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25 avril 2025
Développement
LES FAILLES DE L'ÉDUCATION NATIONALE
Derrière la reprise avortée des cours de mardi se cachent, selon plusieurs directeurs d’écoles, de grosses lacunes sur le dispositif de préparation et sur la politique de gestion du milieu éducatif en général. Reportage
L’annulation de dernière minute de la réouverture des classes a pris de court les acteurs de l’école. Derrière cette décision tardive et non consultative, selon plusieurs directeurs d’écoles se cachent de grosses lacunes sur le dispositif de préparation et même sur la politique de gestion du milieu éducatif. Reportage.
Pape Ndiaye, directeur de l’école publique « Mor Fall » de Grand-Yoff, est déconcerté et dépité par l’information relative au report du retour dans les classes qui lui parvenue matinalement de son inspection. « Ce n’est pas normal ! C’est aujourd’hui, ce matin (mardi matin-ndlr) qu’on nous a informé que la réouverture est reportée à une date ultérieure», a déclaré de façon véhémente Pape Ndiaye. Et de poursuivre : « c’est de la pure dictature, une fuite odieuse de responsabilité de la part de l’État.
Pour une telle décision, il faudrait nécessairement consulter l’avis des enseignants et non se lever d’un seul coup pour signer le report d’une réouverture défendue bec et ongles ». Tout en se plaignant pour la cause des enseignants qui ont déjà fait le déplacement dans le cadre d’une réouverture, le directeur de la dite école a indiqué : «Ils savent pertinemment qu’une reprise n’est pas possible, mais ils attendaient que les enseignants s’insurgent contre leur volonté pour nous faire porter le chapeau d’un fiasco ». Et d’ajouter : « si l’année doit être blanche, il faut que l’État ait le courage de le dire haut et fort. Ce n’est la faute à personne. Ce n’est pas la peine de chercher à qui jeter la faute. Car, dans mon école, nous sommes prêts pour cette reprise ». Sur cette dernière assertion, son adjoint n’a pas hésité à ouvrir sa salle de classe qui semble être bien rangée ainsi que les toilettes. « Si c’était juste pour quelques cas de contamination à la Covid 19 de certains enseignants que le report est acté, je pense que l’État aurait pu tout simplement remplacer provisoirement ces enseignants ou trouver d’autres alternatives. Mais, bien sûr que non, ce n’est pas la véritable cause de ce report », a conclu Pape Ndiaye.
«04 BOUTEILLES DE GELS, 01 CARTON ET 04 BOUTEILLES DE SAVON... POUR 644 ÉLÈVES»
La rature sur la réouverture des écoles a levé le voile sur la face cachée de l’iceberg. Au niveau de l’école Catholique, « Notre Dame du Liban », le constat est palpable et concluant. « Nous avons reçu un don dérisoire de la part de l’État », tonne Michelle Ndong, directrice adjointe de ladite école. Et de tout étaler : « 4 bouteilles de gels hydro alcooliques, un carton de savon « Madar » composé de 12 bouteilles et 4 autres bouteilles, 3 seaux lave- mains, 1314 masques, alors qu’ils avaient dit que pour chaque élève il fallait 03 masques alors que j’ai 644 élèves en classes d’examen, 3 thermo-flashs or ils ont fait savoir qu’il faut 1 thermo flash pour 100 élèves ». Montrant ainsi du doigt ledit dispositif octroyé par le gouvernement, la directrice de rappeler que « le ministre de l’Education a insisté à chaque fois pour dire que s’il y a un élément qui manque au niveau du protocole, n’ouvrez pas ! ». Raison pour laquelle « nous avons pris nos dispositions de surseoir jusqu’à une date ultérieure en attendant qu’ils complètent». Aussi, Mme Ndong a indiqué qu’il y a « plusieurs questions sans réponse au sujet de cette réouverture des écoles » car s’est-elle interrogée, « on nous a dit que le masque est obligatoire. Or, les enseignants qui doivent donner le cours, il y en a qui ne peuvent pas rester avec le masque, ils ne peuvent pas faire 1 heure de temps avec le masque. Ainsi, comment pourront-ils dispenser un cours de 2heures voire plus avec le masque ? On parle de la distanciation sociale, cette craie qui va passer de main en main, est-ce que ce n’est pas un risque pour les enseignants et pour les élèves ? ». Ainsi donc a-t-elle poursuivi, « on nous dit que tout est prêt, mais je vous dis que c’est loin d’être le cas dans les écoles ». Il faut que « l’État revoie et murisse davantage sa politique de la réouverture des écoles ». Sinon, « le privé catholique n’est pas prêt à mettre ses élèves en pâture comme cela. Nous sommes responsables des enfants qui nous ont été confiés et nous voulons les mettre dans de très bonnes conditions ».
INSUFFISANCES DANS LE PROCESSUS DE RÉOUVERTURE
Aux cours Sainte Marie de Hann, le Principal d’Éducation et Coordonnateur vie scolaire de l’école, Fidèle Coly, relèvera plusieurs insuffisances dans le processus de préparation de la réouverture des classes. « Il y a plusieurs séries d’insuffisances. Déjà sur le retour des enseignants dans leurs lieux respectifs de travail, sur la distribution des kits sanitaires dans les écoles publiques », a déclaré Fidèle Coly. Avant de poursuivre : « raison pour laquelle le ministère et le gouvernement ont pris conscience qu’il fallait reporter cette reprise ». Interrogé sur les cas asymptomatiques qui peuvent être des élèves et donc susceptibles d’en contaminer d’autres, le Principal s’est contenté de citer les propos du président de la République dans son adresse à la nation le 11 mai dernier. « Le président dans son dernier message à la nation nous faisait comprendre qu’il fallait apprendre à vivre avec le virus. Un discours purement politique. Donc, on comprend », a-t-il déclaré. Et d’ajouter : «d’ailleurs, déjà la réouverture juste pour les classes d’examens reste une équation irrésolue jusqu’à cette date. Donc, de ce fait, penser rouvrir pour toutes les classes, c’est utopique ».
Car, a-t-il poursuivi, « si on ne tient pas le délai pour les classes d’examens, je ne vois pas comment on pourra tenir le délai pour les classes intermédiaires ». Au niveau du lycée John Kennedy, « tout va bien » selon la proviseure. Mme Sarr a fait savoir en effet qu’au niveau de son lycée, « toutes les dispositions sanitaires sont prises pour une réouverture pour les classes d’examens ». Non sans rappeler que « l’établissement est une école publique et qu’elle est sous la tutelle du ministère de l’Education nationale ».
