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29 avril 2025
Diaspora
SONKO APPELLE À UN NOUVEAU MODÈLE DE DÉVELOPPEMENT MADE IN AFRICA
Lors d'une conférence à l'Ucad aux côtés de Jean-Luc Mélenchon, le Premier ministre a lancé un vibrant plaidoyer pour une rupture radicale avec les schémas traditionnels basés sur la dette et la dépendance aux investissements étrangers
Ousmane Sonko a lancé un vibrant plaidoyer pour un modèle de développement entièrement repensé pour l'Afrique, lors de sa conférence publique à l'UCAD aux côtés de Jean-Luc Mélenchon ce jeudi 16 mai 2024. Résolument tourné vers la mobilisation des ressources endogènes, ce projet vise à briser les schémas paternalistes hérités du passé.
"Je n'implique pas tous ces maux qui nous gangrènent à des responsabilités extérieures", a tonné le leader de Pastef. Selon lui, l'ensemble des problèmes qui rongent le continent - détournements de fonds publics, mauvaises politiques - ne peuvent plus être imputés aux partenaires étrangers mais incombent à "l'irresponsabilité des élites" africaines.
Sonko rejette avec force le modèle actuel imposé par "le libéralisme ambiant" qui a relégué les Africains au rang de "marginaux sur leur propre continent". Une croissance extravertie, dépendante des investissements étrangers et d'une dette libellée en devises, qui n'a fait qu'accroître pauvreté et chômage selon ses termes.
Face à ce constat amer, le leader de Pastef prône une rupture radicale : "L'Afrique peut et doit être sa propre locomotive de croissance mondiale". Un développement endogène, tiré par le secteur privé national et les PME dans un cadre juridique stabilisé, avec le soutien d'investissements et de transferts de technologies ciblés des partenaires internationaux.
"Nous avons été élus sur un programme, un projet, une vision", a insisté Sonko, martelant que son équipe appliquera ce "modèle opposé" au système actuel qui n'a fait que perpétuer la marginalisation du continent.
LES GRIEFS DE SONKO CONTRE L'OCCIDENT
"Pourquoi faudrait-il que des problèmes politiques en Afrique soient réglés par les Africains sur commande extérieure, en s'attaquant à des pays frères et à leur population ? Nous ne pouvons pas l'accepter!", a martelé le leader de Pastef
L'Occident et l'Europe, si prompts à donner des leçons de démocratie, semblent avoir un double standard flagrant lorsqu'il s'agit de traiter avec les pays africains. C'est le constat amer dressé par Ousmane Sonko et Jean-Luc Mélenchon lors de leur conférence publique à l'UCAD ce jeudi 16 mai 2024.
Sonko a dénoncé avec force les sanctions et embargos imposés aux pays du Sahel par ces mêmes nations occidentales qui ferment les yeux sur les dérives antidémocratiques quand leurs intérêts économiques sont en jeu. "Pourquoi faudrait-il que des problèmes politiques en Afrique soient réglés par les Africains sur commande extérieure, en s'attaquant à des pays frères et à leur population ? Nous ne pouvons pas l'accepter!", a martelé le leader de Pastef.
L'hôte du leader de la France Insoumise a pointé du doigt "cette ambivalence dans les prises de position" de l'Occident, qui a fini par discréditer celui-ci aux yeux des peuples africains "éveillés" et informés. Selon lui, il est inacceptable que l'Europe négocie du pétrole ou des marchés avec des "régimes non démocratiques" quand cela l'arrange, tout en condamnant sans nuance d'autres pays pour les mêmes travers.
Les deux hommes politiques ont appelé à "refonder" les relations entre l'Afrique et l'Europe, lassés des "tergiversations" et du "deux poids deux mesures" de l'Occident sur le continent. Ils dénoncent une ingérence sélective qui ne fait qu'attiser les rancœurs plutôt que de résoudre les crises.
SONKO DÉNONCE LA COMPLICITÉ COUPABLE DE LA FRANCE DANS LA RÉPRESSION AU SÉNÉGAL
"Mutisme approbateur", "incitation à la répression"... Dans un discours musclé, le président de Pastef a vertement tancé, en compagnie de Mélenchon, l'attitude complaisante de Paris face aux violences qui ont ébranlé la démocratie sous Macky Sall
Lors d'une conférence publique à l'Université Cheikh Anta Diop avec Jean-Luc Mélenchon, leader de la France Insoumise, ce jeudi 16 mai 2024, Ousmane Sonko a vivement dénoncé l'attitude de la France face à la répression sanglante menée par l'ancien régime de Macky Sall contre son parti d'opposition, le Pastef.
