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27 avril 2025
Développement
par René Lake et Elhadji M. Mbaye
DE LA LÉGITIMITÉ DE LA SOCIÉTÉ CIVILE FACE AUX ÉLUS
EXCLUSIF SENEPLUS - Reconnaître la légitimité de la société civile en tant qu’acteur moral et social, sans chercher à la réduire ou la marginaliser. À son tour, elle doit comprendre que son rôle n’est pas de se substituer aux élus
René Lake et Elhadji M. Mbaye |
Publication 24/10/2024
Le débat sur la légitimité de la société civile, en opposition ou en complément à celle des élus, a traversé l’histoire politique du Sénégal depuis les indépendances. Depuis l’accession au pouvoir du président Bassirou Diomaye Faye, le 24 mars 2024, survenue après de longs mois de combats menés concomitamment par des acteurs politiques et ceux de la société civile, la légitimité de ces derniers est au centre de l’actualité en raison de leur détermination dans la lutte pour le changement de régime et du traitement auquel ils font l’objet dans le champ politique.
La société civile sénégalaise a ainsi activement contribué à la sauvegarde des fondements démocratiques du Sénégal, à un moment où le pouvoir de Macky Sall cherchait délibérément à empêcher une alternance politique par la voie des urnes. Elle a, au même titre que d’autres acteurs politiques, mobilisé des ressources humaines, financières, intellectuelles, logistiques pour éviter le recul démocratique du pays.
Ainsi, depuis l'élection au premier tour, avec plus de 54 % des voix, du président Bassirou Diomaye Faye, cette légitimité se pose avec acuité, que ce soit de manière explicite ou de façon plus insidieuse dans l'espace public. Le risque est réel de voir des acteurs politiques s’octroyer cette victoire et oublier tout le processus et l’engagement de tous les acteurs, y compris ceux de la société civile (universitaires, journalistes, religieux, avocats, médecins, syndicalistes, artistes…) qui ont aussi apporté leur contribution à la victoire contre le régime de Macky Sall, sans compter les luttes démocratiques menées depuis de nombreuses décennies.
Le Sénégal avait besoin de changement, et l’appartenance à un parti politique n’était pas un critère de légitimité dans la lutte pour ce changement. Cette victoire n’est pas seulement celle des acteurs politiques, elle est celle de tous.
Face aux demandes répétées de la société civile pour le respect des engagements du candidat Diomaye, il est nécessaire de s’arrêter pour faire le point sur le rapport entre société civile et acteurs politiques, entre ceux qui sont élus ou nommés et ceux qui contribuent à l’action publique par d’autres moyens. La promotion du nouveau référentiel des politiques publiques qui appelle à la mobilisation de tous pour faire face aux problèmes dont souffre notre pays nécessite l’implication de toutes les forces vives de la nation, qu’elles soient politiques ou issues de la société civile. Mais pour cela, il est important de mieux préciser le rôle, la place, la légitimité de la société civile et les ponts qu’elle doit établir avec les acteurs politiques au service de la Nation.
L’objectif de cet article est d’abord de rappeler les fondements historiques, sociaux et politiques des deux pouvoirs, politiques (partis politiques) et civils (société civile), ensuite d’expliquer comment ils coexistent, se complètent et enfin peuvent parfois entrer en conflit lorsque l’intérêt général est menacé.
Certains acteurs politiques tentent d’aborder cette question sous l’angle de savoir si la légitimité des acteurs civils peut rivaliser avec celle conférée par les urnes. Ce sujet mérite une réflexion approfondie. Cependant, l'objectif de cet article n'est pas d'opposer de manière binaire ces deux formes de légitimité, mais plutôt de comprendre comment elles coexistent, se complètent et, parfois, entrent en conflit.
Cette réflexion propose une analyse détaillée de ces deux formes d’autorité, en tenant compte de leurs fondements, de leurs rôles respectifs face aux enjeux démocratiques contemporains.
Les fondements de la légitimité élective : une autorité issue du processus démocratique
La légitimité élective repose, de manière formelle, sur l’expression de la volonté populaire à travers le vote. Ce processus est central dans toute démocratie, car il permet de conférer une autorité politique aux élus, chargés de représenter l’intérêt général. Le mandat électif, obtenu par la voie des urnes, est perçu comme la validation ultime d’une autorité. Il est souvent présenté comme l’incarnation même du pouvoir démocratique. Pourtant, cette légitimité n’est pas sans limites ni contestations.
L'une des critiques les plus récurrentes est que la légitimité élective repose sur un moment précis — l’élection —, mais qu'elle peut rapidement s’éroder si l’élu échoue à transformer cette légitimité en action concrète au service de la population. Des exemples emblématiques, comme celui d’Abdoulaye Wade ou encore, plus récemment, de Macky Sall, illustrent comment une légitimité électorale solide peut être mise à mal par des scandales éthiques. Élus légitimement et avec un enthousiasme populaire incontestable, leur autorité s’est effondrée significativement du fait de leur gestion solitaire et parfois autocratique, qui a révélé les failles morales de leur administration respective. Ce type de situation pose une question cruciale : l'élection suffit-elle à garantir la légitimité ?
Dans de nombreux cas, les élus sont tentés de faire des compromis pour conserver leur position, ce qui peut les conduire à adopter des stratégies politiques déconnectées des attentes de leurs électeurs. Cela est particulièrement visible dans des systèmes politiques où la réélection devient un objectif en soi, souvent au détriment du bien commun. Ainsi, la légitimité élective peut parfois être en porte-à-faux avec l'intérêt collectif, surtout lorsque la survie politique devient prioritaire pour l’élu.
En outre, il faut aussi préciser qu’il y a une évolution historique de l’acteur politique. Des travaux dans le domaine de la science politique ont démontré que les acteurs politiques se sont professionnalisés au fil de l’histoire. Ainsi, la rationalité première de l’Acteur Politique Professionnel (APP) est d'abord d'accéder au pouvoir et ensuite de le conserver. Cette rationalité prime parfois sur l’intérêt collectif, en raison notamment des logiques en jeu dans la carrière professionnelle de l’APP.
Si la présidentielle permet, en cas d’élections justes, libres et transparentes, la désignation d’un homme ou d’une femme politique issu(e) des urnes, la manière dont les élections législatives sont organisées ne permet pas la représentation d’élus issus du peuple, élus par le peuple et pour le peuple. Les listes nationales des partis et des coalitions donnent l’opportunité à des femmes et des hommes politiques d’être représentés à l’Assemblée nationale, non pas parce qu’ils ont été choisis pour défendre les intérêts des populations, mais plutôt ceux des leaders politiques qui les ont nommés. Ils sont ainsi assujettis aux ordres de leurs partis et coalitions plutôt qu’à ceux des citoyens. Ils peuvent ainsi être élus, même sans que les gens qu’ils comptent représenter n’aient voté pour eux. Comment voulons-nous alors qu’ils défendent leurs intérêts ?
Toutes ces réalités démontrent les limites de la représentation électorale comme unique légitimité au service de l’intérêt général.
La légitimité de la société civile : une autorité morale enracinée dans l'engagement éthique et l’expertise citoyenne
Contrairement à la légitimité élective, la société civile tire sa légitimité de sa capacité à incarner des valeurs morales, éthiques et des engagements qui transcendent les cycles électoraux. Cette légitimité n’est pas conférée par un vote, mais par l’expérience, l’expertise et l’engagement sur des questions au service de l’intérêt général. Les membres de la société civile ne cherchent pas une légitimité électorale, ils préfèrent défendre l’intérêt général à partir d’expertises spécifiques (artistiques, scientifiques, médiatiques, religieuses, sociétales…) et de valeurs universelles, adaptées au contexte national (les droits de l’homme, la liberté de la presse, l’état de droit, la bonne gouvernance, etc.).