DES NIDS DOUILLETS, LOIN DES REGARDS
Le business profite aux bailleurs et fait le bonheur des usagers en quête de sensations fortes. La location de chambres et appartements meublés à Dakar défraie la chronique depuis que des vidéos compromettantes ont mis en scène des adolescents
Le business est florissant. Il profite aux bailleurs et fait le bonheur des usagers dont des jeunes en quête de sensations fortes. La location de chambres et appartements meublés à Dakar défraie la chronique depuis que des vidéos compromettantes ont mis en scène des adolescents.
Moussa Kébé compose un numéro puis clique sur la touche d’appel ; il met l’appareil sous haut-parleur. Après quelques secondes d’attente, une voix grave et sereine résonne à l’autre bout du fil. Les salutations d’usage sont vite abrégées. Sans sourciller, l’adulte de 36 ans, le langage codé, expose son désir à son interlocuteur : «Y en a une de disponible?» «Oui, répond le quidam. Une à Castor, une autre aux Almadies. Tu la veux pour quand?» Rapidement les deux hommes trouvent un terrain d’entente. Moussa, emmitouflé dans un jean déchiré, casquette vissée sur la tête, opte finalement pour la chambre meublée de Castors. Celle-ci est plus proche de chez lui. «Je viendrai à 15 heures», conclut-il, tout excité. Il y a donné rendez-vous à sa copine.
La chambre est logée dans un grand immeuble anonyme, près du marché Castors. Spacieuse, elle compte deux canapés, un lit bien fait, un frigo bar, une climatisation, une télévision écran plat. Pour passer du bon moment avec sa dulcinée, l’élancé trentenaire a déboursé 15.000 FCfa afin de disposer du local à eux deux seuls durant cinq tours d’horloge. «C’est pour fuir les regards indiscrets de certains que je préfère venir ici, explique-t-il, décontracté. Chez moi où il n’y a que deux chambres, je ne peux pas avoir cette intimité. De plus, ma mère et mes sœurs verraient d’un mauvais œil que je m’enferme avec ma copine». Dans ce bâtiment d’une vingtaine de chambres où personne, a priori, ne le connaît, lui et sa petite amie ont carte blanche. C’est à la mode. Comme Moussa, beaucoup de jeunes – des adolescents notamment – maîtrisent les rouages sur le bout des doigts. Ainsi, ils ne ratent pas une occasion de prendre un appartement dans les quartiers les plus chics de la capitale pour faire la fête avec leurs conquêtes. «Je le fais très souvent, avoue d’emblée Ousmane D. La dernière pièce que j’ai louée avait un jacuzzi dans la salle de bain; j’y ai passé un très bon moment avec ma copine». Selon Maïmouna T., âgée de 25 ans, il se passe des choses pas du tout «halal» (licite dans l’islam) lors de ces rencontres : «J’ai souvent pris part à ces rendez-vous; c’était soit pour célébrer un anniversaire, soit pour se la couler douce. Ce sont quand même des parties très « hots » ; il y a de la drogue, du sexe et de l’alcool». Le seul mot d’ordre : profiter au maximum, vivre l’instant présent. Si certains ont les moyens d’assouvir leurs désirs, d’autres doivent par contre se démener comme de beaux diables pour se faire de l’oseille. Et souvent ce sont les parents qui en font les frais comme en témoigne Issa Sambou, un étudiant adepte de la pratique. «Dernièrement, une fille a volé la carte bancaire de son père et retiré 2.400.000 FCfa de son compte. Elle a loué un appartement dans une résidence aux Maristes. Nous, ses proches amis, avons tous été conviés. C’était très bien jusqu’au moment où la police a débarqué sur les lieux. Ils ont embarqué quelques-uns. Avec beaucoup de chance, j’ai pu me dérober sinon à l’heure actuelle je serais au gnouf», narre-t-il, heureux de cette fortune.
À 20.000 FCfa la journée
Ablaye Mbaye, père d’une fratrie de trois enfants, bien conscient du phénomène, estime «qu’un tel train de vie est surtout réservé à ceux qui en ont les moyens. Nos enfants, même s’ils le voulaient, ne le pourraient pas», croit-il. Seydou Traoré, menuisier de 51 ans, préfère, lui, garder l’œil ouvert sur ses gosses. «Je filtre leurs fréquentations et prête une attention particulière à leurs faits et gestes même si je ne peux pas les suivre partout. Aussi, je discute tout le temps avec eux pour les conscientiser sur la vie. Quand un enfant a 18 ans, tu ne peux plus recourir au bâton contre lui», raisonne-t-il. «Nous avons des chambres meublées et des appartements disponibles. Pour les chambres, c’est 10.000 FCfa pour les deux heures; les appartements 20.000 FCfa la journée. Il est également possible de le prendre pour la nuit», nous informe, d’une voix suave, la concierge de l’immeuble. À côté de son bureau, de nombreux draps blancs sont disposés sur une table. L’édifice est une modeste bâtisse de trois étages dominant une aire de jeu au quartier Maristes 2. «Le lieu est très fréquenté. Ce sont des entrées et sorties incessantes à longueur de journée. La gestion est parfaite. Il y a des femmes de ménage qui, dès qu’un client quitte une pièce, entrent pour nettoyer et changer les draps», nous informe une source. En face de l’immeuble, une dizaine de taximen, abandonnés aux piquants rayons solaires, guettent les clients. Le coin est une aubaine, a confié l’un d’eux, le masque cachant une partie de son visage. L’usage des appartements ou chambres meublés est toutefois multiforme. Dans le cadre du travail ou pour un séjour de quelques jours dans la capitale, certaines personnes préfèrent y déposer leurs valises plutôt que d’aller à l’hôtel. «C’est moins coûteux, estime Mbaye Sène, un chevronné courtier. Il n’y a pas que des fêtards qui se les approprient. Des professionnels qui ont besoin de tranquillité font aussi partie de la clientèle».
