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26 avril 2025
Développement
par Djibril Ndiogou Mbaye
LETTRE OUVERTE À MACRON
Dans tous les cas, le massacre de Thiaroye sera un jour reconnu par un président français. Soyez ce grand président, le 1er décembre 2024 en les réhabilitant tous. Honorez-vous, honorez la France !
Reconnaissez le massacre de Thiaroye comme tel en rétablissant la vérité inaliénable de ces faits historiques douloureux et injustifiables.
Annoncez par la même occasion une décision de faire entrer au panthéon les tirailleurs africains, le 1er décembre 2024 au Sénégal.
La tribune de la commémoration du 80ème anniversaire du massacre de Thiaroye est pour vous une occasion exceptionnelle. Un rendez-vous avec la grande histoire des tirailleurs africains dans cette dernière guerre mondiale que vous n’avez connue qu’à travers des livres d’histoire qui n’ont pas dit toute la vérité sur les milliers de tirailleurs africains qui ont sacrifié leur vie pour libérer la France et le monde.
Le président de la République sénégalaise M. Diomaye D. Faye, en vous invitant à la commémoration du 80e anniversaire du massacre de Thiaroye, vous a grandement ouvert les portes de l’histoire des grands hommes d’Etat. Ceux qui changent le monde et le destin des hommes, en rendant aux peuples et aux hommes victimes d’injustices leur dignité dont ils ont longtemps été frustrés.
Martin Luther King a fait un rêve que Barack Obama a en partie réalisé. Frédérik De Klerk eut la hauteur de convier Nelson Mandela à des négociations nocturnes qui ont permis de mettre un terme à la longue et affreuse politique de développement séparé entre noirs et blancs d’un même pays.
Alors que nous attendons avec impatience la rencontre d’un grand Israélien et d’un grand Palestinien pour mettre un terme à un embrasement inutile et sceller une paix durable entre deux États frères et libres, voilà que ce grand destin vous tend la main. Cela n’arrive que rarement dans l’histoire d’un homme politique. Saisissez-la !
C‘est le moment de reconnaître le massacre des tirailleurs africains à Thiaroye.
Le timing est parfait, c’est maintenant ! Vous n’avez plus aucune excuse !
Les faits sont avérés et confirmés par tous les historiens sérieux et honnêtes. « Les faits sont têtus », ce n’est pas moi qui l’ai dit.
Le 1ᵉʳ décembre 1944, des tirailleurs Sénégalais mais aussi des Soudanais (actuels Maliens), des Voltaïques (aujourd'hui Burkinabè), des Ivoiriens tout juste rentrés de France où ils avaient combattu, ont été exécutés sur ordre d’autorités françaises, alors qu'ils réclamaient le paiement de leur solde de guerre.
Ces faits ont été récemment confirmés par votre prédécesseur François Hollande qui, dès 2014 reconnaissait à demi-mot en utilisant le langage « diplomatique » et pudique de « répression sanglante ».
Aujourd’hui, il va plus loin en confirmant, lui qui a eu comme vous certainement, accès aux archives classées, secret défense : « En fait, oui, c'est un massacre puisque ce n'est pas simplement une répression comme on en connaît dans des manifestations qui débordent. Là, il s'agit d'un massacre à la mitrailleuse. Les mots doivent être mis là où ils sont nécessaires et là où ils correspondent à une réalité, c'est à dire il y a eu un massacre à Thiaroye ».
Le moment est venu ! (ils sont presque tous morts, nos braves aïeux. Il ne reste plus que leur mémoire à honorer et nos cœurs à apaiser. Faites ce que vos prédécesseurs n’ont pas fait).
M. le président, je ne vous apprends rien en vous disant qu’il y a une crise entre la France et une frange de la jeunesse et des nouveaux dirigeants africains.
Vous n’avez plus rien à perdre car vous n’avez plus de grands enjeux devant vous, à part sortir en beauté. Justement, cette célébration en terre africaine est un tapis rouge déroulé sur le chemin de la grandeur. Ne marchez pas à côté. Je ne pense pas que le peuple français soit contre.
Faites de ce voyage une entreprise de charme au succès quasi garanti envers les nouvelles autorités du Sénégal et de l’Afrique qui cachent encore leur amour pour la France. Mais tendez aussi la main à la jeunesse africaine qui avance en regardant dans le rétroviseur de l’histoire. Elle n’a pas fait le deuil de l’esclavage et de la colonisation.