Dans un discours cinglant, le dirigeant de Pastef a fustigé le "mutisme approbateur" et la "complicité coupable" du gouvernement français alors que des dizaines de manifestants ont été tués, des milliers blessés et plus d'un millier d'opposants emprisonnés sous le régime précédent.
"Vous n'avez jamais entendu le gouvernement français dénoncer ce qui se passait au Sénégal, vous n'avez jamais entendu l'Union européenne dénoncer ces violences", a martelé M. Sonko, dénonçant le soutien tacite accordé à Macky Sall malgré la répression brutale.
Pire encore, le président Macron a même "félicité" son homologue sénégalais "d'avoir fait ce qu'il fallait pour sauver son pays" au plus fort des violences contre l'opposition démocratique, a rappelé avec amertume le Premier ministre, qui dit se prononcer en qualité de chef de parti, le Pastef en l'occurence.
"C'est une incitation à la répression, une incitation à la persécution et à l'exécution de Sénégalais qui n'avaient comme seul crime que d'avoir un projet politique majoritaire", a cinglé Ousmane Sonko auprès de son hôte Jean-Luc Mélenchon.
Tout en dénonçant les "postures néocoloniales" et la volonté de "l'élite gouvernante française" d'entraver son "discours souverainiste", le président du Pastef a toutefois assuré vouloir "collaborer avec tous les États, y compris la France". Mais ses positions de fermeté face aux ingérences semblent promises à se poursuivre.
Cette prise de parole musclée marque un tournant dans les relations entre Dakar et Paris, au terme d'une période de violences meurtrières ayant profondément ébranlé la démocratie sénégalaise.
MÉLENCHON DÉFEND L'ÉMANCIPATION POPULAIRE
Pour l'homme politique français, la "révolution citoyenne" signifie le contrôle populaire sans instrumentalisation partisane. Elle garantirait souveraineté et indépendance en associant tous les niveaux d'action
Lors d'une conférence publique à l'Ucad ce jeudi aux côtés d'Ousmane Sonko, Jean-Luc Mélenchon a défendu son concept de "révolution citoyenne". Pour lui, cette révolution populaire n'est pas menée par des partis d'avant-garde mais par le peuple lui-même, via son auto-organisation. L'objectif est d'assurer la souveraineté du peuple et le contrôle populaire, deux éléments clés pour garantir l'indépendance et la liberté.
Mélenchon estime qu'un pouvoir issu d'une telle révolution citoyenne ne peut échapper au contrôle des masses. Il partage également avec Sonko l'idée d'une action politique inclusive qui repose sur la complémentarité et la symbiose entre les différents niveaux d'action.
La souveraineté du peuple est l’objectif de la révolution citoyenne.
Le PASTEF a raison : l'action politique n'est pas une injonction, elle doit être inclusive et auto-organisée.
Nous devons réaliser une révolution citoyenne, jusqu’à la victoire, comme celle des Sénégalais. pic.twitter.com/TK6lxlcr0L
MÉLENCHON DÉFEND À DAKAR LE BRASSAGE FÉCOND DES CULTURES
Pour le leader de la France Insoumise, ignorer le lien culturel entre l'Afrique et sa diaspora, c'est se priver de comprendre l'histoire. Les échanges entre les peuples ont permis l'enrichissement mutuel des cultures selon lui
À conférence publique à l'Ucad avec Ousmane Sonko, Jean-Luc Mélenchon est intervenu pour défendre le lien profond qui unit chaque être humain à l'Afrique. Selon lui, l'histoire ne peut être comprise si on rompt ce "cordon ombilical". Il a rappelé que les premières mondialisations sont dues aux migrations humaines, qui ont permis aux sociétés d'accueil "d'apprendre" et à l'humanité de s'enrichir de nouvelles expériences.