Ce qu’en dit la loi
Dans de pareilles conditions, la prestation de services est considérée comme légale d’après un juriste spécialiste dans le domaine de l’immobilier. Sous le couvert de l’anonymat, il explique: «La liberté d’entrepreneuriat est garantie au Sénégal. Sur la base de bonne foi, un propriétaire d’immeuble peut louer son bien pour une durée bien déterminée. Cette pratique n’a rien d’illégal». Cependant, on peut noter une violation de la loi au cas où «l’acquéreur utilise les locaux à des fins allant contre les bonnes mœurs. Alors là, on est dans l’illégalité. Par conséquent, les concernés encourent des sanctions pénales», a-t-il renchéri. Quant à la responsabilité du propriétaire, elle est engagée dès l’instant qu’un lien de connivence est établi entre lui et les usagers; s’il savait à l’avance que ses clients sollicitaient son bien pour des insanités alors il est vu comme complice. «Lorsqu’également, pour des raisons de profit, il cède ses locaux à des mineurs, il peut être poursuivi par la loi», informe-t-il. Dans la plus grande discrétion, le business des chambres et appartements meublés devient de plus en plus florissant.
AU LYCÉE LIMAMAOU LAYE, LE REPORT DE LA REPRISE DES COURS DIVISE
« Il fallait s’attendre à cette situation où en catimini on reporte la reprise des cours au dernier moment. Il y avait une situation non maîtrisée. Depuis le début de cette crise, il y a eu une non préparation »
Dans l’antre du Lycée Seydina Limamou Laye (LSLL) de Guédiawaye, les mines sont déconfites et les avis partagés. Est passé par là, le report de la reprise des cours pour les élèves en classe d’examen. Reportage sur les lieux qui devaient accueillir 3 631 élèves, 250 professeurs et du personnel administratif.
Des gilets jaunes font le guet. Ils sont une dizaine. Équipés de thermoflashes, de gel hydroalcoolique, d’un point d’eau pour se laver les mains. Ce sont des élèves du Lycée Seydina Limamou Laye qui contrôlent jalousement l’entrée de leur établissement. L’agitation similaire à un réel enthousiasme, au mieux, à un excès de zèle, au pire, trahit une pointe de déception. Ils étaient en préparation depuis plusieurs jours pour ce fatidique lundi 2 juin 2020 ; jour prévu de la reprise des cours pour les classes d’examen. Et puis, patatras… Tard dans la soirée du dimanche, l’annonce est tombée comme un couperet. La décision de reporter ultérieurement la reprise des cours a été prise par les autorités sénégalaises. Du coup, le spectacle est aussi insolite que louer la grande salle de Paris Bercy pour un concert avec cinq spectateurs. Passé ce check point Charlie, ce n’est pas la porte de brandebourg de Berlin qui me fait face, mais un désert. De l’ocre et de l’orange pâlis par le soleil restent les codes couleurs qui, depuis 40 ans, définissent le mieux le Lycée Seydina Limamou Laye.
Satisfecit
Cette sensation de paysage hostile n’a jamais été aussi vivace. A l’intérieur de l’établissement, il n y a pas une âme qui erre. Il a fallu entrer dans le bâtiment qui abrite l’administration pour croiser les premiers bipèdes sans plume, comme disait Platon, contemporainement adaptée à la face masquée. Le bureau du Proviseur, Mandaw Mbaye, est indiqué avec un regard inquisiteur. Installé sur une des trois chaises, en face de bureau de la secrétaire, l’espace est exiguë mais l’attente est courte. Affable, courtois, Mandaw Mbaye constate la situation. « Comme tout le monde, j’ai été mis au courant tard dans la soirée. Nous étions fin prêts », répète M. Mbaye. Et pour m’en convaincre, il me propose de faire une visite du proprio. L’état des lieux se fera principalement au bâtiment Laboratoire. Au rez-de-chaussée, une salle refuse ostensiblement de s’ouvrir. Devant cet insolent refus, les quelques escaliers pour rejoindre le premier étage sont franchis au trot. Là, l’une des salles est beaucoup plus coopérative. Elle est grande, éclairée. Malgré des tables-blancs qui ne collent ni au prestige, ni à l’excellence des résultats de ce lycée, elle est assez espacée pour respecter les mesures édictées par les autorités : 20 élèves par classe, des rangées en zigzag.
« Une situation non maîtrisée »
« Dans notre établissement, étaient concernés par la reprise des cours 3 631 élèves répartis dans 53 classes », détaille le proviseur Mbaye. En effet, en dehors des élèves inscrits pour l’obtention du Bac (2 500 au total), le LSLL propose des examens pour la formation professionnelle : CAP, BEP, BT ou encore BTS. A ces effectifs, il faut ajouter 318 professeurs dont 250 avaient donné leur aval pour reprendre les cours et le personnel administratif. Donc près de 5 000 personnes étaient, en tout, concernées par la reprise au LSLL. Mandaw Mbaye décerne un satisfecit à Dame Diop, ministre de l’Emploi, de la Formation professionnelle et de l’Artisanat, dont dépend le Lycée Limamou Laye pour la fourniture de 12 000 masques, d’une dizaine de thermoflashes, de gel hydroalcoolique et de produits détergents. Un avis qui n’est pas partagé par tout le corps professoral. C’est le cas de Amadou Bâ, chargé de communication au cadre unitaire des syndicats d’enseignants du moyen supérieur (Cusems). « Il fallait s’attendre à cette situation où en catimini on reporte la reprise des cours au dernier moment. Il y avait une situation non maîtrisée. Depuis le début de cette crise avec la fermeture des écoles, jusqu’à la décision et les règles mises en place pour la reprise des cours en passant par le retour des professeurs dans leurs lieux d’affectation, il y a eu une non préparation », martèle le syndicaliste. Un discours qui n’a pas de sens auprès du proviseur Mandaw Mbaye. Il pense que les autorités avaient fait le nécessaire avec le comité pour le redémarrage des cours. « Il était possible de respecter la prescription d’avoir 20 élèves par classe. Nous avons également aménagé l’infirmerie pour éventuellement y accueillir des cas suspects », argumente le proviseur en me proposant d’y faire un tour avec l’infirmier.
Quart d’heure de gloire
En temps normal, le LSLL, c’est entre 11 et 12 000 personnes. Pour gérer tout ce beau monde, Mamadou Samba Bâ, l’infirmier principal est secondé par une dame, absente lors de notre visite. « Il y a du boulot », ose-t-il, une litote. Après avoir récupéré les clés dans l’appartement de fonction, M. Bâ nous fait la visite de l’infirmerie. Deux pièces accolées, dont l’une est consacrée à la salle de consultation, et l’autre est prévue pour isoler les « cas suspects » évoqués par le proviseur. C’est du sommaire. « Nous n’avons pas encore fini de l’équiper », prévient le guide pour meubler le vide de la pièce où un ventilateur mural se bouscule avec deux chaises, une table, une poubelle et un placard vide.
