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27 avril 2025
Développement
IL EST ESSENTIEL DE RENFORCER LA VISIBILITE DES INITIATIVES LOCALES EN IA
Ingénieur polytechnicien (X- Paris), spécialisé dans les technologies de l’IA (intelligence artificielle) et leurs algorithmes, Ndiaye Dia est le coordonnateur du Salon des algorithmes et de l’intelligence artificielle (Saltis)
Propos recueillis par Samboudian KAMARA |
Publication 10/12/2024
Ingénieur polytechnicien (X- Paris), spécialisé dans les technologies de l’IA (intelligence artificielle) et leurs algorithmes, Ndiaye Dia est le coordonnateur du Salon des algorithmes et de l’intelligence artificielle (Saltis) dont la troisième édition s’ouvre ce 10 décembre. Il est aussi fondateur de l’Institut des algorithmes du Sénégal. Pendant deux jours, ce forum va réunir un éventail diversifié d’intervenants, comprenant des institutions, des innovateurs, des entrepreneurs, des investisseurs, des chercheurs et des passionnés de technologies. Le thème est : « Recherche et développement en IA : les projets en cours, et réalités des collaborations universités et entreprises ». En matière d’IA le Sénégal dispose d’atouts dont son infrastructure numérique, le super calculateur « Taouey », et surtout son capital humain.
Le Saltis en est à sa troisième édition. Comment jugez-vous l’’état d’exécution de la stratégie nationale de l’IA ?
Vous savez que le Sénégal a officiellement présenté sa stratégie nationale sur l’intelligence artificielle en septembre 2023, marquant une étape significative dans l’adoption de cette technologie révolutionnaire. La stratégie s’articule autour de quatre objectifs fondamentaux : on veut faire de l’IA un catalyseur du développement socio-économique, l’utiliser pour stimuler l’économie, créer des emplois pour les jeunes et renforcer la souveraineté numérique du Sénégal. Nous voulons que cette technologie soit orientée vers l’amélioration des conditions de vie et pour l’atteinte des Objectifs de développement durable.
On entend aussi appliquer cette technologie pour résoudre des problèmes sociaux et environnementaux, contribuant ainsi au bien-être général. Le Sénégal peut se positionner comme un leader régional en la matière d’IA en promouvant la coopération technologique régionale et établir notre pays comme un exemple en Afrique de l’Ouest.
Toutefois, nous devons nous assurer que l’IA est responsable, éthique et digne de confiance. Dans cette perspective, l’idéal est de mettre en place des cadres juridiques et éthiques pour encadrer son utilisation de l’IA.
On doit souligner que le Saltis a joué un rôle fondamental dans l’adoption de cette stratégie en réunissant l’écosystème des acteurs de l’intelligence artificielle pour discuter de la nécessité pour le Sénégal de se doter d’une véritable stratégie et d’en définir les tenants et aboutissants. Cet événement avait servi de plateforme pour des échanges entre les parties prenantes, facilitant ainsi la formulation d’une vision nationale cohérente. Au cours de la conférence en marge du salon, il est prévu de faire le lien entre recherche et innovation.
Quelles collaborations envisager entre universités et entreprises dans le domaine de l’IA ?
Lors de cette troisième édition, les discussions autour du thème « recherche et développement en IA : les projets en cours, et réalités des collaborations universités et entreprises » offriront une occasion précieuse d’explorer les synergies potentielles entre le monde académique et le secteur privé dans le domaine de l’intelligence artificielle.
Les collaborations entre universités et entreprises dans ce domaine offrent une opportunité unique pour allier recherche académique et innovation industrielle. Les projets de recherche appliquée permettent aux universités de travailler en partenariat avec des entreprises pour développer des solutions innovantes répondant à des besoins concrets, favorisant ainsi l’impact social et économique des résultats de recherche. Je pense que les institutions académiques jouent aussi un rôle clé dans le renforcement des compétences en proposant des programmes de formation et de certification adaptés aux exigences du marché, formant des professionnels qualifiés capables de relever les défis technologiques contemporains. L’incubation et le soutien aux startups constituent un autre axe de collaboration, où les universités peuvent fournir des espaces de travail, du mentorat et un soutien financier pour encourager la création de nouvelles entreprises technologiques dans le domaine de l’IA.
Ces initiatives favorisent l’émergence de solutions locales et l’innovation entrepreneuriale. Par ailleurs, l’organisation d’événements, tel que le Saltis, permet de réunir chercheurs, entrepreneurs, ingénieurs et investisseurs pour échanger des idées, créer des synergies et explorer de nouvelles approches collaboratives.
Ces rencontres renforcent les liens entre les différents acteurs de l’écosystème. Enfin, les partenariats entre entreprises locales et internationales ouvrent la voie à l’adaptation de solutions d’intelligence artificielle aux spécificités culturelles, sociales et économiques du Sénégal. Cela contribue à positionner le pays comme un hub technologique régional et à stimuler son développement économique et social.
Comment appréhendez-vous les défis et réalités de l’accès au financement des entreprises investies dans l’IA ? Comment capter une partie des investissements privés alloués à la branche ?
L’accès au financement pour les entreprises investies dans l’intelligence artificielle en Afrique, et particulièrement au Sénégal, représente un défi majeur, mais également une opportunité pour transformer le paysage technologique et économique.
Pour répondre à ces enjeux, il est essentiel de renforcer la visibilité des initiatives locales. Les entreprises doivent être perçues comme des acteurs capables d’apporter des solutions concrètes aux problématiques spécifiques du continent.