Pour Mélenchon, le processus qui a uni les grands royaumes de l'Antiquité doit être compris dans sa "réalité concrète" à travers les échanges entre les hommes qui se "créolisent", mélangent leurs cultures. Face aux courants "racistes et ethnicistes" qui méprisent ces mélanges, il défend la "fécondation de l'humanité par sa migration et sa créolisation".
Un cordon ombilical unit chaque être humain à l’Afrique. Quiconque cherche à le rompre s’interdit de comprendre l’Histoire.
L’Histoire a commencé, s’est déroulée et rebondit aujourd’hui en Afrique par votre révolution citoyenne. pic.twitter.com/QEG17yB3iI
Alors que le Sénégal veut rejoindre les BRICS, Mélenchon y voit une opportunité à saisir. Il a prôné ce jeudi, une alliance entre leurs formations respectives afin de faire émerger de nouvelles propositions pour un monde post-occidental
Lors de leur conférence commune à Dakar, Jean-Luc Mélenchon et Ousmane Sonko ont discuté de la prochine participation du Sénégal aux BRICS et de la nécessité de trouver des alternatives au "maître unique" représenté par l'Occident.
Mélenchon a salué cette décision tout en mettant en garde contre une "passion aveuglée". Il a ensuite proposé que la France Insoumise et le parti sénégalais Pastef s'unissent pour "mettre en place une sorte de forum" visant à "faire des propositions pour un nouvel intermondialisme".
Selon le leader de la gauche radicale française, seul un mouvement mobilisant peuples et opinions publiques pourra imposer de véritables changements sur des enjeux comme la responsabilité sociale et environnementale des multinationales.
Les BRICS émergent face aux anciens maîtres du monde.
Chaque pays compte dans la réinvention du monde.
Le Pastef et LFI peuvent mettre en place un forum pour un nouvel altermondialisme, pour une Humanité citoyenne et intervenante. pic.twitter.com/yy0EV9ML7Q
Le leader de la France Insoumise s'entretient avec le public à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar ce jeudi 16 mai 2024 en compagnie du Premier ministre et président du Pastef
Le leader de la France Insoumise s'entretient avec le public à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar ce jeudi 16 mai 2024 en compagnie du Premier ministre et président du Pastef.
À L'UCAD, MÉLENCHON SONNE L'ALARME EN FAVEUR DU SAVOIR
Devant un parterre d'étudiants, le leader de LFI a plaidé pour faire du savoir un "bien commun" à l'image de l'air ou de l'eau. Il a appelé à "libérer le savoir des chaînes de l'argent et de l'impérialisme"
Lors d'une conférence publique à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar ce jeudi, Jean-Luc Mélenchon, accompagné du Premier ministre Ousmane Sonko, a plaidé pour faire du savoir un "bien commun" accessible à tous, à l'image de l'air ou de l'eau.
Le leader de la France Insoumise a appelé à "libérer le savoir des chaînes de l'argent, de l'impérialisme et de la propriété exclusive", estimant qu'il fallait une "action politique" pour y parvenir. Il a souligné l'enjeu futur que représentait la scolarisation et la formation des "850 millions" de personnes qui devront être logées en Afrique d'ici 2050.
Pour Mélenchon, "sans savoir, il n'y a pas d'issue à la crise" que traverse l'humanité, qu'il analyse comme une "crise du contrôle des citoyens sur leur société". Face au changement climatique, devenu "irréversible", il a invité à "inventer tout de là jusqu'à z de la nouvelle condition humaine" d'ici la fin du siècle.
Par l'action politique, il faut libérer le savoir des chaines de l'argent, de l'impérialisme.
Par millions, il faut scolariser la jeunesse et l’amener jusqu'à l'enseignement supérieur, où vous vous trouvez aujourd'hui.
Après les déclarations outrées sur le carnage foncier et les délires des «lanceurs d’alerte» sur le pillage de la République, on attend impatiemment la vérité sur le «complot d’Etat» qui nous a valu tant d’émotions
Hier, le 15 mai 2024, la République, soigneusement, évite de commémorer le 31ème sinistre anniversaire de l’assassinat de Maître Babacar Sèye, alors vice-président du Conseil constitutionnel.
En effet, il n’y a pas de quoi pavoiser : le vice-président du Conseil constitutionnel, alors qu’il rentre un samedi après une journée que l’on devine chargée, est abattu par une bande de sbires que les enquêteurs ne mettent pas longtemps à identifier. Il y a, dans le lot, un certain Clédor Sène, le plus fort en thème, plus grande gueule qu’autre chose, Pape Ibrahima Diakhaté et Assane Diop.
