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25 avril 2025
Développement
LES APÉRISTES DE L'USA APPROUVENT L'EXCLUSION DE MOUSTAPHA DIAKHATÉ
Sa connivence avec les adversaires les plus effrontés à notre Coalition n'est plus un secret. Ses propos incandescents avaient remplacés les critiques d'une opposition déroutée par sa lourde défaite - DÉCLARATION DE LA DSE-APR
SenePlus publie ci-dessous, la déclaration de la DSE-APR des États-Unis, datée du 22 janvier 2020, soutenant l'exclusion de Moustapha Diakhaté, du parti présidentiel.
"Depuis qu'il est écarté de sa fonction de chef de Cabinet du président de la République puis de Ministre Conseiller, après avoir été médiocre Président du Groupe Parlementaire de Benno Bokk Yakaar, Moustapha Diakhate n'a cessé de poser des actes en défiance à la raison et la décence républicaine.
Sa connivence avec les adversaires les plus effrontés à notre Coalition n'est plus un secret. Ses propos incandescents et puérils avaient finalement remplacés les critiques d'une opposition déroutée par sa lourde défaite.
Il est utile de rappeler qu'une démarche honteuse et obscure de la politique des "deux chaises" avait placé certains calculateurs, dans le scénario catastrophe du deuxième tour, leurs actuelles gesticulations découlent d'une posture ambigüe de chats échafaudés.
Avec la certitude que le "fou du village" n'a pas agi seul, les caméléons sociaux devront se découvrir au grand bonheur des militants loyaux et sincères, pour permettre à l'APR de se compter.
Ils avaient sous-estimé la connaissance des réalités sociales du Sénégal dont le président Macky Sall est porteur ; sa posture d'homme d'Etat et sa maitrise du jeu politique qui font de lui le sénégalais le plus informé.
Le destin se fait toujours à l'insu des traitres qui conjuguent au passé le rôle du leader historique, dans une ignorance totale des forces en présence.
En démocratie, les citoyens ont malgré tout la liberté de nourrir des ambitions et d'œuvrer pour faire entendre leurs voix.
Mais la transparence des règles du jeu démocratique et les mécanismes établis pour gagner la confiance des électeurs, empêcheront aux manœuvriers et aventuriers de tous acabits à faire carrière par la surenchère et la trahison.
L'effort cynique et sans consistance du sieur Moustapha Diakhate de créer un courant au sein de l'Alliance pour la République est aux yeux de l'ensemble des militants conscients, une tentative de créer une scission.
Sous ce rapport, la DSE du détachement de l'APR des Etats-Unis approuve sans réserve la sanction infligée à l'encontre du sieur Moustapha Diakhate par la Commission de Discipline, en sa déclaration du 21 janvier 2020 et renouvelle sa confiance au Président élu et légitime du parti.
Considérant l'importance de la discipline pour la cohésion dans l'organisation, les militants dans toutes les Sections aux Etats-Unis, condamnent les activités fractionnistes et provocatrices qui ont pour but d'affaiblir notre Direction et ternir l'image du parti.
La DSE/APR des Etats-Unis réaffirme son adhésion totale aux programmes Zéro déchet, Zéro bidonville inscrits dans les Cinq Grandes Initiatives Nationales, pour un Sénégal sain et prospère ; appelle les sénégalais, les membres de la Coalition Benno, principalement les militants de l'Alliance pour la République à redoubler de vigilance et accompagner dans la dignité et le patriotisme la Vision du président de la République Macky Sall."
par Ibrahima Diop
ALIOUNE NDOYE BIEN MAL PARTI
La décision de subventionner des moteurs hors-bords au profit de la pêche artisanale ne sera pas sans inconvénients sur la gestion des ressources halieutiques dans un secteur, pour l’essentiel surexploité
Sitôt nommé ministre des Pêches et l’Économie maritime, à la faveur d’un jeu de chaises musicales, le ministre Alioune Ndoye multiplie les sorties pour occuper l’espace médiatique et prendre ses marques. En pareilles circonstances, il est toujours utile de prendre le pouls du secteur et de s’imprégner des réalités du terrain. Mais, il est dommage de constater que le nouveau ministre veut danser plus vite que la musique, comme en témoigne sa décision populiste et improductive de subventionner les moteurs hors-bords pour la pêche artisanale. « L’Etat va débloquer 10 milliards de F CFA pour la subvention de 10 mille moteurs de pirogue cette année », déclare M. Ndoye. Avant de s’inscrire dans la démarche de son prédécesseur Oumar Gueye, le nouveau ministre devait tout d’abord faire l’état des lieux de ce programme. Tant du côté des pêcheurs que du côté des fournisseurs de moteurs, les problèmes ne manquent pas. En effet, cette décision de subventionner des moteurs hors-bords au profit de la pêche artisanale ne sera pas sans inconvénients sur la gestion des ressources halieutiques dans un secteur, pour l’essentiel surexploité. La pression sur la ressource sera accentuée par cette mesure annihilant ainsi tous les efforts consentis depuis des décennies pour la réduction de l’effort de pêche. Ces moteurs puissants vont pousser nos pêcheurs à aller encore plus loin en mer, au péril de leur vie. Il y a aussi le risque de favoriser l’émigration clandestine.
Cette option est en parfaite contradiction avec les orientations majeures de la Lettre de Politique Sectorielle de Développement de la Pêche et de l’Aquaculture (LPSDPA) pour la période 2016-2023. L’objectif majeur de ce cadre de référence du secteur est de « faire de la pêche et de l’aquaculture un moteur de croissance durable et d’inclusion sociale, tout en assurant l’alimentation de la population à l’horizon 2023 ». Comment atteindre cet objectif lorsque l’autorité de tutelle fait fi de toutes les recommandations des études scientifiques pour privilégier une démarche populiste en direction des pêcheurs artisans et suivre une logique de profit pour les industriels. En plus de favoriser la surpêche, l’augmentation des capacités de capture des pêcheurs sans la mise en place d’unités de conservation et de transformation est un cautère sur une jambe de bois.
Pour la pêche industrielle, la mafia autour des licences de pêche est connue de tous. Le rapport de Greenpeace publié en 2015 intitulé : « Arnaque sur les côtes africaines : la face cachée de la pêche chinoise et de ses sociétés mixtes au Sénégal, en Guinée et en Guinée-Bissau » a mis un faisceau de lumière sur cette fraude organisée. Le document renseigne qu’au Sénégal, « entre 2000 et 2014, le manque à gagner occasionné par les licences non payées par la China National Fisheries Corporation, plus grande entreprise de pêche lointaine de la Chine, a été estimé à plus de 371 404 800 FCFA ». A ce jour aucune mesure n’a été prise pour mettre un terme à cette fraude opérée par le Chinois en complicité avec des personnes haut placées dans l’administration sénégalaise. Pire, le Sénégal vient de renouveler, en catimini, le protocole d’accords de pêches accordées à l’Union européenne. Au total, une quarantaine de navires de l’UE vont siphonner nos eaux en échange d’une modique somme. Comme par le passé, le Sénégal a accordé des quotas à pêcher sans avoir fait une étude sur ses stocks disponibles. Quelle absurdité !
Autre dossier qui méritait d’attirer l’attention du ministre Ndoye pour la gestion durable des ressources halieutiques est le manque de respect ou de mise en œuvre de la règlementation aussi bien par les acteurs que par l’administration des pêches elle-même. L’exemple des permis de pêche, de l’embarquement des observateurs et de l’utilisation des filets mono filament considérés comme très destructeurs, est toujours d’actualité. Pour ce qui concerne les observateurs, un recul a été noté dans le nouveau Code de la pêche qui crée une discrimination, puisque leur embarquement à bord des navires sénégalais n’est plus systématique. Même pour les bateaux étrangers où l’embarquement est obligatoire, les observateurs sénégalais, au nombre de 10, ne sont pas suffisants pour le nombre de navires qui s’activent dans nos eaux. Concernant l’interdiction des filets mono filament, pourtant prévue par le nouveau Code, son application avait été différée par le département des pêches, confronté aux réalités du terrain. Dans ces conditions et pour une bonne politique de préservation des ressources et du milieu marin, il est légitime de se demander s’il n’était pas plus judicieux de subventionner des filets réglementaires au profit de la pêche artisanale à la place des moteurs hors-bords. Mais pour comprendre ces enjeux, le ministre Ndoye doit impérativement sortir de l’isolement dans lequel il s’est confiné et se départir de sa morgue dédaigneuse qui témoigne d’une condescendance aveuglante. Il doit privilégier une démarche inclusive et être conscient de complexité de ce département. Au lieu d’être engoncé dans ses certitudes. Un peu de modestie lui referait beaucoup de bien.