Au retour de cette visite express, une partie du groupe d’élèves croisée à l’entrée du lycée s’est déplacée dans le bâtiment administratif. Ils présentent les visuels pédagogiques réalisés pour sensibiliser sur les gestes barrières qui devaient servir pour la reprise des cours. « Quel dommage », soupire-t-on en guise de regret de cette reprise avortée. « Nous étions prêts à jouer notre partition. Il y a des élèves qui sont diplômés en secourisme comme ceux qui sont affiliés à la Croix-Rouge », fait savoir Youga Fally Diop, président des élèves du LSLL et président du gouvernement scolaire du Sénégal, suivi par plusieurs médias. Un quart d’heure de notoriété qui pouvait se transformer en jours si la reprise des cours était effective.
UNE POUPÉE QUI PARLE PLUSIEURS LANGUES AFRICAINES
Dègla Awohouedji responsable qualité en France, a créé la poupée Nayanka en s’inspirant de sa fille issue d’un métissage entre le Burkina Faso le Bénin et la France
Dègla Awohouedji est responsable qualité dans une entreprise qui fait de l’ingénierie acoustique haut de gamme. Il est né au Bénin et réside actuellement en France. A 35 ans, il a créé la poupée Nayanka qui parle sept langues différentes et inspirée de sa fille issue d’un métissage entre le Burkina Faso le Bénin et la France.
POURQUOI LA REPRISE DU TRAFIC AÉRIEN ATTENDRA
Les frontières aériennes sénégalaises resteront fermées aux vols de passagers jusqu’au 30 juin au moins. Et la reprise des vols dépendra d’une décision concertée au sein de l’Uemoa
Jeune Afrique |
Ousseynou Nar Guèye |
Publication 02/06/2020
La réouverture du ciel sénégalais attendra. La fermeture des frontières aériennes a en effet été prolongée jusqu’au 30 juin, a annoncé le ministre du Tourisme et des Transports aériens, Alioune Sarr, à l’exception des vols cargos et des vols médicaux. Le 29 mai, au lendemain de cette prorogation, le président Macky Sall prolongeait jusqu’au 2 juillet, par décret, l’état d’urgence – qui prévoit un couvre-feu de 21 heures à 5 heures du matin et l’interdiction de tout déplacement entre les régions.
Interrogé par Jeune Afrique, Oumar Khassimou Dia, le directeur des Transports aériens au ministère, indique que « le gouvernement recueille l’avis technique des experts avant de prendre de telles décisions ». Selon lui, « le risque de propagation des maladies transmissibles à travers les voyages aériens est très élevé, et la situation des pays avec lesquels nous avons traditionnellement un flux de passagers est encore sérieuse. Même si la tendance est à la baisse en Europe. La prudence voudrait que nous observions si cette tendance va se confirmer ».
Cela veut-il dire qu’après le 30 juin, un nouveau report pourrait intervenir ? « Tout est possible, indique Oumar Khassimou Dia. Cela dépendra de la situation de la pandémie à l’approche de cette échéance du 30 juin. Le gouvernement tranchera en fonction des informations que nous lui fournirons. »
Perte de trafic de 97,5 %
La trentaine de compagnies qui opèrent à l’aéroport International Blaise Diagne (AIBD) sont actuellement impactées par le lockdown aérien décrété depuis le 20 mars. Les seules compagnies qui continuent à effectuer des vols cargo sont Lufthansa, Turkish Airlines, Emirates et DHL. Subsistent également des vols d’évacuation et quelques vols de rapatriement (par Air Sénégal, Air France ou Ethiopian Airlines). « Mais c’est vraiment résiduel : nous déplorons une perte de trafic de l’ordre de 97,5 % à l’AIBD », précise le directeur des Transports aériens.
LES STARTUPS SÉNÉGALAISES AU SERVICE DE LA MODERNISATION DE L’ÉTAT
EXCLUSIF SENEPLUS - La nouvelle économie est caractérisée par le partage et la déconcentration du savoir. Fini le temps de l’État rigide où la connaissance et l’initiative étaient les attributs d’une autorité ascendante et verticale
L’univers des startups peut sembler complexe pour ceux qui n’y évoluent pas. Ce monde inconnu, fait de concepts nouveaux et d’anglicismes, dont je vous ferai l’économie, suscite partout dans le monde beaucoup d’intérêt. C’est un univers passionnant dans lequel les acteurs rivalisent de créativité pour apporter des solutions à des difficultés de leur environnement, pour améliorer leur cadre de vie, et tenter de rendre meilleure la vie.
Le Sénégal, aujourd’hui, compte des centaines de startups réparties dans tous les secteurs d’activité de l’économie. Toutes ces petites structures portent, parfois avec la foi d’un missionnaire, de grandes idées, toujours innovantes, parfois utopiques et démesurées. Mais elles ont un atout formidable : elles sont faites de la même matière que le rêve.
Le formidable privilège de savoir rêver
Savoir rêver, et se projeter dans un avenir radieux et prospère, est un privilège que la jeunesse africaine doit absolument reconquérir. C’est à travers ce rêve libérateur que naissent l’espoir d’un avenir meilleur et l’énergie du bâtisseur. L’univers des startups demeure encore un espace où on peut poser une folle idée - aussi farfelue soit-elle à priori -, la nourrir, la chérir et en consommer les fruits mûrs après un dur labeur. La plupart des jeunes africains, qui se lancent dans l’aventure et continuent contre vents et marées leurs projets d’entreprise, portent cette croyance : dans ce monde tout est toujours possible.
Cette nouvelle énergie créatrice, qui nourrit la jeunesse, peut bénéficier à nos États qui, depuis quelques années, ont fait vœux de modernité. En plus du rêve, la modernité est l’autre matière dont les startups sont faites. Elles identifient les défis de l’époque et choisissent de les relever. Ces défis qui pour nos États peuvent s’appeler : service public de qualité, égalité entre les citoyens. Notre administration publique, à bien des égards, ne répond plus aux exigences de notre espace contemporain. Les tares sont multiples. Défauts de clarté dans les procédures, lenteurs, manque de flexibilité, délais improbables. Les mots ne manquent pas pour qualifier les maux de nos services publics. Ces difficultés créent une rupture d’égalité entre les citoyens, car selon que vous soyez nantis ou pas, vos démarches administratives n’auront pas la même issue. Enthousiastes et déterminés nous pouvons ensemble tenir la promesse d’un service public de qualité.
