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25 avril 2025
Femmes
LE DOUBLE VISAGE DE JUAN BRANCO
L'avocat de 35 ans, figure médiatique des mouvements contestataires, fait l'objet d'une enquête pour viols et agressions sexuelles. Quatre femmes témoignent aujourd'hui d'actes qui se seraient déroulés entre 2017 et 2021
(SenePlus) - Dans une enquête publiée le 13 décembre 2024, le quotidien français Libération lève le voile sur une affaire qui secoue le milieu judiciaire parisien. Juan Branco, avocat de 35 ans connu pour ses engagements médiatiques et ses positions controversées, fait face à de graves accusations de viols et d'agressions sexuelles portées par quatre femmes pour des faits survenus entre 2017 et 2021.
L'avocat triplement mis en examen s'était fait connaître du grand public lors du mouvement des gilets jaunes, devenant une figure de proue de la contestation contre le pouvoir macroniste. Conseil de Julian Assange et auteur d'ouvrages critiques du système, dont "Crépuscule", il s'était forgé une image de défenseur des opprimés et de pourfendeur des élites.
Les récits recueillis par Libération dessinent un mode opératoire similaire. Marie, l'une des premières à témoigner, décrit une rencontre qui commence par des échanges intellectuels avant de basculer dans l'horreur. "J'étais naïve, j'ai cru à une discussion intellectuelle, je n'ai pas vu la drogue", confie-t-elle. Son témoignage fait état d'une soirée qui dégénère rapidement, où elle se retrouve piégée dans une situation qu'elle n'a pas choisie.
Charly, une autre victime présumée, rapporte une agression lors d'une projection en novembre 2017. Après une soirée au Mikado, une boîte du XVIIe arrondissement parisien, elle décrit des comportements inappropriés et des tentatives d'embrassements forcés. "Il a tenté un embrassement plusieurs fois sur la bouche sans prévenir", témoigne-t-elle.
Une stratégie d'intimidation sophistiquée
L'enquête met en lumière un aspect particulièrement troublant : l'utilisation des réseaux sociaux comme outil d'intimidation. Après le dépôt des plaintes, les victimes présumées ont fait l'objet d'une campagne de cyberharcèlement méthodique. Photos, données personnelles, commentaires dégradants : tout a été utilisé pour tenter de les décrédibiliser et les faire taire.
Sous la plume de l'écrivain, l'une des femmes témoigne de cette stratégie d'intimidation en ligne : "On n'est jamais préparée à vivre un viol. C'est terrifiant de voir quelqu'un que vous avez idolâtré pendant des années se transformer en prédateur sexuel face à vous."
Face à la gravité des accusations, la justice s'est saisie de l'affaire. Le conseil de l'ordre du barreau de Paris a prononcé en octobre 2024 une suspension d'activité de trois ans contre l'avocat. Une information judiciaire a été ouverte, et les investigations se poursuivent sous l'autorité d'un juge d'instruction.
Les témoignages recueillis révèlent des traumatismes profonds. Louise, l'une des plaignantes, évoque un "black-out" et des souvenirs fragmentés : "J'ai refait le calcul de ce que j'avais bu, cela n'expliquait pas mon black-out. À ce moment-là, j'ai pensé qu'un mec avait mis un truc dans le verre. Je crois que c'était lui."
Un système bien rodé
Les enquêteurs ont relevé des similitudes troublantes dans les différents témoignages. Les rencontres se déroulaient souvent dans un contexte professionnel ou militant, suivies de moments en tête-à-tête où la situation dérapait. Les victimes présumées décrivent toutes un sentiment de confusion et d'impuissance face à un homme qu'elles admiraient initialement.
Cette affaire s'inscrit dans un contexte plus large de libération de la parole autour des violences sexuelles, particulièrement dans les milieux intellectuels et militants. Elle soulève des questions importantes sur les dynamiques de pouvoir et l'utilisation des réseaux sociaux comme outil de représailles contre les victimes qui osent parler.
Juan Branco, qui bénéficie de la présomption d'innocence, n'a pas souhaité répondre aux sollicitations de Libération. Son silence contraste avec sa présence médiatique habituelle et soulève de nombreuses interrogations. L'enquête se poursuit, tandis que d'autres victimes potentielles pourraient encore se manifester.
NEUF ANS, ENCEINTE ET SANS ISSUE
La petite Awa porte aujourd'hui l'enfant de son violeur, un maître coranique respecté de tous. Son cas n'est malheureusement pas isolé au Sénégal, où les viols d'enfants se multiplient dans l'indifférence des autorités
(SenePlus) - L'affaire relance le débat sur l'avortement thérapeutique. À Joal-Fadiouth, située à 100 kilomètres au sud de Dakar, une fillette de 9 ans attend un enfant après avoir été violée par son maître coranique. Une situation dramatique qui, selon Le Monde, met en lumière les défaillances du système judiciaire sénégalais et le silence assourdissant des autorités face aux violences sexuelles.
Le drame s'est noué dans le cadre de cours coraniques particuliers. L'agresseur présumé, Aliou S., un homme quadragénaire veuf et père de famille, jouissait d'une excellente réputation dans le quartier. "Tout le monde avait confiance en lui. Des adultes allaient apprendre la religion à son domicile", témoigne dans le quotidien français Souleymane Barry, le père d'Awa (pseudonyme).
Le calvaire d'Awa n'a été découvert qu'après quatre mois d'abus. Selon le commandant-major Diabang de la gendarmerie de Joal-Fadiouth, cité par Le Monde, l'agresseur "lui faisait boire une eau qu'il disait bénite pour améliorer la mémoire de l'enfant. Une fois droguée, il la violait."