Cette jeunesse, sénégalaise et africaine, grand expert-comptable de notre histoire commune, ne saurait passer cette terrible créance au compte de pertes et profits. Cet épisode regrettable, inscrit dans le passif de nos relations, nous le vivons comme un omni-niant crachat dans notre chair, notre dignité et sur la mémoire de nos aïeux tirailleurs. Tirailleurs aux sacrifices longtemps méprisés. Leurs faits d’armes n’ont pas rempli les livres d’histoire et leur mémoire n’a pas été chantée par les poètes français, « Car les poètes chantaient les fleurs artificielles des nuits de Montparnasse, Ils chantaient la nonchalance des chalands sur les canaux de moire et de simarre.
Ils chantaient le désespoir distingué des poètes tuberculeux.
Car les poètes chantaient les rêves des clochards sous l’élégance des ponts blancs.
Car les poètes chantaient les héros, et {leur} rire n’était pas sérieux, {leur} peau noire pas classique ». L. S. Senghor.
Dans tous les cas, ce massacre sera un jour reconnu par un président français. Soyez ce grand président, le 1er décembre 2024 en les réhabilitant tous.
M. le président, la seconde demande que je vous ferais sera de profiter de cette occasion pour annoncer la « Panthéonisation » du tirailleur africain. Ce terme pouvant englober tous les tirailleurs africains. Une marque de reconnaissance, comme la France l’a récemment accordé à Missak Manouchian et ses camarades d’origine arménienne, pour leurs actions de Résistance.
Aujourd’hui, nous savons que les grands hommes d’État, qui ont marqué l’histoire de l’humanité, l’ont été par leur courage de reconnaître et de défendre la vérité des faits contemporains ou historiques.
Le président de la République sénégalaise vient de vous tendre un stylo en or et la page encore blanche du livre d’histoire que liront les générations actuelles et à venir, pour que vous puissiez y inscrire, vous-même votre propre histoire politique.
Je ne suis pas un mémorialiste, mais il y a la moindre des choses que la gratitude, le savoir-vivre ou la politesse, des vertus certes humaines mais que les États empruntent souvent pour s’élever au-dessus de leur ego et humilier la condescendance.
Honorez-vous, honorez la France. Vous êtes le mieux placé pour redorer le blason de ce grand pays-ami et redonner une nouvelle impulsion à la relation France-Afrique.
LA COLONIALE TIRE SA RÉVÉRENCE
Derrière le départ des troupes françaises du Tchad et du Sénégal se cache une réalité plus nuancée, selon François Soudan : celle d'États africains capables de décider par eux-mêmes. Une autonomie que Paris peine encore à reconnaître
(SenePlus) - Le 28 novembre 2024 restera gravé comme une date charnière dans l'histoire des relations franco-africaines. En ce jour symbolique, le Tchad et le Sénégal ont simultanément signifié leur volonté de voir partir les troupes françaises de leur territoire. Une décision historique qui signe la fin d'une époque et marque l'aboutissement d'un processus de désengagement militaire français du continent africain.
"L'armée française est présente de façon permanente au Sénégal depuis plus de deux siècles, précisément depuis la 'récupération' de Saint-Louis sur les Britanniques en 1814", rappelle François Soudan, Directeur de la rédaction de Jeune Afrique, dans son éditorial. Au Tchad, cette présence remonte à "la bataille de Kousseri et la mort au combat du sultan Rabah, le 22 avril 1900".
La rupture intervient de manière spectaculaire : le gouvernement tchadien annonce la fin de l'accord de coopération militaire avec la France, tandis que le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye réclame le départ des soldats français, jugeant leur présence incompatible avec la souveraineté nationale.
Cette double annonce s'inscrit dans un mouvement plus large de retrait militaire français du continent. Comme le souligne l'éditorialiste, "après la Centrafrique en 2015, le Mali en 2022, le Burkina Faso et le Niger en 2023, l'armée française est donc en passe de quitter ce qui lui restait de positions dans cette bande sahélo-soudanaise qui lui a si longtemps servi de bac à sable pour entraîner ses troupes".
Au Tchad, la décision trouve une motivation particulière. Selon François Soudan, "le président Mahamat Idriss Déby Itno n'a jamais digéré l'absence de réaction du contingent français lors de l'assaut des rebelles sur N'Djamena, en février 2008". Cette rancœur personnelle s'ajoute à un sentiment anti-français grandissant dans la population.
Les bases militaires de Ouakam au Sénégal et de N'Djamena au Tchad, derniers vestiges d'une présence militaire post-coloniale, s'apprêtent donc à fermer leurs portes. Une présence qui, selon l'éditorial, constitue "une anomalie à laquelle les présidents Faye et Déby Itno avaient toutes les raisons de vouloir mettre un terme".