La société civile regroupe une diversité d’acteurs — leaders religieux, syndicalistes, artistes, militants, intellectuels — qui incarnent ainsi des intérêts collectifs et ne sont pas nécessairement mus principalement par des ambitions personnelles. Leur légitimité repose sur un référentiel moral, non sur un mandat électif, et c’est précisément cette distinction qui leur confère une force incontestable. Ils transgressent les intérêts partisans des partis et coalitions politiques. Ces acteurs se situent en dehors des jeux de pouvoir traditionnels, et leur autorité se renforce d’autant plus qu’elle s’engage dans des combats porteurs de valeurs enracinées dans notre histoire.
Dans ce cadre, des figures telles que Serigne Cheikh Gaïnde Fatma ou Amadou Makhtar Mbow ont incarné cette légitimité morale. Leur engagement sur des questions politiques, sociales et culturelles a consolidé une autorité bien plus durable que celle des acteurs politiques. À travers le monde, des personnalités comme Nelson Mandela, avant même d’accéder à une légitimité élective, ont d'abord obtenu leur autorité par des combats moraux, incarnant des aspirations collectives. Au Sénégal, la liste pourrait être longue si l’on souhaitait mentionner des figures comme Cheikh Anta Diop, Abdoulaye Ly, Babacar Niang, Tidiane Baïdy Ly, Seydou Cissoko, Aminata Sow Fall, Lamine Senghor, Seyni Niang, Eugénie Aw, Omar Blondin Diop, Mariama Bâ, Serigne Babacar Matouty Mbow, Makhtar Diack, Babacar Ndiaye, Mamadou Dia, Annette Mbaye d’Erneville, Mohamadou Billy Gueye, Charles Gueye, Babacar Touré, Waldiodio Ndiaye, Sidy Lamine Niass, Moussa Paye, Ousseynou Beye, etc.
Cette légitimité morale est d’autant plus précieuse qu’elle est ancrée dans les réalités du terrain. Contrairement aux élus, souvent perçus comme déconnectés des préoccupations quotidiennes des citoyens, les acteurs de la société civile sont au cœur des luttes sociales, économiques et culturelles. Leur influence dépasse les frontières électorales, car elle repose sur un engagement continu, souvent à long terme, en faveur de causes spécifiques. C’est ainsi qu’au niveau international, des personnalités, y compris très jeunes, comme Greta Thunberg, sans mandat électif, ont su s’imposer sur la scène internationale grâce à leur engagement moral pour des causes universelles, comme le climat. Loin des contraintes électorales, ces figures peuvent agir librement, en s'appuyant sur des valeurs partagées par la société.
Ainsi, l’expertise et la popularité ne suffisent pas à légitimer les acteurs de la société civile. La connexion avec les citoyens, leur écoute, leur confiance, leur plébiscite sont nécessaires pour renforcer la légitimité de la société civile. Même si celle-ci est très peu mobilisée, elle est capitale pour leur légitimité auprès des acteurs politiques, souvent intéressés par la collaboration que lorsqu’ils pensent pouvoir en tirer profit dans leur rationalité d’accéder et de conserver le pouvoir.
La société civile face au danger de la politisation : le risque d’une perte de légitimité
L’une des grandes questions que pose la légitimité de la société civile est celle de son entrée dans l’arène politique. Lorsque des personnalités issues de la société civile choisissent de se lancer en politique, elles peuvent perdre la légitimité morale qui les caractérise. L’exemple de Youssou Ndour au Sénégal est à cet égard édifiant. Leader populaire et reconnu pour ses engagements artistiques et sociaux, son entrée en politique n’a pas réussi à capitaliser sur sa popularité. Il a vu son image se diluer, ce qui soulève une problématique majeure : la société civile peut-elle maintenir son influence en s’engageant dans la compétition électorale ?
Cette question ne concerne pas uniquement Youssou Ndour. De nombreuses figures publiques à travers le monde ont connu des destins similaires. En France, Bernard Kouchner, après avoir été une figure éminente de la société civile en tant que fondateur de Médecins Sans Frontières, a vu son influence décliner en rejoignant le gouvernement. Aux États-Unis, des personnalités comme Michael Bloomberg ou Cornel West, en entrant en politique, ont également rencontré des difficultés à maintenir leur légitimité d'origine.
La société civile, en entrant en politique, adopte nécessairement les codes du pouvoir électoral, ce qui l’oblige à faire des compromis et parfois des compromissions. Or, c’est précisément ce qui érode sa légitimité morale. L’autorité de la société civile repose sur sa capacité à rester indépendante des logiques partisanes et électorales. Dès lors qu’elle entre dans le jeu politique, elle s’expose aux mêmes critiques que les élus : opportunisme, compromission, perte de valeurs, rationalité électorale…
Il faut cependant noter que dans certains cas, la politisation de figures de la société civile peut aussi être un moyen de renforcer leur influence, à condition qu’elles parviennent à maintenir leur intégrité morale et, le plus souvent, à refuser de s’insérer dans les jeux partisans. Sauf que, lorsqu’elles s’engagent dans l’arène politique, il leur est souvent difficile d'être indépendantes, car soumises à l’autorité des hommes politiques élus et à la contrainte de la solidarité partisane.
La société civile comme contre-pouvoir et partenaire dans la gouvernance démocratique
Malgré les risques liés à la politisation, la société civile demeure un partenaire privilégié de l’acteur politique dans tout système démocratique. Son rôle ne se limite pas à la critique des actions politiques ; elle est aussi un partenaire essentiel pour l’identification des problèmes publics, la conception, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques publiques. La société civile agit ainsi comme un régulateur, un acteur qui veille à ce que l’action politique soit conforme aux intérêts collectifs. Aujourd’hui, le paradigme dominant des politiques publiques est la gouvernance, en raison d’une part de la complexité des enjeux et défis auxquels les gouvernements sont confrontés, mais aussi de la nécessité d’impliquer d’autres acteurs, dont la société civile, dans la gestion des affaires publiques. La gouvernance démocratique est devenue une exigence aussi bien des citoyens que des partenaires techniques et financiers de nos États.
Dans ce domaine, l'une des principales forces de la société civile réside dans sa capacité à incarner une vision à long terme, au-delà des impératifs électoraux, à mobiliser son expertise et à s’exprimer et défendre l’intérêt général. Là où les élus sont souvent limités par des objectifs de résultats immédiats, ou confrontés au hiatus entre leurs promesses électorales et leurs réalisations liées aux contraintes de leur réélection, les acteurs de la société civile peuvent se concentrer sur des enjeux structurels, des réformes profondes et une vision globale des transformations nécessaires et des mesures qui peuvent paraître impopulaires mais au service de l’intérêt général. Cela en fait une source précieuse de propositions intellectuelles et de mobilisation autour des grands débats publics.