Membre de la Commission de discipline qui a exclu Moustapha Diakhaté de l’Apr, l’ancien ministre Mbaye Ndiaye était toutefois absent lors de la réunion à laquelle cette décision a été entérinée. De retour de voyage, il s’est exprimé, en exclusivité sur les ondes de la radio du groupe Emedia, iRadio (90.3 FM).
Le Directeur des structures du parti au pouvoir tient à tempérer et annonce qu’il va entamer une médiation pour éviter le départ de celui qui vient de créer un mouvement. « Je viens d’être informé par vous-même de cette décision majeure », commence-t-il par répondre à Alassane Samba Diop qui l’interrogeait, avant de confirmer que la Commission de discipline est bien habilitée à exclure un membre du parti au pouvoir. « En tout état de cause, il ya des instances dans le parti qui peuvent être sollicitées dans de pareilles situations. »
Mbaye Ndiaye enchaine en rappelant le parcours historique de Moustapha Diakhaté au sein de l’APR. « Macky Sall est un homme rassembleur, qui aime tout ses militants, en particulier ses compagnons historiques et Moustapha Diakhaté en fait partie. C’est vrai que dès fois, il y a des sorties qui sont très gênantes pour l’image du parti, mais je pense que tout doit être discuté, négocié. Il y a des canons de recherches de réparation... Je fais partie de ceux qui pensent qu’il a toujours sa place dans le parti, comme on l’avait fait avec Moustapha Cissé Lô, je suis prêt à faire les mêmes démarches pour que ce grand camarade de compagnonnage historique ne puisse pas être délaissé en cours de route parce que le président Sall a encore besoin de tout le monde pour réaliser son rêve pour le Sénégal, l’émergence. »
par Nioxor Tine
DIALOGUE NATIONAL, SE REPLACER DANS LA TRAJECTOIRE DES ASSISES !
Le dialogue version BBY a peu de chances de contribuer à la résolution de la crise sociopolitique manifeste que vit notre pays - On a du mal à percevoir ce qui oppose les protagonistes de la classe politique dont la majorité a déjà été aux affaires
À observer la scène politique nationale, on comprend mieux tous ces petits tracas, qui jalonnent le soi-disant dialogue national. Cette instance, dont on attend qu’elle traite de questions majeures de la marche de l’État, s’embourbe désespérément dans des détails insignifiants, comme des querelles de préséance ou le remboursement de frais de transport.
Il faut dire, que ses initiateurs manquent terriblement de vision et d’ambition et c’est cela qui différencie fondamentalement ce rassemblent hétéroclite des mémorables Assises Nationales de 2008 – 2009. Ces dernières voulaient remédier à la mal-gouvernance endémique, qui a toujours caractérisé le mode de gestion des pouvoirs publics depuis plusieurs décennies et procéder à une refondation institutionnelle bien comprise.
Le dialogue, version Benno Bokk Yakaar, quant à lui, a peu de chances de contribuer à la résolution de la crise sociopolitique manifeste que vit notre pays.
Premièrement, contrairement au parti socialiste et à l’AFP, qui avaient reconnu, durant les Assises nationales, des insuffisances dans leur long règne d’avant 2000, le processus actuel semble écarter toute approche critique et autocritique.
Il chercherait plutôt à blanchir une autocratie électorale coupable, depuis bientôt 8 longues années, des pires délits en matière de manipulation constitutionnelle, de fraude électorale et instrumentalisation de la Justice sur fond d’un autoritarisme avéré.
Ensuite, les divergences au sein de la vieille classe politique ne renvoient à aucune différenciation idéologique, aucune référence à des choix de société. Tant et si bien qu’on a du mal à percevoir ce qui oppose réellement les protagonistes de la classe politique, dont l’écrasante majorité a déjà été aux affaires. Pas étonnant dés lors que certains évoquent le projet de mise sur pied d’un gouvernement élargi à certains opposants, comme étant la finalité ultime du dialogue.
Enfin, les signaux, qui émanent du mode de gestion du pouvoir apériste, sont loin d’être rassurants. Nous constatons, en effet, une intolérance notoire n’épargnant même pas les militants du parti présidentiel, en pleine déliquescence. C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre l’exclusion de Moustapha Diakhaté de l’APR, après son limogeage et celui de Sory Kaba
Il y a aussi la répression impitoyable à l’encontre des mouvements de jeunes activistes, qui dans le cas de l’exemplaire militant Guy Marius Sagna, frise la persécution cruelle.
Tous ces jeunes patriotes semblent vouloir s’émanciper de la classe politique traditionnelle victime de léthargie, d’absence de renouvellement et du non-respect des procédures au sein de leurs propres organisations politiques, souvent instrumentalisées pour assouvir les ambitions des groupes dirigeants.
Autre fait remarquable, cet esprit de sacrifice et d’abnégation dont cette génération montante fait preuve, transcendant la hantise de l’enfer carcéral de Rebeuss et qui manque si cruellement aux entrepreneurs politiques des temps nouveaux, si prompts à retourner leur veste, soit pour décrocher un strapontin juteux ou pour tout bonnement transhumer.
L’atmosphère politique est devenue si exécrable, qu’on se demande si notre pays, certes encore exempt de violences politiques ou de tout ce qui peut s’apparenter à une guerre civile, n’a pas davantage besoin d’une Commission Vérité et Réconciliation, en lieu et place d’un comité de pilotage du dialogue national.
Oui, assurément, notre pays est en danger, à cause de l’injustice et l’arbitraire qui y règnent, de la hausse du coût de la vie, de la remise en cause des libertés publiques, et des griefs crypto-personnels au sein de la classe politique...
Tous ces facteurs ajoutés aux risques induits par la découverte des nouvelles ressources naturelles font craindre une explosion sociale imminente, surtout compte-tenu de l’environnement sécuritaire précaire de la sous-région.
Face à cette situation préoccupante, le pouvoir en place ne semble pas prêt à réformer profondément sa gouvernance désastreuse et autoritaire, pendant que certaines franges de l’opposition se montrent très complaisantes à son endroit, fermant les yeux sur des abus de pouvoir manifestes.
L’impasse, dans laquelle se trouve notre pays, s’explique largement par le refus de Macky Sall et de ses alliés d’appliquer les conclusions pertinentes des Assises Nationales. Lesquelles découlaient d’un diagnostic minutieux de la situation politique de notre pays, qui ne pourra sortir de l’ornière que si les tenants du pouvoir acceptent de revenir à l’esprit de la charte de gouvernance démocratique, qui permet de garantir l’équilibre et la séparation des pouvoirs.
Il s’agira, en premier lieu, de mettre un terme à l’hypertrophie de l’institution incarnée par le président de la république et de séparer la fonction présidentielle de celle de chef de parti.
Il faudra aussi procéder à une réforme pertinente du code électoral (suppression du parrainage, réforme du mode de scrutin aux élections locales et législatives, pour rendre les élus plus indépendants) et mettre en place une haute autorité de la démocratie. Cette dernière sera chargée de veiller à l’adoption de critères pertinents de création des partis politiques et à la promotion de la participation citoyenne et du suivi du processus électoral.
Le pouvoir judiciaire doit s’émanciper de la tutelle de l’Exécutif, particulièrement, de celle du président de la République.
Enfin, les finances publiques comme l’ensemble de l’économie doivent être gérées au profit des masses populaires, sans arrière-pensées politiciennes et électoralistes ni soumission aux injonctions des officines financières internationales.
Il s’agira, en un mot, de réhabiliter le projet de constitution de la CNRI, si on veut que le dialogue national, se replace dans l’esprit des Assises nationales et connaisse un succès éclatant.
LA CHRONIQUE HEBDO D'ELGAS
PAPE ALÉ NIANG, REVU DE PRÈS
EXCLUSIF SENEPLUS - 20 ans de carrière, une stature qui s’affirme et une personnalité qui questionne voire divise - Un parcours déjà riche et pourtant, l’homme a encore des rêves plein la tête et des combats à mener - INVENTAIRE DES IDOLES
20 ans de carrière, une stature qui s’affirme et une personnalité qui questionne voire divise. Pape Alé Niang est l’un des journalistes politiques les plus en vue du pays, jusqu’à incarner une figure de la résistance face au pouvoir de Macky Sall. Un parcours déjà riche, à la radio, comme à la télé, et pourtant, l’homme a encore des rêves plein la tête et des combats à mener. Portrait.
