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27 avril 2025
International
par Elgas
FACE À LA POUSSÉE DU RASSEMBLEMENT NATIONAL, DEVANT SON MIROIR, LA FRANCE FUSTIGE SON REFLET
L’évidence RN se dessine, et elle ne suscite plus une répulsion aussi franche. C’est une certaine idée de la France qui est en train de mourir. Sa grandeur, son exceptionnalité, ses droits humains. Toutes gloires nationales qui s’évanouissent
Une France qui hurle à la laideur face à son propre reflet dans le miroir. L’image ne serait pas exagérée pour décrire le mélange de sidération, de peur, d’incertitude et surtout de déni qui s’est abattu sur la France depuis le 9 juin, et davantage au lendemain des résultats du premier tour des élections législatives qui consacrent l’inarrêtable montée du Rassemblement national.
Pourtant, si on se cantonne à l’analyse des dynamiques internes de la scène politique française, la dissolution de l’Assemblée nationale semblait inéluctable. Dans un Parlement qui paraissait chaotique, avec une inclination particulière pour le conflit et le refus des compromis, émietté, soumis aux vents de forces contraires – pour ne pas dire factions –, le blocage institutionnel chronique rendait impuissante toute gouvernance. L’automne et le vote du budget semblaient constituer l’horizon naturel de la déflagration. Il s’agit donc d’une accélération du calendrier, que l’on doit au chef de l’État. L’opportunité et le timing de cette dissolution prononcée le 9 juin 2024 sont discutables. Ils peuvent être imputés, entre autres, au caprice vengeur d’un monarque impuissant et rejeté. Un président au crépuscule du pouvoir, dont l’état de grâce s’est dans un premier temps fané, pour ensuite totalement s’assécher, dans un entêtement coupable qui se prend en pleine figure le boomerang de la disruption à marche forcée.
Le pire des scénarios
Le rejet de la Macronie est clair, et la « grenade dégoupillée » – pour reprendre la formule d’Emmanuel Macron – a explosé. À bien des égards, c’est le pire des scénarios : un vote décomplexé à l’extrême droite, qui agrège le classique rejet de la colère et désormais la franche adhésion à un projet xénophobe d’une partie importante des Français. Ils constatent que les barrages successifs contre le rassemblement national lui ont pavé la voie vers le pouvoir. Score affolant aux européennes, sommets atteints pour les législatives, possibilité bien réelle sinon probable d’une majorité absolue au Parlement : l’évidence RN se dessine, et elle ne suscite plus une répulsion aussi franche et majeure. Avec le ripolinage express de son programme sur le front économique, les reculs notoires sur des projets phares, le RN semble moins agressif. En parallèle, il se dit que le dispositif constitutionnel peut a minima faire contrepoids voire différer la mise en œuvre du programme, contribuant à la perception d’une urgence moindre. Le sursaut populaire, participation en hausse comprise, a donc été timide, et la rue, relativement aphone, si on excepte quelques manifestations parisiennes ou urbaines. Cette apathie tranche avec un champ politique où les réactions ont fusé, poussant à des alliances contre nature sur ce qui s’apparente à un champ de ruines. Ces coalitions tentent de refonder un front républicain dont les fissures anciennes sont les fractures irréconciliables d’aujourd’hui. Le degré d’animosité politique, perçu dans la précédente législature, consacre une tripartition des blocs, avec une seule dynamique solide : le RN.
Les ressorts du vote RN ont été documentés depuis longtemps, et la base de son électorat identifiée. Victimes de la mondialisation, déclassés, ruralité délaissée, embryon factieux avec les gilets jaunes, polarisation conspirationniste durant le Covid-19, rejet de l’immigration associée à l’insécurité et à une charge financière pour le pays, préférence nationale : toutes ces nuances du sentiment d’abandon restent un marqueur du vote RN. Fait nouveau, le RN n’effraie plus une certaine élite, et séduit de jeunes urbains, achevant ainsi sa mue de dédiabolisation. Le parti surfe dorénavant sur une vague dite de révolution conservatrice, qui prospère dans le monde, indépendamment des régions. De l’Inde à la Russie en passant par le Sénégal, une matrice forme le fondement commun de ce regain de conservatisme : le retour désiré et idéalisé à des valeurs anciennes, pour contrer un progressisme jugé comme élan de la perdition. Somme toute, c’était mieux avant. Revendication d’une fierté nationale menacée, au Nord par l’immigration, et au Sud par le néocolonialisme. Le tout accompagné d’un aspect plus incernable, un populisme qui procède par le déni et par l’attaque des élites jugées corrompues, légitimant ainsi une radicalité quasi-séditieuse.