Toutefois, pour que cette relation soit constructive, il est nécessaire que les deux sphères — société civile et politique — se respectent mutuellement et soient conscientes des attributs de l’une et de l’autre. Les élus doivent reconnaître la légitimité de la société civile en tant qu’acteur moral et social sans chercher à la réduire ou à la marginaliser, mais aussi reconnaître sa contribution au service de l’intérêt général. Parallèlement, la société civile doit comprendre que son rôle n’est pas de se substituer aux élus, mais d’accompagner et d’orienter l’action publique, tout en restant dans une position critique, indépendante et constructive. Dans le management des politiques publiques, elle doit jouer un rôle de veille et de rappel des priorités des citoyens, de surveillant du processus décisionnel, d’acteur dans la mise en œuvre de politiques, là où les compétences de l’État sont limitées, et de chargée du suivi et de l’évaluation des engagements pris par les femmes et hommes politiques.
Les dangers de la remise en question de la légitimité civile : un signe avant-coureur de l’autoritarisme
Lorsque les régimes politiques cherchent à saper la légitimité de la société civile, ils s’engagent généralement sur une voie dangereuse, celle de l’autoritarisme. L’histoire a montré que l’attaque contre la société civile est souvent l’un des premiers signes d’une dérive autocratique. Des régimes comme ceux de Robert Mugabe, Donald Trump ou encore Abdoulaye Wade et Macky Sall, ont tous cherché à affaiblir les contre-pouvoirs civils, qu’il s’agisse de la presse, des intellectuels, des syndicats, des artistes ou des associations.
Cette dynamique est récurrente et doit servir d’alerte pour les démocraties modernes. Toute tentative de détruire ou de marginaliser la société civile doit être perçue comme une attaque directe contre la démocratie elle-même et l’intérêt général qu’elle incarne. La société civile est la garante d’un équilibre nécessaire entre pouvoir et contre-pouvoir, entre légitimité élective et morale, entre intérêt partisan et intérêt général. La démocratie ne peut s’épanouir pleinement que lorsque ces deux sphères collaborent, tout en respectant leurs rôles respectifs.
En clair, la légitimité de la société civile, bien qu’elle ne repose pas sur des élections, est tout aussi cruciale que celle conférée par les urnes. Elle joue un rôle de contre-pouvoir, de vigie, mais aussi de partenaire dans l’élaboration des politiques publiques. En garantissant un équilibre entre la légitimité élective et celle morale de la société civile, les systèmes démocratiques modernes peuvent espérer répondre aux aspirations de leurs citoyens de manière plus juste et plus durable.
Ce dialogue entre ces deux formes de légitimité est essentiel pour la stabilité des institutions et la pérennité des régimes démocratiques.
Le 24 mars 2024 doit marquer un tournant historique, permettant au Sénégal de s’engager sur cette voie de collaboration entre les politiques et les différents segments de la société, qui souhaitent ardemment que cette troisième alternance réussisse et permette à notre cher pays de s’engager résolument sur le chemin de l’éradication de la pauvreté endémique, de la souveraineté, de l’équité et de la justice.
Les deux auteurs sont membres du Groupe de réflexion et d’action pour la sauvegarde de la démocratie et de l’État de droit, Sursaut Citoyen.
- René Lake est journaliste et analyste politique.
- Elhadji Mamadou Mbaye est enseignant-chercheur en sciences politiques à l’UGB.
SONKO-BA, LE DÉBAT DE LA DISCORDE
Malgré l'opposition du CNRA au nom de l'égalité de traitement des candidats, les deux hommes maintiennent ce face-à-face de 90 minutes, prévu à l'EAO : debout derrière leur pupitre, sans notes ni documents
(SenePlus) - L'annonce d'un débat télévisé historique entre le Premier ministre actuel Ousmane Sonko et son prédécesseur Amadou Ba enflamme la scène politique sénégalaise, même si le Conseil national de régulation de l'audiovisuel (CNRA) tente d'y mettre un frein. Cette confrontation, prévue initialement pour les 28 ou 29 octobre, pourrait marquer un tournant dans la pratique démocratique du pays.
L'initiative revient à Cheikh Omar Diallo, fondateur de l'École d'art oratoire et de leadership (EAO) de Dakar et ancien conseiller d'Abdoulaye Wade. Le format proposé se veut sobre et rigoureux : 90 minutes d'échange dans les locaux de l'EAO, les deux candidats debout derrière leur pupitre, sans documents ni supports, uniquement munis de "quatre feuilles vierges, un stylo et une bouteille d'eau", selon les informations rapportées par Jeune Afrique (JA) mercredi 23 octobre.
La controverse s'est intensifiée avec l'intervention du CNRA, dont le président Mamadou Oumar Ndiaye justifie son opposition : "Un des principes cardinaux de la loi, c'est l'égalité de traitement entre les candidats à quelque élection que ce soit. Organiser un débat uniquement entre deux d'entre eux romprait cet équilibre."
Malgré cette position, les deux protagonistes maintiennent leur volonté de débattre. Amadou Ba a ainsi officialisé son accord via Facebook ce jeudi : "J'accepte l'invitation de M. Sonko à un débat public. Nous discutons des rapports évoqués et de sujets cruciaux comme l'économie, les libertés et les ressources naturelles, pour confronter nos idées au service du peuple."
La réponse d'Ousmane Sonko ne s'est pas fait attendre, non sans une pointe d'ironie : "Je suis étonné qu'il ait attendu des rumeurs d'interdiction du débat par le CNRA pour donner une réponse somme toute timorée", avant d'ajouter que "les stigmates de mauvaise gestion de l'ancien Premier ministre seront aussi criants que les rayures d'un zèbre."
Le groupe E-Media, via sa chaîne ITV, s'est quant à lui positionné comme diffuseur principal, s'engageant à mettre "à disposition de tous les médias et plateformes son signal pour une diffusion intégrale et accessible à tous", selon son directeur général Alassane Samba Diop.
La question reste maintenant de savoir si le CNRA peut effectivement empêcher la tenue de ce débat si les deux candidats décident de passer outre son avis. Pour Sonko, "les éventuelles lacunes du code électoral ou de la loi sur le CNRA avec des dispositions obsolètes [...] ne sauraient constituer un obstacle à sa tenue."
LE SÉNÉGAL ANNONCE UN DEUXIÈME SATELLITE
Cette initiative, portée par le projet spatial SenSat, a été dévoilée par Pr Gayane Faye lors du Forum Galien. Ce nouveau lancement renforcera les capacités technologiques du pays, avec l’ambition de positionner Dakar en tant que hub spatial en Afrique.
Après le lancement du satellite GaïndeSat, le 16 août 2024 depuis une base en Californie en partenariat avec SpaceX, le Sénégal compte lancer un deuxième satellite en 2025. L’annonce a été faite, hier, par Pr Gayane Faye, coordonnateur du projet spatial sénégalais SenSat, en marge d’un panel sur le Forum Galien.
«Le premier satellite, c’est une petite brique de ce qu’on veut faire pour le Sénégal. Si vous voulez densifier votre capacité, il faut lancer d’autres satellites. Nous sommes donc en train de préparer le lancement du prochain satellite, qui est déjà en conception. Une partie de l’équipe est déjà à Montpellier pour commencer la conception. Et on a prévu de le mettre sur orbite en 2025. Autrement dit, si tout va bien, en 2025, le Sénégal aura un deuxième satellite», déclare Pr Gayane Faye.
M. Faye ajoute que récemment le président de la République, qui était de passage à Diamniadio, a promis de construire un centre spatial. Selon lui, ce centre spatial permettra au Sénégal de disposer de toute une infrastructure spatiale.
L’objectif, selon lui, ce n’est pas de continuer à envoyer des jeunes à Montpellier pour des formations. «Nous cherchons à faire de Dakar un hub de développement spatial et positionner le Sénégal dans le domaine spatial au niveau africain», assure Pr Gayane Faye.