La scène se passe le 31 décembre 2019 à 20 heures. Au palais présidentiel, Macky Sall a invité une dizaine de journalistes pour un jeu de questions-réponses. L’exercice, institué l’année précédente, soufflé par les conseillers du chef de l’Etat, vise à donner des gages de pluralisme. Plusieurs médias sont de la partie dans le désormais temps fort annuel de l’échange avec le président. Après la brève et traditionnelle allocution à la nation, commencent les échanges, diffusés en direct sur la télévision nationale, la RTS et dont le signal est repris par plusieurs autres chaines de télévision privées. Au même moment, sur la Sen TV, c’est Ousmane Sonko qui entre en scène dans un jeu de miroir bien huilé. Il est accueilli par Pape Alé Niang, son hôte, entouré d’une journaliste et de deux éditorialistes. Le but de la manœuvre est double : un coup de communication et un coup politique, bénéfiques à l’accueillant et à l’accueilli. Le troisième homme du dernier scrutin présidentiel y affine sa stature. A l’aise dans les dossiers, avec son ton monacal et son énergie, il déroule son homélie programmatique. Dans les foyers sénégalais, l’impression est curieuse, la défiance de la mise en scène inaugure un nouveau temps de l’opposition de style, de médias et d’hommes politiques. Echo plus marqué de cette sourde bataille sur les réseaux sociaux, où la diffusion en ligne fait en effet l’objet d’une intense séquence de commentaires. Les partisans des deux camps se jaugent à coup de métriques des audiences. La capsule en direct de la Sen TV semble afficher plus de spectateurs, peut-être le camp présidentiel peut-il revendiquer une avance sur la diffusion hertzienne. Au palais, une ambiance de cour, avec des journalistes autour du souverain et de ses hommes. Dans les locaux de la Sen TV, un contrepoint, et parfois, dans l’air, comme une connivence entre l’intervieweur-vedette de la chaîne et le nouvel homme fort de l’opposition.
Un journaliste au cœur de la bataille politique
Il faut dire qu’entre les deux hommes, en plus de leur affinité générationnelle, les têtes-à-têtes se sont multipliés récemment, jusqu’à faire naître dans l’opinion, et surtout chez les détracteurs, l’idée d’un pacte partisan entre le journaliste et l’homme politique. Pape Alé Niang s’en défend. D’ailleurs, se rebiffe-t-il et se montre-t-il offensif : « j’ai été tour à tour désigné comme le soutien de Idrissa Seck, Macky Sall lui-même, et aujourd’hui de Ousmane Sonko. Ça ne prouve qu’une chose : ma cohérence ». Cette plaidoirie pro-domo caractérise l’homme, pas du genre à se laisser impressionner. Serigne Saliou Guèye, éditorialiste aux textes remarqués sur SenePlus, et présent à ses côtés le soir du 31 décembre, vole à son secours, plutôt louangeur : « quand il s’agit de défendre les valeurs sacro-saintes de la République, l’engagement du journaliste Pape Alé Niang est indéfectible. Le caractère apparemment subjectif de ses chroniques ou du choix des invités de ses émissions n’entame en rien la crédibilité, le professionnalisme et son attachement inoxydable à l’éthique et à la déontologie qu’exige la profession ». L’adoubement est fort de la part d’un ponte du métier, le présentateur ne pourrait espérer mieux. Même si on note d’autres sons de cloche nettement moins enthousiaste comme chez cette journaliste qui a requis l’anonymat : « Pape Alé Niang est à mon avis plus un politicien qu’un journaliste. Il prend des positions dénuées d’objectivité, de mesure et surtout de déontologie. Il se comporte comme un homme politique encagoulé dans sa façon de traiter l’information. Des « journalistes » comme M. Niang font beaucoup de mal à notre profession et à la réputation des journalistes sénégalais. Leur proximité avec certains hommes politiques entache leur neutralité au point d’être source de suspicion sur leurs réelles motivations. » Le propos est tranchant et sans concession, symbole du clivage qui existe sur sa perception par les collègues.
Pour la mise en scène du palais, le président a voulu la jouer magnanime en allant même jusqu’à inviter ce journaliste que tout Dakar érige en résistant face au rouleau compresseur du pouvoir. Convié à prendre part à l’échange, il décline. Il a ses raisons : « c’est mon média qui a été invité et le format ne me convenait pas », poursuit-il. Dans cet espace où la prise de parole est minutée, les relances presqu’impossibles, les ricanements de cour monarchique perceptibles, il se sait probablement à son désavantage. L’anecdote de son refus a nourri les commentaires médiatiques et renforce surtout un sentiment de divorce sans retour entre le clan du président et le journaliste. La revanche, il la tient sur SEN TV où il est maître du jeu, seul aux commandes. Pape Alé Niang a-t-il une dent personnelle contre le locataire du palais ? La question affleure souvent tant les relations envenimées paraissent tenir de l’animosité. Il est catégorique : « non ». Il tempère et recourt à sa mémoire. Il en veut pour preuve avoir été le « seul » journaliste, à avoir invité régulièrement l’ancien opposant, lors de sa traversée du désert. Il connaît bien l’homme dont il a suivi les misères, ballotté, mis à l’écart, et esseulé après avoir été défenestré par son mentor d’alors, Abdoulaye Wade. Un souvenir plus précis émerge de cette période, la remise d’une médaille à Macky Sall par l’ambassade de France. Pape Alé Niang dit avoir été l’un des journalistes présents à la cérémonie et que si l’on a des images de cet événement de 2008, c’est « grâce à lui ». La chronologie des faits lui donne partiellement raison. Il a entretenu « d’excellentes relations », confie-t-il, avec une pointe de regret magnanime, avec l’ancien président de l’Assemblée nationale.
Questions contexte, le scrutin présidentiel passé a cristallisé à un degré aigu un sentiment qui n’a cessé de croître au fil des années. L’impression que les médias sont devenus des bastions politiques, avec leurs colorations respectives. Une politisation plus marquée et moins soucieuse des lignes de démarcation nécessaires pour éviter le mélange des genres. Une exacerbation plus nette des querelles par chapelles interposées a été notée, avec des prises de positions plus radicales, dans une presse politisée, souvent propriété d’hommes d’affaires pour ce qu’il s’agit du privé et sous les ordres du régime pour ce qui est des antennes publiques. A ce jeu, la tentation peut être grande de condamner toute la presse, au risque d’écraser nombre de talents réels qui essaient de tirer leur épingle du jeu. Mais le constat amer est là : l’idéal d’un journalisme transparent, indépendant, se meurt, pris entre les griffes d’un jeu politique, devenu jeu de massacre. Si Pape Alé Niang se défend de quelque proximité avec Ousmane Sonko, il le sait, il est devenu en 20 ans un journaliste qui compte, égérie d’un journalisme de la résistance, qui bande des muscles, avec ce que cela comporte de gloire, de défis, de fragilités et de postures.
Une égérie médiatique du nouveau siècle
C’est en 2000 que les auditeurs sénégalais découvrent la voix atypique, un poil fantasque et théâtrale, de ce journaliste gringalet, qui tient la revue de presse en wolof et en français sur SUD FM radio. Il redonne du tonus au genre et imprime un style qui deviendra une forme d’école et de tradition dans la radio, jusqu’à la caricature des émules. Dans les maisons sénégalaises où le poste de radio est un sanctuaire quotidien, la tonalité tranche. On ne rate rien des envolées du bonhomme qui suscite vite l’admiration par son jeu habile avec la langue et ses audaces novatrices. Exit l’empire et la raideur des seules radios publiques, SUD FM et l’école du renouveau qu’elle lance, amènent sur le plateau de nouvelles figures, jeunes et énergiques. Parmi ces ambassadeurs de la nouvelle vague, Pape Alé Niang construit vite sa légende. A-t-il lancé cette mode de la revue de presse revisitée, ou s’est-il seulement approprié ce qui a déjà été fait ? Sur la paternité du concept, les avis divergent. Une ancienne de la maison Sud se souvient : « j'ai appris que c'est Abdoulaye Cissé qui a commencé avec cette façon de faire la revue de presse. Quand il est parti, Pape Alé a su et pu le remplacer au pied levé et c'est sa façon de faire qu'ont imité Mamadou Mouhamed Ndiaye et Ahmet Aïdara ». Une chose est sûre, le journaliste a marqué le registre et depuis il est copié. La revue de presse s’invite dans les habitudes. On attend ce moment, séduit par ses envolées, ses chutes, son légendaire et guttural Bismillah, scandé en ouverture. Cette science de la diction résonne encore dans les mémoires.