En valorisant leurs innovations et leurs impacts, elles peuvent attirer l’attention des investisseurs, tant locaux qu’internationaux. Le développement d’instruments financiers adaptés, comme des fonds dédiés à l’intelligence artificielle, est une piste importante. Ces fonds pourraient bénéficier de financements croisés entre les secteurs public et privé, et inclure des mécanismes d’incitation pour réduire les risques encourus par les investisseurs.
L’implication des institutions publiques, par le biais d’incitations fiscales ou de co-investissements, renforcerait la confiance et dynamiserait les flux financiers vers ce secteur. Les partenariats public-privé constituent également un levier stratégique pour encourager le financement des projets d’IA.
En mettant en commun les ressources technologiques, financières et humaines, ces collaborations peuvent favoriser le développement de solutions innovantes dans des secteurs prioritaires comme la santé, l’agriculture et l’éducation. Une telle approche assure une mutualisation des bénéfices et des risques tout en apportant une réponse directe aux besoins de la population. Enfin, il est crucial d’établir un cadre juridique et institutionnel solide pour créer un environnement de confiance. Un système qui protège les droits des investisseurs, garantit la transparence des transactions et encourage l’innovation par des politiques claires favorise la mobilisation des ressources nécessaires…
LES DESSOUS D'UNE RENCONTRE AU SOMMET ENTRE DIOMAYE ET KARIM
Des sources de la présidence indiquent que l'exilé du Qatar a été reçu en sa qualité d'ancien ministre, et non comme figure du PDS. La question de l'amende de 138 milliards de francs CFA qu'il doit à l'État sénégalais n'aurait pas été abordée
(SenePlus) - Le président Bassirou Diomaye Faye et Karim Wade se sont entretenus au Qatar, en marge du Forum de Doha, dans des circonstances qui révèlent les subtilités de la politique sénégalaise.
Les contours de cette entrevue, dont les initiateurs restent mystérieusement dans l'ombre, comme le rapporte RFI, dévoilent une chorégraphie diplomatique soigneusement orchestrée. La présidence a d'ailleurs pris soin de cadrer l'événement, précisant que Karim Wade était reçu en sa qualité d'ancien ministre, et non comme figure du Parti démocratique sénégalais (PDS).
Selon les sources proches de l'exécutif citées par la radio française, les discussions se sont concentrées sur des dossiers économiques stratégiques. Et pour cause : installé dans le Golfe depuis huit ans, Karim Wade s'est forgé une réputation de personnage clé dans les cercles d'affaires de la région. Son nom résonne particulièrement autour du Fonds stratégique d'investissements qatari pour l'Afrique, bien qu'il n'y occupe officiellement aucune fonction.
Le timing de cette rencontre intrigue les observateurs. Elle intervient dans un contexte politique complexe : si Wade avait soutenu Faye lors de la présidentielle de mars, il s'en était ensuite démarqué lors des législatives de novembre. Un revirement que la présidence sénégalaise, selon RFI, considère avec philosophie, y voyant simplement l'expression normale du jeu démocratique.
L'épineuse question de l'amende de 138 milliards de francs CFA que doit toujours Wade, malgré sa grâce en 2015 pour enrichissement illicite, n'aurait pas été abordée.
Sur X, le président Faye a rapidement évoqué "des échanges constructifs sur la situation politique, économique et sociale" du pays. Une formulation diplomatique qui masque peut-être des enjeux plus profonds. L'entourage de Karim Wade, cité par RFI, insiste sur les "très bonnes relations" entre les deux hommes, au-delà de leurs divergences politiques.
L’ÉTAT VA INTERDIRE LES EXPORTATIONS DE MATIÈRES PREMIÈRES TEXTILES
Cette mesure, annoncée par le ministre de l’Industrie et du Commerce, Serigne Guèye Diop, s’inscrit dans une série de réformes destinées à protéger et renforcer le secteur industriel national, tout en créant davantage d’emplois.
Le Sénégal va interdire l’exportation de matières premières textiles pour développer l’industrie locale, a annoncé, lundi, le ministre de l’Industrie et du Commerce, Serigne Guèye Diop.
‘’On va interdire tout ce qui est exportation de matières premières textiles car si on veut développer une industrie locale, il faut la protéger’’, a-t-il déclaré.
Pour arriver à ce résultat, le ministère de l’Industrie et du Commerce doit exercer pleinement son rôle, qui est de »développer l’entreprise », en appuyant toutes les entreprises.
‘’Nous allons faire des réformes difficiles, douloureuses. Quand la Chine ou le Japon ou les Etats-Unis ont des produits qui les gênent sur leur marché, ils mettent des taxes. Alors pourquoi le Sénégal ne pourrait pas faire ça ?’’, s’est interrogé M. Diop.
Il s’exprimait lors d’une rencontre organisée par la Coopération allemande avec des entrepreneurs du secteur privé financés dans le cadre de »Invest For Jobs », un programme qui lie l’Allemagne et le Sénégal dans le cadre de l’emploi et du renforcement des Petites et moyennes entreprises (PME) s’activant dans les secteurs comme l’industrie, l’agriculture, le textile…
Après avoir écouté le plaidoyer de représentants œuvrant dans le secteur textile, qui ont appelé à une relance durable du secteur, Serigne Guèye Diop s’est particulièrement appesanti sur cette filière.
‘’Je suis vraiment heureux de recevoir ce plaidoyer, et je veux le présenter en Conseil des ministres pour sensibiliser le gouvernement, le chef de l’Etat, le Premier ministre sur les difficultés de ce secteur, mais surtout sur qu’est-ce qu’on peut faire’’, a promis M. Diop.