Par Ibou FALL
DIOMAYE FAYE SE FAIT REMARQUER PAR SA TENUE DE CAMOUFLAGE...
Le défilé militaire face aux catastrophes reste identique. Cette mise en scène guerrière face aux catastrophes trahit une conception dépassée de l'action politique. C'est le révélateur d'une gouvernance confondant l'apparence et l'efficacité
Un chef de l’Etat qui s’affuble d’un camouflage pour ne pas passer inaperçu, il faut avoir vécu jusqu’en 2024 pour revoir ça. Certes, le costume et la mise en scène rappellent l’attirail du bedonnant Macky Sall dix ans auparavant, qui saute alors depuis son piédestal jusqu’à une défaillante station de traitement des eaux avec, dans la garnison héroïque et vengeresse, l’inévitable Mimi Touré. Un spectacle affligeant que l’on ne pense pas revoir de sitôt. Hélas…
Ça ne prend pas tous les mêmes, mais ça recommence
Au moins, on ne mourra pas idiot : c’est pain béni, de notre vivant, d’avoir la chance insigne de savourer également le spectacle touchant du svelte président Bassirou Diomaye Faye en camouflage de commando, manches retroussées, chapeau de brousse sur la tête et rangers aux pieds, le pas décidé, s’apprêtant à affronter ces maudites eaux qui troublent son magistère en semant la désolation dans l’Est.
Un inévitable lâcher des eaux nous apprend-on doctement du côté de l’Omvs, pour éviter que les ouvrages ne cèdent sous le poids du trop-plein d’eau. Le pourquoi du comment sera sans doute réservé à plus tard, après que les ministres et chefs d’Etat de l’organisation auront papoté au sujet du sexe des anges engendrés par la décrue du fleuve Sénégal.
Mieux vaut tard que jamais, dit le sage… Là, en effet, ce n’est plus le temps de verser une larme et se faire du mouron concernant nos pauvres concitoyens qui voient les eaux en furie dévaster leur vie. Le temps, déjà perdu, est désormais à l’action.
Retour à la case départ.
C’est en avril 2024, dès leur accession au pouvoir, que le nouveau régime doit labourer l’arrière-pays, ce Sénégal des profondeurs qui vote pour un quasi inconnu au CV rachitique. Par gratitude et en reconnaissance : dire merci et, en même temps, s’enquérir des urgences de ce peuple exaspéré mais patient, qui sait changer de direction quand le guide qu’il se choisit prend la mauvaise pente. Il ne manquera sans doute pas, au cours de ces tournées d’information, un compatriote au langage assez direct pour leur expliquer les aléas des hivernages et les urgences de l’heure.
Il n’en sera rien…
Le président nouvellement élu préfère prendre l’avion et visiter le gratin planétaire, poser avec les grands du monde, ressasser des antiennes sur l’avenir de l’humanité. Quant aux Sénégalais qui attendent un, euh, projet de société censé les mettre à l’abri de la misère, ils peuvent attendre les bienfaits de l’horizon 2050, les pieds dans l’eau, le pantalon retroussé et le baluchon sur la tête.
Là, le président Bassirou Diomaye Faye leur fait l’honneur de les regarder de haut, les survoler, après la promesse d’un budget de huit milliards de nos pauvres francs Cfa à propos desquels personne ne sait trop quelles plaies ces numéraires sous-développés vont panser. Bien sûr, sur place, le sauveur sublime ne manque pas d’annoncer une décision forte pour marquer sa détermination. Ce sont les orpailleurs qui écopent pour l’occasion
Pendant ce temps, Ousmane Sonko, le «meilleur Premier ministre de tous les temps» selon son admirateur de président, organise sa quête à Dakar Arena en direction des Législatives. Apparemment, il ne doit pas rester grand-chose des fonds politiques, ou même des autres tiroirs où ça peut racler les deniers publics sans histoire, puisque le président du parti Pastef, téméraire tête de liste de la coalition du même nom, s’oblige à réclamer une dîme à ses inconditionnels, via Kopar Express
J’oubliais : en avril 2024, quand Macky Sall leur remet de mauvaise grâce les clés de la maison Sénégal, ils trouvent des comptes falsifiés et un pays en ruine.
Qu’à cela ne tienne : aux yeux de Ousmane Sonko, l’occasion est trop belle pour présenter sa version de l’histoire des événements de 2021 à 2024. Bien sûr, il est surtout question de son génie politique et sa vista stratégique qui installeront Pastef aux commandes de la République. Bien entendu, ses disciples boivent du petit lait : «Ousmane Mou Sèll Mi» est un visionnaire qui voit les emmerdes arriver au grand galop, prévoit les chausse-trappes, anticipe les complots et pousse le patriotisme jusqu’à renoncer à la présidence de la République pour laisser passer son second, qu’il surnomme «Serigne Ngoundou».
Le Patriote Suprême pousse le génie jusqu’à tomber sciemment dans le piège de Sweet Beauté. Rassurez-vous, c’est fait exprès… Ses condamnations pour «corruption de jeunesse» et diffamation sont programmées, histoire de divertir la tyrannie en place qui ne fera pas attention au placide Bassirou Diomaye Faye, déjà en prison.
Ses ruses de sioux portent leurs fruits : le 24 mars 2024, 54% de l’électorat sénégalais plébiscitent son bras gauche.
C’est le moment aussi que choisit Bougane Guèye Dany pour se signaler à l’attention de ses futurs électeurs : au prix de sa liberté et au péril de sa vie, il ira porter son aide aux sinistrés du Sénégal oriental. Bien entendu, les Forces de l’ordre ne l’entendent pas de cette oreille, surtout quand leurs patrons reçoivent des ordres d’en haut. Ça finit par une arrestation musclée, une garde-à-vue et un mandat de dépôt. La comparution devant les juges en flagrants délits est fixée à la semaine prochaine, le 30 octobre, précisément. Pour l’heure, Bougane Guèye Dany attend en prison à Tambacounda que la Justice se prononce sur son refus d’obtempérer aux ordres des gendarmes.
Les vitupérations des leaders de la Coalition «Samm sa kaddu», Barthélemy Dias en tête, n’y feront rien. Enfin, pas tous. On apprend que Déthié Fall, troisième sur leur liste nationale, en bon politicien africain, bavarde nuitamment avec Ousmane Sonko. Un peu comme son mentor de l’époque, Idrissa Seck, alors chef de l’opposition, qui négocie le fromage du Cese en catimini avec Macky Sall, pendant que ses ouailles crachent le feu sur le régime.
Un jour lointain, quand le suicidaire manitou de «Gueum sa bopp» sera du camp des vainqueurs, il ne faudra pas s’étonner de le voir rassembler ses ouailles à Dakar Arena pour leur expliquer le génie politique qui dort alors en lui et inspire cette manière téméraire mais stratégique de se jeter volontairement en prison ; ce qui serait, selon ses prédécesseurs, «le raccourci pour le Palais».
C’est le moment que choisit Amadou Ba pour sortir du bois. Devant la presse, à la Maison du Parti socialiste -légitime retour à la maison-mère- , le candidat arrivé deuxième à la Présidentielle de mars 2024 remet les points sur les «i». Selon lui, malgré son silence depuis la dernière présidentielle, on sait à présent «qui a trahi qui»… L’occasion est trop belle pour ne pas se laver à grande eau : il ne meurt pas de faim, à n’en pas douter, mais ce n’est pas un crime quand on n’a rien à se reprocher. Ça tombe bien, le Premier ministre Ousmane Sonko, qui l’accuse de tous les péchés d’Israël dont une falsification des comptes et une fortune inexplicable, le défie : un débat public pour solde de tout compte.