Cette affaire n'est malheureusement pas isolée. L'Association des juristes sénégalaises (AJS) rapporte que "sur 331 victimes de viol recensées en 2022, 43% avaient entre 4 et 14 ans". Plus inquiétant encore, selon un rapport de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) cité par le journal du soir, le Centre de guidance infantile et familiale de Dakar a comptabilisé "97 cas de viols ou d'incestes sur mineures et 21 cas de viols suivis de grossesse, avec une moyenne d'âge de 11 ans" sur la seule période 2016-2017 dans la région de Dakar.
Face à ce drame, les nouvelles autorités sénégalaises, élues en mars, restent muettes. Malgré la signature du protocole de Maputo en 2004, qui prévoit l'autorisation de l'avortement dans les cas extrêmes, aucun gouvernement n'a osé légiférer sur la question, craignant les pressions religieuses. Certaines organisations, rapporte Le Monde, vont jusqu'à dénoncer l'avortement comme une pratique "importée de l'Occident" contraire aux "valeurs africaines".
Pour Awa et les autres victimes, le calvaire est double. Non seulement l'avortement leur est interdit, mais elles ne bénéficient d'aucun suivi psychologique. La famille Barry doit également faire face aux difficultés financières et à la stigmatisation sociale. "Les gens disent que c'est de ma faute si elle est enceinte. Ils viennent jusqu'ici pour me faire des reproches. Alors j'ai peur de sortir", confie la mère au Monde.
Malgré tout, la jeune fille tente de garder espoir : "Je ne veux pas que ça m'empêche d'étudier. Mon rêve a toujours été de devenir sage-femme pour aider les femmes pauvres à accoucher", déclare-t-elle au quotidien français.
L'agresseur, qui a reconnu les faits devant la foule et la gendarmerie, encourt la réclusion à perpétuité. Mais pour de nombreuses militantes féministes citées par Le Monde, le véritable enjeu reste l'évolution de la législation sur l'avortement, alors que ces délits représentent "la deuxième cause d'incarcération des femmes et des filles au Sénégal, après le trafic de stupéfiants."
DOCTORAT HONORIS CAUSA DECERNE A BINETA DIOP
Bineta Diop, Présidente Fondatrice de l’ONG Femmes Africa Solidarité a reçu le Doctorat Honoris Causa de la Faculté des sciences humaines de « University of the Free State » au Campus Bloemfontein en Afrique du Sud.
Bineta Diop, Présidente Fondatrice de l’ONG Femmes Africa Solidarité a reçu le Doctorat Honoris Causa de la Faculté des sciences humaines de « University of the Free State » au Campus Bloemfontein en Afrique du Sud. Ce doctorat honorifique de « University of the Free State » est la troisième décernée à Bineta Diop et vient couronner le travail accompli dans la consolidation de la paix et la résolution des conflits pendant des décennies en Afrique.
L’envoyée spéciale du Président de la Commission de l’Union Africaine pour les Femmes, la Paix et la Sécurité s’est impliquée dans les zones de conflits en Afrique et a fondé l’Ong Femmes Africa Solidarité (FAS) dans le but de renforcer et promouvoir le rôle de leadership des femmes dans la prévention, la gestion et la résolution des conflits en Afrique.
PLUS DE 25% DES FEMMES JOURNALISTES VICTIMES DE VIOLENCES PHYSIQUES ET SEXUELLES
Aucun secteur d’activité n’est épargné par les violences faites aux femmes et aux filles. Dans le milieu des médias, c’est plus de 25% des femmes journalistes qui sont victimes de violences physiques et sexuelles.
Aucun secteur d’activité n’est épargné par les violences faites aux femmes et aux filles. Dans le milieu des médias, c’est plus de 25% des femmes journalistes qui sont victimes de violences physiques et sexuelles.
Les violences basées sur le genre ont toujours existé mais elles se sont accentuées avec l’avènement des réseaux sociaux. Michel Kenmoe, conseiller Afrique de l’Ouest pour la communication et l’information, chef secteur communication et information UNESCO qui faisait une présentation sur les violences faites aux femmes et aux filles facilitées par les technologies émergentes avec un focus sur les femmes journalistes lors du forum de Remapsen, estime que les femmes journalistes qui ont participé à l’enquête réalisée par l’Icfj et l’Unesco disent avoir été victimes de plusieurs formes de violences en ligne. Il s’agit de menaces, d’agressions sexuelles et physiques, de propos injurieux, de harcèlement via la messagerie privée, de menaces visant à salir leur réputation professionnelle ou personnelle, des atteintes à la sécurité numérique, de la manipulation trompeuse d’images et du chantage financier. «Parmi elles, 25% ont été confrontées à des menaces de violences sexuelles, 25% à des menaces de violences physiques. Mais 13% de ces femmes journalistes disent aussi avoir reçu des menaces de violence à l’encontre de leurs proches. 4% déclarent s’être absentées de leur travail de crainte que les agressions en ligne ne se propagent hors ligne», révèle-t-il. A l’en croire, la majeure partie de ces agressions est facilité par la technologie qui peut prendre plusieurs formes, que ce soit l’intelligence artificielle, l’usage des drones, des logiciels espions, du cyberharcèlement «qui consiste à utiliser l'Internet ou d'autres moyens numériques pour harceler une personne, que ce soit les abus basés sur l'image, mais également l’utilisation des caméras et le contrôle coercitif numérique», indique-t-il. Cependant, affirme Michel Kenmoe, il y a des cas où des partenaires font recours aux technologies pour pouvoir contrôler, pour pouvoir menacer l'autre ou encore les cas de violences basées sur des préjugés, qui sont assez répandues.
