femmes et des enfants, protectrice comme une sœur, Sister LB, de son vrai nom Selbé Diouf, est une rappeuse engagée. Après le succès de plusieurs singles, dont ''Do xool'' et ''Iñaan'', elle travaille sur son album ‘’Méditation’’ ...
Avocate des femmes et des enfants, protectrice comme une sœur, Sister LB, de son vrai nom Selbé Diouf, est une rappeuse engagée. Après le succès de plusieurs singles, dont ''Do xool'' et ''Iñaan'', elle travaille sur son album ‘’Méditation’’ dont la sortie est prévue avant la fin de l'année.
La rappeuse Sister LB (Lighting Brain), de son vrai nom Selbé Diouf, est une fashionista, et surtout une accro aux belles chaussures. Sa préférence : les baskets. Artiste dans l'âme, elle n'en porte pas seulement sur scène, mais dans la vie de tous les jours ou presque, avec un pantalon jogging assorti d'un t-shirt.
Loin de la jupe et du costume damassé typique des femmes, ce style élégant et original illustre à quel point la rappeuse au teint noir et à la touffe de dreadlocks est dans l'action. Elle a le sens de l'engagement. La musique est pour elle un excellent moyen d'expression et de motivation qui lui permet de voyager à travers les mots et les mélodies. Elle lui procure une force de partager ses idées.
Issue d’une famille de musiciens et influencée par une mère artiste chorégraphe et metteur en scène, Sister LB a pris très tôt goût à la musique urbaine. Elle a commencé à marquer son empreinte dans le monde hip-hop en 2013, suite à la sortie de son single réalisé avec son groupe Fippu. C’est en 2019 qu’elle a sorti son premier single solo intitulé ‘’Ji gën’’ pour rendre hommage aux femmes. Elle s'est élevée au rang d’ambassadrice, en utilisant sa voix puissante pour amplifier les récits et les luttes des femmes.
En célébrant l'héritage culturel du Sénégal tout en appelant au changement, Sister LB continue d'inspirer les générations présentes et futures. Depuis ses humbles débuts, elle a tracé un chemin extraordinaire à travers l'univers de la musique, tout en incarnant un symbole de résilience et d'autonomisation féminine.
À travers ses mélodies envoûtantes et ses paroles profondes, Sister LB a réussi à captiver les cœurs et les esprits, tout en suscitant des questions essentielles sur l'égalité des genres et la justice sociale. Aujourd’hui, Sister LB s’est bien imposée dans le rap sénégalais.
‘’Au début, ce n'était pas trop évident, car le hip-hop étant un art de revendication et d'engagement, même les hommes peinaient à être respectés. De ce fait, je me suis battue pour me faire une place’’, confie la rappeuse, montrant que le hip-hop n'est pas seulement une affaire d'homme ou de femme. ‘’C'est un plaisir de voir beaucoup de femmes y évoluer'', se réjouit l’artiste qui a pris très tôt contact avec les musiques urbaines à travers le Positive Black Soul, Diam’s, Missy Elliott, Bahamadia, entre autres. Elle ajoute : ‘’Même si ce n'est pas du tout facile, du fait d'être une femme, car on est confrontée à beaucoup de jugements, d’injustices et les moyens n’y sont pas, grâce à Dieu et l'éducation que nous avons reçue, on a su garder le cap, ne pas flancher et pouvoir montrer notre valeur, mais aussi de nous battre pour inspirer d'autres femmes et jeunes filles qui veulent entrer dans le ‘game’.’’
Parmi ses morceaux phares, il y a ’Maa la dig Tekki’’ qui parle d’une promesse de réussite que l’on fait à sa mère. C’est un hymne de gratitude et de reconnaissance à l'endroit des parents qui soutiennent et encouragent les efforts de ces jeunes en quête d’un avenir meilleur. Et le public savoure toujours les titres ''Mbedd mi'' et ''In da club''.
Après avoir créé son label Light of Brain entertainment, LB sort single ''Do xool'' et '' Iñaan'', comme avant-goût de l’album ‘’Méditation’’ dans lequel elle invite à méditer sur nous-mêmes. Elle partage aussi son histoire, les déceptions, les peines et les joies qui l’ont plongée dans la méditation. Un album de plus de dix titres qui retrace son parcours.
Très active et ambitieuse, Sister LB n'est pas seulement douée pour le rap. Elle est également technicienne en son et lumière, mais elle s’est spécialisée en lumière, juste après sa formation au Campus sn. Hormis cela, elle est aussi l'ambassadrice de l'OIM dans le cadre de leurs projets ‘’Cinemarema’’. Elle y anime des ateliers d'écriture. De plus, elle est engagée dans la sensibilisation contre la corruption avec PAAC qui est une plate-forme d'activités et d'artistes.
LE KASSA, TERRE DES ROYAUMES DE KAROUHAYE
Il est courant d’entendre parler du roi d’Oussouye, faisant allusion à la cour du roi Sibulumbaï Diédhiou établie juste à l’entrée de la commune
Aliou Diouf, Jonas Souloubany Bassene et Moussa Sow |
Publication 29/09/2023
Il est courant d’entendre parler du roi d’Oussouye, faisant allusion à la cour du roi Sibulumbaï Diédhiou établie juste à l’entrée de la commune. En réalité, le Kassa est composé de plusieurs cours royales toutes indépendantes des unes des autres. Elles ont des pratiques culturelles différentes, même si elles prennent leurs sources en Guinée Bissau.