L'éditorialiste met en garde contre une lecture simpliste de ces événements : "Plaquer sur ces derniers la grille de lecture de l'influence russe, devenue le kit prêt à l'emploi des services de renseignement français en Afrique [...] n'a guère de sens". Il souligne qu'il est possible de "vouloir le départ de l'armée française sans pour autant se jeter dans les bras d'un maître de substitution".
Ce retrait militaire n'est qu'une première étape. La France doit maintenant affronter d'autres "chiffons rouges" de son passé colonial. L'éditorial évoque notamment "le massacre de Thiaroye, la sanglante répression des révoltes malgache et camerounaise, le génocide des Tutsis du Rwanda, la guerre d'Algérie".
Seul Djibouti conserve une justification stratégique pour maintenir des bases militaires françaises, celles-ci constituant selon François Soudan "une assurance-vie existentielle contre les convoitises de voisins qui estiment que ce petit État n'aurait jamais dû exister".
Cette rupture historique ouvre la voie à une nécessaire refondation des relations franco-africaines. Plus qu'une humiliation, ce départ forcé devrait être vu comme l'opportunité de construire un nouveau partenariat, débarrassé des vestiges de la colonisation et basé sur une véritable égalité entre les nations.
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THIAROYE : LA VÉRITÉ SORT DES ARCHIVES
Une délégation d'historiens sénégalais, dépêchée en France, a mis au jour des actes de décès jusqu'alors inconnus. Ces documents révèlent que le nombre de victimes dépasse largement les chiffres officiels communiqués par l'administration coloniale
Lors d’une conférence de presse, la commission technique chargée de commémorer le 80e anniversaire de cette tragédie a annoncé la découverte de documents inédits, notamment des actes de décès de tirailleurs sénégalais, dans les archives françaises.
Une délégation composée de six historiens sénégalais, en mission en France du 19 au 28 novembre 2024, a eu l’opportunité d’accéder à ces archives. Ces documents corroborent non seulement la réalité du massacre des tirailleurs sénégalais, mais révèlent également un bilan de victimes bien supérieur à celui communiqué par l’administration coloniale française.
La commission technique a affirmé que les recherches se poursuivront dans d’autres pays afin de lever toutes les zones d’ombre entourant les événements tragiques survenus au camp de Thiaroye en 1944. Cette annonce fait suite à la reconnaissance officielle du massacre par le président français Emmanuel Macron, une étape jugée cruciale par les membres de la commission.
Le président du comité a souligné que les préoccupations soulevées par les chercheurs et la population, concernant cet événement longtemps enveloppé de silence, sont désormais au cœur des débats. Pendant plus de huit décennies, l’oubli a été systématiquement orchestré, débutant avec l’inspecteur des colonies Louis Mera, qui, deux mois après les faits, avait conclu que cet « événement très grave » devait être absorbé dans l’oubli. Il a plaidé pour une construction du silence autour de cette tragédie.
La non-divulgation des archives et l’impossibilité d’accès des chercheurs à ces documents ont longtemps entravé la compréhension de cet évènement. Néanmoins, grâce à la détermination de certains chercheurs, des avancées significatives sont en cours. Le gouvernement du Sénégal a pris une décision judicieuse en constituant un comité chargé de faire la lumière sur cette affaire.
Cependant, l’effort ne s’est pas limité à la recherche de documents en France. Le comité a été composé d’universitaires, de journalistes, d’artistes et d’autres individus capables d’apporter une contribution au décryptage des événements tragiques de Thiaroye. Cette approche holistique permet de rassembler une palette d’informations qui facilitent la compréhension historique de cette question.
La mission en France ne s’est pas uniquement concentrée sur les documents que les autorités françaises étaient prêtes à partager. Les membres de la délégation ont exploré plusieurs centres d’archives et ont également élargi leurs recherches dans les communes afin de retracer la mémoire des Sénégalais. Cette initiative a permis de collecter des documents et des informations supplémentaires, enrichissant ainsi la base de connaissances sur cette tragédie.
Les historiens sont rentrés de leur mission avec de précieux documents qui apportent des éclaircissements sur de nombreuses questions restées sans réponse pendant tant d’années. Ces avancées sont susceptibles de faire évoluer significativement la compréhension des événements qui ont eu lieu à Thiaroye en 1944, en rendant hommage à la mémoire de ceux qui ont été victimes de cette iniquité.
Cette mission représente un tournant dans la quête de vérité et de justice pour les tirailleurs sénégalais, et marque un pas important vers la réécriture d’une histoire trop longtemps silencieuse.