M. KENMOE : «DES FEMMES JOURNALISTES ONT SOLLICITE UNE AIDE MEDICALE OU PSYCHOLOGIQUE POUR SURMONTER LE CHOC»
Toutefois, indique M. Kenmoe, «13% de ces femmes journalistes ont décidé de ne pas se laisser faire en renforçant leur sécurité physique à la suite de violences en ligne. Certaines de ces femmes, pour éviter les violences en ligne, pratiquent l’autocensure sur les réseaux sociaux. Elles sont 20% à éviter toute forme d’interaction en ligne et 18% à s’abstenir de tout échange avec leur public». D’après le chef du service communication information à l’Unesco, Michel Kenmoe, les violences en ligne exercées contre les femmes journalistes causent un grave préjudice psychologique, en particulier, lorsqu’il s’agit d’actes qui se répètent et se prolongent. « En effet, l’impact des violences en ligne le plus cité par les femmes journalistes ayant répondu à l’enquête concerne la santé mentale. Nombre d’entre elles disent avoir sollicité une aide médicale ou psychologique ou pris un congé pour surmonter le choc qu’elles ont subi», révèle-t-il. En outre, il souligne que les violences en ligne ne sont pas cantonnées à l’univers numérique. « Elles se déversent également hors ligne, ouvrant des blessures tant physiques que psychologiques», souligne Michel Kenmoe.
LOI SUR LA PARITÉ, UN TEXTE INTERPRÉTÉ AU GRÉ DES INTÉRÊTS POLITIQUES
Le leadership féminin en politique est-il tributaire de celui des hommes ? C’est à cela que ressemble le coup de théâtre qui vient de se jouer, le 2 décembre dernier, lors de l’installation de l’Assemblée nationale composée de 41% de femmes
Le groupe parlementaire Takku Wallu Sénégal se voit privé d’un poste de vice-président pour non-respect de la parité. Pourtant, il leur suffisait de présenter une femme ou au groupe Pastef de reconstituer la composition de sa liste pour se conformer à la législation en vigueur. il faut aussi relever que, dans plusieurs cas, la justice a été obligée d’intervenir pour faire respecter cette disposition.
Le leadership féminin en politique est-il tributaire de celui des hommes ? C’est à cela que ressemble le coup de théâtre qui vient de se jouer, le 2 décembre dernier, lors de l’installation de l’Assemblée nationale composée de 41% de femmes. Il s’est déroulé le 2 décembre dernier lors de la première session de la nouvelle législature. En effet, faute de présenter une femme au poste de huitième vice-président de l’Assemblée nationale, le seul groupe parlementaire de l’Opposition Takku Wallu s’est vu privé d’un siège qui, pourtant, lui revenait de droit. En conséquence, le groupe de la majorité a décidé de s’accaparer du poste en présentant une femme.
Dans un hémicycle éminemment politique, les deux groupes parlementaires se sont donnés en spectacle en se rejetant la balle. Ils s’accusent mutuellement de violation des dispositions de la loi de 2010 sur la parité. « Le poste de vice-président que nous avons, nous le tenons de la loi. Nous avons fait notre proposition pour le poste de vice-président. Il vous revient d’en prendre acte quelles que puissent être les conséquences. La proposition a été bien faite et bien pensée avant de la faire. Nous vous demandons de la soumettre au vote », a déclaré la présidente du groupe parlementaire Takku Wallu.
Dans sa réplique, le chef de file de la majorité présidentielle à l’Assemblée nationale rétorque : « Nous avons déposé notre liste en respectant la parité. Nous avons demandé à nos collègues de déposer leur candidature. Mais, je ne sais pourquoi ils s’obstinent à proposer une candidature qui ne respecte pas la parité. Il y a une réelle volonté de bloquer les travaux de l’Assemblée nationale. Si vous continuez à bloquer les travaux de l’Assemblée nationale, la majorité va présenter une candidature pour compléter le bureau ». Dans la foulée, le groupe de l’opposition qui a boudé les travaux de la plénière a annoncé un recours devant la justice pour amener l’Assemblée nationale à se conformer à la loi.
Mais derrière cette polémique de non-respect de la parité se cache un réel problème de reconnaissance du leadership politique féminin. En effet, à l’Assemblée nationale, l’article 14 du règlement intérieur qui traite de l’élection des membres du bureau est sujet souvent à des interprétations avec des connotations politiques. Il ressort de cet article que : « Les vice-présidents, les secrétaires élus et les questeurs sont élus au scrutin de liste pour chaque fonction respectant la parité homme-femme, conformément aux dispositions de la loi 2010- 11 du 28 mai 2010 »
Mais, dans la pratique parlementaire, la parité semble ne tenir que d’un seul registre homme-femme et jamais l’inverse. Et pour preuve, le débat sur la parité qui se pose très régulièrement à l'Assemblée nationale. Les tenants du Parlement ont tendance à sortir le président de l’Assemblée nationale du champ d’application de la loi sur la parité. Ils font souvent une dichotomie entre le président de l’Assemblée nationale élu pour toute la législature et les membres du bureau élus pour la durée de la législature, c’est-à-dire un renouvellement par an. « C’est une erreur de penser que la parité ne s’applique qu’à partir de l'élection des vice-présidents », estime Me Mamadou Diouf, Doctorant en droit public dans une tribune publiée dans les médias. Le président de l’Assemblée nationale, ajoute-t-il, étant membre du bureau, doit avoir une première vice-présidente à la place du sieur Ismaila Diallo. « Cette mauvaise interprétation qui voudrait écarter le chef de l’institution de l’application de la parité est balayée constamment par la jurisprudence sénégalaise. La lecture de l’article 1er de la loi de 2010, le bureau de l’Assemblée nationale y compris le Président(voir l’article 13 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale), doit être intégralement et alternativement composé d’un homme et d’une femme. Mieux, le décret n°2011-819 du 16 juin 2011 portant application de la loi sur la parité, en son article 02, énumère l’Assemblée nationale, son bureau et ses commissions parmi les institutions dans lesquelles la parité doit être respectée », a-t-il soutenu.