En dépoussiérant le genre, l’homme avait en tête une idée, comme une boussole : « rendre les informations accessibles à la vendeuse de cacahuètes et innover », se souvient-il. En gros, démocratiser un exercice élitiste. Voilà sa stratégie, et si on peine à savoir si elle est spontanée, pensée de longue haleine, le résultat est probant : ça cartonne. Ousseynou Nar Gueye, cofondateur du quotidien Tract dans les années 2000, depuis devenu un site d’information en ligne, abonde d’ailleurs dans ce sens mettant à l’actif du journaliste « l’avènement et le triomphe d’un éditorialiste en wolof, qui a rendu les analyses politiques accessibles au plus grand nombre sans filtre et d’un intervieweur pugnace en langue nationale, ce dont on n’avait pas l’habitude. » Juste, note-t-il, plus loin en formulant le reproche « qu’il flirte souvent avec le métier d’animateur en pensant faire du journalisme. » De toutes façons, peu importe pour les auditeurs, le créneau est libre et la célébrité commence à envahir ce jeune homme fin, avec ses contours bien dessinés, son visage d’enfant sage sur lequel se sont invitées des lunettes à montures épaisses, et qui a le regard à la fois espiègle et batailleur. A Sud, Papé Alé Niang restera 7 ans. Il le sait, il a bénéficié de la formation d’un groupe précurseur, qui reste la référence du journalisme sénégalais. D’ailleurs, ses hommages vont à ses formateurs, dont Babacar Touré, fondateur du groupe. Le journalisme d’enquête, l’initiation à la politique comme sujet fort, l’apprentissage de la chronique, la revue de presse, le contact avec les professionnels du groupe, marquent le jeune qui commence à bâtir sa réputation et à caresser un rêve de grandeur. Il a côtoyé des voix et des plumes, à qui il destine sa gratitude. Il est prêt pour le sevrage.
Après l’envol, fini la radio, après de loyaux services et une marque déposée de la revue de presse que s’arrachent nombre d’aspirants. Place à la petite lucarne. La télévision privée pousse ses premiers cris de naissance sous la houlette de El Hadj Ndiaye et de sa femme en 2003 avec le lancement de la 2stv. Comme pour Sud, la nouvelle aventure séduit le jeune homme, qui y est coopté. Pape Alé Niang n’est plus seulement une voix, il est désormais aussi un visage, un ton, une inclination pour la politique, série d’actifs qui le conduisent dans le faste naissant de la chaîne qui propose aussi des Talk-shows, jusqu’à mordre les mollets du l’ogre RTS, la télé nationale et historique. L’homme crée ses émissions qui deviennent des rendez-vous prisés : Pile ou Face, Décryptage, entre autres. Il prend de l’épaisseur et devient rédacteur en chef. « Laisser une marque, une empreinte », à l’écouter en parler, semble être un désir de conquête chez l’homme. Une volonté de postérité. A la 2stv, l’art de la mise en scène, déjà perçu à la radio, mûrit. La télévision a une puissance de cristallisation. L’homme s’épanouit, il atteint rapidement une vitesse de croisière. Il diversifie son offre et surtout pilote désormais ses propres émissions. Le passage redouté à la tv après la radio se fait finalement sans baisse de régime. Pour ne rien gâcher, il a une véritable complicité avec la directrice de la chaîne et femme du PDG. Il entretient de bonnes relations avec le boss lui-même. De toute cette expérience, dont il garde un « excellent souvenir », c’est surtout la plongée au cœur du personnel politique, lors des émissions, qui donne de l’épaisseur au journaliste. Dans un pays, où la politique est la matière première des journalistes, au risque d’oublier la chronique sociale du quotidien, l’homme a un levier majeur, un carnet d’adresses, et son plateau est un lieu annexe d’empoigne entre leaders. De quoi jouer d’égal à égal avec les politiques et de risquer d’oublier l’idéal premier du métier.
A la recherche d’un nouveau souffle
Tout le monde défile chez Pape Alé Niang et surtout les opposants dont un certain Macky Sall, avant l’heure de gloire. Il devient leur confident et leur confesseur. Comment expliquer que cette romance ait pris fin, une fois l’ancien maire de Fatick arrivé à la tête du pays ? Pape Alé Niang est évasif, il invoque son « honneur » et le primat de la « quête journalistique sur le phénomène de cour ». Il dénonce également la trahison de la promesse de gouvernance « sobre et vertueuse » et l’ensemble des dossiers étouffés par le régime. Il ne sera pas plus loquace. A être un rebelle, à parfois se complaire dans cette position, ne risque-t-il pas, de tomber dans l’inverse : un acharnement vengeur ? Il botte facilement en touche. Il a son passé pour avocat, son actif pour œuvre inaliénable, plaide-t-il. Pour Samba Dialimpa Badji, ex-pensionnaire du CESTI et rédacteur en chef d’Africa Check, qui témoigne sur le cas Pape Alé : « sans partager certaines de ses prises de positions et postures, il incarne aujourd’hui ce que beaucoup de médias sénégalais n’incarnent plus, être un poil à gratter pour le pouvoir. C’est-à-dire questionner sans arrêt ce que fait le pouvoir. » A la 2stv, tout se passe bien, jusqu’à la veille du scrutin présidentiel de février 2019 et des enjeux qu’il charrie. Les changements de rapports de force, la recomposition médiatique à l’œuvre, le petit mercato des journalistes, les intrusions politiques au gré du jeu des alliances, créent des bisbilles sérieuses avec le boss de la 2stv. L’incompatibilité est de plus en plus marquée. D’un commun accord, dans une rupture à l’amiable très diplomatique et remplie de non-dits, Papé Alé Niang quitte la maison où il est resté douze ans. Amer ? « Non », répond-il. Il ne règle pas plus de comptes que ça. Il avait « fini un cycle », le conflit s’est révélé être une aubaine, « une libération », ajoute-t-il.
L’ombre du pouvoir, les immixtions politiques à craindre dans ses émissions, dans un contexte qui se tend, tout explique ce changement dont le fond de l’affaire semble plus sérieux et plus personnel. Mais Pape Alé, dans un pacte d’élégance, ne veut pas déballer. Il tient à une forme de tact qu’il cultive. Résultats des courses, il se retrouve à la Sen TV, du magnat Bougane Gueye Dany, bref aspirant candidat à la présidentielle, éconduit pour défaut de parrainages et dont l’empire médiatique D-Média pousse crânement à Dakar. Pour une fois, entre Papé Alé Niang et un média qui l’accueille, il ne semble pas y avoir une convergence naturelle. La Sen tv n’est ni Sud, ni la 2sTV. Ce ne sont pas les mêmes histoires. La nouvelle TV n’incarne alors rien comme avant-gardisme journalistique et prospère à coup de buzz sur la fibre de télé urbaine. La collaboration permet néanmoins à l’homme de reprendre du service, et à continuer au cœur du réacteur politique où il a acquis ses lettres de noblesse. Seulement, il le fait dans une configuration nouvelle, où ses accointances politiques nouvelles, influent forcément sur sa réputation. La Sen TV de Bougane, très politisée, hostile au régime, n’est pas forcément le meilleur canal pour un journalisme au-dessus de la mêlée. A trop fuir le compromis, il tombe dans un autre.
Agitateur précoce
Trop captif de la seule politique, le journalisme sénégalais semble peiner à innover et à exporter ses concepts, à créer des émissions-phares qui résistent au temps et marquent de leur empreinte toute une génération. Si Pape Alé Niang dit vouloir contribuer à changer la donne, on ne sent pas encore l’esquisse franche et l’impact décisif. Sa carrière est déjà riche. Pour ce garçon né en 1974, d’un père commerçant et d’une mère au foyer, agitateur au lycée Abdoulaye Sadji de Rufisque, lycée de la ville historique du Sénégal, les combats et les engagements sont précoces. Tête de cortège des grèves, il n’est pas le dernier à mener la fronde. Cette fibre de l’insoumission, il la tient d’un père très à cheval sur des valeurs cardinales. Il dit avoir reçu de ce patriarche, cette devise qui est devenue celle de sa vie « la dignité et la droiture sont comme un brin d’allumette, on ne les allume qu’une fois. Les entretenir précocement est un gage pour illuminer sa vie ». Il poursuivra des études de sociologie avant de décrocher une maitrise. Cap ensuite à l’ISSIC de Latif Coulibaly, d’où il sort avec un diplôme supérieur de journalisme et de communication. Après deux ans dans un journal économique, Performance, à la veille des années 2000, sous le mentorat de Baye Diagne, c’est Sud, le nid de l’envol. Aujourd’hui, l’homme semble à un carrefour, il a repris des études de Relations Internationales au CEDS [Centre d’études diplomatiques et stratégiques] pour accrocher un master et se tanner le cuir, la tête pleine de projets. Il porte un regard froid sur les compromissions entre la sphère politique et la sphère religieuse et note le « grand complexe » de Macky Sall face à la France, ce qui explique selon lui, une telle présence économique dans le pays. Il évoque les enseignes de la grande distribution française qui fleurissent à Dakar, dans la ville, en tuant le petit commerce. Et preuve parmi les preuves, le chantier gag et irresponsable du TER, comme symbole de la déférence, à la France, du président.
Enfant, Pape Alé Niang rêvait de devenir spin doctor, ces génies des cabinets, faiseurs de destins et marionnettistes de l’ombre. A défaut d’être dans les coulisses de la vie des politiques, c’est face à eux qu’il a réussi à se trouver, lui qui s’inspire de Bernard de La Villardière et de Martin Faye, n’a pas encore renoncé à ses rêves. C’est sans doute le sens du chapitre qui s’ouvre qui le conduira peut-être à réaliser son rêve : « bâtir son propre groupe de presse ».