Ils se font remarquer tout ce temps-là comme des proches du pape du «Sopi». Assane Diop, un ancien militaire, est de la garde rapprochée de Ousmane Ngom, le bras droit d’alors de Maître Wade.
Déjà en 1988, alors que Wade est en prison pour diverses atteintes à la stabilité nationale dont la sûreté de l’Etat, après que quelques bombes explosent et qu’une «Armée du peuple» en revendique la paternité, la police en arrête les auteurs, au rang desquels on retrouve Clédor Sène. Après avril 1991, au nom de la réconciliation nationale et de l’entrisme de Wade et sa bande de casseurs dans un «gouvernement de majorité présidentielle élargie», une amnistie est décrétée par Diouf. Dans le lot, des séparatistes casamançais, et les poseurs de bombes de 1988 qui commencent à grogner drôlement depuis la prison et attendent d’être jugés.
Il faut dire qu’un an auparavant, le vrai maître du pays, Jean Collin, quitte la scène publique et prend une retraite méritée. C’est sans doute depuis lors que la République ne sait plus se faire respecter.
Arrivent les élections de 1993, qui ne sont plus couplées. Diouf remporte la Présidentielle les doigts dans le nez, mais lorsque surviennent les législatives, ça se corse. Un interminable contentieux pousse le président du Conseil constitutionnel d’alors, Kéba Mbaye, que l’on considère comme «le père du Code électoral consensuel», à remettre sa démission.
Officiellement, il dit reconnaître sa responsabilité dans le désordre ambiant. Officieusement, on parle de menaces anonymes d’attentats visant sa marmaille. Youssou Ndiaye, un des quatre autres magistrats qui se dévouent alors pour enfanter le «Code électoral consensuel», le remplace au pied levé.
On attend alors avec impatience les résultats des Législatives, agrémentés par le va-et-vient de Andrésia Vaz qui préside la Commission nationale de recensement des votes où se déroule, comme dirait l’autre, «le cérémonial chinois de l’administration de preuves, où il faut prouver les virgules, les points-virgules et même les soupirs». On n’est pas loin des 15 heures, ce 15 mai 1993, lorsque tombe la nouvelle : le vice-président du Conseil constitutionnel, Maître Babacar Sèye, vient d’être abattu.
Les enquêteurs ne mettent pas longtemps pour arrêter les coupables. Devant les gendarmes, sans qu’on ne le force vraiment, Clédor Sène se révèle bavard : ce sont des responsables du Pds les commanditaires du meurtre. Ses pontes défilent à la gendarmerie et font de la garde à vue. Dans les couloirs du Palais présidentiel, la dissolution du Pds est évoquée. Et puis, un beau jour, ô surprise, on découvre dans la presse privée, le «complot d’Etat». Clédor Sène, encore lui, depuis la prison, parvient à faire fuiter une lettre dans laquelle il retourne sa veste : ce serait le Premier ministre d’alors le vrai commanditaire du meurtre, avec des intermédiaires à trouver dans les rangs socialistes. Dans l’opinion, c’est clair comme de l’eau de roche : Maître Babacar Sèye est mort, on ne sait où, tué par on ne sait qui, avant d’être placé dans sa voiture avec la complicité du chauffeur et du garde du corps. Clédor Sène et sa bande ne sont là que pour faire joli : ces lampistes simulent tout juste un attentat sur la Corniche, à l’entrée de l’avenue des Ambassadeurs.
Pourquoi souriez-vous ?
Wade et sa bande, désignés comme les commanditaires, sont blanchis par… le juge Cheikh Tidiane Coulibaly.
Le même juge qui siège au Conseil constitutionnel et que le PDS accuse de corruption passive lors de la Présidentielle de 2024. Il aurait fait annuler en 1993 la procédure pour cause d’aveux extorqués sous la torture. Lorsque Wade retourne à la soupe gouvernementale, en 1995, il en fait son directeur de Cabinet.
Le monde est petit.