Dans sa tribune, Me Mamadou Diouf s’est penché aussi sur l’argument faisant une dichotomie entre le président de l’Assemblée et les membres du bureau. « La cour d’appel de Kaolack, qui avait fait une mauvaise interprétation de cette loi en arguant que le maire étant élu au suffrage universel n’était pas concerné par l’application de la parité, a vu son arrêt cassé et annulé par la cour suprême du Sénégal. En effet, dans l’arrêt n°47 du 27 octobre 2022, Cheikh Bitèye et autres contre le maire de Fatick, la chambre administrative de la Cour suprême a déclaré que le maire, étant le premier membre du bureau municipal (comme le président de l’Assemblée nationale), est soumis à l’exigence de la parité absolue et que même son élection au suffrage universel ne saurait constituer un obstacle à l’application de la loi sur la parité », a rappelé le juge.
Outre l’Assemblée nationale, le respect de la parité se pose également dans la constitution des bureaux municipaux. Souvent, c’est la justice qui en dernier ressort fait plier les hommes politiques sur fond de recours pour les amener à se conformer à la loi. C’est le cas notamment en 2022 avec beaucoup de décisions rendues par les cours d’appel qui ont ordonné la dissolution et la reconstitution de tous les bureaux ayant violé la loi sur la parité. A Dakar, par exemple, les bureaux municipaux des Hlm, de Biscuiterie, de Dieuppeul-Derklé, de Plateau, de la Ville de Dakar, de Diamniadio, de Malika entre autres ont été tout simplement dissous. Face aux bravades des hommes politiques, la justice a été souvent un rempart pour faire rayonner le leadership féminin en politique.
60% DES FEMMES SENEGALAISES AVOUENT AVOIR SUBI UNE VIOLENCE CONJUGALE
L’annonce a été faite hier par Penda Seck Diouf, sociologue du développement et formatrice en genre lors d’un panel du forum de Remapsen, en partenariat avec ONU femmes.
Les violences basées sur le genre ont pris des proportions inquiétantes. Au Sénégal, 60% des femmes avouent avoir subi une violence conjugale. L’annonce a été faite hier par Penda Seck Diouf, sociologue du développement et formatrice en genre lors d’un panel du forum de Remapsen, en partenariat avec ONU femmes.
« 60% des femmes sénégalaises avouent avoir subi une violence conjugale». C’est la révélation de la sociologue du développement et formatrice en genre, Penda Seck Diouf qui animait hier un panel du forum de Remapsen, en partenariat avec ONU femmes. A l’en croire, les femmes subissent trop de violence.
Pour sa part, la chargée du projet Genre et santé sexuelle et reproductive ONU femmes bureau régional Aoc, Dr Dieynaba Ndao qui présentait sur la violence à l’encontre des femmes et des filles en Afrique de l’Ouest et du Centre, indique que 39% des filles ont été mariées avant l’âge de 18 ans. «Au niveau mondial, les filles et les jeunes femmes avec un handicap sont 10 fois plus victimes de violence. La prévalence des Mgf est de 28% pouvant aller jusqu’à 95%. Dans certains pays, 45% des utilisatrices de Facebook et Twitter ont déjà été victimes de Vbg lors de l’utilisation des médias sociaux», révèle-t-elle. Et d’ajouter que 40% des femmes en Afrique de l’Ouest ont subi une forme de violence.
LES DIFFERENTES FORMES DE VIOLENCE A L’EGARD DES FEMMES ET DES FILLES
Les femmes subissent plusieurs formes de violence, d’après Dr Dieynaba Ndao. Elle cite les violences physiques, sexuelles y compris la violence sexuelle liée aux conflits, la violence économique (ou émotionnelle), les mariages forcés et précoces, les mutilations génitales féminines, la traite des êtres humains, les crimes d'honneur, la violence facilitée par les technologies numériques.
Cependant, elle estime que ce défi mondial nécessite une action urgente et concertée. «C’est une violation des droits humains fondamentaux qui entravent le développement social et économique des communautés », dit-elle avant d’ajouter qu’elle touche toutes les régions du continent et des millions de femmes et de filles chaque année. «La violence est souvent perpétrée dans un contexte de patriarcat et d'inégalité entre les sexes, renforcée par des normes sociales discriminatoires et un manque d'accès à la justice. Il y a un rétrécissement de l'espace civique et l’augmentation des attaques contre les organisations de femmes et les défenseuses des droits humains», fait-elle remarquer.
LE DJARAF DE BARGNY ET LA REINE D’OUSSOUYE PARTAGENT LEURS RECETTES
Les violences faites sur les femmes et les jeunes filles marquent un recul dans les milieux traditionnels. Les chefs coutumiers et leaders traditionnels ont un rôle incontournable à jouer pour un changement.