Modernité dans la relation avec les citoyens : quitter le vieux monde de la verticalité et s’ouvrir aux apports fécondants du monde transversal et collaboratif
Il est possible d’apporter de l’agilité, de la flexibilité et de la fluidité à notre service public. Ces concepts moteurs de l’univers des startups peuvent être appliqués au fonctionnement de notre administration. La nouvelle économie est caractérisée par le partage et la déconcentration du savoir. Fini le temps de l’État rigide où la connaissance et l’initiative étaient les attributs d’une autorité ascendante et verticale. L’innovation peut venir de tout esprit savant, sans appartenir à aucune caste ou institution officielle. L’écoute et le partage deviennent la règle. Jugez-en par le nombre de vidéos et d’articles instructifs partagés sur internet tous les jours.
Le brillant mathématicien Russe, Grigori Perelman, a partagé en 2003 sur Internet la démonstration de la conjecture de Poincaré. Un problème mathématique vieux alors de 100 ans. Perelman a outrepassé toutes les règles de l’institution universitaire hyper codifiée. La tradition voudrait qu’il envoie son article à une revue prestigieuse, avec comité de lecture chargé de statuer. Il n’en a rien fait. Il a par ailleurs décliné la médaille Fields (équivalent du prix Nobel en mathématique) qu’on lui avait décerné. Nous sommes au cœur du sujet. Nos États peuvent avec la participation des startups s’initier à cette nouvelle forme de collaboration, ouverte, transversale et fécondante. Cette ouverture permet la détection rapide des talents. Leur mise en valeur pourrait, encore, inspirer d’autres talents et favoriser un cercle vertueux d’émulation positive.
Modernité dans l’outil d’administration des citoyens : inclusivité et équité
L’usage des outils numériques est aujourd’hui une réalité dans nos pays. La vitesse affolante avec laquelle les applications informatiques, et autres outils pénètrent les masses populaires, modifient les codes et changent les relations sociales nous interpellent. Cela passe de la connexion à des réseaux sociaux à l’utilisation massive de technologie de transaction financière. Ces outils ont un attribut formidable : l’inclusivité. Ils permettent à un grand nombre d’accéder à des services inaccessibles auparavant. Grâce à cette technique nous avons réalisé de grands sauts technologiques. Permettant, par exemple, de passer d’un très faible taux de bancarisation à un accès quasi-universel aux services financiers.
Le peuple souverain adhère à la technologie et aux outils numériques. Le prétexte est trouvé pour résolument intégrer l’outil numérique dans la méthode d’administration des citoyens. Obtenir rapidement des documents administratifs, avoir une information claire, apporter de la transparence dans les procédures, accélérer les démarches. Enfin, réconcilier les citoyens avec l’administration. Ce défi numérique est bien possible à relever. Les compétences des startups sénégalaises permettent largement d’accéder à cette réalité. Le digital n’est pas qu’un gadget. Il peut faciliter la reconquête de certains secteurs régaliens grâce à l’inventivité de ces jeunes pouces. Dans la santé, une pépite nommée E-yone a conçu une application très poussée pour la gestion des structures de santé, qui prend en charge un passeport médical des patients. Cet outil peut participer à améliorer le suivi de ces derniers en mettant fin à l’errance fatal de certains patients faute de dossier médical cohérent.
C’est un début de réponse à la modernité. Il en existe dans l’éducation, l’agriculture, le marketing digital et d’autres secteurs encore dont l’énumération serait fastidieuse. A celles-là s’ajoutent toutes les autres qui évoluent dans la « deep tech ». D’ailleurs, une étude, du ministère de l’économie numérique, sur les startups et PME du numérique, publiée le 01/09/2019, recommande la mise en place d’une « GOV-TECH » pour favoriser l’accès aux entreprises du numérique à la commande publique. Pour faire écho au souhait de l’État de moderniser la Poste nationale, le Sénégal regorge de startups performantes dans la logistique et la finance, qui pourraient activement y participer et lui redonner un souffle nouveau. S’ouvrir, collaborer, encadrer dans un environnement inclusif et protecteur, au lieu d’interdire et de s’enfermer dans une impasse et dans des réseaux faibles.
L’État stratège
L’idée des entrepreneurs, seuls, qui viennent à bout de nos difficultés sociales, économiques, est un leurre. C’est une illusion qui pourrait nous perdre dans un désert encore plus vaste d’aveuglement. Ce désir d’avenir meilleur, cher à l’écosystème des entrepreneurs, ne sera possible que grâce à un État fort, aux côtés de tous. La prospérité n’adviendra qu’avec le concours d’hommes politiques conscients des enjeux de notre temps. L’État est également la seule entité capable de garantir un égal accès à un service public de qualité au plus grand nombre. L’État est aussi le régulateur capable de fédérer les intelligences, d’impulser la transition technologique, de bâtir les complexes techno-écologiques, d’impulser la recherche et le développement, de construire les politiques industrielles solides.
Tout reste possible avec l’énergie créative des entrepreneurs, mais seul l’État rendra cette force pérenne, durable et profitable à tous. Je ne suis ni un partisan forcené de l’étatisme, ni un disciple docile du tout privé, mais un militant de la dignité. C’est aussi notre devoir d’aider nos États à garantir les besoins primaires des citoyens. Le Sénégal a, depuis longtemps, tenu sa réputation de pays pourvu en ressources humaines de qualité. Contrairement à certains pays d’Afrique qui ont traversé des crises politiques majeures, le Sénégal n’a jamais connu de rupture importante de sa chaîne d’éducation lors des cinquante dernières années. Nous avons, malgré tout, tenu cette promesse de formation de qualité. Même s’il faut rappeler que l’éducation nationale a connu de meilleurs jours.
C’est l’occasion de mettre en avant cette ressource humaine de qualité, ainsi que les entrepreneurs méritants, en faisant taire ceux que le chroniqueur et essayiste Sénégalais, Hamidou Anne appelle « les narrateurs de l’entreprenariat ». Ces derniers se nourrissent du « vide sidéral » de leur discours. Ces transhumants qui sillonnent les fora et épousent allégrement toutes les nouvelles tendances. Ont-ils une entreprise ? Aucune. Leur bureau ? Leur compte Facebook. Nous disons ici que tout cela n’est pas sérieux. Les réseaux sociaux restent l’espace d’expression du vide qu’ils ont à partager. Sur ces réseaux, ils égrènent des chapelets de vacuité. Attention ! On atteint le mur des inepties.