Après le 19 mars 2000, lorsque le «Sopi» arrive aux affaires, certains esprits chagrins se disent que la plus sulfureuse des énigmatiques affaires d’Etat va enfin trouver son épilogue et que les commanditaires de l’affaire Babacar Sèye vont être démasqués et pendus haut et court sur la place publique.
On attendra en vain. En lieu et place, on assiste à l’élargissement des assassins qu’une Cour d’assises en 1994 condamne à de lourdes peines, en même temps que des Moustarchidines, auteurs des émeutes du 16 février 1994 qui coûtent la vie à six policiers. Une loi, dénommée Ezzan, est votée dans la foulée pour gommer cette ignominie des tablettes de notre Histoire.
Mais la leçon est retenue : être pris la main dans le sac et accuser l’Etat de comploter, ça peut sauver des fesses…
Il faudra attendre février 2021 pour en avoir la plus belle illustration. Lorsqu’une jeune inconnue, Adji Raby Sarr, masseuse à Sweet Beauté, sort de nulle part pour accuser de viols répétés Ousmane Sonko, le leader du parti Pastef. L’opposant surfe alors sur la vague du succès après un score de 15% à la présidentielle de 2019. Le Pros, comme l’appellent ses ouailles, est la figure montante de l’opposition, Idrissa Seck, le challenger de Macky Sall, ayant choisi de transhumer contre un strapontin au Cese.
Il est formel : c’est un complot d’Etat pour éliminer le favori de la Présidentielle de 2024. Tout le monde est impliqué… On y distingue dans le désordre, des magistrats, des avocats, des ministres, des militaires, des gendarmes, des policiers, de rancuniers hauts fonctionnaires véreux et leur cohorte de journalistes corrompus et, enfin, le président de la République et sa distinguée épouse.
Sur les réseaux sociaux, ça se lâche : pour ses inconditionnels, le monde entier est suspecté de barrer la route au futur président Ousmane Sonko de manière déloyale, comme cela s’est passé avec Karim Wade et Khalifa Sall, des enfants de chœur victimes du cynique «mackyavélisme» dominant.
Sauf que lui ne se laisse pas faire, et depuis sa forteresse de Ziguinchor, lance le «gatsa-gatsa» à la tête de ses troupes dont certains sont dangereusement armés de lance-pierres pour prendre d’assaut le Palais de l’avenue Léopold Sédar Senghor…
C’est près de Koungheul que la gendarmerie met fin à ce triste cirque qui dénombre tout de même, l’un dans l’autre, près de quarante morts dont deux enfants calcinées dans un car de transport en commun, des blessés et de considérables dégâts matériels. On le ramène chez lui où il est consigné près de deux mois avant d’être arrêté pour un «vol de portable» qu’accompagne un cortège d’accusations gravissimes dont l’atteinte à la sûreté de l’Etat.
Dans l’opinion, ça se demande de quoi sera faite une Présidentielle sans Ousmane Sonko ni Macky Sall, alors que le parti Pastef est dissous. Les plans B, C, D et même E se bousculent dans la tête des analystes politiques. Lorsque la candidature de Bassirou Diomaye Faye passe par un trou de souris pour être validée par le Conseil constitutionnel, ça pavoise déjà : «Diomaye, c’est Sonko !»
Et puis, c’est le coup de théâtre : Macky Sall freine le processus électoral pour, selon ses dires, se donner le temps d’organiser une présidentielle «inclusive», avec Karim Wade et Ousmane Sonko. Et sans doute lui-même.
Les juges constitutionnels le ramènent à la raison. Et, à la fin, c’est Diomaye qui est élu…
C’est sans doute le moment de retenir son souffle : après les déclarations outrées sur le carnage foncier et les délires des «lanceurs d’alerte» sur le pillage de la République, on attend impatiemment la vérité sur le «complot d’Etat» qui nous a valu tant d’émotions.
En attendant, depuis peu, quarante fantômes tiennent compagnie à Maître Babacar Sèye dans la salle des pas perdus…
par Fatoumata Bernadette Sonko
UN SIÈCLE DES FEMMES SANS LES SÉNÉGALAISES ?