Les chefs coutumiers et leaders traditionnels ont un rôle incontournable à jouer pour un changement. Hier, jeudi 5 décembre lors du forum des médias sur la lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles en Afrique, organisé par le réseau des médias africains pour la promotion de la santé et de l’environnement (Remapsen), son Altesse Ahan Kalidji Beatrice, reine d’Oussouye et Moussa Ndione, Jaraaf de Bargny ont partagé avec les médias, leurs expériences sur la réduction de ces violences au sein de leurs communautés. La reine mère demande de briser le silence tandis que le Jaraaf s’appuie sur une éducation communautaire inclusive
Les violences faites sur les femmes et les jeunes filles marquent un recul dans les milieux traditionnels. De plus en plus des leaders s’impliquent dans cette lutte, en mettant en avant, les valeurs ancestrales et promeuvent le vivre-ensemble dans la paix et la cohésion. Au niveau communautaire, la parole est sacrée et les normes, faites pour être respectées. Une démarche qui permet de réduire les inégalités mais aussi de lutter contre les violences dont celles subies par les femmes et les jeunes filles. Pour le Jaraaf de Bargny, une localité située à une trentaine de kilomètres de Dakar, cette tribune offerte par le Remapsen, est d'autant plus importante qu'elle reconnait la place centrale des autorités traditionnelles dans le changement des normes sociales. « En tant que gardiens de nos traditions, nous avons la responsabilité d'être à l'avant-garde de ces évolutions positives. Notre rôle traditionnel, en tant que Jaraaf de Bargny, je porte la responsabilité ancestrale de préserver l'harmonie sociale dans notre communauté. Cette mission englobe naturellement la protection des femmes et des filles contre toute forme de violence » a fait noté Moussa Ndione.
Une mission qui rejoint celle de la reine mère de Oussouye, une royauté située au Sud du Sénégal, en Casamance précisément. Dans cette tradition, la reine a pour mission de maintenir la cohésion sociale dans la communauté, de venir en aide aux familles les plus démunies mais également de protéger les filles et les femmes tout en étant sous l’autorité de son roi. Dans le domaine des pratiques préjudiciables aux femmes, la reine de Oussouye a soutenu : « il faut briser le silence si on veut lutter contre les violences faites aux femmes et aux filles ». La reine a aussi renseigné dans sa communauté, la violence la plus présente concerne celle orale. « Dans le royaume, c'est la violence orale qu’on constate le plus souvent, le fait de parler mal à quelqu'un, ou de l'insulter. Et les conséquences de cette violence peuvent donner la mort, ou amener au suicide et. C’est la violence qui est la plus difficile à régler dans les foyers car aucun couple ne dira les origines des disputes. J'ai des ambassadeurs et des ambassadrices qui m'aident à faire de la sensibilisation et j'ai demandé à tout le monde, de briser le silence » a déclaré la Reine de Oussouye. Et d’ajouter : « la violence physique est formellement interdite chez nous ». Bargny, le Jaraaf de la localité est revenu sur les axes d'interventions pour réduire les gaps. Selon lui, il faut s’appuyer sur une éducation communautaire inclusive, et la lutte active. « L'expérience nous a montré qu’il faut influencer les comportements et catalyser les changements ».
LE BUREAU DE L'ASSEMBLÉE FAIT MÂLE
Pastef et Takku Wallu s'opposent sur la présence de deux hommes aux plus hauts postes du bureau. La loi sénégalaise sur la parité, adoptée en 2010, continue de susciter des interprétations divergentes
L'application de la loi sur la parité a fait l'objet de vives controverses, à l'Assemblée nationale entre les groupes Pastef et Takku Wallu. Décryptage.
Le respect de la loi sur la parité a encore été au centre des débats lors de l'installation de la 15e législature, le 2 décembre 2024. Les deux groupes parlementaires se rejettent la balle, chacun accusant l'autre d'avoir violé les dispositions de la loi – du 28 mai 2010 sur la parité. Face au refus du groupe Pastef de leur laisser mettre un homme au poste de 8e vice-président qui leur revenait, la présidente du groupe Me Aissata Tall Sall s'indigne après avoir boudé la session avec certains de ses collègues. “Ce que j'ai vu est inédit. Je n'aurais jamais imaginé que cela pourrait se passer dans cette assemblée nationale du Sénégal. Le président Malick Ndiaye a décidé que le poste qui nous revenait de droit, il va le prendre et l'attribuer au Pastef. C'est tout simplement inédit et en violation de toutes les règles”, accuse-t-elle très en colère. L'ancienne ministre de la Justice estime que Pastef a violé la parité en choisissant comme premier vice président un homme alors que le président est aussi un homme. Elle a promis que son groupe va saisir les juridictions pour être rétabli dans ses droits.
Mais d'où vient la polémique ? Il ressort en effet de l'article 13 du Règlement intérieur de l'Assemblée nationale citée en référence par Me Sall, que le bureau de l'Assemblée nationale est composée, outre le président, de 8 vice-présidents qui se suivent dans l'ordre protocolaire, du premier au huitième, de six secrétaires et d'un premier et deuxième questeur. A la suite de cette disposition, l'article 14 a précisé les modalités de désignation des préposés à ces différents postes. En ce qui concerne le président, il n'y a aucun problème majeur. Le texte précise qu'il “est élu au scrutin uninominal à la majorité des suffrages exprimés. Si cette majorité n'est pas atteinte au premier tour, il est procédé à un second tour, pour lequel l'élection est acquise à la majorité relative”. Le problème qui revient souvent à l'Assemblée nationale, c'est celui des autres membres du Bureau. Il ressort de la même disposition que : “Les vice-présidents, les secrétaires élus et les questeurs sont élus au scrutin de liste pour chaque fonction respectant la parité homme-femme, conformément aux dispositions de la loi 2010-11 du 28 mai 2010.”