Longtemps protégée grâce à la morphologie électorale des scrutins à deux tours et à leur propension à nourrir les barrages, la France se pensait invulnérable ou immunisée. Elle arrive désormais à un moment charnière où elle a épuisé tous les contournements, et ne peut plus différer l’échéance d’une clarification, dût-elle convier au pouvoir le RN. Dans cette dynamique, on ne peut faire l’économie d’évoquer trois responsabilités majeures – outre la force intrinsèque du parti des Le Pen. Celle d’abord du président, qui cristallise une haine aux pointes irrationnelles, laquelle déteint sur sa politique. Celle ensuite de la défunte Nupes, cornaquée par la France insoumise dont l’ADN politique révolutionnaire chemine imprudemment avec de franches outrances. Celle enfin des médias : l’inexorable croisade civilisationnelle de Bolloré et de son empire, mais aussi le registre moral voire moralisateur de médias de gauche qui assimilent tout à la droite extrême, dans une équivalence dogmatique.
« La Tragédie du président », les manœuvres malhabiles de LFI
La responsabilité première du président est avant tout politique. La dynamique économique du pays sous l’air Macron est relativement défendable, même si la réduction du chômage et les succès réels sur ce front ont atteint un plafond, et que ce qui se présentait comme le talisman de la majorité lancée vers le rêve du plein emploi a alourdi la barque des déficits et des inégalités – sans parler des crises qui ont grevé sérieusement le budget. Au-delà de cet aspect économique, Emmanuel Macron traine depuis le début de sa présidence un boulet : une méconnaissance de la sociologie française, et une rupture originelle avec les classes les plus en difficultés. Sa présidence s’est très vite confondue avec sa personne, lui qui mobilise une grammaire disruptive, violente dans le symbole, rendant souvent inaudible toute potentielle bonne action. Si «la tragédie du président» est souvent inéluctable en France, cette réclusion précoce doublée de rejet personnalisé et personnel, signe la défaite d’un président à qui on ne pardonne pas sa déconnection, la nature fulgurante de son succès, et la désagrégation de repères politiques presque centenaires.
Si l’ovni qu’est la Macronie se désagrège du fait de ses propres apories, il serait pourtant bien réducteur d’attribuer à Emmanuel Macron seul la responsabilité de la montée du RN. La France insoumise (LFI) y a, elle aussi, beaucoup contribué. Avec une présence à l’Assemblée chahuteuse, belliqueuse, le groupe de Jean-Luc Mélenchon a donné par mégarde une contenance républicaine au RN, triste comparaison. Du fait de la conflictualisation extrême théorisée par Jean-Luc Mélenchon, les Insoumis ont parfois donné l’image d’un parti sectaire, avec des ambiguïtés notables sur l’Ukraine, entre autres. Le désir légitime d’une gauche et de son avènement a ainsi frayé avec certaines compromissions. LFI, portée par un mythe révolutionnaire bien français, a donné des forces à un RN qui apparaissait comme le parti de l’ordre. Au-delà de ces gages en termes d’image, LFI est devenue le parti fièrement assumé des quartiers populaires, y compris contre la France des périphéries – et ce malgré d’intenses tensions internes. Cette manœuvre bien malhabile a fini d’opposer des classes qui souffrent, et dont les votes sont désormais clairement antagonistes sinon hostiles : en délaissant les périphéries, LFI n’a fait que conforter le sentiment d’abandon qui porte le RN. La facilité accusatoire – racisme, antisémitisme, et autres qualificatifs fleuris – a fini d’hystériser le débat, et de rendre tout compromis impossible, dans une dynamique perpétuelle du « eux contre nous ».