Perso, je ne crois pas une seconde que ce débat aura lieu. Mais le hic ne viendra pas de Amadou Ba : ses lieutenants le disent favorable au duel, en tout lieu, à tout moment. La douche froide viendra du Cnra : sous la férule de son nouveau président, Mamadou Oumar Ndiaye, qui déclare n’avoir pas l’intention de jouer les gendarmes, l’organe de régulation fait tout de même la police de circonlocution…
Problème : personne n’exige qu’il soit médiatisé. Si ça se tient en plein air, devant une foule de curieux, loin des télévisions et des radios, en quoi le Cnra est-il concerné ? La parade rappelle les esquives de Ousmane Sonko lorsque la Justice le convoque dans l’affaire Adji Sarr, ou Mame Mbaye Niang : il a toujours un ami qui ne lui veut que du bien pour bondir de nulle part et l’empêcher de déférer aux convocations.
Et même lorsqu’en sa qualité de Premier ministre, Ousmane Sonko doit affronter les représentants du peuple pour sa Déclaration de politique générale, c’est depuis les rangs des députés que jaillit la lumière : Guy Marius Sagna, avec sa verve coutumière, lui présente l’excuse du Règlement intérieur pour sortir du traquenard par une porte dérobée, avant que le président de la République soi-même ne dissolve le parlement.
Tout ça nous rappelle les années de braises, avec le pic de la présidentielle de 1988, lorsque l’opposant Wade et ses ouailles dont l’actuel président du Cnra, réclament un face-à-face avec le Président Diouf. Les Socialistes, qui ne misent pas trop sur le canasson qui leur sert de poulain, multiplient les prétextes pour éviter le massacre en direct…
Bref, il n’est pas question de tenir ce face-à-face auquel Barthélemy Dias veut resquiller en précisant que seul l’usage du français, la langue officielle, sera toléré… C’est un coup en bas de la syntaxe ?
LES NOMINATIONS AU CONSEIL DES MINISTRES DU 23 OCTOBRE
SenePlus publie ci-dessous, les nominations prononcées au Conseil des ministres du mercredi 23 octobre 2024.
"AU TITRE DES MESURES INDIVIDUELLES,
Le Président de la République a pris les décisions suivantes :
Présidence de la République :
Monsieur Abdoulaye TINE, Avocat, est nommé Président du Conseil d’Administration de la Société de Gestion du Patrimoine bâti de l’Etat (SOGEPA-SN), en remplacement de Monsieur El Hadji Seck Ndiaye WADE.
Ministère de l’Urbanisme, des Collectivités territoriales et de l’Aménagement des Territoires :
Monsieur Samba NDIAYE, Ingénieur en génie Civil, est nommé Président du Conseil d’Administration de la Société nationale des Habitations à Loyer modéré (SN-HLM), en remplacement de Monsieur Moustapha FALL ;
Monsieur Ousseynou FAYE, Architecte urbaniste, est nommé Président du Conseil d’Administration de la Société immobilière du Cap Vert (SICAP)-SA, en remplacement de Monsieur Mamadou FAYE ;
Monsieur Ibrahima THIOYE, Administrateur civil principal est nommé Directeur général de la Société d’Aménagement Foncier et de Rénovation urbaine (SAFRU SA), en remplacement de Monsieur Maissa Mahécor DIOUF ;
Ministère de la Communication, des Télécommunications et du Numérique :
Madame Mané THIAM, Expert-comptable, est nommée Président du Conseil d’Administration de la Société nationale La Poste (SN-LA POSTE) en remplacement de Monsieur Lansana SANO ;
Monsieur Oumar WATT est nommé Président du Conseil d’Administration de la Société nationale Sénégal Numérique (SENUM SA), en remplacement de Monsieur Diégane SÈNE ;
Monsieur Sadikh TOP est nommé Président du Conseil d’Administration de l’Agence de Presse sénégalaise (SN-APS), en remplacement de Monsieur Moustapha SAMB ;
Ministère des Finances et du Budget (MFB) :
Monsieur Boubacar SOLLY, Docteur en géographie, est nommé Président du Conseil d’Administration de la Société de Gestion des Infrastructures publiques dans les Pôles urbains de Diamniadio et du Lac Rose (SOGIP – SA), en remplacement de Monsieur Meissa Ndao WADE ;
Madame Ndèye Fatou FALL, titulaire d’un diplôme d’études approfondies en droit économique et des affaires, est nommée Président du Conseil d’Administration de la Société nationale de Recouvrement (SNR), en remplacement de Monsieur Pape DIOUF ;
Monsieur Moustapha Camara, titulaire d’un master 2 en ingénierie des systèmes d’information, est nommé Président du Conseil d’Administration de la Loterie nationale sénégalaise (LONASE), en remplacement de Monsieur Ciré DIA ;
Monsieur Sidy FALL, Opérateur économique, est nommé Président du Conseil d’Administration du Fonds de Garantie automobile (FGA), en remplacement de Monsieur Mor Dia THIAM ;
Monsieur Momath CISSE, Ingénieur statisticien, est nommé Directeur général Adjoint de l’Agence nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD), poste vacant ;
Monsieur Oumar REMY, Expert en Commerce international, est nommé Président du Conseil d’Administration du Fonds de Garantie des Investissements prioritaires (FONGIP), en remplacement de Monsieur Oumar NDOYE ;
Ministère des Infrastructures et des Transports terrestres et aériens :
Monsieur Laurent SINA, Consultant en système de management qualité, est nommé Président du Conseil d’Administration du Laboratoire national de référence dans le domaine du Bâtiment et des Travaux publics (LNR-BTP) (ex CEREEQ-SA), en remplacement de Monsieur Dame DIOP ;
Monsieur Youssoupha CISS, Enseignant, est nommé Président du Conseil d’Administration de la Société nationale Les Autoroutes du Sénégal (SN-LAS), en remplacement de Madame Ndèye Saly Diop DIENG ;
Ministère de la Santé et de l’Action sociale :
Monsieur Mamadou SANE, titulaire d’un doctorat en Pharmacie, est nommé Président du Conseil d’Administration de la Pharmacie nationale d’Approvisionnement (PNA), en remplacement de Madame Aïssatou Mbéne Lo NGOM ;
Ministère de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de l’Elevage :
Monsieur Famara MANÉ, Enseignant, est nommé Président du Conseil d’Administration de la Société d’Aménagement agricole des Grandes Vallées rizicoles (SODAGRI), en remplacement de Monsieur Cherif SABALY.
Ministère de la Famille et des Solidarités :
Madame Mame Mbissine NDIAYE, Technicienne Supérieure en commerce international, est nommée Président du Conseil d’Administration de l’Office national des Pupilles de la Nation (ONPN), en remplacement de Monsieur Abdou Aziz NDIAYE."
par Kalidou Diallo et Ibrahima Thioub
DÉFENDRE LE MÉTIER D’HISTORIEN
EXCLUSIF SENEPLUS - L’idée de l’autonomie, les possibles non advenus et les dettes morales qui en sont issues ne se limitent pas à la Casamance. Les universitaires y ont travaillé et continueront de les interroger
Kalidou Diallo et Ibrahima Thioub |
Publication 24/10/2024
A l’évidence, ni les auteurs ni ceux qu’ils citent à l’appui de leur condamnation n’ont lu l’ouvrage soumis à cette virulente critique. Il n’est pas étonnant qu’ils ne citent aucun passage de l’ouvrage en question intitulé L’idée de la Casamance autonome. Possibles et dettes morales de la situation coloniale au Sénégal, signé par l’historienne Séverine Awenengo Dalberto. Nous espérons que ni le président ni le Premier ministre ne prêteront attention à cette interpellation appelant à des pratiques d’un autre temps : mettre à l’index un ouvrage.