La toponomie, qui reflète une reconnaissance symbolique, immortalise les hommes et enterre les femmes. Masculine et coloniale, elle les efface de notre mémoire collective. Ainsi a été conçu et perpétué un imaginaire difficile à déconstruire
La logique quantitative de la sous-représentation des femmes dans les instances décisionnelles domine le débat au Sénégal : 4 femmes ministres sur 30 membres du nouveau gouvernement, soit 13% pour 49,6% de la population. La même tendance s’observe avec les nominations hebdomadaires du Conseil des ministres pour les principaux postes décisionnels. En somme, un sevrage brutal, suivi d’un régime draconien, digne d’un « programme d’ajustement structurel » au féminin. Au-delà de l’indignation collective, cette minorisation des femmes interpelle et fait réfléchir sur ses origines, la construction idéologique qui la sous-tend et ses structures de légitimation.
Bâtie sur des fondements patriarcaux, notre société perpétue le processus d’ostracisation des femmes non seulement depuis la « déterritorialisation » occasionnée par l’arrivée des religions du Livre et la colonisation, mais aussi la poursuite de cette exclusion par les autorités sénégalaises à partir de 1960. On comprend mieux pourquoi des interprétations conservatrices des préceptes religieux sont encore mises en avant pour essayer de justifier la relégation des femmes dans la catégorie des « cadets sociaux ».
Dans les sociétés négro-africaines adossées aux logiques du matriarcat telles que définies par Cheikh Anta Diop dans L'Unité culturelle de l'Afrique noire (1959), les femmes participaient à toutes les instances de pouvoir politique, social et même religieux au sein de la famille et de la communauté. La division sexuelle du travail ne reposait ni sur une hiérarchie, ni sur une oppression d’un sexe par l’autre. Il existait « un dualisme harmonieux, une association acceptée par les hommes et les femmes où chacun s’épanouit pleinement en se livrant à l’activité qui est la plus conforme à sa nature physiologique » (p. 114).
Le système colonial a déstructuré cette organisation sociale et politique en arrimant la place des femmes à une logique patriarcale. Les colonisateurs portaient un regard spéculaire sur les Africaines à l’image des femmes de leur pays qui avaient un statut de mineure et étaient sous la dépendance des hommes (père, frère, mari et fils). En imposant l’hégémonie masculine, l’État colonial a dépossédé les femmes. C’est ainsi que la loi foncière de 1904, qui attribue toute propriété au chef de famille, c’est-à-dire le mari, seul propriétaire des biens, a réduit leurs conditions d’accès à la terre. Dans le domaine de l’éducation, l’École normale de filles n’a été mise en place qu’en 1939, vingt ans après celle des garçons, pour les initier à des métiers subalternes. Pour mieux écarter les femmes de la vie politique décisionnelle, l’administration coloniale a ostensiblement ignoré leur pouvoir traditionnel, leurs chefferies et leurs prêtrises. L’idéologie patriarcale a servi de pivot à la politique coloniale et à ses relations avec les différentes aristocraties locales, puis avec les milieux maraboutiques.
À l’Indépendance, en 1960, les nouvelles autorités héritent des valeurs infériorisant les femmes, les perpétuent à travers les institutions et prolongent le « contrat social sénégalais » - expression que nous empruntons à Donal Cruise O’Brien - avec les chefs confrériques. Engagées en première ligne dans la lutte pour la décolonisation et l’émancipation du pays, les Sénégalaises n’ont pas vu leur situation changer. Au contraire, elles étaient encore confinées et orientées par le pouvoir des hommes (politique, syndical, législatif) dans des espaces discursifs réduits (mouvements de femmes, associations féminines).
Taillé sur mesure par et pour les hommes, le Code de la famille (1972) ne fait que cristalliser l’assujettissement des femmes. L’essentiel de ses dispositions leur sont défavorables. Par exemple dans le cadre du mariage, le mari est reconnu comme le seul chef de famille (art. 152, CF), l’autorité, celui qui choisit exclusivement la résidence conjugale (Art. 153, CF) et exerce la puissance paternelle (art. 277, CF). En cas de divorce, les femmes peuvent même être condamnées à payer une pension alimentaire pour leurs enfants quand la garde est attribuée au père. La mère, même si elle participe à l’entretien du ménage et à l’éducation des enfants communs, ne peut pas bénéficier des suppléments pour charge de famille. « Ces charges pèsent à titre principal sur le mari » (art. 375, CF).