Le règlement intérieur, toujours à son article 14, indique que : ''Tous les scrutins sont secrets et ont lieu à la représentation proportionnelle selon la méthode du quotient électoral, calculé sur la base du nombre de députés inscrits dans chaque groupe, avec répartition des restes selon le système de la plus forte moyenne. Les postes de vice-présidents et de questeurs dans l'ordre fixé à l'article 13 en donnant la priorité au groupe ayant obtenu le plus de voix.” Il en a résulté, selon les deux blocs, que Pastef devait prendre les sept premiers postes de vice-président. Le 8e devait ainsi revenir à Takku Wallu. Ayant le privilège de choisir en premier, Pastef a proposé un homme comme vice-président, puis une femme, puis un homme jusqu'au septième vice-président qui est donc un homme.
Pour Takku Wallu, le 8e leur revenant, il leur était loisible d'y mettre qui ils veulent. Cependant tout en veillant que le candidat soit une femme, pour respecter la parité. Mais, dira la présidente du groupe, Pastef ne s'est pas conformé à la parité en mettant un homme comme premier vice-président. Finalement, Pastef a désigné un autre de ses membres comme 8e vice-présidente. S'accaparant ainsi de tous les postes de vice-président.
Il faut noter que ce débat sur la parité revient très régulièrement à l'Assemblée nationale. Les majorités ayant tendance à soutenir que le président de l'Assemblée ne doit pas être pris en compte pour ce qui est de la parité. Selon les arguments souvent avancés, c'est qu'il est lui élu pour toute la législature, alors que les autres ne sont pas élus pour la durée de la législature. Entre autres arguments.
Pour sa part, Me Mamadou Diouf, Doctorant en droit public, estime que “c’est une erreur de penser que la parité ne s’applique qu’à partir l’élection des vice-présidents.” Le président de l’Assemblée nationale, étant membre du bureau, doit avoir une première vice-présidente à la place du sieur Ismaila Diallo, a-t-il tenu à éclairer dans une tribune publiée dans les médias. A en croire le juriste, cette mauvaise interprétation qui voudrait écarter le chef de l’institution de l’application de la parité est balayée constamment par la jurisprudence sénégalaise. Il justifie : ”A la lecture de l’article 1er de la loi de 2010, le bureau de l’Assemblée nationale y compris le Président (voir l’article 13 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale), doit être intégralement et alternativement composé d’un homme et d’une femme. Mieux, le décret n°2011-819 du 16 juin 2011 portant application de la loi sur la parité, en son article 02, énumère l’Assemblée nationale, son bureau et ses commissions parmi les institutions dans lesquelles la parité doit être respectée.”
Revenant sur la posture du juge sénégalais par rapport à cette lancinante et récurrente question, il a rappelé qu'une jurisprudence constante tant à comptabiliser le président. Mais cette jurisprudence a souvent porté sur les élections des bureaux municipaux au niveau des collectivités territoriales. C'était le cas notamment en 2022 avec beaucoup de décisions rendues par les cours d'appel. “La question de l’application de la loi sur la parité a fait couler beaucoup d’encre lors des élections territoriales de janvier 2022. La cour d’appel de Dakar a annulé toutes les élections dans lesquelles un Maire ''Homme” n’avait pas une première adjointe (voir les arrêts n°29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37 du 19 avril 2022).”
A ceux qui sont tentés de relever la durée des mandats, il rappelle cette jurisprudence de la cour suprême, qui précisait : “ La cour d’appel de Kaolack, qui avait fait une mauvaise interprétation de cette loi en arguant que le Maire, étant élu au suffrage universel n’était pas concerné par l’application de la parité, a vu son arrêt cassé et annulé par la cour suprême du Sénégal. En effet, dans l’arrêt n°47 du 27 octobre 2022, Cheikh Biteye et autres contre le Maire de Fatick, la chambre administrative de la Cour suprême a déclaré que le Maire, étant le premier membre du bureau municipal (comme le Président de l’Assemblée nationale), est soumis à l’exigence de la parité absolue et que même son élection au suffrage universel, ne saurait constituer un obstacle à l’application de la loi sur la parité.”
En ce qui le concerne, Ngouda Mboup, dans une télé de la place, a souligné que, depuis 2012, le président de l’hémicycle n’est pas comptabilisé dans le décompte, lorsqu’il s’agit de mettre en pratique la loi sur la parité. Il reconnait, cependant, que cette ‘’pratique parlementaire’’ est sujette à interprétation. Mais, précise que le Conseil constitutionnel a déjà été saisi sur cette question. La réponse de la haute juridiction a été, dit-il : ‘’s’agissant de l’Assemblée nationale, tout ce qui concerne le fonctionnement de son bureau, je ne m’en mêle pas, parce que, ce sont des mesures d’ordre intérieur’’. ‘’Le Conseil, poursuit-il, considère que c’est une cuisine interne et a déclaré la requête irrecevable.’’
Quel sort sera donc réservé au recours des députés de Takku-Wallu, annoncé par Me Aissata Tall Sall ?
LA FAMILLE INFLUE SUR LE MARIAGE
Selon le sociologue, docteur Pascal Oudiane, enseignant-chercheur à l’université Gaston Berger de Saint Louis, dans les traditions, le mariage est consacré et dans le cadre des mariages précoces, le phénomène est suscité par des intérêts de famille
Selon le sociologue, docteur Pascal Oudiane, enseignant-chercheur à l’université Gaston Berger de Saint Louis, dans les traditions, le mariage est consacré et dans le cadre des mariages précoces, le phénomène est suscité par des intérêts de famille car c’est elle qui donne en mariage. Il a aussi estimé que l’immaturité physique et cognitive doit exclure toute tentative de mariage avant l’âge légal pour éviter la déperdition scolaire des jeunes filles en mariage précoce. Entretien……
Quelle est l’explication donnée au phénomène grandissante des mariages précoce ?