Habitués à la commande politique d’ouvrages de complaisance, les auteurs du communiqué ont certainement pensé que tout le monde partage leur culture de l’obéissance au chef quand il est au pouvoir. Les seuls et rares exemplaires aujourd’hui disponibles au Sénégal y sont entrés dans la valise de l’autrice et dans celle d’Ibrahima Thioub, il y a quatre jours, afin que l’autrice puisse les offrir à certains de ses proches. Les auteurs du communiqué auraient dû, par acquis de conscience, se reporter sur le site de l’éditeur, ne serait-ce que pour prendre connaissance du synopsis de l’ouvrage.
Les idées défendues dans cet ouvrage se construisent depuis des décennies. La première publication de l’autrice sur le sujet date de 2003 dans l’ouvrage collectif « Être étranger et migrant en Afrique au XXe siècle : enjeux identitaires et modes d'insertion » où sa contribution avait porté sur la Casamance. Depuis plus de 20 ans elle n’a cessé de diffuser les résultats de ses recherches sur la question dans les revues et ouvrages scientifiques validés par des instances universitaires d’Afrique et d’Europe. Elle a ainsi récemment écrit l’un des chapitres de l’ouvrage en hommage à Momar-Coumba Diop, paru en 2023 et disponible au Sénégal, qui porte précisément sur les débats autour du statut de la Casamance pendant le processus de décolonisation des années 1950. Ces idées n’intéressent bien sûr pas les contempteurs actuels qui n’ont pas encore lu une ligne de cette œuvre construite sur le long cours.
Même si nous savons qu’il n’est pas d’argument qui tienne contre la mauvaise foi, nous tenons à édifier l’opinion que les questions en débat n’ont rien à voir avec le destin immédiat des organisations et acteurs politiques au Sénégal de quelques bords qu’ils se situent. Il s’agit de la défense de notre métier d’historien.
La lecture des auteurs du communiqué se limite à un mot du titre : autonomie. Parlons-en.
Rien n’a été plus complexe que le processus encore inachevé de la décolonisation de l’Afrique. Nombreuses furent les approches déployées par les théoriciens, les organisations et les combattants du mouvement anticolonial. Au moins trois échelles peuvent être mises en exergue : le local, le territorial et le continental.
L’idée d’un État fédéral africain a nourri l’imaginaire de nombre de militants de la décolonisation. Elle était partie intégrante des possibles les plus investis par des hommes politiques comme Cheikh Anta Diop, Kwame Nkrumah, Majhmout Diop, Julius Nyéréré. Des partis s’y sont investis sous des formes multiples à des échelles sous-régionales, au-delà des limites des frontières issues de la mise en œuvre des conclusions de la Conférence de Berlin. Le Rassemblement démocratique africain, le Parti africain de l’Indépendance, le Parti du Regroupement africain sont des plus connus de cette mouvance fédéraliste. Ce premier possible qui n’est pas advenu est en droit clos en 1963 par la décision de l’Organisation de l’Unité africaine qui a déclaré intangibles les frontières héritées de la colonisation. L’idée n’en continue pas moins de vivre dans le cœur et l’esprit de l’Afrique indépendante et ses diasporas dont ils habitent les imaginaires. Le jour où le contexte le permettra, ne seront surpris de sa réactivation que les ignorants ou ceux qui n’ont pas intérêt à sa survenue. Ce qui ne garantit pas son succès mais n’empêche pas non plus que les historiens continuent de l’étudier. Une jeune historienne japonaise vient d’y consacrer une belle thèse publiée sous le titre Nationaliser le Panafricanisme. Tout le monde en conviendra, l’Union africaine n’estimera pas qu’une telle étude conteste sa décision de 1963 et réveille les traumatismes des années 1960.
Ce que ces contempteurs de Séverine Awenengo ignorent est que l’idée de l’autonomie, les possibles non advenus et les dettes morales qui en sont issues et pouvant être mobilisées, à chaque fois que le contexte historique s’y prêtera, ne se limitent pas à la seule Casamance. Les universitaires, les historiens en particulier, y ont travaillé et continueront de les interroger n’en déplaise aux inquisiteurs des temps modernes, aveugles de leurs histoires.
Dans toute l’Afrique à la veille de la colonisation, dans les différents territoires coloniaux, se sont développés des mouvements politiques revendiquant au nom de la spécificité de leur région une autonomie politique, y compris au sein du territoire colonial en quête d’indépendance. Ces mouvements autonomistes ont eu des bases ethniques, religieuses, ou régionales.
Le Sénégal n’a pas échappé à cette logique du bas. Pour rappel, dans les années 1940-1950, nous avons avons l’Union générale des Originaires de la Vallée du Fleuve (UGOVAF), le Mouvement des Forces démocratiques de Casamance (MFDC), le Mouvement autonome de Casamance (MAC), le Bloc Démocratique du Ndiambour, le Bloc démocratique du Bawol et l’Union démocratique des Ressortissants du Sénégal oriental (UDRSO), etc. Tous ces mouvements politiques ont produit à l’époque des imaginaires, des revendications identitaires et politiques qui se sont plus ou moins transmis comme mémoires aux générations suivantes. Le processus de décolonisation et les politiques de construction de l’État-nation sur les territoires hérités de la colonisation ont absorbé et intégré dans l’imaginaire national ces expériences locales. La Casamance a connu le même phénomène avec le MFDC de 1949 et puis le MAC. Senghor s’en est servi pour vaincre Lamine Guèye avant de les absorber dans l’UPS section du PRA. Bien sûr cette absorption n’a pas, du jour au lendemain dissous les consciences et mémoires issues de cette expérience. La crise de l’Etat-nation dans ses dimensions économiques, culturelles et politiques, survenue dans les années 1980, ont entraîné un réveil et une réactivation de ces imaginaires par un groupe d’acteurs qui a mobilisé jusqu’au nom du mouvement politique de l’époque de la décolonisation, le MFDC. Cela participe de l’expérience des tensions et douleurs qui partout en Afrique ont accompagné l’idée de construire un État-nation sur le modèle européen dans les territoires hérités du partage de l’Afrique. Le projet de fusionner des États dans une perspective panafricaniste ou de faire dissidence au niveau local ont accompagné partout ce processus.
La construction d’États-nations à l’échelle du continent sur le modèle européen dans les limites des territoires issus de l’intrusion coloniale est le futur advenu du passé. La fabrique de l’État-nation a fonctionné en plein régime dans de très hautes tensions, en tenaille entre les imaginaires légués par les projets panafricains non advenus et les mémoires des « petites patries » situées à l’échelle locale des provinces et régions dont les projets d’autonomie ou d’indépendance n’ont pas prospéré. Ces derniers ont été absorbés dans le projet national avec plus ou moins de réussite par une résolution plus ou moins rapide et aboutie des vives tensions. La connaissance de ces processus historiques, qui n’ont rien à voir avec l’irrédentisme, terme dont les auteurs du communiqué feraient mieux de vérifier le sens, comme celle de leur résurgence est vitale pour résoudre les tensions qui en révèlent l’existence sous des formes diverses et des contenus multiples en Afrique.