Entre invectives et propagande, l’impossible débat
Sur cette césure, le refrain médiatique s’est greffé, avec la reconfiguration du paysage et l’ascension de l’empire Bolloré. Cette nouvelle donne a déplumé ce camp de la raison que les médias incarnaient à bien des égards, laissant ainsi le débat à la merci des invectives et de la propagande. Il serait bien sûr malheureux de renvoyer dos à dos les médias droitisés et les médias de gauche et du centre. Il n’en reste pas moins que, dans cette séquence politique, l’examen de conscience de chacun manque cruellement.
Traversant le champ politique dans son entièreté, le champ médiatique, et de manière plus générale le champ intellectuel, le même venin est à l’œuvre. Une impossibilité de débat apaisé, de questionnement, de remise en cause, qui a littéralement disjoncté sous Emmanuel Macron. Avec ce tournant, amorcé depuis longtemps et qui s’accélère désormais, c’est une certaine idée de la France qui est en train de mourir. Sa grandeur, son exceptionnalité, ses droits humains. Toutes gloires nationales qui s’évanouissent. D’où ce déni, cette défausse. Le frisson du chaos est inconsciemment préféré à la nécessaire remise en cause. Il existe des boucs émissaires commodes. Si Macron est le premier appelé à la barre, il devra être suivi par toute la classe politique, médiatique et intellectuelle. Le deuxième tour à venir et la séquence politique qu’il enclenche ne sont que le reflet et le refoulé d’une faillite collective, qu’il est temps de regarder en face.
par Thierno Alassane Sall
RWANDA : L’ÉCHO DE LA BARBARIE
EXCLUSIF SENEPLUS - Au Mali, au Burkina Faso, au Niger, au Nigeria… L’humanité n’a pas beaucoup changé. Il suffit de remplacer Yougoslavie par Ukraine, et Rwanda par Gaza ou Goma. La violence coloniale est encore à l’œuvre dans les psychés
“Déclare en toi et grave dans ton cœur : (…) que jamais revivant ce qui est aujourd'hui ne te vienne à l'esprit cette lourde parole : à quoi bon ?” Paul Valéry.
Je me suis replongé dans l'inoubliable génocide rwandais, survenu il y a 30 ans. Je vous invite à lire le livre du Général Roméo Dallaire, Shake Hands with the Devil - The Failure of Humanity in Rwanda, qui à l'époque commandait les Casques bleus chargés de l'interposition entre les belligérants (les rebelles de l'Armée Patriotique Rwandaise d'une part et les forces gouvernementales de l'autre). Au fil des pages, on découvre "l'échec de l'humanité", les luttes de pouvoir qui suscitent et entretiennent la haine entre pauvres gens, et le dévouement d'une minorité de personnes (de différentes nationalités) qui, au péril de leur vie, ont tout entrepris pour sauver des innocents. En face, la bestialité la plus achevée, car organisée, planifiée, armée, excitée par tous les médias disponibles comme la Radio-Télévision Libre des Mille Collines... Les tueurs ? Une soldatesque ivre, mais aussi des gens ordinaires, des voisins, des cousins, des conjoints, des adolescents qui découpaient à la machette en riant. Et les victimes devenaient le "festin" de chiens errants et de crocodiles des rivières charriant des milliers de corps.
Cette tragédie n'aurait pas eu lieu sans le silence d'une communauté internationale, qui regarde toujours là où se trouvent les intérêts de la petite clique qui contrôle le monde. Depuis 1994, la guerre s'est déplacée à l'ancien Zaïre, devenu la RD Congo. Elle se poursuit encore de nos jours. Aux 800 000 morts du génocide se sont ajoutés, durant ces trois dernières décennies, 10 millions de morts dans une tragédie sans fin.
Oui, il y a l'Ukraine, mais il y a aussi le Soudan, il y a la "doyenne" des tragédies, infligée depuis plus de 75 ans aux Palestiniens, il y a la Libye, et il y a les Congolais tués pour que ce téléphone portable que je tiens rapporte beaucoup aux multinationales.