PLUS DE BASES ÉTRANGÈRES AU SÉNÉGAL
"La souveraineté ne s'accommode pas de la présence de bases militaires dans un pays souverain". Diomaye annonce la fermeture des bases militaires françaises, tout en tendant la main à Paris pour un "partenariat rénové"
(SenePlus) - Le président Bassirou Diomaye Faye a annoncé jeudi 28 novembre que la France devra fermer ses bases militaires au Sénégal, tout en soulignant sa volonté de maintenir des relations privilégiées avec Paris. Cette décision historique s'inscrit dans une nouvelle vision des relations franco-sénégalaises.
Dans un entretien accordé à l'AFP au palais présidentiel, le chef de l'État a justifié sa position par des impératifs de souveraineté nationale : "Le Sénégal est un pays indépendant, c'est un pays souverain et la souveraineté ne s'accommode pas de la présence de bases militaires dans un pays souverain."
Cette annonce, qui confirme l'une des promesses phares de sa campagne électorale, s'accompagne toutefois d'une volonté affirmée de préserver les liens avec l'ancienne puissance coloniale. "La France reste un partenaire important pour le Sénégal au regard du niveau d'investissements, de la présence de sociétés françaises et même de citoyens français qui sont au Sénégal", a souligné le président Faye à l'AFP.
Le chef d'État plaide pour "un partenariat dépouillé de cette présence militaire-là, mais qui soit un partenariat riche, un partenariat fécond, un partenariat privilégié et global comme nous l'avons avec beaucoup d'autres pays". Pour étayer son propos, il cite l'exemple de la Chine : "Aujourd'hui, la Chine est notre premier partenaire commercial par le volume des investissements et des échanges. Est-ce que la Chine a une présence militaire au Sénégal ? Non."
Cette décision s'inscrit dans un contexte plus large de révision de la doctrine militaire sénégalaise. Selon l'AFP, le président a évoqué une mise à jour prochaine qui "impose évidemment qu'il n'y ait plus de bases militaires de quelque pays que ce soit au Sénégal", tout en appelant à "d'autres évolutions dans la coopération militaire".
Cette annonce intervient alors que la France a déjà engagé une réduction significative de sa présence militaire en Afrique. D'après des sources proches de l'exécutif français citées par l'AFP, Paris prévoyait de réduire ses effectifs au Sénégal de 350 à une centaine de militaires, dans le cadre d'une restructuration plus large de son dispositif militaire sur le continent.
Le timing de cette annonce est d'autant plus symbolique qu'elle coïncide avec la reconnaissance historique par Emmanuel Macron du "massacre" de Thiaroye, un geste salué par le président Faye comme "un grand pas" dans les relations bilatérales, selon ses propos rapportés par l'AFP.
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SAMBA GUEYE, L'ENFANT MIRACLE DU SÉNÉGAL
Il sourit à la vie malgré les 77 interventions chirurgicales qu'il a subies. Le jeune homme de 15 ans incarne la résilience face à un accident domestique qui aurait pu lui coûter la vie. Son histoire fait désormais l'objet d'un livre
Dans interview accordée à l'émission "Soir D'info" de la TFM le jeudi 28 novembre 2024, Samba Gueye, âgé aujourd'hui de 15 ans, a partagé son parcours remarquable de résilience et de courage face à l'adversité.
À l'âge de trois ans, alors qu'il vivait à Joal, Samba a accidentellement ingéré de la soude caustique, localement connue sous le nom de "Ré" en wolof. "C'est ainsi que je suis tombé malade, que mon œsophage s'est brûlé et j'avais des problèmes d'alimentation", a-t-il confié au présentateur Cherif Diop.
Face à cette situation critique, sa mère Mariem a fait preuve d'une détermination extraordinaire. "Ma mère me mettait dans un bassin où elle mettait de l'eau et du sel", se souvient Samba, évoquant les premiers soins prodigués pour maintenir son corps en vie. Après deux mois sous perfusion à Joal, il a été transféré dans plusieurs hôpitaux de Dakar, où une sonde gastrique lui a été posée, qui s'est malheureusement bouchée quelques semaines plus tard.
Le tournant de son histoire survient grâce à sa rencontre avec Cya Cloté, qu'il décrit comme "une grande femme, une femme d'honneur qui aime l'Afrique mais aussi l'Europe". Cette dernière a permis son transfert en Allemagne, où il a subi 77 opérations chirurgicales en dix ans. "À l'hôpital, c'était comme une troisième famille", témoigne-t-il.