Si on ne trouve pas de solutions basées sur des connaissances scientifiquement établies, le mouvement peut à tout moment resurgir du paillasson de la paresse où on a tenté de l’enterrer. N’est-il pas alors du devoir des historiens, de toutes origines, dans le respect des règles de la discipline de travailler à éclairer les pouvoirs publics, pour saisir dans toutes ses épaisseurs cette question, par des analyses ouvrant à de sereines discussions ? Rien n’interdit à un historien d’interroger ces processus et d’écrire l’histoire de ces « futurs non advenus du passé ».
C’est à cela que travaillent les historiens spécialistes de la Casamance depuis des décennies, entre collègues sénégalais et étrangers, y compris les Français qui ont apporté une contribution remarquable à cette recherche au long cours.
C’est à ce travail historien que Séverine Awenengo Dalberto contribue depuis plus de 20 ans qui n’ont rien à voir avec l’arrivée au pouvoir de Diomaye-Sonko ou la défaite de Ba-Sall. Il se poursuivra au-delà du destin des régimes politiques. Séverine Awenengo Dalberto n’est ni militante ni agent de qui que ce soit. Son ouvrage bâti sur une solide documentation archivistique et documentaire et d’une vaste enquête de terrain au long cours a avancé des thèses solidement argumentées. Ces thèses exposées dans l’ouvrage ne relèvent pas d’une vérité religieuse. On ne peut qu’inviter à les discuter mais le préalable est d’abord d’en prendre connaissance par la lecture de l’ouvrage ou au moins du synopsis sur le site de l’éditeur. Pour vous convaincre qu’il s’agit juste d’un procès d’intention qui lui est intentée par le SEN de l’APR et les dits « certains journalistes », nous vous citons le dernier paragraphe de la conclusion de l’ouvrage :
« Faye et Sonko incarnent sans aucun doute un espoir de changement pour l’ensemble des Sénégalais qui les ont portés au pouvoir, et plus singulièrement pour les populations qui vivent dans les trois régions qui constituent aujourd’hui la Casamance. Cependant, la réelle décolonisation de la Casamance, et donc du Sénégal, ne passe sans doute pas par le « rush du sud vers le nord » évoqué par Joseph Coly en 1968, et que pourrait représenter pour les Casamançais la réussite de Sonko, ni par une indépendance de la région. Comme ailleurs dans les sociétés postcoloniales, cette décolonisation engage plus fondamentalement la mise à plat, la reconnaissance et la réparation de ce que le moment colonial a produit de fantasmes, de dettes morales et d’inégalités, afin que les futurs non advenus du passé puissent être définitivement fixés, c’est-à-dire qu’ils ne soient pas plus considérés, en conjoncture de crise, comme le lieu d’accomplissement de la justice et de l’émancipation ».
L’autrice de cette conclusion peut-elle être, en toute bonne foi, condamnée par le tribunal inquisitorial du SEN de l’APR, au nom d’une prétendue instrumentalisation dans un complot visant le Sénégal ?
Kalidou Diallo et Ibrahima Thioub sont Historiens – UCAD.
PRDC VFS, UN PROJET POUR BOOSTER L'AGRICULTURE ET L'ÉLEVAGE DANS LA VALLÉE DU FLEUVE SÉNÉGAL
Avec une dimension régionale, ce projet ambitionne de développer des synergies entre le Sénégal, la Mauritanie et le Mali pour un développement transfrontalier inclusif.
Saint-Louis, 23 oct (APS) – Le Projet de résilience et développement communautaire de la vallée du fleuve Sénégal (PRDC VFS) n’est pas destiné à apporter une réponse aux inondations, mais à saisir les opportunités qu’offre la vallée en termes notamment de développement de l’agriculture et de l’élevage, a affirmé mercredi son coordonnateur, Mamadou Diédhiou.
“Le PRDC VFS a été formulé non pas pour apporter seulement une réponse aux inondations, mais pour exploiter les opportunités dans la vallée en lien avec l’agriculture, l’élevage, etc.”, a dit M. Diédhiou.
Interrogé ce mercredi par la presse en marge d’un atelier de partage des outils de planification et de pilotage du projet, il a relevé que le PRDC VFS a une dimension régionale. Il vient d’après lui pour accompagner les populations de la vallée du fleuve Sénégal.
“Ce projet va développer des synergies entre le Sénégal et la Mauritanie, car le phénomène des changements climatiques ne connaît pas de frontière”, a-t-il fait valoir.
Pour le Mali également, les mêmes programmes seront développés, a-t-il dit.
Revenant sur l’importance de cet atelier, il a indiqué qu’après “la formulation du projet, il fallait que les différents acteurs se retrouvent pour son appropriation en vue de la mise en œuvre sur le terrain”.
Il s’est félicité de la présence de l’ensemble des acteurs impliqués, comme la Banque mondiale, dont la filiale, IFC, va s’intéresser au volet consacré aux filières porteuses qu’elle va accompagner.
La Société d’aménagement des terres du delta du fleuve Sénégal et du delta de la Falémé (SAED), l’université Gaston Berger (UGB), ainsi que les services techniques des régions de Tambacounda, Matam et Saint-Louis sont aussi présents à cette rencontre.
Leur présence est liée à leur implication dans sa mise en œuvre, explique le coordonnateur du PRDC VFS.
D’une durée de cinq ans (2024-2029), le PRDC VFS est un projet de l’État du Sénégal qui, à terme, sera évalué.
Son comité de suivi est piloté par le gouverneur de région, signale M. Diédhiou, appelant à l’implication de tous les acteurs pour son succès.
Le PRDC VFS va profiter à 44 communes des trois régions ciblées, soit une population totale de 358 820 personnes, indique un document remis à la presse.
Il va intervenir dans le renforcement de la résilience des communautés de la vallée du fleuve Sénégal face au changement climatique et aux risques de conflit.
Il vise aussi à promouvoir des investissements dans des infrastructures essentielles et renforcer la participation active et inclusive des communautés dans les processus du développement local transfrontalier.
KARTHALA DÉNONCE L'INSTRUMENTALISATION DU LIVRE DE SÉVÉRINE AWENENGO DALBERTO SUR LA CASAMANCE
La présentation de l'ouvrage "L'idée de la Casamance autonome. Possibles et dettes morales de la situation coloniale au Sénégal" a été annulée. L'éditeur défend un travail purement scientifique face accusations de "séparatisme" de l'APR
(SenePlus) - Une polémique secoue le monde éditorial et politique sénégalais. La séance de dédicace de l'ouvrage "L'Idée de la Casamance autonome. Possibles et dettes morales de la situation coloniale au Sénégal", prévue le samedi 26 octobre 2024 à la librairie Aux 4 Vents à Dakar-Mermoz, a été annulée face aux risques de perturbations.
Au cœur de la controverse, un livre scientifique signé par Séverine Awenengo Dalberto, historienne et chargée de recherches au CNRS à l'Institut des mondes africains (Imaf). L'ouvrage, fruit de vingt ans de recherches, examine la période 1875-1970 à travers une vaste documentation d'archives publiques et privées, ainsi que des entretiens.
L'ancien parti au pouvoir, l'Alliance pour la République (APR), s'est fermement opposé à cette publication, qualifiant l'ouvrage de "pamphlet irrédentiste". Dans un communiqué virulent, l'APR accuse le livre de défendre "des thèses dangereusement révisionnistes qui n'ont d'autre objectif que d'exacerber les tensions déjà existantes dans la région de la Casamance".