L'humanité se noie en effet dans les Grands Lacs. Depuis la colonisation, depuis la "décolonisation"... depuis Léopold II de Belgique dont le Congo était la propriété privée, le monstre Stanley et ses montagnes de crânes autour de sa résidence, les mains coupées des travailleurs forcés pour la moindre peccadille, la CIA et les services belges planifiant la liquidation de Lumumba… Ces nations, prétendument venues nous apporter la civilisation, ont privé des femmes et des hommes paisibles de leur humanité et ont initié des génocides. La violence coloniale est encore à l’œuvre dans les psychés.
Le témoignage du Général Roméo Dallaire constitue le Livre de l’Horreur absolue et gratuite, qui prouve qu’assurément, à l’échelle de la bestialité, l’humain se hisse à des cimes inaccessibles à toute autre espèce. Les innombrables scènes de massacres qu’il décrit (et qui ne constituent que quelques séquences d’un film de plusieurs mois) montrent la banalisation de la cruauté au point où tuer devient un acte jouissif, pratiqué en bandes hilares et à l’échelle de tout un pays, du matin au soir. Extraits parmi des milliers d’autres : “(Les génocidaires) allaient de maison en maison… ils exécutaient certaines (victimes) sur place mais amenaient les autres vers une fosse commune près de l’aéroport (de Gisenyi, ville touristique près du lac Kivu) ; là, ils (les génocidaires) leur coupaient les bras et les jambes, et ensuite les massacraient, selon les témoignages oculaires des observateurs militaires des Nations Unies. L’Armée et la Gendarmerie (gouvernementales) n’ont rien entrepris pour arrêter ces groupes de tueurs… Un prêtre avait donné refuge à plus de 200 personnes dans son église pour leur assurer protection ; après les prières, les tueurs ont ouvert les portes et ont massacré toute l’assemblée…. Une autre chapelle fut brûlée avec des centaines de personnes réfugiées à l’intérieur. Des enfants âgés de 10 à 12 ans tuaient d’autres enfants. Des mères portant des bébés au dos tuaient d’autres mères portant des bébés au dos.”
Le génocide rwandais nous ramène à des questions fondamentales qui troublent notre conscience d'humains et interrogent nos silences, voire celui du Créateur. Le Rwanda tout entier ressemblait à un champ où des personnes ordinaires, des bons pères et mères, des enfants innocents moissonnaient à coups de machettes des humains comme eux.
Les suppliques des parents qui offraient leurs vies pour sauver leurs enfants, dont les échos étaient répercutés à travers les mille collines, étaient à peine perçues par le Conseil de sécurité des Nations Unies ou par la bureaucratie de l'OUA. Il est vrai que le Rwanda n'était pas l'ex-Yougoslavie, qui mobilisait à l'époque l'attention de la "communauté internationale". Aujourd'hui encore, rien de nouveau sur la planète Terre, il suffit de remplacer Yougoslavie par Ukraine, et Rwanda par Gaza ou Goma.
Et Dieu dans tout ça ? Il semble bien s'être manifesté de manière fugace à quelques élus, tels que le Commandant Diagne du Sénégal, membre de l'état-major du Général Dallaire. Ce dernier écrit : “Un soir, alors qu'il (le Commandant Diagne) était assis devant son bureau rédigeant (un rapport), il eut un soudain besoin de prier ; il glissa de sa chaise et se mit à genoux sur son tapis de prière, tourné vers La Mecque. À cet instant précis, un énorme éclat d'obus fracassa la vitre, traversa la pièce, passant exactement à la place qu'il venait de libérer, cogna contre le mur pour atterrir, le métal encore chauffé au rouge, à ses pieds. Il venait d'échapper, d'un cheveu, à une mort certaine."