Le ministre de l’Industrie et du Commerce a soutenu qu’il faut ‘’beaucoup de volonté politique pour relancer l’industrie sénégalaise.
‘’Il est hors de question pour le Sénégal de laisser des industries fermer. Et je suis ravi de voir que les entrepreneurs eux-mêmes sont en train de faire des choses, mais c’est à l’État et au secteur privé de les appuyer’’, a-t-il fait savoir.
Il a rappelé que l’industrie est le secteur qui crée le plus d’emplois avec un apport de 25% sur le PIB national.
‘’Aujourd’hui, on exporte le cuir. Ensuite, on le réimporte pour travailler. Je n’ai pas compris la logique derrière, et c’est pour cela que je veux qu’on interdise aussi l’importation de la friperie’’, a martelé le ministre de l’Industrie et du Commerce.
Fatou Cissé Ndiaye, directrice et fondatrice de la Plateforme industrielle du textile, une usine de confection textile dans la région de Louga (nord), a accueilli cette décision comme une ‘’très bonne nouvelle’’.
‘’Nous produisons localement, mais nous faisons face à la friperie qui arrive de l’étranger. Fermer l’arrivée de la friperie va nous permettre d’assurer une certaine souveraineté dans ce secteur et aussi faire travailler de jeunes Sénégalais et leur éviter de s’aventurer vers d’autres pays par la voie de l’émigration irrégulière’’, a plaidé Mme Ndiaye.
LE PARI PAPE THIAW
La FSF, qui entame le processus de désignation, doit évaluer si l'ancien international a les épaules pour succéder à Cissé. L'enjeu est de taille : maintenir le Sénégal au sommet du football africain tout en assurant une transition en douceur
Adjoint d’Aliou Cissé, puis entraîneur intérimaire des « Lions » après l’éviction de ce dernier, Pape Thiaw se positionne naturellement comme le favori pour le poste de sélectionneur national des Lions du foot.
« Ma mission à la tête de l’équipe nationale s’arrête à la sortie de cette salle de conférence. Maintenant, je reste à la disposition de la fédération », déclarait Pape Thiaw (43 ans) après la victoire des Lions contre le Burundi (2-0), le 19 novembre dernier, au stade Abdoulaye Wade de Diamniadio. En ouvrant la porte à un retour sur le banc de l’équipe nationale de football, Pape Thiaw a clairement affiché ses ambitions de succéder à Aliou Cissé, qui a dirigé les Lions pendant neuf ans, remportant notamment la CAN 2021 au Cameroun.
L’ancien buteur de FC Lausanne (Suisse), du RC Strasbourg (France), du Dynamo Moscou (Russie) et d’Alavés (Espagne) est désormais en pole position pour devenir le prochain sélectionneur des Lions. « Son principal argument est d’abord ses quatre victoires. Je dis toujours que le meilleur allié d’un entraîneur, ce sont les victoires», analyse Demba Varore, journaliste sportif à Dsport.
Pape Thiaw, c’est aussi un parcours notable en sélection, à la fois comme joueur et comme entraîneur de l’équipe locale. « Il a remporté le CHAN, le trophée que le Sénégal ne s’imaginait jamais soulever. C’est lui qui l’a rangé dans l’armoire de la FSF. Il y a aussi ce statut d’ancien international qui a connu les exigences du haut niveau et de la tanière, mais aussi, même si ce fut court, il a été adjoint d’Aliou Cissé », indique Demba Varore.
Début du processus de désignation, ce 10 décembre
Le choix du sélectionneur national devrait intervenir avant la fin de l’année. La Fédération sénégalaise de football (FSF) lance le processus, ce mardi 10 décembre, lors de sa réunion du comité exécutif.
Un processus devrait aboutir au choix final qui sera communiqué au ministère des Sports. « La liste ne peut être qu’une liste restreinte qui ne dépassera pas certainement cinq, et parmi eux, je pense que Pape Thiaw a sa carte à jouer. Je ne dis pas que c’est joué, mais c’est le comité exécutif qui va se réunir qui fera le choix », déclarait Me Augustin Senghor après la victoire contre le Burundi lors de la dernière journée des éliminatoires de la CAN 2024. Ainsi, le sélectionneur qui sera désigné, selon Me Senghor, doit avoir « un projet, la connaissance du haut niveau et la connaissance du football local ».
A priori, Pape Thiaw semble cocher toutes les cases. L’ancien international, avec 16 sélections (5 buts), s’est déjà frotté au haut niveau durant sa carrière de footballeur au FC Lausanne (Suisse), au RC Strasbourg, au Dynamo Moscou (Russie) et à Alavés (Espagne).
L’argument financier
Sur le plan local, il a dirigé pendant trois saisons NGB (Niary Grand-Dakar Biscuiterie), avant d’être éjecté en février 2021 pour «insuffisance de résultats ». Entraîneur adjoint de l’équipe nationale locale pendant plusieurs années, il est intronisé en octobre 2021 après le décès de Joseph Koto. À la tête de cette sélection, il réalise l’un de ses plus grands exploits en remportant le premier CHAN du Sénégal devant l’Algérie en finale.
En plus de son parcours, le technicien bénéficie de la dynamique victorieuse de l’expertise locale dans les différentes sélections nationales en Afrique depuis deux ans. Il peut également compter sur le soutien de la Direction technique nationale (DTN), qui aurait déjà validé son profil.