Face à cette polémique, les éditions Karthala ont tenu à réaffirmer leur position dans un communiqué officiel ce mercredi 23 octobre. La maison d'édition "regrette profondément l'instrumentalisation politique d'un ouvrage scientifique par des personnes qui n'ont, manifestement, pas pris connaissance de son contenu". Elle souligne que le livre, loin de défendre des thèses séparatistes, vise à « restituer les origines historiques complexes » de la situation casamançaise.
L'éditeur rappelle son engagement historique dans "la diffusion des savoirs, notamment sur l'Afrique" et insiste sur le caractère strictement académique de l'ouvrage. Karthala précise que la publication, prévue depuis plusieurs mois, "est totalement indépendante de la situation politique actuelle au Sénégal" et invite chacun à lire l'ouvrage "afin de se forger une opinion éclairée sur le sujet".
par Thierno Alassane Sall
PASTEF USE DU MACHIAVÉLISME POLITIQUE
À l'arrivée, ils se paient les services de Judas. Comme Judas 1er, ce rejeton sénégalais n'est pas recruté pour le bien qu'il peut apporter à Pastef, mais pour le mal qu'il inflige à la coalition qui l’a investi et, au-delà, à la morale et la démocratie
Ils avaient promis de remettre la morale au début et à la fin de tout. Ils se piquaient de réglementer les voiles des écolières. Ils avaient fait mine de détester les combines politiques au point de refuser toute coalition.
À l'arrivée, ils se paient les services de Judas. Comme Judas 1er, ce rejeton sénégalais n'est pas recruté pour le bien qu'il peut apporter à Pastef, mais pour le mal qu'il inflige à la coalition qui l’a investi et, au-delà, à la morale et la démocratie.
Pastef, qui avait légitimement dénoncé l'immense scandale de ses listes détournées par son mandataire dans le département de Matam, lors des locales de 2022, recourt à des pratiques similaires.
Les masques sont tombés : après la rétention de la décision du Conseil constitutionnel relative à la dissolution de l’Assemblée nationale, après la ruse de Diomaye sur la Déclaration de politique générale, il faut être partisan et naïf pour ne pas voir que Pastef use de ce même machiavélisme politique qui a conduit le pays dans l'impasse.
BOUGANE, L'ALLIÉ DEVENU FRONDEUR
"Il n'est pas du genre à pouvoir s'entendre avec Sonko". Le patron de D-Média est passé de soutien de Pastef à opposant féroce au nouveau régime. Sa récente arrestation marque un nouveau palier dans son opposition au pouvoir qu'il adulait hier
(SenePlus) - Du soutien inconditionnel à l'opposition farouche, Bougane Guèye Dany cultive l'art du grand écart politique. Celui qui appuyait Pastef pendant la présidentielle s'est mué en quelques semaines en pourfendeur du nouveau régime. Une confrontation théâtrale avec les forces de l'ordre près de Bakel vient de le conduire en prison. Le magnat des médias, qui rêve d'une carrière politique, voit ses ambitions législatives menacées par ce énième coup d'éclat.
Les faits qui ont conduit à son arrestation, rapportés par Jeune Afrique (JA), illustrent parfaitement la métamorphose du personnage. Le week-end dernier, alors que le président Bassirou Diomaye Faye, "revêtu d'un treillis militaire couleur camouflage", visitait Bakel, "ville du Sénégal oriental ensevelie sous les eaux à la suite des crues exceptionnelles du fleuve Sénégal", Bougane Guèye Dany mène "un convoi d'une quinzaine de véhicules" vers la zone sinistrée.
La confrontation était peut-être inévitable. Comme le rapport Jeune Afrique, citant l'ancien député Thierno Bocoum présent sur place : "Les gendarmes nous ont indiqué que nous ne pouvions rejoindre la ville car le chef de l'État s'y trouvait." Face à ce barrage, à 15 kilomètres de Bakel, Bougane lance son ultimatum : "Soit vous me laissez passer, soit vous m'arrêtez."
Le patron des médias sera effectivement écroué ce 21 octobre pour 'rébellion', 'outrage' et 'refus d'obtempérer'." Son procès en flagrant délit est prévu pour le 30 octobre.
L'art du retournement d'alliance
Le plus surprenant dans cette affaire, note Jeune Afrique, c'est qu'"il était encore difficile d'imaginer que l'homme – qui s'était vu recaler prématurément au stade de l'examen des parrainages – en viendrait si rapidement à crucifier les figures du nouveau régime." Un revirement d'autant plus spectaculaire que, selon Thierno Bocoum cité par le magazine, "il a soutenu Pastef pendant toute la période préélectorale. Mais il n'a pas donné de mot d'ordre à l'heure du vote."
Les critiques de Bougane envers le nouveau pouvoir se multiplient rapidement. Début octobre, rapport JA, il déclare : « L'image du Sénégal s'est détériorée à cause d'une gestion amateuriste. [...] Nous avons un président sans vision et un Premier ministre incapable d'établir une direction stratégique. ".
Cette opposition frontale n’est pas passée inaperçue au sein du pouvoir. Le 1er juin, selon Jeune Afrique, le député Abass Fall, figure de Pastef, mettait en garde : "Ce que Macky Sall faisait contre Ousmane Sonko, c'est ce que certains essayent de faire [aujourd'hui]."
En réponse à ces propos, le magazine rapporte que Bougane Guèye Dany dénonçait dans un communiqué "un harcèlement de la part des nouvelles autorités", évoquant notamment "le dossier fiscal [du groupe], bien que pendant devant la justice, [qui] a été rouvert par les services fiscaux, réclamant sous huitaine le paiement de plus de 2 milliards de F CFA."
Les raisons d'une rupture
Un analyste politique cité par Jeune Afrique propose une lecture éclairante de ce revirement : "Pendant les dernières années de pouvoir de Macky Sall, Bougane Guèye Dany s'était montré féroce envers lui et avait endossé le bleu de chauffe au service d'Ousmane Sonko, alors opposant." Le même analyste suggère : "Je ne peux que présumer qu'il n'a pas été invité à la table du banquet au lendemain de la victoire et a pu mal le prendre, car son ton s'est aussitôt durci. Convoitait-il un poste important ? Envisageait-il de faire des affaires avec l'État ?"
Un autre observateur, qualifié par le magazine de "blanchi sous le harnais", apporte un éclairage complémentaire : "Fondamentalement, il n'est pas du genre à pouvoir s'entendre avec Ousmane Sonko. Leurs profils sont trop proches, tout comme l' est d'ailleurs celui de Barthélémy Dias : même génération et même caractère volcanique."
Un empire médiatique en quête de reconnaissance politique
Jeune Afrique souligne l'importance de son arsenal médiatique : "Sen TV, Zik FM, La Tribune, Actunet.net, sans parler de l'agence de communication Dak'Cor." Pourtant, note le magazine, Bougane a "buté jusqu'ici sur la première marche d'une carrière politique demeurée virtuelle". En effet, « depuis cinq ans, toutes ses tentatives de candidature se sont fracassées sur le mur des parrainages ».
Pour Thierno Bocoum, cité par Jeune Afrique, l'équation est claire : "Il a une force de frappe énorme. Et l'on constate une détermination du gouvernement à lui faire payer ses écarts." Le verdict du 30 octobre dira si Bougane Guèye Dany pourra, comme le conclut le magazine, participer "pour la première fois de sa carrière politique encore embryonnaire" aux législatives du 17 novembre.