La socialisation différenciée par une stratification liée au sexe fabrique des attentes différentes. Les filles sont éduquées à rendre service aux autres et à conjuguer au quotidien les verbes « Plaire, Avoir et Satisfaire », des P.A.S à assimiler systématiquement pour entrer dans le schéma social et œuvrer pour leur réussite conjugale. Elles doivent se prévaloir d’une « langue courte » renvoyant à un silence construit et validé par la société, avoir des « pas courts » pour ne pas franchir l’espace assigné qu’avec une autorisation masculine et un « regard court » qui ne questionne pas les fondements de leur subordination. Étroitement surveillées, elles subissent, à chaque étape de leur vie, les contrôles d’une société panoptique, au sens foucaldien. Une surveillance qui contraste avec celle des garçons encouragés à monopoliser l’espace, à le conquérir, à y bâtir et conserver leur réussite professionnelle.
L’école, une passerelle qu’empruntent plusieurs générations, exclut les femmes des pages de l’histoire. De fines traces apparaissent dans les manuels scolaires pour mieux les occulter, voire les oublier. L’oralité, « moyen d’expression féminine par excellence », est négligée.
La toponomie, qui reflète une reconnaissance symbolique, immortalise les hommes et enterre les femmes. Masculine et coloniale, elle les efface de notre mémoire collective.
Les représentations véhiculées par les médias accordent plus de visibilité et de poids aux hommes. Ce miroir déformé, qui n’est qu’une réplique réflexive de la configuration sociale, renforce l’invisibilité et l’inaudibilité des femmes dans les sphères décisionnelles. Ainsi a été conçu et perpétué un imaginaire difficile à déconstruire.
Aussi, cette somme de facteurs, entre autres, entrave-t-elle les fragiles avancées des droits acquis par les femmes. Et, sans un changement d’imaginaire social, nommer des femmes à des postes de « visibilité » ne permet pas de briser les stéréotypes solidement ancrés dans les mentalités. La loi sur la parité ne bouleverse pas le système d’inégalité dénoncé et ne change pas, non plus, la réalité sociologique. Il ne suffit pas de changer la culture politique, mais les soubassements de pratiques culturelles qui les marginalisent. Il urge, donc, de s’attaquer aux fondements des structures sociales basées sur des privilèges et des curricula masculins.
La rupture prônée par le gouvernement, qui met l’accent sur le bien-être social de tous les Sénégalais, commence par la famille et dans la famille. Les femmes en constituent le socle, le « poteau mitan ». Pour atteindre ce bien-être, elles doivent être au cœur du « Projet ». Leur mise à l’écart est une reconnaissance a minima de leur central rôle communautaire.
Le débat sémantique sur l’appellation du ministère de la Famille à la place du ministère de la Femme ne doit pas s’embourber dans des raccourcis de pensée. Il doit aller au-delà de ce clivage pour apporter des réponses diversifiées et conjuguées aux préoccupations quotidiennes de toutes les femmes comme la sécurité, l’adaptabilité des services publics et du transport en commun, l’accès au foncier et aux crédits, l’encadrement du travail des employées domestiques, la prise en charge par l’État des traitements de fertilité pour les couples en difficulté de procréation, les congés de maternité pour toutes, etc.
La redéfinition des luttes à partir d’un schéma endogène est une priorité pour éviter le piège d’un féminisme médiatique communiquant à tout va, un féminisme sans boussole, ni colonne vertébrale qui emprisonne les femmes.
Le rapport au pouvoir des femmes ne doit pas se résumer en une énumération quantitative de leur présence dans les instances décisionnelles ou se limiter à la parité en termes de représentativité politique. Ces tendances conjoncturelles ont aussi montré leurs limites.
La sous-représentation des femmes, qui régit tous les compartiments de la vie sociale, au-delà d’un sémantisme construit, n’est qu’un continuum. Elle est politique et l’engagement politique en est l’antidote. C’est dans l’arène politique, lieu d’exercice du pouvoir, que les femmes doivent mener le combat pour faire bouger les lignes, s’en approprier comme un lieu de libération malgré le coût social élevé du billet d’entrée, refuser de servir « d’escaliers » aux hommes et assumer leur leadership au lieu d’attendre des substituts de reconnaissance pour se débarrasser de leur « mussoor de verre ».
Fatoumata Bernadette Sonko est Enseignante-chercheure, CESTI-UCAD.