Toutefois, bien que la candidature de Pape Thiaw soit sportivement solide et économiquement viable dans le contexte actuel, Demba Varore estime que la fédération ne peut pas se permettre une erreur de casting dans le choix du successeur d’Aliou Cissé. « Je considère que lorsque l’on atteint un certain standing, il faut des encadreurs qui ont également ce niveau. Et cela va de soi : pour avoir un entraîneur de haut niveau, il faut mettre la main à la poche », prévient-il.
L’argument financier ne doit en aucun cas plomber au choix d’un technicien expérimenté, conclut-il. « C’est aux dirigeants de la fédération d’aller trouver les moyens de leurs ambitions. Dans certains pays, les sélectionneurs sont payés par l’équipementier. Il y a des mécanismes qui peuvent permettre de gérer le salaire exorbitant d’un sélectionneur », lance notre interlocuteur.
Malgré une communication qui reste encore à parfaire, Pape Thiaw a déjà mis tous les atouts de son côté pour le poste. « Il y a des choses à améliorer. Je l’ai vu hésitant en conférence de presse. Il n’a pas encore la roublardise qu’il faut aux techniciens face aux journalistes. Or, cela fait désormais partie intégrante de la fonction du coach en activité. Mais il faut noter aussi qu’en tant qu’intérimaire, il a disputé quatre matchs et les a tous gagnés sans encaisser de but. Il a donc réussi sa mission », note Demba Varore.
par Abdoul Aziz Diop
IL Y A 13 ANS, LE RÉVEIL DE L’HISTOIRE EN SYRIE
EXCLUSIF SENEPLUS - Pendant qu’un garçon de 35 ans arrivait au pouvoir à Damas, un vieux de 74 ans s’emparait de l’État au Sénégal avec l’idée qu’un pouvoir africain ne tombe que lorsque l’on ne s’en sert pas pour transformer les bâtisses en forteresses
La télévision publique syrienne a annoncé ce week-end la prise du pouvoir par les rebelles en Syrie et la chute de Bachar Al Assad…
Il y a 13 ans, le réveil de l’Histoire en Syrie coïncida avec la révolution citoyenne au Sénégal dont l’épilogue fut la défaite du Sopi et le départ de son pape du pouvoir.
Très nombreux sont les objets d’art qui ont été volés, détruits ou censurés. Pourtant, l’art – « expression d’un idéal de beauté correspondant à un type de civilisation déterminé » - ne s’est jamais affaissé, faisant ainsi preuve d’une extraordinaire capacité de résistance aux assauts les plus ignobles. On peut comprendre cette capacité de l’art à se renouveler continument en dépit de la fragilité des œuvres en distinguant la forteresse – « lieu fortifié » - à la fortification qui est « l’art de fortifier » un lieu, une place, un pays, une nation... La distinction est d’autant plus importante qu’elle permet de scinder l’Histoire – « sale et entremêlée » - en deux séquences successives : le moment où les tyrans s’emparent des forteresses au terme d’une débauche inouïe de violence et le moment (inattendu) où ils trébuchent au contact d’une ou de plusieurs fortifications.
S’assurant le contrôle du Parti Baas syrien à la suite d’un coup d’État, le général Hafez-el-Assad fut l’un des chefs d’État du Proche-Orient qui resta le plus longtemps au pouvoir (1970-2000). A sa mort en juin 2000, son fils Bachar el-Assad hérita de la forteresse (bien gardée) dont il devint le président. Depuis plus de quatre mois maintenant, Bachar el-Assad fait face à une vague de protestations qui ne faiblit pas malgré la répression sauvage des populations insurgées par l’armée syrienne et les réformes en trompe-l’œil du système. En Syrie, la fortification contre laquelle bute le régime syrien contesté se déclame en peu de mots : « Nous ne nous soumettrons qu’à Dieu ! ». Bachar el-Assad n’est pas Dieu. Une évidence déconcertante annonce donc une vérité implacable : dans très peu de temps, la Syrie ne sera plus ce qu’elle est sans doute depuis la création en 1947 à Damas du Parti socialiste arabe Baas, longtemps balloté entre néo-marxisme et nationalisme jusqu’à l’abandon du projet originel d’unification de tous les États arabes face à l’influence occidentale et à Israël.