Il est difficile de fixer, de manière précise, le nombre de royaumes dans le Kassa, autrement dit, du pont de Niambalang jusqu’à Cabrousse, Diembering. Certains trônes ont cessé d’exister. D’autres n’ont plus de roi et sont dans le processus de choisir. Mais « pour simplifier, il faut dire qu’il y a une quinzaine de village fonctionnels dans le sens des traditions diolas qui date de 3e, 4e, 5e voire 6e siècles », admet l’anthropologue Abdou Ndukur Kacc Ndaw.
Par village fonctionnel, il faut comprendre un royaume qui intronise un roi appelé « Maan » dans le Kassa. « Les ‘’Maans’’ sont de grands prêtres chargés de protéger le royaume et qui ont des fonctions sociales, spirituelles très importantes », ajoute M. Ndaw.
Partout dans les royaumes du Kassa, la mission du ‘’Maan’’ repose sur deux piliers. D’abord social, car « les ‘’ Maans’’ sont sollicités tout le temps par le royaume pour assurer la sécurité alimentaire des gens. Et l’autre pilier mystique ou spirituel, parce que ce sont les rois qui supervisent le ‘’Kahat’’, une importante forme d’initiation différente, le ‘’Bukut’’, le ‘’Kahantene’’, le ‘’Ekayis’’, le ‘’Ewang’’ qui sont aussi d’autres formes d’initiation », précise l’anthropologue, qui boucle déjà dix années dans le Kassa.
Émanation et processus d’intronisation
« Karouhaye » qui veut dire en diola l’ancien trône, est le berceau des civilisations des fétiches de « Bùbajum Àyyi » (nom des cours royaux dans le Kassa) d’Oussouye et d’Essaoute. Les royaumes du Kassa puisent leurs sources dans ce vieux royaume : « Karouhaye », qui vient tout juste, selon le chercheur, d’introniser son roi. Toutefois, les royaumes du Kassa ne dépendent pas hiérarchiquement de Karouhaye. « Il y a juste une sorte de respect symbolique dû à ce vieux royaume de Guinée Bissau », dit-il. Les rois du Kassa fréquentent Karouhaye dans certains rituels, comme celui de Karouhaye vient parfois dans le Kassa pour des visites de courtoisie. Cette diplomatie culturelle est une tradition que les royautés du Kassa et de Karouhaye essayent de maintenir.
La royauté diola est une institution difficile et complexe en même temps. C’est un sacerdoce. « Beaucoup de gens n’ont pas envie de convoiter ces trônes, comme on a souvent cette envie de solliciter des suffrages pour devenir Président de la République », souligne M. Ndaw. Il explique que : lorsqu’un pouvoir royal est vacant, il est de la responsabilité des sages, du pouvoir royal et des fétiches de déterminer le prochain successeur. Le processus peut aller vite, comme il peut durer pendant des années. En général, si le choix est tardif, « c’est parce qu’on a identifié quelqu’un, mais malheureusement, ce dernier, sentant qu’il va être intronisé roi, quitte la localité », précise M. Ndaw. Aussi d’autres facteurs comme la crise en Casamance font qu’on n’a pas souvent le temps d’introniser en raison d’un contexte sécuritaire fragile.
Ainsi, dès l’instant que la personne est identifiée, « il y a une commission restreinte qui va aller ‘’l’attraper’’ ». Ce dernier peut être « attrapé » n’importe où. Et à partir de ce moment, il n’a plus le droit de refuser, car les gens vont mettre des menaces mystiques sur sa tête, mais aussi sur sa famille. Ici, « dès qu’on ‘’attrape’’ quelqu’un comme roi, il est très rare qu’il refuse », remarque le chercheur de l’Ifan.
Du moment qu’il est « attrapé », il faut six jours à la communauté pour procéder à son intronisation et le septième jour pour sa présentation. Cette étape qui se produit dans les cours royales ou dans les bois sacrés est très mystique et secrète, difficile donc de savoir ce qui s’y passe.
Dans le Kassa, les rois intronisés sont rois à vie ; il en est de même pour la reine. À sa disparition, des cérémonies initiatiques sont organisées, comme celle de « Ñikul », l’interrogation du défunt pour savoir les raisons de sa mort, suivies d’un cérémonial et d’un enterrement exceptionnel loin des yeux des non-initiés. Par contre, le titre de roi ou reine, on l’attribue à certains dont la fonction est de prendre en charge « le Bakin », un fétiche en diola.
Globalement, pour comprendre la complexité de ces cours, il faut aussi toujours se demander de quel royaume l’on parle. Dans le « Bùbajum Àyyi » d’Oussouye, il y a un certain nombre de rites qui sont différents de ceux du royaume de Kalabone et de Mlomp. Les rites et les pratiques initiatiques sont différents, même si les modes de succession sont quasiment identiques. Toutefois, des mutations sont opérées de plus en plus. Il y a un certain nombre de pratiques qui étaient identiques, mais qui ont changé, car ce sont les hommes qui introduisent des innovations. À Oussouye (commune) le « Bùbajum Àyyi » fait le « Kahat », alors que du côté de Mlomp (commune), il y a du « Bukut ». C’est une évolution des sociétés diola.