C’était il y a trente ans. L’échelle des tueries en moins, on entend encore les échos des cris des suppliciés dans les villages de pauvres gens massacrés de nos jours dans le Sahel. Au Mali, au Burkina Faso, au Niger, au Nigeria… L’humanité n’a pas beaucoup changé. Je sors de cette lecture grippé émotionnellement et blessé par tant de cruauté, mais avec une grande volonté : ne jamais faillir à mon devoir de vigilance.
MALI, PLUS DE 20 CIVILS TUÉS DANS UNE ATTAQUE IMPUTÉE AUX JIHADISTES
L'incident a eu lieu dans un village du centre du pays lundi, un des foyers de la violence au Sahel, selon deux responsables du gouvernorat.
Plus de vingt civils ont été tués dans un village du centre du Mali lundi lors d'une attaque imputée aux jihadistes actifs dans la région, un des foyers de la violence au Sahel, ont indiqué deux responsables du gouvernorat dans la nuit de mardi à mercredi.
"Au moins 21 civils ont été tués" dans le village de Djiguibombo, à quelques dizaines de kilomètres de Bandiagara, en pays dogon, a dit l'un de ces responsables tôt mercredi. Il a attribué l'attaque à des jhadistes.
Un autre responsable a fait état plus tôt dans la nuit d'une vingtaine de morts et indiqué que la situation sécuritaire avait empêché les autorités de se rendre sur place. Tous deux s'exprimaient sous le couvert de l'anonymat compte tenu de leurs fonctions et du silence instauré sur de tels évènements sous la junte au pouvoir depuis 2020.
L’attaque, lancée avant la tombée de la nuit, "a duré environ trois heures", a dit un représentant local des jeunes tenant lui aussi à garder son identité secrète, pour sa sécurité. "Vingt personnes ont été tuées. Plus de la moitié sont des jeunes. Certaines victimes ont été égorgées", a-t-il dit.
Le Mali est en proie depuis 2012 aux agissements des groupes affiliés à Al-Qaïda et à l'organisation Etat islamique et aux violences des groupes communautaires et crapuleux.
par Moustapha Diakhaté
FARINE DE BLÉ : ENTRE ARCHAÏSME ET CUPIDITÉ
Entre chaîne d'importation archaïque et pressions monopolistiques des minoteries, le blé au Sénégal révèle ses failles de régulation. Malgré la baisse des cours, le gouvernement réclame une répercussion sur les prix au consommateur
Bés Bi le Jour |
Moustapha Diakhaté |
Publication 03/07/2024
Le Sénégal importe 800 000 tonnes de blé en moyenne chaque année répartis entre une dizaine de minoteries dont les plus significatives par leurs capacités de transformation du blé – 50% importé de l’ex-URSS - en farine sont les Grands Moulins de Dakar, GMS, FKS, NMA, OLAM, Sedima, MDS. Presque 60% de capitaux et de l’actionnariat du secteur sont étrangers avec le carré d’or autour de GMS, GMD, FKS et OLAM qui ont fini d’imposer une entente assimilable à un oligopole imposant leur prix et quotas aux quelques 3 500 boulangers du pays. Ils osent engager le bras de fer avec l’État régulateur. Portée par une démographie croissante et une urbanisation rapide, la consommation de blé, et en particulier de pain, est en progression constante au Sénégal comme un peu partout en Afrique, ce qui accentue les risques et vulnérabilité de la sécurité alimentaire des populations face aux fluctuations des prix de cette denrée sensible.
Depuis la Covid-19 et surtout la guerre russo-ukrainienne, les cours mondiaux ont drastiquement baissé. En 2022, la tonne de blé, qui était de 280 euros avant le conflit, a atteint un pic en juin, à plus de 500 euros, mais aujourd’hui le cours du blé tendre est coté à 217 Euro /T - référence CEREALIS -. Pour le blé russe, c’est même beaucoup moins tant les stocks russes sont excédentaires et à la recherche de clients avec l’embargo. Les cours et les stocks mondiaux ont retrouvé leurs niveaux d’avant Covid-19 et mieux, les récoltes record des USA exercent une pression sur les cours mondiaux et l’offre des négociants de blé. Malheureusement faute de centrale d’achat des minoteries locales, de cotation centralisée des cours de blé en Afrique de l’Ouest pour cette denrée essentielle pour nos populations ; de terminaux céréaliers adéquats sur nos ports et corridors et d’une régulation inexistante du secteur comme au Sénégal, les pays d’Afrique au Sud du Sahara avec le Sénégal en tête paient toujours un prix très onéreux pour le sac de farine que rien ne peut justifier si ce n’est les archaïsmes dans nos circuits de commerce avec des législations obsolètes et une cupidité du patronat de la farine qui veut maximiser les profits en investissant toujours un peu dans le process et la distribution.