Les différents gouvernements s’endettent, se succèdent et ne finissent pas forcément d’éponger. ‘’EnQuête’’ revient sur certains programmes de développement économique et social dont le remboursement des emprunts grève toujours le budget du Sénégal
Abdou Diouf n’était pas encore président de la République. Abdoulaye Wade venait de fêter le 6e anniversaire de son Parti démocratique sénégalais. Le président Macky Sall était perdu quelque part entre ses études d’ingénieur géologue et le militantisme à l’université. Ils ont tous contribué, pourtant, de manière différente, à contracter, alourdir et effacer une ardoise de la dette sénégalaise dont le remboursement, pour certains programmes, se terminera en 2029, 2033 ou 2037.
Au Sénégal, le stock de la dette publique totale est arrêté ‘‘à 7 339 milliards F CFA, au 31 décembre 2019 et est projeté à 8 076,6 milliards F CFA en 2020. Le ratio d’endettement public se situe à 54,9 %, au terme de la gestion 2019, et est prévu à hauteur de 54,5 %, à fin 2020 ; un taux qui reste contenu bien en deçà de la norme communautaire de 70 %’’, d’après un document du ministère du Budget consulté par ‘’EnQuête’’. Les près de 2 000 milliards de dette extérieure méritent une surveillance. A l’analyse de sa composition, on se rend compte que le Sénégal doit toujours rembourser des emprunts dont l’essentiel s’est constitué entre 1980 et 2000. Bien sûr que l’Etat, c’est la continuité et bien sûr que la deuxième alternance, sous Macky Sall, s’endette et un autre régime remboursera les emprunts.
Le Sénégal n’a pas encore fini de payer pour Manantali (2026) ; le PDIS a encore 17 ans pour un remboursement complet
L’exemple le plus connu de l’opinion sénégalaise reste sans doute les barrages de Diama et Manantali signés en 1982 avec le Fonds koweïtien pour le développement économique arabe. Le Sénégal devrait finir de payer dans six ans (2026) pour ce prêt contracté dès les premières années de gestion du président Abdou Diouf. La finalité laissera à désirer, puisque les remarques concernant l’utilité de ce barrage sont absolument critiques.
‘‘Voiture de luxe sans moteur’’, estime le journaliste suisse Roger de Diesbach en 1988 ; ‘‘un non-sens économique et environnemental’’, estimera, pour sa part, le ministre allemand de l’Assistance au développement, Carl-Dieter Spranger, en 1993. D’ailleurs, explique Peter Bosshard de l’ONG International Rivers, la Banque mondiale a refusé de soutenir le barrage de Manantali, qu’elle ne considérait pas comme un investissement raisonnable et a cessé tout financement à l'Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS) en 1979. L’USAID a également refusé de soutenir la construction du barrage, quoiqu’ayant fourni une assistance financière et technique pour les évaluations environnementales.
La construction de ce barrage de Manantali a coûté environ 500 millions de dollars. Le financement a été fourni par plusieurs gouvernements arabes, les Banques islamique et africaine de développement (BID – BAD) l’Italie, la CFD française, la KfW allemande, l’ACDI canadienne et l’Union européenne (UE). Les contrats de travaux de génie civil ont été attribués à Ed. Zublin (Allemagne) et Losinger (Suisse). En 1972, les gouvernements du Mali, de la Mauritanie et du Sénégal ont créé l’OMVS afin de promouvoir l’irrigation, la production d'électricité et la navigation dans la vallée du Sénégal.
Sous les auspices de l’OMVS, la construction du barrage de Manantali a débuté en 1981. Le but était d'irriguer une superficie de 3 750 km², de générer de l’hydroélectricité et de permettre la navigation entre les villes de Saint-Louis et Kayes. Dans le même temps, le barrage de Diama a été construit sur le delta du fleuve, pour empêcher l'intrusion d’eau salée dans la basse vallée. Le barrage de Diama a été achevé en 1986 et Manantali en 1987. Bien que tous les financements aient été consommés à ce moment-là, la centrale n’avait pas été construite et le fleuve n'était pas apte à la navigation commerciale. De graves tensions politiques et militaires entre la Mauritanie et le Sénégal, qui avaient été alimentées notamment par les impacts du barrage de Manantali, ont paralysé l’OMVS et arrêté toute planification de projet à partir de 1989.
Le document des services du Budget fait savoir également que le développement rural Mbour-Kaolack, financé par le Fonds international de développement agricole (Fida) en 1980, fait encore de ‘‘la résistance de dette’’. Son dernier paiement sera complété dans dix ans, en 2029. Des prêts qui se seront réalisés sous le magistère des deux prédécesseurs au président Macky Sall. La coopération entre le Fida et le Sénégal s’est fortement développée au cours des années 1990. Alors qu’il n’y avait qu’un seul projet pendant les années 1980, quatre autres ont démarré dans la décennie de 1990 et six projets étaient en cours en 2004.
‘‘L’engagement financier total pour les 11 projets approuvés à ce jour s’élève à 235 millions de dollars US (environ 150 milliards de F Cfa) dont 114 millions de dollars US de prêts du Fida. Pour les cinq projets clôturés, la durée moyenne de mise en œuvre a été de neuf ans et le taux de décaissement final des prêts Fida a été de 77 %. Le taux de décaissement moyen des cinq projets en vigueur au moment de l’évaluation est de 21 % pour une durée d’exécution moyenne actuelle de trois ans’’, d’après un document du Fida. Les chiffres actualisés de février 2015 montrent que le Fida a investi au Sénégal plus de 248 milliards de F CFA pour le financement de 16 projets en 36 ans de partenariat.
Le Projet de développement sanitaire intégré (PDIS) signé en 1998-2007 avec le Fonds nordique de développement, est la première phase de mise en œuvre du Programme national de développement sanitaire (PNDS). C’est également l’un des projets les plus ‘‘durables’’, puisque la dette sera apurée en 2037.
Décennie 2000 : recapitalisation Senelec, dernier paiement en 2033, autoroute de l’Avenir jusqu’en 2039 et hôpital Dalal Jam
Si le document accable la tenue de Diouf et des emprunts mal calculés, l’alternance de 2000 ne sera pas non plus un modèle en matière d’endettement responsable. Au total, ‘‘le Sénégal devra s’acquitter exactement de 1 887,8 milliards de F CFA, pour des prêts contractés entre 2000 et mars 2012’’, lit-on dans ce document du ministère du Budget. L’atteinte du plafond de la dette, dans les dernières années de la première alternance, étonnera, révolte même notre source qui ne comprend pas le Sénégal qui a profité, en 2006, d’un effacement total de sa dette, en compagnie de treize autres pays, contractée auprès du FMI, de l’Association internationale de développement (AID) – la filiale de la Banque qui accorde des crédits concessionnels aux pays à faible revenu – et de la Banque africaine de développement (Bad). L’encours de la dette, qui égalait 78 % du PIB en 2000 (huit points de plus que la norme communautaire) baisse alors jusqu’à 21 % avec cette mesure. Mais le taux d’endettement remontera jusqu’à 40 %, cinq années plus tard, en 2011.
La recapitalisation de la Senelec, financé par l’Agence française de développement (AFD) en 2008, a également été l’une des décisions du président Wade dont la tenue, sous son magistère de 12 ans, fait toujours ressentir des contrecoups d’une gestion bancale. Le Sénégal épongera l’ardoise de cet appui financier concessionnel de 33 milliards de F Cfa en 2033. A la signature de cette convention par le ministre Abdoulaye Diop, le but était de procéder à la recapitalisation de la Senelec sur la période 2007-2009, afin de lui permettre de retrouver l’équilibre financier et les ratios de gestion standard, d’ici à 2009.
Mais les résultats seront plus que décevants. Cette même année, le projet autoroute à péage Dakar - Diamniadio est signé avec la même agence pour un partenariat public-privé de 30 ans. Après la prise en charge, par l’État, de la construction de la première partie de l’autoroute reliant Dakar à Pikine, l’AFD, la Banque mondiale, la Bad et la BOAD ont financé la construction de la fin de l’autoroute entre Pikine - Diamniadio. L’AFD a, par la suite, financé le prolongement de l’autoroutière à péage depuis Diamniadio jusqu’au nouvel aéroport international Blaise Diagne (17 km).
Sous le magistère de Wade, le projet de construction et d’équipement d’un établissement public de santé hospitalier de troisième niveau, Hôpital Dalal Diam, a également été signé en 2006 avec la Banque islamique de développement dont le paiement va s’échelonner sur 25 ans (2031).
Depuis près d’une décennie, Macky Sall est également dans la logique d’un endettement qu’il assume et qualifie de ‘‘responsable et prudent’’, pour assurer l’équilibre des finances publiques et financer le développement économique. Le Sénégal a été présent sur le marché financier international en 2014, 2017 et 2018, pour lever des ressources nécessaires à la mise en œuvre de projets et programmes d’investissements structurants.