Son séjour en Allemagne a été marqué par des moments intenses, notamment sa dernière opération particulièrement risquée. "On m'avait dit que c'était une opération très très difficile et très compliquée, et que ça pouvait même aller à la mort", explique-t-il. Son histoire a tellement ému qu'elle a fait la une de la presse allemande et lui a valu une rencontre avec le président allemand de l'époque.
Aujourd'hui, Samba porte un message d'espoir pour les autres enfants confrontés à des épreuves similaires : "Après chaque opération, je souriais [...] chaque enfant, chaque personne a le droit de rêver. L'empêchement d'une maladie ne veut pas dire que tu n'as pas le droit de rêver."
Son histoire fait désormais l'objet d'un livre publié aux éditions Feu de Brousse, dans la collection "Histoire de vie", une initiative visant à préserver la mémoire des parcours exceptionnels au Sénégal.
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LE SÉNÉGAL DÉVERROUILLE LA MÉMOIRE DE THIAROYE
Mamadou Diouf, président du comité de commémoration des 80 ans du massacre, salue les avancées obtenues grâce à la persévérance des autorités sénégalaises. L'historien détaille les préparatifs des cérémonies prévues le 1er décembre et au-delà
À trois jours de la commémoration du 80e anniversaire du massacre de Thiaroye, le professeur Mamadou Diouf, président du comité de commémoration, dresse un état des lieux des avancés dans la reconnaissance de cet événement tragique par la France.
Dans un entretien accordé à la RTS ce jeudi, le professeur de l'université Columbia de New York souligne l'importance de la récente reconnaissance par Emmanuel Macron des événements du 1er décembre 1944. "La pression sénégalaise à des effets", affirme-t-il, précisant que "le fait que le Sénégal a effectivement décidé non seulement de commémorer le massacre mais de s'investir dans la recherche des faits [...] fait que progressivement les entraves sont en train de se lever."
Ce massacre, perpétré contre des tirailleurs sénégalais revenus du front européen, reste entouré de zones d'ombre. Selon le professeur Diouf, « on ne sait pas combien de tirailleurs ont été rapatriés en 44, on ne sait pas les circonstances dans lesquelles le massacre a été perpétré, on ne connaît pas le nombre de victimes et on ne sait même pas où elles sont enterrées."
L'ironie tragique de cet événement est particulièrement soulignée par l'universitaire : "Au moment où la France est en train de massacrer les tirailleurs sénégalais, la France célèbre la libération [...] c'est à ce moment-là que la France dit aux tirailleurs sénégalais qui se sont battus pour la France : 'Vous retournez à votre place et votre place c'est la place de colonisé.'"
Le nouveau régime sénégalais a pris l'initiative de rouvrir ce dossier historique, longtemps maintenu fermé par la France. Les commémorations du 1er décembre 2024 comportent une série d'événements officiels, incluant un dépôt de gerbes au cimetière en présence du chef de l'État, des cérémonies au camp de Thiaroye, et diverses prestations culturelles.
"Le travail de recherche va continuer jusqu'en avril", précise le professeur Diouf, annonçant l'organisation de panels et de conférences pour approfondir la connaissance de cet événement historique qui, selon ses mots, "porte aussi cet espoir et ces valeurs que les tirailleurs ont acquis dans la guerre et se sont lancés dans une bataille qui est une bataille pour l'émancipation.
texte collectif
MÉMOIRE DE THIAROYE : LE SÉNÉGAL ÉCRIT L’HISTOIRE OUBLIÉE PAR LE DÉNI COLONIAL FRANÇAIS
Le souvenir des tirailleurs ne saurait se limiter à des cérémonies dictées par l’État français. Cette mémoire nous appartient : elle est celle des peuples africains, les véritables héritiers de ce drame et les seuls légitimes à en préserver l’héritage
La commémoration du 80e anniversaire du massacre de Thiaroye prend une tournure révélatrice de l’approche française face à ce drame colonial. Contrairement aux premières informations qui laissaient entendre une éventuelle présence d’Emmanuel Macron, le président français a choisi de se faire représenter par Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères. Ce choix, s’il évite la controverse directe liée à la venue du président français Emmanuel Macron, ne répond pas pour autant aux exigences de vérité et de justice portées par les militants du panafricanisme et de la souveraineté que nous sommes. Tant que la France n’assumera pas pleinement ses responsabilités historiques dans ce crime colonial, toute représentation officielle reste insuffisante et dénuée de sens pour honorer la mémoire des martyrs et leurs descendants.
Le massacre de Thiaroye, survenu le 1ᵉʳ décembre 1944, est l’une des tragédies les plus emblématiques du colonialisme français. Ce jour-là, des tirailleurs africains démobilisés furent massacrés par l’armée française pour avoir revendiqué leurs soldes. Ce drame illustre l’arbitraire colonial et la violence d’un système marqué par le mépris des droits fondamentaux des Africains ayant pourtant combattu pour libérer la France. Aujourd’hui encore, les archives restent verrouillées, et les réparations attendues ne sont qu’un mirage.