Leur conviction absolue de dire vrai en tout lieu, tout le temps, rend leur posture insoluble dans l’apprentissage, le partage et le progrès. C’est de la bêtise réflexive. C’est la pire. Elle est irréversible et invincible. Combattre ces pratiquants de l’histrionisme fera grand bien à notre écosystème, avant d’entamer sereinement le virage de cette nouvelle collaboration. Cette collaboration nouvelle donnera aux startups l’opportunité de mieux travailler sur des sujets à fort impact et de renforcer leur prise avec le réel. Devenir le prolongement du réel, tel doit être l’une des missions du numérique en Afrique. Ici, le réel se nomme l’informel. C’est le moment de transformer ce bouillonnement fertile quotidien, de femmes et d’hommes, en une opportunité de mieux-vivre ensemble.
La DER : un trait d’union entre les deux univers
La DER par ses attributs est le liant naturel de cette collaboration nouvelle. Elle a pu, en un temps record, déchiffrer tous les codes et rouages de ce nouveau tissu entrepreneurial. Elle a pu s’adapter à la célérité qui caractérise ce monde et répond à la mission qui lui est assignée : accompagner, comprendre, financer, mettre en valeur les acteurs et projets de cette nouvelle économie, jusque-là, malades d’un défaut d’attention des acteurs publics. La même étude, du ministère de l’économie numérique, citée plus haut, révèle que 81% des entreprises du numérique n’ont pas accès au financement. La DER arrive à son heure. Son statut d’institution publique et son immersion réussie dans cet écosystème nouveau justifient ce rôle de facilitateur. Sa méthode de travail, parfois iconoclaste, qui répond parfaitement à l’exigence de notre époque, dérange souvent les traditionalistes du secteur plus habitués à des procédures plus longues et des dossiers « mieux maîtrisés ». Tant mieux. Ce sont les idées nouvelles qui changent le monde. Notre pays a besoin de mouvement, de concepts inédits, d’idées fortes, de gestes déterminés pour venir à bout des importants défis qui nous attendent.
Les très petits entrepreneurs du Sénégal ont longtemps souffert de la condescendance des puissants, de l’injustice des forts, de l’omniprésence des entreprises néocoloniales et de l’indifférence de l’État. Nous avons l’opportunité de reprendre la main sur notre tissu entrepreneurial. Encourager les plus volontaires, récompenser les plus méritants et soutenir les meilleurs par l’un des bras puissants de l’Etat. La DER peut être cet agent de la catalyse. Le processus est déjà entamé. Il s’agit de renforcer le mécanisme pour une collaboration plus aboutie avec les talents nationaux, pour que l’agriculteur vive de sa terre et le pêcheur de son poisson. En définitive, seule l’action publique peut mettre sur le même pied le « startuppeur » des technologies très avancées et la vendeuse de légume du marché de Diaobé. Pour qu’enfin advienne une nation moderne, forte, solidaire, prête, protectrice et équitable.
Youssou Owens Ndiaye est coordinateur de SenStartup et cofondateur de Ouicarry
TRACT ET PLUS, UNE EMISSION D'OUSSEYNOU NAR GUEYE
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LE CARACTÈRE SISYPHÉEN DE LA DETTE AFRICAINE
EXCLUSIF SENEPLUS : Aussitôt annulée, aussitôt reconstituée ? Les transferts de migrants, quelle place dans la mitigation des besoins en emprunts de l'Afrique ? AVEC CHEIKHOU OUMAR SY ET PAAP SEEN
"Tract et ...Plus : l'IADA (Initiative pour l'Annulation de la Dette Africaine), portée par plusieurs organisations sénégalaises (partis de la majorité et de l'opposition, syndicats, société civile, organisation patronale, personnalité indépendante) en soutien à la démarche du président Macky Sall est en débat.
Interrogé par Ousseynou Nar Gueye, l'ex-deputé Cheikhou Oumar Sy (législature de 2012 à 2017), président de l'Osidea (Observatoire de suivi des indicateurs de développement économiques de l'Afrique), invité fil rouge de l'émission, explique les motivations de son adhésion à l'IADA.
La dette africaine, aussitôt annulée, aussitôt reconstituée ? Les transferts de migrants, quelle place dans la mitigation des besoins en emprunts de l'Afrique ? La France va-t-elle payer cette dette de l'Afrique sans contrôle par celle-ci de sa natalité en contrepartie, comme soutenu par la députée française de droite Nadine Morano ?
Paap Seen est notre éditorialiste invité.
"Tract et...Plus", partenariat Tract.sn et SenePlus, est une émission dont la réalisation et le montage sont assurés par Boubabar Badji.
AUX ÉTATS-UNIS, LA GOUTTE D'EAU QUI FAIT DÉBORDER LE VASE
L'analyste politique René Lake fait une lecture des violences consécutives à la mort de l'Afro-américain George Floyd, outre-atlantique, dans un pays où le racisme anti-Noir est quasiment institutionnalisé
Pour l'heure, seul l'ex-policier Derek Chauvin a été arrêté et inculpé d'homicide involontaire et il doit comparaître devant un tribunal. De nombreuses réactions se sont fait entendre, notamment celle de l’Union africaine.
Pour un éclairage, Arzouma Kompaoré a joint l’analyste politique René Lake.
par Mamadou Ndiaye
L’AMÉRIQUE S’AGENOUILLE
Trêve de dissertations sur les troubles découlant du meurtre de George Floyd. Il s’agit maintenant d’ouvrir grands les yeux sur les hypothèques qui pèsent sur la plus grande démocratie du monde. L’est-elle encore ?
À force de nier les évidences, l’Amérique finit par poser un genou à terre ! Triste pour un pays qui se persuade d’être invincible. Le déferlement, la semaine dernière, de violences consécutif à la mort en direct de l’Afro-Américain George Floyd traduit l’affligeante incapacité des Etats-Unis à éradiquer les racines d’un mal profond : la haine raciale. Comment comprendre qu’un homme menotté par derrière sans opposer de résistance, de surcroît nu et à plat ventre sur le talus puisse représenter un danger pour ce policier qui ajoute le burlesque au comique de situation (la colère à la place du rire, bien évidemment) !