Pendant qu’un garçon syrien de 35 ans arrivait au pouvoir à Damas, un vieil opposant de 74 ans s’emparait des leviers de l’État au Sénégal avec l’idée – jamais dissimulée - qu’un pouvoir africain ne tombe que lorsque l’on ne s’en sert pas pour transformer les bâtisses – véritables œuvres d’art abritant les institutions - en forteresses imprenables. La présidence de la République, l’Assemblée nationale, les assemblées locales et le Temple de Thémis sont aux mains d’un seul dès le mois de mai 2002. C’est peut-être à ce moment précis que remonte le projet d’une succession arrangée pouvant profiter à n’importe quel heureux élu. C’est peut-être aussi à ce moment précis qu’une dépréciation de l’œuvre du législateur préfigura les vives tensions politiques constatées depuis le 16 juin 2011, date à laquelle le Conseil des ministres adopta en catimini le projet de loi instituant l’élection d’un président et de son colistier au suffrage universel. Mais en érigeant des forteresses, le législateur n’oublia pas les fortifications. Cette précaution explique à elle seule le rapport du citoyen aux bâtisses de la République et aux hommes légitimés à les occuper le temps d’un mandat. En apercevant de loin la façade de chacune des forteresses, le passant se remémore deux choses au moins : le coût de leur entretien par l’effort de tous et la façon dont le budget de la nation est grevé par le traitement de leurs animateurs principaux et subalternes. Ce double abus est supportable aussi longtemps que les fortifications ne cèdent pas sous la pression d’un seul ou de quelques-uns. La plus importante d’entre elles est sans doute aussi celle (péremptoire) qui ne se prête presque jamais aux spéculations des profanes et des savants. « La forme républicaine de l’État ne peut faire l’objet d’une révision ». Ainsi pétrie par le législateur, la fortification édicte une conduite à laquelle un mortel ne déroge sans que le commun des mortels ne lui inflige une correction au moins égale au préjudice subi. C’est ce qui se produisit le jeudi 23 juin 2011, jour de réminiscence des fortifications saccagées. Depuis cette date, deux peuples – le syrien et le sénégalais – dont les destins se sont longtemps croisés au Sinaï sous l’égide des Nations unies hurlent le même refrain tout aussi audible dans les rues des villes syriennes de Lattaquié et de Homs que dans les agglomérations sénégalaises de Saint-Louis, Thiès et Mbour : « Nous ne nous soumettrons pas ! »
A Damas et à Dakar, les forteresses, toutes prenables, sont aux mêmes endroits. Depuis le 23 juin 2011, les fortifications sénégalaises sont passées, elles, des mains sales à celles (propres), des gens du peuple insurgé. Sous peu, chacune des bastilles sera prise et vidée de ses occupants malpropres. Ce moment – le meilleur depuis plus d’un demi- siècle – préfigure le pays nouveau sur lequel anticipèrent les trente-cinq propositions de la Charte de gouvernance démocratique issue des Assises nationales. Pour la première fois, l’expression d’un idéal politique coïncide avec celle d’un idéal social annonciateur d’une nouvelle séquence historique. Aucune débauche de violence ne sera assez grande pour enlever à l’idéal sous-jacent de beauté (artistique) son éclat éblouissant. Ni même celle de légions étrangères à la rescousse de l’apprenti autocrate et de son dernier carré de fidèles.
Abdoul Aziz Diop est ancien porte-parole du Mouvement du 23 juin (M23) et artisan de la République du 23 juin.
THE ECONOMIST VOIT UN AVENIR DURABLE POUR LES PUTSCHISTES AFRICAINS
Le magazine britannique est formel : pour les aspirants putschistes africains, le message est clair. Non seulement il est possible de s'emparer du pouvoir par la force, mais on peut désormais le conserver sans craindre de véritables représailles
(SenePlus) - L'année 2025 pourrait marquer la consolidation du pouvoir des militaires en Afrique, selon une analyse publiée par The Economist dans son dossier "The World Ahead 2025" (2025, le monde à venir). Le magazine britannique dresse un constat : les juntes militaires qui se sont emparées du pouvoir depuis 2020 sont là pour durer, et ce malgré leurs promesses initiales de transition démocratique.
Ce qui frappe dans l'analyse de The Economist, c'est la facilité avec laquelle les coups d'État se sont succédé, dessinant une "ceinture" ininterrompue de l'Atlantique à la mer Rouge. Du Mali à la Guinée, en passant par le Soudan, le Burkina Faso, le Niger, le Gabon et le Tchad, les militaires ont pris le pouvoir sans rencontrer de résistance internationale durable. Même la pandémie de Covid-19 a servi leurs intérêts, offrant à certains gouvernements, comme celui de l'Éthiopie, un prétexte parfait pour manipuler le processus électoral.
L'hebdomadaire britannique met en lumière la stratégie désormais éprouvée des juntes militaires : promettre une transition démocratique pour mieux se maintenir au pouvoir. En Guinée, le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, qui devait initialement quitter le pouvoir en 2024, n'a même pas encore organisé le référendum constitutionnel qui pourrait, ironiquement, lui permettre de se présenter aux élections. Au Gabon, Brice Clotaire Oligui Nguema suit le même schéma, repoussant sans cesse l'échéance démocratique prévue pour août 2025.
Une communauté internationale résignée
The Economist souligne un fait crucial : l'Occident et les organisations régionales ont baissé les bras. La CEDEAO, qui menaçait d'intervenir militairement au Niger, a finalement levé ses sanctions économiques en 2024. Les intérêts économiques et stratégiques priment : la Guinée possède d'immenses réserves de fer et de bauxite, tandis que le Gabon héberge une base militaire française. La France et les États-Unis ont même dû retirer leurs troupes du Niger, affaiblissant leur influence dans la région.
L'Alliance des États du Sahel (AES), qui réunit le Niger, le Mali et le Burkina Faso depuis juillet 2024, illustre parfaitement cette nouvelle donne. Selon le magazine britannique, cette confédération, née d'un pacte de défense, s'affirme comme un bloc anti-occidental où la démocratie n'est plus une priorité. Ni le Mali ni le Burkina Faso n'ont tenu les élections promises en 2024, traçant la voie que suivra probablement le Niger.
La conclusion du magazine britannique est sans lapidaire : pour les aspirants putschistes africains, le message est clair. Non seulement il est possible de s'emparer du pouvoir par la force, mais on peut désormais le conserver sans craindre de véritables représailles internationales. Une réalité qui laisse présager la poursuite de cette tendance autoritaire sur le continent africain.