Le déni colonial français : des gestes insuffisants et une mémoire trahie
En 80 ans, la reconnaissance par la France de sa responsabilité dans le massacre de Thiaroye demeure limitée et empreinte de paternalisme. En 2014, lors d’une visite officielle à Dakar, François Hollande avait qualifié ces événements de « tout simplement épouvantables, insupportables ». Pourtant, ces paroles n’ont été suivies d’aucune action concrète. Dix ans plus tard, en 2024, la France s’est contentée d’un geste minimaliste en attribuant la mention « Morts pour la France » à seulement six tirailleurs identifiés, un effort dérisoire au regard de l’ampleur du drame. Les descendants des victimes attendent toujours un véritable travail d’ouverture des archives, une reconnaissance complète des responsabilités et des indemnisations justes et légitimes.
Les tentatives persistantes de la France pour occulter ce crime témoignent d’une désinvolture inacceptable face à son passé colonial. En tant qu’Africains, nous exigeons que cette démarche mémorielle cesse d’être unilatérale et paternaliste. Elle doit impérativement associer les pays d’origine des victimes, refléter notre quête de justice et respecter la dignité de nos peuples. Le souvenir des tirailleurs ne saurait se limiter à des cérémonies dictées par l’État français. Cette mémoire nous appartient : elle est celle des peuples africains, les véritables héritiers de ce drame et les seuls légitimes à en préserver l’héritage.
L’appropriation sénégalaise : un acte de souveraineté mémorielle
Dans ce contexte, il est essentiel de saluer la détermination du président Bassirou Diomaye Faye et du Premier ministre Ousmane Sonko à inscrire la mémoire du massacre de Thiaroye dans une perspective véritablement africaine. Leur engagement pour une appropriation souveraine de ce drame historique marque une rupture nécessaire avec les récits imposés par la France. En plaçant cette tragédie sous l’autorité des Africains, ils affirment la volonté des peuples concernés de contrôler leur propre histoire, loin des discours paternalistes ou des symboles vides de sens.
Cet effort d’appropriation mémorielle est un pas décisif vers une justice historique. Il montre que l’Afrique, forte de sa dignité et de sa mémoire, refuse désormais que ses drames soient instrumentalisés pour servir des intérêts extérieurs. Cette posture courageuse ouvre la voie à une réconciliation basée sur la vérité, la reconnaissance et le respect mutuel.
Une commémoration sous haute vigilance
La décision d’Emmanuel Macron de déléguer sa représentation à un ministre montre la crainte d’un rejet populaire face à son implication dans cette commémoration. Toutefois, cette absence ne saurait suffire à réconcilier la France avec ce passé douloureux. Trop souvent, ces cérémonies se transforment en tribunes pour des annonces symboliques qui ne changent rien au fond des relations franco-africaines. La mémoire des martyrs de Thiaroye ne peut être un outil de blanchiment des crimes coloniaux ou un spectacle destiné à redorer l’image de la France en Afrique.
Pour que cette commémoration ait un véritable sens, elle doit être l’occasion d’actions concrètes : ouverture totale des archives, reconnaissance des responsabilités, excuses officielles, et réparations pour les descendants des victimes. Elle doit également se dérouler sous l’autorité des pays concernés, afin d’être un réel moment de justice mémorielle. Sans ces engagements, même présence de la délégation française apparaîtra comme une provocation, voire une insulte à la mémoire des victimes.
Une mémoire au service de la souveraineté et de la justice
Le massacre de Thiaroye incarne l’injustice coloniale dans toute sa brutalité. Ce quatre-vingtième anniversaire ne peut être réduit à une simple occasion pour la France de réorienter ses relations avec l’Afrique sans assumer ses responsabilités historiques. En prenant en main cette mémoire, le Sénégal montre qu’il est possible de s’affranchir des récits imposés et de construire une souveraineté mémorielle solide.
La France, quant à elle, doit comprendre que son avenir en Afrique ne pourra se dessiner sans une reconnaissance claire et sans réparations concrètes pour les crimes du passé. Thiaroye 44 ne doit pas être un théâtre d’effets d’annonce, mais un tournant vers une justice authentique portée par ceux qui en sont les véritables héritiers.