En attendant de voir le jugement de la postérité sur sa méthode d’endettement, il devra bien éponger celle de ses prédécesseurs.
par Ousseynou Nar Gueye
ADAMA BARROW : MANDAT RESPECTÉ, MANDANTS TRAHIS
Sans cap ni boussole, la Gambie post-Jammeh n’est certainement pas celle dont rêvaient les jeunes du pays. Barrow voyage sans cesse, sans résultat tangible jusqu’ici
Jeune Afrique |
Ousseynou Nar Gueye |
Publication 22/01/2020
Depuis sa prestation de serment le 19 janvier 2017, le chef de l’État, élu pour cinq ans, est revenu sur sa promesse de démissionner au bout de trois ans. Un mandat pour rien ?
Le président gambien Adama Barrow a choisi son mandat contre ses mandants. Après avoir assuré à ces derniers qu’il ferait un « mandat de transition » (selon ses propres mots) d’une durée de trois ans au lieu des cinq ans que lui accordait la Constitution gambienne, le successeur de Yahya Jammeh a finalement fait volte-face. Il fera cinq ans de présidence. Au moins. S’il n’est pas réélu pour un second bail en 2021.
Ce respect à la lettre de la Constitution, parce qu’il est rare dans la sous-région ouest-africaine, n’en est que davantage suspect. Si la lettre est respectée, l’esprit des institutions républicaines gambiennes a bel et bien été perverti. Car Adama Barrow, le polygame (deux épouses), fan d’Arsenal – dont il lui arrive d’arborer le maillot sur des photos diffusées sur les réseaux sociaux -, est un président par accident. Presque par effraction. Et certainement de transition, dans ce petit pays de deux millions d’habitants où toutes les cartes devaient être rebattues, avec un préalable : l’éviction de Yahyah Jammeh.
Victoire inattendue
En 2017, c’est parce que le président du principal parti d’opposition (le Parti démocrate unifié, UDP), Ousseinou Darboe, est incarcéré pour longue durée depuis avril 2016, que son parti, puis une coalition de l’opposition (sept partis), se résolvent à investir Barrow candidat. Personne ne mise grand-chose sur ce challenger à la bouille rondouillarde, ancien vigile de supermarché en Grande-Bretagne, face à un Yahya Jammeh qui tient le pays d’une main de fer depuis son putsch de 1994 et qui brigue alors un cinquième mandat.
Coup de tonnerre dans une prison à ciel ouvert : la commission électorale gambienne déclare le 2 décembre 2016 Barrow vainqueur de cette élection à un tour, avec 45,54 % (263 515 voix) contre Jammeh, qui recueille 36,6 % (212 099 voix). À la surprise générale, en tout cas celle de la communauté internationale, habituée aux coups de sangs de Jammeh, à son auto-glorification comme « dictateur du progrès » et à ses frasques de président-soigneur de malades du VIH.
Janvier 2017 – janvier 2010 : quel bilan ? Trois années pour quoi faire ? Pas grand-chose. La seule grande avancée est que Barrow met son peuple devant le fait accompli, qui est qu’il ira au bout de son mandat de cinq ans. En mi-décembre et en ce début janvier, des manifestations ont eu lieu aux cris de « Three years Jotna» (« Trois ans, il est temps », dans un mélange d’anglais et de wolof), auxquels ont répondu, dimanche dernier (12 janvier), les proclamations de la contre-manifestation du mouvement « Barrow for five years » (« Barrow pour cinq ans »), à l’instigation du Nation’s People Party, la formation politique créée par l’actuel président, qui a depuis longtemps été expulsé du UDP.
Durant ces trois années, la seule chose que Barrow aura véritablement fait fonctionner est la Commission vérité et réconciliation, cache-misère dont le seul objectif semble finalement de vouloir imputer tous les maux (passés et actuels) de la Gambie et sa stagnation socio-économique au régime Jammeh.
L’inflation est galopante dans le pays, sans que la question de la monnaie gambienne, le dalasi, soit prise en charge. Dans le contexte actuel de la mise en place de l’eco, la monnaie ouest-africaine qui arrivera en juillet prochain, on n’aura pas entendu la Gambie. Le dalasi se justifiait encore, un tant soit peu, dans l’économie de contrebande que menait la Gambie, au détriment du Sénégal dans lequel il est enclavé, quand il n’y avait pas de liaisons terrestres.
Désillusions
Depuis la mise en circulation du pont de Farafenni qui relie les deux pays, cette économie de réexportation de marchandises vers le Sénégal ne prospère plus. Le gouvernement Barrow consacre des parts plus importante de son budget à la défense, à la sécurité, au renseignement et aux affaires étrangères. Ceci, au détriment des secteurs de la santé et de l’éducation.
En août dernier, un rapport du Département d’État américain a épinglé le président gambien pour ses dépenses extra-budgétaires effectuées au profit de l’armée et des renseignements, « sans supervision ni audit ». Barrow voyage sans cesse, sans résultat tangible jusqu’ici en termes d’investissements attirés dans le pays.
Après avoir voté avec des billes, les Gambiens votent désormais, de plus en plus, avec leurs pieds. En quittant le pays. Baromètre infaillible pour conclure de l’impéritie du régime Barrow.
par l'éditorialiste de seneplus, bacary domingo mané
OÙ EST L’ÉTAT ?
EXCLUSIF SENEPLUS - La lave incandescente de l’incivisme creuse son cratère. Le citoyen au milieu de nulle part lance, en vain, un appel de détresse à un Etat-déserteur qui, hélas, ne se signale que lorsque le pouvoir du Prince vacille
Bacary Domingo Mané de SenePlus |
Publication 22/01/2020
Nous avons failli céder à la tentation de chercher l’Etat dans les rues et les quartiers de Dakar, à l’aide d’une lanterne allumée en plein midi, pour le livrer au citoyen abandonné en pleine jungle. Mais à quoi cela aurait-il servi, si l’on sait d’emblée - à l’image de Diogène de Sinope tenant une lampe et parcourant Athènes pour rencontrer l’homme - que la recherche serait infructueuse. Face à l’anarchie ambiante, aux inégalités, à l’impunité, la lave incandescente de l’incivisme creuse son cratère. Le citoyen au milieu de nulle part lance, en vain, un appel de détresse à un Etat-déserteur qui, hélas, ne se signale que lorsque le pouvoir du Prince vacille.
Lorsque leur pouvoir est menacé, ils se mettent dans la peau de Hercule, en bandant des muscles, avec dans la bouche ce discours enflammé : «force restera à la loi !». Aussi promettent-ils l’enfer à ceux ou celles qui osent élever la voix pour revendiquer leurs droits. Un arsenal de guerre est mobilisé pour contenir la vague contestataire et repousser les assauts d’un peuple mécontent de la manière dont certains dossiers sont gérés, parce que mis sous le coude du Prince. Les forces de l’ordre font alors usage de canon à eau avec ses 15 litres à la seconde, de grenades assourdissantes (Gli F4), de gaz lacrymogène au poivre, de lanceurs «Cougar », de camions anti-émeute, etc. La loi est bel et bien présente lorsqu’il s’agit de réprimer les empêcheurs de tourner en rond, puisque l’enjeu est la conservation du pouvoir obtenu par les urnes, à l’issue d’un processus électoral partiellement transparent.
Mais pourquoi les citoyens ont le sentiment que cette «loi répressive» est souvent aux abonnés absents lorsqu’il s’agit de les protéger contre les abus de tous ordres ? Ils cherchent désespéramment les ailes protectrices de l’Etat face à l’injustice sociale dont ils sont l’objet dans leur quartier, lieu de travail, dans la rue, etc.
Le civisme du désordre
Dans la plupart des cités, les règles élémentaires de bon voisinage sont foulées aux pieds par des «intouchables», de gros bonnets ou des citoyens ordinaires protégés par le parti ou le marabout. L’anarchie prend ses quartiers sur les terres fertiles de l’incivisme dont l’inaction de l’Etat constitue l’humus. L’entretien du cadre de vie, la pollution sonore, la défiguration de l’environnement, etc. sont autant de sujets de préoccupations pour des citoyens qui veulent vivre dans la tranquillité et la sécurité, comme dans un vrai Etat de droit.
Ici, le baptême d’un nouveau-né vous donne le droit d’obstruer le passage, obligeant piétons et véhicules à faire un long détour ; les chants religieux «autorisent» les initiateurs à ouvrir au maximum le volume des haut-parleurs ou des baffles pour que leur dieu, insensible à toute discrétion, entende leurs prières. Ils ne se posent pas la question de savoir s’il y a, dans les maisons, des malades en phase terminale, des élèves qui doivent se lever à cinq ou six heures pour aller à l’école ; des travailleurs qui vont faire de même pour éviter les embouteillages. Pour ces «croyants», le fameux «Jeggulu» (pardon) adressé aux habitants du quartier à la fin du «thiant» suffit à réparer tout le mal causé. Où est l’Etat ? se demandent, à juste titre, ces derniers au beau milieu d’un sommeil à jamais perturbé. Hercule s’est retiré à pas feutrés derrière le rideau du silence, attendant la prochaine répression, laissant ainsi la place au civisme du désordre.