ASSAD FUIT À MOSCOU
Le dirigeant syrien, lâché par ses alliés traditionnels, s'est réfugié en Russie avec sa famille, laissant derrière lui un pays en pleine effervescence. La Syrie s'éveille à une nouvelle ère
(SenePlus) - Dans un développement historique marquant la fin d'un demi-siècle de pouvoir familial en Syrie, le président Bachar el-Assad a fui vers Moscou ce dimanche, selon les agences de presse russes Tass et RIA, citant une source anonyme du Kremlin. Cette fuite survient après une avancée fulgurante des rebelles qui ont pris le contrôle de Damas, la capitale syrienne.
Comme relevé par Associated Press, les événements se sont précipités dimanche matin, lorsque les médias d'État syriens ont diffusé un communiqué rebelle annonçant le renversement d'Assad et la libération de tous les prisonniers. "La Syrie est pour tous, sans exception. La Syrie est pour les Druzes, les Sunnites, les Alaouites et toutes les confessions", a déclaré le commandant rebelle Anas Salkhadi sur la télévision d'État, cherchant à rassurer les minorités du pays.
La prise de pouvoir a déclenché des scènes de liesse dans les rues de Damas. Selon AP, "des foules joyeuses se sont rassemblées sur les places, agitant le drapeau révolutionnaire syrien dans des scènes rappelant les premiers jours du soulèvement du Printemps arabe". Le palais présidentiel a été investi par la population, certains emportant des objets domestiques tandis que d'autres parcouraient simplement les lieux.
Abu Mohammed al-Golani, ancien commandant d'Al-Qaïda qui a rompu avec le groupe il y a plusieurs années, dirige désormais la principale faction rebelle. Lors de sa première apparition publique à la mosquée des Omeyyades, utilisant son nom de naissance Ahmad al-Sharaa, il a qualifié la chute d'Assad de "victoire pour la nation islamique" et accusé l'ancien président d'avoir fait de la Syrie "une ferme pour l'avidité de l'Iran".
L'un des moments les plus symboliques a été la libération de la tristement célèbre prison de Saidnaya, où selon les groupes de défense des droits humains, des milliers de personnes ont été torturées et tuées. Un parent de détenu, Bassam Masr, a exprimé son émotion : "Ce bonheur ne sera pas complet tant que je ne pourrai pas voir mon fils sortir de prison et savoir où il se trouve. Je le cherche depuis deux heures. Il est détenu depuis 13 ans."
La communauté internationale s'organise face à cette transition soudaine. Le Qatar a accueilli une réunion d'urgence des ministres des Affaires étrangères de huit pays, dont l'Iran, l'Arabie saoudite, la Russie et la Turquie. Selon Majed al-Ansari, porte-parole du ministère qatari des Affaires étrangères rapporté par AP, les participants ont convenu de "la nécessité d'impliquer toutes les parties sur le terrain" pour assurer une "stabilité et une transition sûre".
Les défis restent immenses pour le nouveau pouvoir. Comme le souligne Dareen Khalifa, conseillère principale au sein de l'International Crisis Group : "Golani a fait l'histoire et suscité l'espoir chez des millions de Syriens. Mais lui et les rebelles font maintenant face à un défi redoutable."
L'envoyé spécial des Nations Unies pour la Syrie, Geir Pedersen, a appelé à des pourparlers urgents à Genève pour garantir une "transition politique ordonnée" dans ce pays déchiré par près de 14 années de guerre civile.
Les belles feuilles de notre littérature par Amadou Elimane Kane
LES BONS RESSENTIMENTS D’ELGAS OU LES VAGUES ÉMANCIPATRICES DE LA DÉCOLONISATION
EXCLUSIF SENEPLUS - L'auteur produit ici un ouvrage très intéressant sur la charge éreintante de la déconstruction mentale post-coloniale qui occupe encore la vie intellectuelle africaine. Un penseur et un écrivain talentueux, humaniste et universel
Notre patrimoine littéraire est un espace dense de créativité et de beauté. La littérature est un art qui trouve sa place dans une époque, un contexte historique, un espace culturel, tout en révélant des vérités cachées de la réalité. La littérature est une alchimie entre esthétique et idées. C’est par la littérature que nous construisons notre récit qui s’inscrit dans la mémoire. Ainsi, la littérature africaine existe par sa singularité, son histoire et sa narration particulière. Les belles feuilles de notre littérature ont pour vocation de nous donner rendez-vous avec les créateurs du verbe et de leurs œuvres qui entrent en fusion avec nos talents et nos intelligences.
Dans l’arrière-pays mental d’Elgas, on peut reconnaître toutes les traces d’un penseur et d’un écrivain talentueux, humaniste et universel.
L’essai littéraire est un terrain fertile pour explorer des idées complexes et qui nécessitent souvent plusieurs tentatives. L’essai, à l’appui d'arguments précis, repose sur la réflexion et l’analyse de faits convoqués pour la circonstance. C’est le genre par excellence qui remet en cause la pensée et oblige le lecteur à reconsidérer son arsenal subjectif. L’essai est un court traité d’idées qui se focalise sur un sujet éclairé à travers un prisme choisi. Cet espace très important de l’expression critique est un élément fondamental de la pensée et de ses contradictions.
Dans son ouvrage, Les bons ressentiments. Essai sur le malaise post-colonial, El Hadj Souleymane Gassama, alias Elgas, passe en revue, à travers la littérature, la pensée intellectuelle et les sciences humaines de ces dernières décennies, les causes de l’inconfort africain, pour celui qui, par ses connaissances, son talent, son sens artistique, tente de déjouer tous les pièges de l'œuvre post-coloniale. L’auteur, par des chapitres progressifs, passe au crible tous les méfaits intellectuels et humains qu’a engendrés la colonisation.