Derrick Chauvin -ça ne s’invente pas- a tué froidement G. Floyd qu’il accuse de détenir par devers lui un faux billet. De combien ? Et alors ! Et lui ? Petite cause, grand chaos ! N’est-il pas dépositaire de l’autorité publique pour pouvoir mettre aux arrêts un suspect sans violation du 6ème amendement de la constitution américaine ? Des spécialistes de la neutralisation, estiment sans ambages qu’un indélicat en état d’arrestation, une fois sous les menottes, sécurise tout le monde. Le flic Chauvin n’en avait cure. Il a déclenché une spirale de violence à travers tout le pays par son « genou assassin ».
Pourtant, en 2016 déjà, un footballeur américain de haute stature, Colin Kaepernick, s’était détourné de l’hymne américain lors d’une finale mémorable, poussant plus loin la force du symbole jusqu’à planter un genou à terre en signe de protestation contre les violences policières. Depuis, ce geste est entré dans la mémoire collective de victimes du racisme qui crient à gorge déployée que la promesse de l’égalité des droits n’a jamais été remplie aux Etats-Unis. Par milliers, les jeunes, affluant en masse au siège du commissariat de Police du 3ème district de Minneapolis, ont, dans un épais silence, brandi le poing comme signe de ralliement à une cause : « Black lives Matter ». Traduction : « La vie des Noirs compte ! »
Ils font écho à cet autre poing levé en octobre 1968 à Mexico par le fameux athlète Bob Beamon contre l’assassinat de Martin Luther King en avril de la même année à Memphis. Cela fait des décennies donc que la crise raciale s’enracine et s’aggrave. Des réseaux de haine se tissent au sein des Etats du sud, bastions des mouvements suprémacistes, que courtise avec assiduité le Président Donald Trump. En se rendant visibles, ils sonnent le réveil des antifacistes que Trump voudrait anéantir en les qualifiant de groupes terroristes.
Washington bougonne. La fronde se structure et s’étend. Marginale jusqu’ici, elle devient centrale. D’où l’appel aux militaires pour décréter l’état d’urgence dans plusieurs Etats. On le voit, plus d’un demi siècle après, le pays de Jefferson et de Lincoln, reste coltiné par la question raciale qui déchire la société, la réduisant à une inquiétante juxtaposition de communautés. Celle des Noirs, qui se disent Afro-Américains, ressemble à une kyrielle de troupes sans chefs charismatiques, à l’image justement de Martin Luther King, dont la parole porte et fait vibrer une nation.
Par un enchaînement de luttes, les unes plus mémorables que les autres, des droits civils et politiques furent conquis au détour d’une série de concessions du pouvoir blanc. A Harlem, les Blacks ont longtemps vécu le sentiment de dépossession quand, dans les années 80, des Coréens et des Japonais sont venus racheter à coups de milliards de dollars des terres qui leur appartenaient jadis.
« Nous voulons vivre. Nous sommes fatigués », disent en chœur les manifestants pacifiques dans d’interminables processions à travers l’Amérique des villes et des campagnes. L’Union Africaine suit la gravité de la situation et se dit préoccupée par « ces atteintes aux droits des Noirs ». Quel niveau de cruauté faudra-t-il atteindre pour susciter une large indignation ? se demande, pour sa part, l’ancien président du Bénin Nicéphore Soglo. Un déclic enfin ?
Les Afro-Américains représentent 13 % de la population totale US. A l’inverse ils font plus du quart de la population carcérale. Un poids démographique en net recul face à la montée des Hispano qui leur disputent désormais les avantages de « l’affirmative action ». La classe moyenne noire américaine n’arrive pas à se stabiliser du fait des crises cycliques qui affectent l’économie. Chaque année, ils sont des centaines de milliers à basculer dans le dénuement. Ils sont sous bancarisés. Pour survivre, certains d’entre versent dans l’informel quand d’autres s’adonnent à la drogue ou à la criminalité. Pas de doute, l’absence de perspectives ouvre des perspectives mais moins reluisantes.
Le manque d’apôtres de la paix ou de missionnaires de sacerdoce prive aujourd’hui le pays d’un leadership incontesté qui lui échappe d’ailleurs de plus en plus. Sous nos yeux, la politique se dissout. Elle se désagrège en même temps que la société américaine perd sa cohésion. En un mot son unité s’effrite. L’Amérique chahutée ? Pas encore car elle a une force résiduelle impressionnante.
En revanche, le danger guette ce pays de paradoxes. Trêve de dissertations sur les troubles découlant du meurtre de G. Floyd. Il s’agit maintenant d’ouvrir grands les yeux sur les hypothèques qui pèsent sur la plus grande démocratie du monde. L’est-elle encore ? Le contexte qui y prévaut est anxiogène. Des périls bien réels menacent la grande puissance. Quand des fautes manifestes de pilotage s’y ajoutent, le cocktail explosif n’attend, pour détonner, qu’un prétexte aléatoire.
L‘ambiance de Far West observée cette semaine dans cet Etat du Midwest a servi de détonateur d’une crise qui couvait depuis de longues décennies. L’exacerbation des haines vient troubler la quiétude d’une partie de l’Amérique profonde scindée en deux : d’un côté les riches et de l’autre, les exclus du système. Lequel ne se renouvelle pas. Il se sclérose. Et faute de remise à plat, il opprime plus que de raison, faisant de tous les citoyens des prisonniers de logiques qui se heurtent au quotidien. Les Noirs en premier le sont doublement : désavantagés par les inégalités, ils vivent pour la plupart d’aides basées sur une politique sociale mal adaptée.
A force de recevoir, les plus démunis d’entre eux s’enferment dans une « mémoire d’oppression en doutant plus de leurs capacités que du racisme dont ils sont les victimes », souligne l’universitaire de renom Shelby Steele. Il pointe aussi la « culpabilité des Blancs » en délicatesse, ajoute-t-il, avec leur conscience du fait de la longue pratique de l’esclavage. Près de 400 ans de servilité forgent des mentalités, pas pour les mêmes raisons certainement. Le préjugé de l’infériorité des Noirs est logé dans la mentalité blanche, relève encore, Pr Shelby Steele qui regrette toutefois que ceux qui ont prétendu succéder à Dr. Martin Luther King « n’avaient pas son exigence ».
En clair, ils ont enfoncé le statut de victimes et réclamé de la culpabilité blanche des compensations et des traitements préférentiels au nom de « l’affirmative action ». Celle-ci a fait son temps. Dévoyée de ses objectifs initiaux, elle a laissé s’installer une caste de politiciens qui confisquent cette « discrimination positive » pour fonder un pouvoir racial vigoureusement combattu par l’économiste Thomas Sowell et le constitutionnaliste Stephen Carter, brillants universitaires qui font autorité dans leurs domaines respectifs au sein de l’intelligentsia américaine.