Quid de ce voisin qui prolonge de deux m2 ou plus le mur de sa maison pour y construire un enclos, une boutique, un atelier, etc. Ce voleur du bien de tous ne se laisse même pas intimider par le regard accusateur d’autrui. Que dire du locataire élevant ses moutons sur la terrasse de sa maison, en envoyant toute la puanteur à ses voisins ; du mécanicien vulcanisateur qui installe son atelier en plein virage, avec ces pneus superposés et ces véhicules garés, venus faire le plein d’air. Gare à celui qui osera attirer son attention ! En l’absence de l’Etat, il peut faire ce qu’il veut, sans craindre la moindre sanction.
La symphonie du vide
Ce particulier manipulant son portable dans la circulation, et ce chauffeur de camion frigorifique roulant à vive allure en plein centre urbain, sont tous logés à la même enseigne. Ils se laissent bercer par la symphonie du vide laissé par un Etat-déserteur qui semble moins se préoccuper du quotidien des citoyens.
Ajouter à cela, la surcharge des bus «Tata», des cars rapides, et cars «Ndiaga-Ndiaye» à Dakar et sa banlieue. Complétons le tableau avec ces téméraires chauffeurs de cars rapides ou de taxis «clandos» qui roulent sans permis de conduire. Le spectacle digne d’un film hollywoodien se déroule parfois en présence d’un élément des forces de l’ordre visiblement dépassé par le degré d’incivisme qui règne dans ce pays.
Admirez, s’il vous plait, le «numéro» des charretiers dont les chevaux étalent excréments et urines sur la chaussée, dégageant une odeur âcre à vous couper le souffle. Le plus marrant, c’est qu’ils vous disputent même la priorité, ces vil…. ! Pourquoi ce charretier qui se signale par ses haillons et amulettes bouderait son plaisir à profiter de ce vent d’anarchie qui souffle sur la capitale et le reste du pays.
Une pagaille indescriptible règne aussi sur nos routes nationales, avec ces camions remplis à ras bord de sacs, parfois sans feu de signalisation, ces jeunes conducteurs de bus de transport interurbain sous le coup de l’alcool ou du marijuana, somnolant au volant. Le citoyen excédé interpelle un Etat qui manque toujours à l’appel. Ne réveillez surtout pas un lion qui dort, si son pouvoir n’est point menacé par des activistes ou une jeunesse consciente de ses responsabilités.
Le citoyen dépassé
C’est la même interrogation que formule le travailleur face à un patron plein de connexions et qui fait ce qu’il veut : licenciement abusif, promotion canapé, stages «perpétuels », retards de paiements de salaires ou accumulation de mensualités impayées. L’employé attend que l’Etat vienne le secourir, en vain !
Des épaves de véhicules, des parkings à ciel ouvert, des gargotes, des étals, des vendeurs à la sauvette se faufilant entre les voitures, des demandeurs d’aumône avec leurs dreadlocks barrant les véhicules de particuliers et créant des bouchons monstres juste pour «arracher» quelques pièces ou billets de banque…
Les terres sont arrachées aux ayants droit au profit des agriculteurs du dimanche ou de promoteurs chercheurs invétérés de profits. Où est l’Etat ? La même question est adressée par l’accompagnant du malade qui a fait le tour des hôpitaux à la recherche d’un lit, après avoir, en vain, sollicité les services d’un Samu parfois aux abonnés absents. L’irréparable finira par se produire à cause d’une non prise en charge.
Le citoyen dépassé par ce qui se passe autour de lui, interpelle un Etat dangereusement aphone. Visiblement, la loi perd toute sa force tant qu’il
Un Sénégal tricéphale
L’Etat-déserteur a tourné le dos aux « faibles» condamnés de subir les foudres des «forts » ou des «protégés». La solidarité nationale bat en retraite face à la montée des inégalités, parfois exacerbées par un système qui se nourrit de prévarication, de corruption et de népotisme. Pourrait-il en être autrement dans ce Sénégal tricéphale, c’est-à-dire à trois têtes : celle de Macky Sall et de sa famille ; de ses amis ou de son camp et celle des autres, les laissés-pour-compte.
Le parti présidentiel invoque des "propos séditieux, fractionnistes (…) de l'ancien patron de la majorité à l'Assemblée nationale", qui "entache gravement son image", dans un communiqué signé du président de son conseil de discipline, Abdoulaye Badji
L’Alliance pour la République (APR), le parti de Macky Sall, déclare dans un communiqué avoir exclu définitivement de ses rangs un ancien collaborateur du chef de l’Etat, Moustapha Diakhaté.
"Le conseil de discipline (…) prononce l’exclusion définitive de Moustapha Diakhaté des rangs de l’Alliance pour la République", écrit ladite instance de l’APR dans un communiqué signé de son président, Abdoulaye Badji.
L’APR invoque des "propos séditieux, fractionnistes (…) du camarade Moustapha Diakhaté", qui "entache gravement l’image du parti".
Déjà dans une "mise au point" publiée lundi, le député Abdou Mbow, adjoint du porte-parole national du même parti, déclare que l’ancien député et collaborateur du chef de l’Etat "a tenté de disqualifier les instances" du parti au pouvoir "en visant directement son mode de fonctionnement".
Moustapha Diakhaté "est libre de créer un mouvement (…) en dehors de l’Alliance pour la République", a ajouté M. Mbow.
Selon certains médias sénégalais, M. Diakhaté aurait annoncé avoir créé une instance baptisée "Manko Taxawu Sunu APR".
KARAMBA DIABY, DE MARSASSOUM AU BUNDESTAG
Peu connu dans son Sénégal natale, le premier noir à siéger au Parlement allemand (Bundestag) jouit d’une grande renommée en Europe. Récit d’un engagement au service de la communauté
Karamba Diaby, ce Sénégalais n’est pas très bien connu dans son pays d’origine. Pourtant, il jouit d’une grande renommée en Europe. Il est, en effet, le premier noir à siéger au Parlement allemand (Bundestag). Nous avons récemment rencontré ce natif de Marsassoum, en Casamance, à Dakar, où il a participé à un symposium sur les migrations. Récit d’un engagement au service de la communauté.
Karamba Diaby est un digne fils de la Casamance. A force d’abnégation et d’engagement pour sa communauté, il est parvenu à se faire une place au Bundestag, le Parlement allemand. Elu conseiller municipal de la ville de Halle en 2013, il est reconduit en 2017, suite à des élections législatives très déterminantes en Allemagne qui dispose d’un système parlementaire. Il est parvenu à s’imposer dans une localité estampillée fief néonazi. Son succès est grandissant, des médias européens mettent le projecteur sur sa personne. Mais sur les réseaux sociaux, certains n’hésitent pas à lui coller des clichés dépréciatifs, le taxant même de «singe noir».
Dr Karamba Diaby, qui a subi des agressions verbales, montre une capacité à faire preuve de résilience dans les épreuves. «Il faut dire que l’extrême droite et le populisme ne sont pas spécifiques à l’Est de l’Allemagne, c’est un phénomène général que nous rencontrons en Europe et dans d’autres continents. Même si les partis populistes ont le quart de leur électorat à l’Est de l’Allemagne, je dis toujours que 75% de cette population sont démocrates et ouverts au monde», relativise-t-il, dans un entretien réalisé lors de son séjour à Dakar dans le cadre d’une conférence sur les migrations (le 13 novembre 2019).
Il souligne également qu’il a été une fois victime d’agression physique. C’était en mai 1990. « J’ai été agressée par deux jeunes durant l’unification de l’Allemagne. Cette période était très dure avec un impact sur le taux de chômage. La situation était tendue. Beaucoup d’usines étaient fermées. Mais cela ne s’est pas reproduit depuis lors», fait-il remarquer.
« A tous les racistes : je ne suis pas votre nègre ! »
Et mercredi matin dernier, la violence et l’intolérance sont montées de plusieurs crans lorsque des impacts de balle ont été découverts sur la vitrine de la permanence de Karamba Diaby à Halle. « Une vitrine avec mon portrait présente plusieurs impacts de balle. La police (...) enquête », a écrit le député de 58 ans. La police a confirmé que la vitrine comportait des impacts de balle mais qu'aucun projectile n'avait été retrouvé. La solidarité s’est aussitôt mise en marche. « Tout simplement inconcevable. Répugnant et lâche », a dénoncé le ministre des Affaires étrangères, Heiko Maas, sur Twitter. « Nous allons continuer d'être à vos cotés pour une démocratie libre, tolérante et plurielle. Maintenant plus que jamais! », a ajouté le chef de la diplomatie qui appartient lui aussi au Spd. En 2017, avant les élections législatives, il avait lancé ce message sur Facebook: « A tous les racistes : I'm not your negro! » (« Je ne suis pas votre nègre! »). « Les commentaires sont devenus très, très agressifs » sur les réseaux sociaux, avait également affirmé dans un entretien à l'Afp ce docteur en chimie.