Ainsi, il évoque plusieurs thématiques qui s’inscrivent dans cette démarche réflexionnelle. Sans tabou, il décrit les ravages de l’aliénation définie par Cheikh Anta Diop ou Franz Fanon entre autres, et comment une nouvelle ère s’est ouverte pour combattre toute allégeance au centrisme européen. Il dresse le portrait de ceux qu’on a accusés d’être des traîtres à l’identité africaine, des accusations parfois maladroites, car elles peuvent être perçues comme stériles.
De même, Elgas convoque le principe des nouveaux rebelles, défendant le panafricanisme et la renaissance, comme armure contre l’aliénation. Mais cette posture contient des nuances qu’il convient toujours de questionner. Car selon lui, il y aurait d’un côté les Africains du continent et les Africains de la diaspora, déjà façonnés par la culture de l’ailleurs ou plutôt de l’exil et qui n’auraient pas les mêmes perceptions de la tension permanente qui existe entre être africain et se penser en tant que tel et être africain déraciné au contact d’un espace qui fait tout pour enfermer. Car il faut le dire, l’accueil social réservé aux nouveaux immigrés est toujours stigmatisant. Il en va de même pour la jeunesse née en Europe, issue d’Afrique, qui est encore et toujours reléguée au second plan de l’organisation occidentale. Pour résister à l’aliénation identitaire, la littérature a souvent proposé deux visions : l’afro-pessimisme versus l’afro-optimisme. Mais cela ne semble pas suffire, nous dit Elgas. Car il y a notamment la question des langues nationales qui ne sont pas devenues les langues d’écriture. Dans la production scientifique ou littéraire, celles-ci combinent parfois à la langue française une forme de « tropicalisme » qui peut encore s’apparenter à une forme de soumission culturelle.
Ainsi, Elgas fait ici un portrait objectif de la situation de l’ère post-coloniale en Afrique et à travers sa diaspora qui n’en a pas encore terminé avec la justification identitaire. Alors quelle proposition fait Elgas pour remédier à ce trouble encore à l'œuvre ? Une bonne nouvelle, c’est de poursuivre la résistance en tout temps et en tout lieu car il existe toujours une faille dans laquelle toute entreprise de colonisation ne prend pas forme. Le simple refus à toute compromission est absout de toute aliénation et de toute corruption de l’esprit. Accepter le terme de “décolonisation” induit la réussite de l’empire colonial, défend Elgas. Force est d’admettre que nous avons conservé une grande partie de notre civilisation et de notre profondeur culturelle. L’avenir et la modernité sont également des affaires africaines, sans être assujetties à un ordre décolonisé. Il ne s’agit plus pour le continent africain d’entrer ou de sortir de l’espace colonial mais bien d’exister par lui-même et pour lui-même. Le risque étant de perdre trop de temps à discourir sur le désordre post-colonial alors que les Africains sont en mesure de créer un espace qui leur ressemble. Et l’urgence demeure de refuser la pensée unique pour conquérir une forme de liberté qui ne connaîtra aucune contestation.
Elgas produit ici un ouvrage très intéressant sur la charge éreintante de la déconstruction mentale post-coloniale qui occupe encore la vie intellectuelle africaine. Les contradictions permanentes, les rancœurs, la maltraitance de soi-même, les haines diverses sont les seuls profits à chercher les causes d’un immobilisme lié à l’histoire coloniale. La frise historique du continent africain est très grande, profondément multiple et plurielle. Le continent africain n’a pas pour seul horizon l’occupation européenne et ses méfaits. Elle a existé et a modifié la trajectoire africaine mais sans la déshabiller de ses fondements originels qui sont toujours actifs dans le monde contemporain. La démarche de la renaissance africaine est nécessaire pour recouvrer une pleine confiance mais le continent n’a pas besoin de sortir de la nuit, comme certains le prétendent, il n’a pas à ressusciter, les lumières sont suffisamment nombreuses. Il s’agit plus certainement d’éduquer à la justice cognitive, de porter les flambeaux d’une civilisation qui doit se saisir d’elle-même, de ses atouts pour contribuer, comme toute culture influente, à la modernisation et à l’avenir de l’Humanité.
Amadou Elimane Kane est écrivain, poète.
Les bons ressentiments. Essai sur le malaise post-colonial, Elgas, éditions Riveneuve, Paris, 2023
Avant de confier leur vie à l'océan Atlantique, de nombreux jeunes Sénégalais confient d'abord leur destin aux marabouts. Ces guérisseurs traditionnels, qui mélangent islam et animisme, promettent une protection divine pour la traversée
(SenePlus) - Le quotidien La Croix révèle dans une récente enquête le rôle méconnu des marabouts dans l'émigration clandestine au Sénégal, où ils proposent des protections mystiques aux candidats au départ vers l'Europe, malgré les risques judiciaires encourus.
Dans le vieux quartier de Mbour, à une centaine de kilomètres de Dakar, un marabout reçoit régulièrement des jeunes rêvant de rejoindre l'Europe. Ce port de pêche est devenu l'un des principaux points de départ des pirogues clandestines vers les îles Canaries, situées à 1 500 kilomètres des côtes sénégalaises.
La pratique, bien qu'interdite par la loi sénégalaise de 2005 contre le trafic de migrants, reste très répandue. Selon La Croix, ces marabouts encourent de cinq à dix ans d'emprisonnement pour leur participation à ces traversées périlleuses. Pourtant, dans un pays où l'islam côtoie les croyances animistes, leur influence demeure considérable.