L'explication passe d'abord par l'appréciation de la coercition du mariage qui est une institution socio-culturelle qui fonde les familles et crée par extension la parenté. Il est utilitariste à partir de la circulation des femmes qu'on donne en mariage entre les familles. Autrement dit, le mariage est suscité par des intérêts de familles. C’est la cellule familiale qui donne en mariage. L’individu seul ne se donne pas en mariage. Au pire en l’absence des membres de la famille, le candidat au mariage devra s’appuyer sur un témoin choisi de préférence parmi les proches amis ou connaissances qui par son aval permettra le mariage.
Donc la parenté influe gravement sur la précocité des mariages ?
Le mariage est créateur de lien notamment de parenté et celui-ci est créateur de lien notamment de société. Cependant pour le dernier lien cité, il n’est pas forcément mécanique car pouvant évoluer selon le niveau de modernisation industrielle de la société porté par l’individualisme et l’utilitarisme.
Aujourd’hui sur le fait observé, s’il y a une fréquence élevée de mariages précoces de jeunes filles âgées de moins de 18 ans, l’institution familiale est la première responsable. Encore une fois c’est la famille qui donne en mariage. Nul n’est sans savoir que les jeunes filles africaines et sénégalaises sont des filles 2.0 pour ne pas dire hautement connectées. Le rapport statistique « soutien-gorge » et smartphone est plus important que le rapport cigarette- smartphone. La technologie qu’elle soit mobile ou non n’est pas seulement un ticket d’entrée à la modernité, c’est un outil qui se conjugue aussi au féminin. Cette ouverture aux médias modernes donne accès à nos jeunes aux informations capables de modeler leur personnalité. Ceci explique que les changements de comportements choquent les milieux traditionnels et conservateurs.
Dans les traditions, le mariage est consacré ?
L’âge mature pour accéder à la vie conjugale n’est pas la même avec l’âge légal selon le droit moderne. Selon les usages coutumiers c’est le corps de la jeune fille qui pourra témoigner de sa maturité sexuelle. L’âge légalement autorisé peut ne pas être celui de la maturité physique. Il peut y avoir une précocité comme il est aussi possible qu’il y ait du retard dans le rapport maturité physique et âge.
Dans les deux traditions notamment moderne et coutumière, ce sont les adultes qui se marient et font des enfants. L’adulte n’est pas exclusivement un produit de l’âge mais c’est une personnalité, un rôle. C’est aussi une maturité physique.
De ce point de vue, la jeune fille peut se sentir adulte par son rôle en société, par sa personnalité, par sa maturité physique et par ses connaissances du monde grâce à la technologie. Ainsi inéluctablement, elle se sent individuellement prête pour le mariage sans devoir attendre la plénitude de l’âge légal. Désormais, ce qui va rester pour elle, c’est de chercher la caution familiale puisque c’est le lien légitime qui permet un mariage. Toute union qui ne reçoit pas l’onction familiale ou de la communauté de proches parents et amis n’est pas socialement légitime.
Ainsi peu importe le capital cognitif des jeunes filles qui est construit à partir de l’instruction scolaire ou de la technologie et des réseaux sociaux ou des coutumes et des traditions, la responsabilité des mariages dits précoces selon les perceptions de la société moderne, incombe à la famille qui est la source de leur légitimation sociale.
Pourquoi la famille cautionne le mariage précoce ?
Le rapport « famille et mariage » se lit à travers le prisme des intérêts. C’est parce qu’il y des intérêts que les familles offrent leur fille en mariage ou en reçoivent une en leur sein. Au-delà des ressources monétaires, il y a le capital symbolique à chercher ou à préserver. Toutes les familles cherchent la bonne famille à laquelle on peut offrir en mariage sa fille. C’est une question de fierté et d’honneur. En revanche, il faut rappeler qu’il faut réunir toutes les conditions précitées et qui ne relève pas de l’âge pour recevoir l’onction familiale du mariage. En revanche, en l’absence de la maturité physique, un mariage devient impossible au risque de compromettre l’état de santé et la vie de la jeune fille. Il faut donc n’ont pas sanctionner la jeune fille mais combattre les familles qui soutiennent de telles unions pour accéder ou entretenir un capital symbolique (fierté familiale). En effet, l’âge est moins important que le capital cognitif et la maturité physique de la jeune fille. L’âge légal ne doit pas être un baromètre pour lutter contre les mariages précoces et ses conséquences mais il faut s’intéresser au corps en question et au cognitif des jeunes filles ciblées. L’intérêt pour le corps permettra d’apprécier médicalement la maturité physique apte à la sexualité. L’intérêt pour le cognitif permettra de mesurer la capacité de responsabilisation de la jeune fille à la vie du ménage.
L’âge est-il pertinent dans son rapport avec la déperdition scolaire des jeunes filles en mariage précoce ?
Dans le système scolaire actuel, les âges sont encadrés selon le nombre d’années requis pour valider les différents cycles de scolarité. De ce point de vue, les jeunes filles en mariage précoces sont désavantagées en perdant une partie importante de leur cycle d’instruction. En revanche, les progrès liés à la critique du modèle d’école à la jules ferry et l’avènement de l’enseignement à distance et de l’IA ( intelligence artificielle) vont à l’avenir probablement contribuer à raccourir le temps de scolarité afin d’imprimer beaucoup plus de pragmatisme au cursus scolaire des élèves. Les outils technologiques sont efficaces pour combler l’absence d’instruction des jeunes filles précoces en mariage. L’immaturité physique et cognitive doit exclure toute tentative de mariage avant l’âge légal
LE PLAN DE SAUVETAGE DE PRES D’UN MILLION D’ADOLESCENTES A RISQUE
Au Sénégal, 988.163 adolescentes courent le risque d’être données en mariage avant l’âge adulte, c’est-à-dire moins de 18 ans, avec une forte probabilité de contracter des grossesses précoces.