Karamba Diaby, le sourire aimable, avec des gestes qui traduisent une politesse et une certaine courtoisie, montre aussi l’image d’un esprit généreux. D’ailleurs, il considère que son parcours est le fruit d’un engagement sans commune mesure pour le bien-être social. Il a toujours porté des combats d’avenir. « Pour être candidat à la députation, il faut se battre à la base et que celle-ci te soutienne de manière démocratique. En 2013, quand je posais ma candidature, il y avait trois candidats, parmi eux, un pédiatre d’origine allemande qui était très confiant. Mais, le Congrès régional de mon parti m’a élu à 68% en vote secret. Pour vous dire que l’origine et la couleur de la peau ne sont pas importantes, mais le niveau d’engagement au sein de la communauté, et l’espoir que les populations placent en vous priment sur tout. En 2017, j’ai été reconduit», partage-t-il.
Le député allemand, dont le visage s’illumine de joie quand il raconte son parcours, indique qu’il s’est toujours armé du courage d’évoluer selon ses aspirations. Son crédo : jouer un rôle que les populations sont en droit d’attendre. L’ancien militant de la gauche sénégalaise, qui est aussi un promotionnaire du Chef de l’Etat sénégalais, Macky Sall, le souligne. «Il faut reconnaître que notre génération regorge d’hommes et de femmes qui ont pu intégrer les sphères décisionnelles. Le Président Macky Sall en est la preuve. Nous avons partagé la classe de Terminale. Nous nous sommes toujours engagés, depuis le lycée, pour le développement de notre société».
«Je dois beaucoup à ma famille et au Sénégal»
Né à Marsassoum (région de Sédhiou, sud du Sénégal), Karamba Diaby, qui a obtenu son baccalauréat en 1982, au lycée Gaston Berger de Kaolack, après des études primaires à Sédhiou, quitte la Faculté des Sciences de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, après l’obtention d’une bourse d’études pour l’Allemagne. Il s’installe dans ce pays en 1985 pour étudier la Chimie. Mais il lui fallait d’abord maîtriser la langue allemande : la condition pour évoluer dans ce pays. Après une formation intensive de 9 mois, il s’inscrit à l’Université d’où il sort, quelques années plus tard, avec un doctorat en Géo-écologie dans le domaine de l’environnement. Sa thèse de doctorat a d’ailleurs porté sur les jardins urbains en Allemagne.
Se remémorant son enfance, il a témoigné sa gratitude à sa grande sœur et son mari qui ont su l’épauler et lui inculquer des valeurs fortes. «J’ai perdu ma mère quand j’avais 3 mois. Mon père est décédé quand j’avais 6 ans. Ma grande sœur, âgée de 17 ans, à l’époque, et son mari ont assuré mon éducation. Je leur suis très reconnaissant, c’est ce soutien familial qui m’a permis de me maintenir sur la bonne trajectoire».
Pour autant, son discours ne varie point. Pour le député allemand, l’engagement pour sa patrie doit être mis en bandoulière par tout citoyen. «C’est bien d’être brillant en classe, mais ce qui est plus important, c’est de s’engager dans sa communauté et de toujours œuvrer pour le développement de son pays, de se doter d’une bonne capacité pour analyser les situations locales et d’agir pour le bien commun», soutient-il. Cette philosophie a facilité son intégration en Allemagne.
L’homme, qui indique qu’il s’est toujours mis au service du bien commun, a été vite nommé président de l’association des étudiants étrangers de l’université de Halles, un an après son arrivée en Allemagne. Il a été le porte-parole des grévistes de l’Université de Dakar. «Je pense qu’il est important, quand on s’installe dans un pays étranger, de le considérer comme le sien et de se donner à fond pour la communauté dans laquelle on évolue, même si l’on pense retourner plus tard dans son pays d’origine. À l’université de Halle, où j’ai fait ma maîtrise, il y avait trois Sénégalais et plus d’une centaine d’étudiants étrangers. Et c’est sur ma modeste personne qu’ils ont porté leur choix», raconte-t-il.
Raffermissement des liens entre le Sénégal et l’Allemagne
Le parlementaire allemand, une personne avenante et pleine d’assurance, qui mène une vie tranquille avec son épouse allemande et leurs deux enfants sur sa terre d’adoption, souligne qu’il reste sensible aux multiples défis que le Sénégal doit surmonter. Il est, d’ailleurs, resté en contact permanent avec les autorités sénégalaises, de même qu’avec les institutions politiques allemandes présentes au Sénégal. «Le gouvernement sénégalais a des relations très particulières avec le gouvernement allemand. Mes collègues parlementaires viennent souvent au Sénégal, je pense qu’il y a des raisons d’être optimiste», avance-t-il.
Pour lui, il est tout aussi important d’encourager les pays européens à prendre en compte les intérêts et réalités des pays africains dans leur accord de partenariat pour éviter des rapports déséquilibrés. Karamba Diaby annonce la visite, en mars 2020, du vice-président du Parlement allemand, pour la première fois au Sénégal. Ce séjour devra consolider les relations entre les deux pays qui sont, du reste, très dynamiques. «Nous allons profiter de cette occasion pour rencontrer nos collègues sénégalais et discuter de plusieurs projets de développement, même si ; nous avons des systèmes politiques différents. Le Parlement a plus de poids que le gouvernement en Allemagne », rappelle-t-il, saluant ainsi les politiques des deux pays orientées vers l’action. «Je continuerai à nourrir des ambitions fortes pour mon pays, le Sénégal. Je dois beaucoup au Sénégal. La société sénégalaise m’a permis d’arriver là où je suis. C’est pourquoi, je reste ouvert à ce qui se passe, même si, l’électorat qui m’a élu est allemand».
Modèle d’intégration réussie
Présenté comme un modèle d’intégration réussie, Karamba Diaby, qui maîtrise aussi bien l’anglais, le français que l’allemand, indique également que la nouvelle loi définie par l’Allemagne sur les migrations, qui entre en vigueur en 2020, dégage de belles perspectives pour les candidats à l’émigration. «L’Allemagne veut ouvrir son marché aux Africains en leur offrant des conditions légales d’émigration. Nous avons voté, cette année, une nouvelle loi qui gère la migration et qui offre des possibilités de travail aux Africains, mais il faut parler allemand et avoir suivi une formation reconnue », explique le parlementaire. Poursuivant, il ajoute que les offres de cours d’allemand seront intensifiées. « Nous allons augmenter les budgets des institutions politiques allemandes comme l’institut Goethe qui donne des cours d’allemand afin que les personnes qui pensent émigrer puissent apprendre l’allemand et que si les diplômes sont reconnus, qu’ils puissent émigrer. Mais il est important de souligner que ce programme n’est pas uniquement destiné aux diplômés, il vise aussi la main d’œuvre qualifiée. En Allemagne, nous avons 1,2 million d’emplois vacants, nous avons besoin d’experts et de main-d’œuvre », informe-t-il.
L’Allemagne, accentue-t-il, à l’image d’autres pays développés, la fuite des cerveaux ? «C’est une critique qui peut s’avérer juste, mais il faut savoir que ces personnes qui quittent ne voient pas de perspectives dans leur pays, sinon elles n’allaient pas partir. On ne quitte pas volontairement son travail, sa famille, sa région, j’ai toujours aimé rester travailler au Sénégal. A la maison, en Allemagne, j’ai toujours mon "soupe kandja" (plat sénégalais à base de gombo et d’huile de palme) ».
S’il n’aime pas parler de situation interne du Sénégal, Karamba Diaby, qui a siégé avec un autre parlementaire allemand d’origine sénégalaise, plaide pour le maintien des acquis démocratiques du pays. « Le Sénégal est un pays stable avec une démocratie citée en exemple. Durant mes nombreux voyages, quand je dis que je suis Sénégalais, des personnes s’enthousiasment, on ne me voit pas simplement en tant que parlementaire allemand, pour vous dire que le Sénégal a préservé son image de marque à l’étranger, il faut redoubler d’efforts pour la garder», se félicite-t-il.
Toutefois, sur les manifestations contre la hausse du prix de l’électricité, le député souhaite que les autorités sénégalaises parviennent à dialoguer avec les partenaires sociaux, les syndicats pour trouver des solutions idoines dans un proche avenir. «Des parents m’ont font part de leur souci, car ne sachant que faire si les prix continuent à grimper», ajoute-t-il.