Liste signataires
- Abdou Aziz Diouf, Professeur titulaire, FSJP, UCAD
- François Joseph Cabral, Professeur titulaire, FASEG, UCAD
- Mouhamed Abdallah Ly, Directeur de recherche assimilé, IFAN, UCAD
- Dr Félix Atchadé, médecin
- Dr Ismaïla Fall, Chimiste
- Mme Olivia Marie Guèye, Informaticienne
- Bado Ndoye, Professeur titulaire, FLSH, UCAD
- Ahmadou Wagué, Professeur titulaire, FST, UCAD
- Mouhamed Abdallah Ly, Directeur de recherche assimilé, IFAN, UCAD
- El Hadji Samba Ndiaye, Professeur assimilé, UCAD
- Oumar Dia, Maître de conférences titulaire, FLSH, UCAD
- Mme Ndèye Aida Dia, Doctorante, ETHOS, UCAD
- Mohamed Lat Sack Diop, Maître de conférences titulaire, EBAD, UCAD
- Mamadou Kabirou Gano, Maître de conférences titulaire, FASTEF, UCAD
-Mor Dièye, Maître de conférences titulaire, EBAD, UCAD
- Thierno Guèye, Maître de conférences assimilé, FASTEF, UCAD
- Dr. El Hadji Séga Guèye, Sociologue
VERS UNE BAISSE DES PRIX DU CARBURANT ET DE L'ÉLECTRICITÉ ?
En réponse aux rumeurs sur une éventuelle hausse des prix du carburant, le ministère de l’Énergie a clarifié la situation. Le gouvernement travaille à la réduction des prix des produits pétroliers et de l’électricité, tout en ciblant mieux les subventions
Le ministère de l’Énergie, du Pétrole et des Mines informe qu’en réponse aux rumeurs évoquant une éventuelle hausse des prix du carburant, le gouvernement travaille activement, en collaboration avec les services compétents sous la tutelle du ministère, pour parvenir à une baisse des prix des produits pétroliers et de l’électricité, ainsi qu’à un meilleur ciblage des subventions. Ces efforts s’inscrivent dans le cadre de l’arrêté conjoint fixant le taux et l’assiette de la redevance de la Commission de Régulation du Secteur de l’Énergie (CRSE).
Le communiqué précise que « les travaux sont bien avancés » et que « les résultats seront partagés dans les meilleurs délais ».
Le ministère a également rappelé la base légale justifiant la signature de l’arrêté en question. Selon le communiqué, cette redevance est instituée par l’article 26 de la loi n° 2021-32 du 9 juillet 2021 portant création, organisation et attributions de la CRSE.
Le décret d’application n° 2022-1593 du 12 septembre 2022 précise que cette redevance a pour objectif de garantir l’autonomie de fonctionnement et l’indépendance de la Commission, à l’instar de pratiques similaires observées dans d’autres secteurs tels que les télécommunications ou l’électricité au niveau régional, notamment avec l’Autorité de Régulation Régionale du Secteur de l’Électricité de la CEDEAO (ARREC).
Le ministère souligne que la redevance a toujours existé et que les opérateurs du secteur de l’électricité s’en acquittent depuis la création, en 1998, de l’ex-Commission de Régulation du Secteur de l’Électricité. L’extension du paiement de cette redevance aux opérateurs des secteurs nouvellement régulés est désormais nécessaire. Cette redevance est conçue pour être équitable et proportionnelle aux activités des acteurs régulés dans les secteurs concernés, à savoir : l’électricité, l’aval des hydrocarbures et l’intermédiaire et l’aval gazier.
En effet, le communiqué rappelle qu’aucun des acteurs détenteurs d’une licence d’importation, de stockage, de transport et/ou de distribution dans l’aval des hydrocarbures et dans les activités intermédiaires et avals gaziers ne s’acquitte de cette redevance, contrairement à ce qui se pratique dans d’autres secteurs. Or, la CRSE veille, entre autres, à garantir leur viabilité financière.
La CRSE précise qu’elle a consulté et informé les acteurs concernés sur les modalités de cette redevance, qui vise à assurer le bon fonctionnement des activités de régulation des secteurs de l’électricité et des hydrocarbures, conformément aux dispositions légales susmentionnées.
DIOMAYE FAYE POSE LA QUESTION DES BASES MILITAIRES FRANÇAISES
Le chef d'État rappelle le poids de l'histoire coloniale dans les relations actuelles entre Paris et Dakar. Il invite à un exercice de perspective en demandant aux Français d'imaginer des soldats sénégalais stationnés sur leur territoire
(SenePlus) - Dans un entretien exclusif accordé à France 2, le président Bassirou Diomaye Faye a abordé la question sensible de la présence militaire française dans son pays, laissant entrevoir un possible retrait des 350 soldats français actuellement déployés sur plusieurs bases à Dakar et ses environs.