Le journal décrit les rituels complexes proposés par ces guérisseurs traditionnels. L'un d'eux, qui souhaite rester anonyme, explique : "On ne dort plus dès que le bateau prend la mer, il faut l'accompagner spirituellement avec des prières et des incantations tout du long, c'est très fatigant." Il prépare des "ngaw" (ceintures protectrices) et des bains purificateurs mélangeant traditions ancestrales et versets coraniques.
Ces services ont un prix. Si certains marabouts se contentent d'offrandes symboliques, d'autres monnaient leur "protection" jusqu'à 1 500 euros, dans un pays où la traversée elle-même coûte entre 400 et 600 euros. Cette situation a engendré un marché parallèle d'escrocs, comme en témoigne Gora Diop, un commerçant de 45 ans : "Beaucoup se font avoir, je connais un passeur qui s'était associé à six marabouts et avait fait payer 400 000 francs CFA par passager. C'était une arnaque, ils n'avaient même pas de bateau !"
Le sociologue Doudou Gueye, spécialiste des migrations à l'université de Ziguinchor, replace ce phénomène dans son contexte culturel : "Le parcours maraboutique rassure certains candidats qui baignent dans un univers de croyances. Si en Occident on consulte des voyants, au Sénégal ces pratiques accompagnent les grandes étapes et les épreuves de la vie."
Les conséquences tragiques de ces départs se manifestent régulièrement. L'imam Ibrahima Diouf de la mosquée de Thiocé témoigne de son impuissance : "On ne cesse d'en parler, de dénoncer mais ça ne dissuade pas les jeunes. Le problème ne vient pas seulement de ces 'marabouts' mais aussi de la société qui leur fait croire que la seule façon de réussir leur vie, c'est d'aller en Europe."
Le 8 septembre dernier, un drame est venu illustrer les limites de ces protections mystiques : plusieurs jeunes du quartier ont péri dans le naufrage d'une pirogue au large de Mbour. La Croix rapporte que des gris-gris ont été retrouvés sur les corps échoués sur la plage, témoignage silencieux de croyances qui, face à la mer, ne suffisent pas toujours à protéger ceux qui tentent la traversée.
LE NOUVEAU COMBAT D'AÏSSATA TALL SALL
À la tête du groupe parlementaire Takku Wallu Sénégal, la dame de Podor incarne désormais la résistance institutionnelle face au pouvoir de Diomaye. Avec seulement 16 députés sur 165, son groupe doit faire preuve d'habileté pour exister
(SenePlus) - Aïssata Tall Sall s'est imposée comme la nouvelle figure de proue de l'opposition, présidant désormais le groupe parlementaire Takku Wallu Sénégal qui compte 16 députés sur les 165 sièges de l'Assemblée nationale.
Pour sa première apparition dans ce rôle, elle a immédiatement marqué les esprits. Comme le rapporte Le Monde, le 2 décembre, lors de la session inaugurale de la nouvelle Assemblée, cette juriste de 66 ans a transformé une séance routinière en bras de fer avec la majorité, refusant de se plier aux exigences du président de l'Assemblée concernant la nomination d'une femme au poste de huitième vice-président. "Une opposition ferme mais constructive", promet-elle, citée par le quotidien français.
Son parcours illustre une ascension politique remarquable. Ancienne protégée de l'ex-président Abdou Diouf, elle est décrite par Abdoulaye Wilane, cadre socialiste, comme "une femme politique douée, ambitieuse, coriace". Première femme ministre des Affaires étrangères du Sénégal, elle a également occupé le poste de garde des Sceaux, tout en maintenant une carrière d'avocate respectée.
Mais ses détracteurs soulignent ses changements d'alliance opportuns, notamment son ralliement à Macky Sall en 2019, qui lui a valu deux postes ministériels prestigieux.
La polémique a atteint son paroxysme début 2024 lorsque, garde des Sceaux, elle a défendu la controversée loi d'amnistie. Cette position lui a valu de vives critiques, beaucoup l'accusant de trahir ses valeurs d'avocate et de militante. "J'assume", répond-elle aux critiques, arguant que "une loi d'amnistie, c'est toujours clivant. Il s'agissait de ramener la paix sociale dans le pays."
"C'est aussi à travers l'exercice de la profession d'avocate qu'elle s'est fait connaître", souligne El Hadj Amadou Sall, ténor du barreau et ancien camarade de faculté, cité par Le Monde. Son engagement pour la défense de responsables politiques sous le régime d'Abdoulaye Wade a contribué à asseoir son prestige.
Originaire du Fouta, elle met en avant son parcours de femme ayant dû se battre contre le conservatisme de son milieu familial pour mener ses études de droit. Maire de Podor de 2009 à 2022, elle conserve une forte popularité, particulièrement auprès des femmes. "Elle a été une source d'inspiration pour de nombreuses jeunes Sénégalaises", affirme Abdoulaye Wilane dans les colonnes du Monde.
Son choix comme cheffe de l'opposition résulte d'un calcul stratégique, comme l'explique un cadre de l'Alliance pour la République : "La mettre en avant ne permet pas d'initier de renouvellement générationnel. Mais au vu de notre situation compliquée, c'était le choix évident pour que l'opposition soit audible."
Quant à ses ambitions présidentielles pour 2029, elle reste évasive mais ne ferme aucune porte. "J'ai appris à mener un combat après l'autre", confie-t-elle au quotidien français, laissant entrevoir la possibilité d'une nouvelle étape dans une carrière politique déjà riche en rebondissements.