L’Amérique a beaucoup perdu : sa puissance, son prestige, sa grandeur, ses pôles d’attraction, son rêve, son mythe fondateur… Elle n’est plus le chef incontesté d’un monde devenu multipolaire depuis la chute du mur de Berlin en 1989. Pour preuve : elle n’est plus présente simultanément sur plusieurs théâtres d’opérations à la fois. Un signe…
par Siré Sy
ABDOU DIOUF, DÉSILLUSION ET RENONCEMENT (2/4)
EXCLUSIF SENEPLUS - L'ancien président s’est toujours contenté d’administrer les crises jusqu’à ce que le feu devienne cendre. Il aura présidé le pays contre lui-même - PRÉSIDENT ET GESTION DE CRISE, ‘’QUAND L’HEURE EST GRAVE !’’
L’adage dit que c’est au pied du mur que l’on reconnaît le maître-maçon. Dans la même temporalité, c’est par et dans la gestion de crise(s) de magnitude ‘’secousse du régime’’ sur l’échelle d’une Nation-État, que l’on apprécie les choix, les décisions et le leadership d’un chef d’Etat dans sa fonction de président de la République. Le Think Tank Africa WorldWide Group en partenariat avec SenePlus vous propose Feuilleton managérial : Président et Gestion de crise, ‘’quand l’heure est grave !’’.
Pour cette deuxième épisode de votre Feuilleton managérial ''Président et Gestion de crise ‘’quand l’heure est grave’’, Style et Méthode de gestion de crise du président Abdou Diouf, ‘’Abdou, le technocrate rénovateur”.
Le président Abdou Diouf, sous sa présidence (1981-2000), a eu à faire lui aussi, face à trois crises d’amplitude ‘’secousse du régime’’ sous l’échelle d’une Nation-État : une crise politico-électorale, une crise scolaire et une crise économico-sociale. Au chapitre de sa gestion de sa crise politico-électorale de 1988, avec l’élection présidentielle de 88, le président Abdou Diouf, va reprendre la situation en main, en élargissant Me Wade et compagnons de prison (sous la facilitation de l’Ambassade des USA au Sénégal), avec à la clé, le code consensuel de 1992 qui en sera la résultante. Au chapitre de sa gestion de la crise scolaire, le président Abdou Diouf n’aura pas pu empêcher une année blanche, celle de 88. C’est d’ailleurs cette génération d’écoliers et de collégiens des années 88, qui vont réaliser démocratiquement, l'alternance en 2000. Au chapitre de sa gestion de sa crise économico-sociale aiguë, celle des Ajustements structurels (1980), le président Diouf n’aura pas pu empêcher la dévaluation du Franc CFA survenue en 1994. Cette crise de la dévaluation du Franc CFA allait rendre le front social et syndical en ébullition qui depuis lors, n’a jamais connu une stabilité durable. Abdou Diouf a présidé le Sénégal durant 19 ans (1981-2000).
L’étudiant Abdou à l’ENFOM, aux idées progressistes (il a fait son mémoire à l’ENFOM sur le sujet ‘’L'islam et la société wolof), devenu le président Diouf en 1981, s’est vite mis dans les habits du Rénovateur. A peine installé dans ses nouvelles fonctions, Abdou Diouf instaure le multipartisme intégral, supprime les délits de presse, libéralise le secteur des médias, permet à Cheikh Anta Diop de devenir professeur d'université et donne son nom à l'université de Dakar (Ucad).
La postérité peut retenir du président Abdou Diouf, à l’origine de l’anarchie politique (multipartisme intégral), l'échec de son modèle démocratique (1981-1993), la privatisation-offre de l'économie sénégalaise, les ajustements structurels (moins d’Etat), l’austérité tous azimut (Plan Sakho-Loum) et la décentralisation-régionalisation plutôt politicienne qu’administrative.
Et pourtant, dès son avènement à la magistrature suprême, le président Abdou Diouf s’est voulu un Réformateur avant de se rétracter pour demeurer et rester Rénovateur. En réussissant avec brio la ‘’désenghorisation’’, le président Abdou Diouf s’est heurté contre une farouche résistance aussi bien dans son propre camp (le PS) que dans l’opposition et les syndicats. Et le président Diouf va abdiquer devant l’adversité et se retrancher dans son tour d’ivoire, et deviendra très déconnecté des réalités de son peuple. C’est comme qui dirait, une sorte de ‘’gentleman agreement’’ entre lui Diouf et son camp le PS, un accord diffus qui consisterait à lui assurer à lui le président Diouf, son pouvoir (ses réélections) et à son camp, de gérer le pays et de faire ce qu’ils veulent.
Dans son Style et sa Méthode de gestion de crise ‘’quand l’heure est grave !’’, contrairement à son prédécesseur Senghor, le président Abdou Diouf a été plus ‘’le commis d’Etat’’, ‘’un Administrateur de crise’’, plus qu’un redoutable homme politique, un fin stratège. Parce qu'il n’avait (peut-être) pas cette légitimité politique tant au niveau du PS qu’au niveau des masses, le président Abdou Diouf s’est reconverti en homme de dialogue, de compromis et de consensus. Toujours un Rénovateur mais jamais un Réformateur. A partir de 1983, jamais le président Diouf n’a cherché à influer, ni à peser sur le cours de l’histoire et sur la trajectoire historique du Sénégal. Le président Diouf s’est toujours contenté d’administrer les crises jusqu’à ce que le feu devienne cendre (présidentielle 88, année blanche en 88) ou alors, rester et demeurer un gentil spectateur des événements jusqu’à ce que la Case de Birima brûle (Congrès sans débat, PAS). Le président Abdou Diouf aura présidé et gouverné le Sénégal, contre lui-même – hélas - et s’est plus tourné vers l’extérieur, plus préoccupé par son image personnel que par une véritable mutation-transformation du Sénégal. La preuve par la Francophonie (OIF). Avec Diouf, le Sénégal aura connu une parenthèse (économique, sociale et politique) douloureuse de vingt ans. Toute une génération perdue.
Jeudi 4 Juin 2020, l’épisode (3/4) de votre feuilleton managérial ''Président et Gestion de crise, ‘’quand l’heure est grave!’’, portera sur le président Me Ablaye Wade.