Au Sénégal, 988.163 adolescentes courent le risque d’être données en mariage avant l’âge adulte, c’est-à-dire moins de 18 ans, avec une forte probabilité de contracter des grossesses précoces. Dans ces cas-là, certaines ne vont pas au-delà du cycle de primaire de l’Education nationale et d’autres n’achèvent pas celui du moyen-secondaire, selon l’étude Camber. Elles sont reparties entre onze (11) régions du pays que sont Sédhiou, Kolda, Matam, Kédougou, Kaolack, Tambacounda, Kaffrine, Diourbel, Thiès, Saint-Louis et Dakar. L’acuité de ces risques identifiés est plus accentuée dans ces zones et plus encore dans les régions du centre et de l’ouest.
Pour mettre hors de danger ces filles et dégager pour elles les voies de la d’un épanouissement, des actions fortes sont entreprises par le Sénégal. Le pays a, en effet, intégré en 2023 la dynamique du Projet d'Autonomisation des Femmes et du Dividende Démographique en Afrique Subsaharienne Plus (SWEDD+, en anglais) couvrant la période 2024-2028. L’ambition du Gouvernement, par une approche multisectorielle, est de renforcer le capital humain qui consiste à améliorer les apprentissages et la productivité et accélérer la transition démographique en s’appuyant sur le développement de la jeunesse, y compris parmi les segments les plus vulnérables de la population.
Le projet SWEDD + Sénégal sera ainsi mis en œuvre dans les 11 régions citées plus haut. La population directement visée est celle des adolescentes âgées de 10 à 19 ans avec une possibilité d’élargissement jusqu’à 24 ans pour les activités d’autonomisation économique des femmes. Et pour s’assurer d’une bonne couverture de la cible, les régions frontalières avec la Mauritanie, le Mali, la Guinée et la Gambie sont sélectionnées pour assurer le continuum de l’intervention avec les projets SWEDD desdits pays. Déjà, le projet couvre dans ses phases 1 (2015-2019) et 2 (2020- 2024) neuf (09) pays de l’Afrique de l’Ouest et du Centre à savoir le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, la Guinée, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad.
UN MONTANT DE 100 MILLIONS DE DOLLARS ENGAGÉ
Le Sénégal a bénéficié d’un financement de 100 millions de dollars américains (plus 62 milliards FCFA) du groupe de la Banque Mondiale. Un budget qui servira à poursuivre les objectifs des cinq sous-projets générés lors d’un atelier tenu à Saly, du 25 au 29 novembre dernier, en présence de plusieurs ministères sectoriels. Lesquels sont placés sous le lead du ministère de la Famille et des Solidarités. C’était en marge des 16 jours d’activisme pour la promotion et le respect des droits des filles et des femmes dans le monde.
Des informations obtenues de l’Unité de gestion du projet (UGP) SWEDD+ Sénégal coordonnée par Birahim Sidibé, on peut retenir, entre autres enjeux paris que ledit projet se fixe : l’amélioration des taux de réussite et d’achèvement de 100 mille filles dans l’enseignement élémentaire, moyen et l’enseignement secondaire général et technique au niveau 250 établissements. Il est aussi question de mettre en place un dispositif fonctionnel de gestion des violences faites aux filles en milieu scolaire par à travers le renforcement des observatoires de la vulnérabilité et des décrochages scolaires (OVDS) dans 190 établissements ; de soutenir les associations de mères d’élèves engagées dans la réalisation des services pour la prise en charge des filles dans les écoles choisies (renforcement des comités de gestion des écoles, accompagnement des cellules Genre) pour un environnement favorable à « l’autonomisation des filles dans les lycées et collèges du Sénégal».
A cela s’ajoutent l’élargissement des opportunités économiques de 13500 adolescentes et jeunes filles âgées de 15 à 24 ans vulnérables ou survivantes de violence basée sur le genre (VBG) ; l’accompagnement à la création de 1350 unités économiques polarisant 13500 filles primo-entrepreneures et à l’élaboration de business plans ; l’appui à la formalisation de 390 unités économiques ; la mise en place de 2250 espaces sûrs/clubs des jeunes filles dans les communautés et le renforcement des capacités de 337 500 adolescentes et jeunes filles scolarisées, déscolarisées et/ou non scolarisées, en leadership, en compétences de vie, en santé de la reproduction et en alphabétisation fonctionnelle. Ce, en faisant le lien avec les espaces sûrs ; impliquer les hommes /adolescents pour une masculinité positive à travers 1350 Écoles des Maris (EDM) et des futurs maris en vue de l'égalité des sexes et de l’autonomisation des filles et des femmes et la mise en place d’Activités génératrices de revenus (AGR).
Il est prévu de renforcer les capacités de 2480 acteurs de prise en charge (agents de santé, acteurs de la chaîne judiciaire, travailleurs sociaux, etc.) ; d’équiper les onze (11) centres d’accueil et d’hébergement pour la prise en charge holistique de 18 000 filles et femmes survivantes de violences et le déploiement de personnel compétent ; de réinsérer socio-économiquement 6 665 survivantes de VBG ; de mettre à disposition des kits de prise en charge de 10 000 Pep-kit et un accompagnement juridique.