Le chef d'État, qui avait fait du départ des troupes françaises l'une de ses promesses de campagne, a développé sa position en utilisant une analogie frappante : "Est-ce qu'en tant que Français, vous envisagez de nous voir dans votre pays avec des chars ou avec des véhicules militaires, des militaires sénégalais avec les tenues sénégalaises ?"
Poursuivant son raisonnement, le président a évoqué le contexte historique pour justifier sa position : "Comme ça, parce que sur le plan historique, la France a esclavagisé, a colonisé et est restée." Il a ensuite invité ses interlocuteurs à un exercice de perspective : "Quand vous inversez un peu les rôles, vous ne concevrez très mal qu'une autre armée, la Chine, la Russie, le Sénégal ou n'importe quel autre pays puisse avoir une base militaire en France."
Interrogé directement sur le départ des soldats français, Bassirou Diomaye Faye a cependant fait preuve de prudence diplomatique, refusant de fixer un calendrier précis : "Il n'y a pas encore de délai de rigueur par rapport à ça et si ça doit être fait, ça sera dit aux autorités françaises qui en auront la primeur et suivant les calendriers établis", a-t-il déclaré à France 2.
LA FRANCE AVOUE ENFIN LE MASSACRE DE THIAROYE
Dans une lettre à Diomaye, Macron qualifie pour la première fois de "massacre" la tuerie perpétrée contre les tirailleurs africains en 1944. Le président sénégalais espère désormais "un engagement total" de la France dans la recherche de la vérité
(SenePlus) - Dans un geste historique, le président Emmanuel Macron reconnaît officiellement le "massacre" de Thiaroye dans une lettre adressée à son homologue sénégalais Bassirou Diomaye Faye, quatre-vingts ans après les événements tragiques du 1er décembre 1944.
Dans une interview exclusive accordée à France 2 ce 28 novembre 2024, le président sénégalais a révélé cette avancée significative : "J'ai reçu aujourd'hui une lettre du président Macron dans laquelle il reconnaît que ce fut en effet un massacre". Dans cette lettre citée par RFI, le chef de l'État français écrit que « la France se doit de reconnaître que ce jour-là, la confrontation de militaires et de tirailleurs qui exigeaient que soit versé l'entièreté de leur solde légitime, a déclenché un enchaînement de faits ayant abouti à un massacre. »
Cette reconnaissance officielle marque un tournant décisif dans l'histoire franco-sénégalaise, après des décennies de silence et de minimisation des faits.
Selon une enquête approfondie du Monde, le drame s'est déroulé à l'aube du 1er décembre 1944, lorsqu'un impressionnant dispositif militaire - comprenant un millier de soldats, trois automitrailleuses, un char et deux blindés - a encerclé le camp où dormaient les tirailleurs africains. L'opération s'est soldée par une fusillade meurtrière contre ces soldats qui réclamaient simplement le paiement de leurs indemnités après avoir servi sous l'uniforme français pendant la Seconde Guerre mondiale.
Le bilan humain de cette tragédie reste controversé. Si les autorités militaires de l'époque n'ont reconnu que 35 morts, l'historienne Armelle Mabon estime le nombre de victimes "entre 300 et 400". Un rapport militaire de l'époque, mentionné par Le Monde, fait état de "508 cartouches tirées" sur une "foule compacte", suggérant "un carnage de grande ampleur".
Le président Bassirou Diomaye Faye voit dans cette reconnaissance une opportunité historique : "Ce pas consistant à reconnaître que c'est un massacre doit ouvrir la porte à une collaboration parfaite pour la manifestation de toute la vérité sur ce douloureux événement de Thiaroye", a-t-il déclaré à France 2. Il souligne cependant que "quelque chose a été caché" et espère désormais "un engagement total" de la France dans la recherche de la vérité.
Cette reconnaissance fait écho aux déclarations récentes de l'ancien président François Hollande qui, dans un entretien à RFI plus tôt cette semaine, avait déjà qualifié les événements de "massacre", précisant qu'il s'agissait d'une "répression à la mitrailleuse" et non d'une simple manifestation qui aurait dégénéré.
La reconnaissance officielle du massacre par Emmanuel Macron intervient alors que de nombreuses zones d'ombre persistent encore, notamment en raison d'archives manquantes ou inaccessibles. Elle marque néanmoins une étape cruciale dans le processus de reconnaissance et de réconciliation entre la France et le Sénégal, ouvrant potentiellement la voie à de nouvelles investigations sur ce chapitre tragique de l'histoire coloniale française.