Et pourtant les bénéfices explosent avec les tendances baissières observées sur le marché mondial du blé depuis 2022. Le Sénégal importe pour 200 milliards de blé pour la farine de pain et l’aliment de bétail avec un chiffre d’affaires des meuniers qui approche 800 milliards, ce qui leur assure un niveau de profitabilité record de 35 % ; un retour sur capitaux propres exceptionnel que seul nos économies trop peu régulées peuvent permettre. Il faut augmenter la pression fiscale sur le secteur au profit des céréales locales comme le mil. Il est donc urgent, comme le préconise le gouvernement, de baisser au moins le sac de farine de 20 % permise par la forte baisse sur les cours internationaux et de mettre en place un mécanisme de péréquation pour les fluctuations des cours mondiaux. En attendant, le prix de la baguette et même de l’aliment de bétail doivent beaucoup baisser au moins de 30 %. Il faut faire jouer le déflateur de l’indice des cours mondiaux du blé.
LE PRESIDENT DEBY VISÉ PAR UNE ENQUÊTE EN FRANCE
Fin 2023, une enquête de Mediapart faisait état de dépenses s'élevant à plus de 900 000 euros pour l'achat de costumes, de chemises et de vêtements de luxe.
Fin 2023, une enquête de Mediapart faisait état de dépenses s'élevant à plus de 900 000 euros pour l'achat de costumes, de chemises et de vêtements de luxe. Mediapart révélait « des versements opérés depuis une mystérieuse société baptisée MHK Full Business, enregistrée à Ndjamena et disposant d'un compte au sein de la Banque commerciale du Chari (BCC) ».
L'enquête préliminaire a été ouverte dès le mois de janvier par le parquet national financier, pour détournement de fonds publics et recels. Le premier virement suspect aurait été réalisé par Mahamat Idriss Déby Itno début décembre 2021 et le second le 4 mai 2023. Au total, le président tchadien aurait déboursé plus de 915 000 euros pour acheter des vêtements de luxe chez un célèbre tailleur parisien.
Une enquête ouverte pour détournement de fonds publics et recel
La liste dressée par Mediapart donne un aperçu des folies vestimentaires qui auraient permis d'atteindre une telle somme, notamment 57 costumes d'une valeur unitaire allant de 9 000 à 13 000 euros, 100 chemises à 800 euros la pièce, ou encore neuf sahariennes à 7 500 euros chacune.
Une enquête pour détournement de fonds publics et recel a été ouverte en France au mois de janvier. Selon la presse française, les investigations pourraient être élargies au patrimoine immobilier détenu par la famille Déby et son entourage en France.
Dans sa récente autobiographie, Mahamat Idriss Déby était revenu sur cette affaire qu'il considère comme « un symbole de la manipulation en politique » et aurait été montée de toute pièce par Abakar Manany, ex-conseiller chargé des affaires présidentielles et ministre d'État tombé en disgrâce.
Dans son texte, le chef de l'état tchadien dénonce un « tapage médiatique absurde » et affirme préférer les habits traditionnels aux costumes, dont il dit n'avoir jamais été « adepte ».
LE MINISTERE MAURITANIEN DE L’INTERIEUR ANNONCE LA MORT DE TROIS PERSONNES SUITE AUX VIOLENCES POLITIQUES
Le ministère mauritanien de l’Intérieur et de la Décentralisation a annoncé le décès de trois personnes en marge de heurts survenus dans la nuit de lundi à mardi, à Kaédi, une localité du sud du pays
Le ministère mauritanien de l’Intérieur et de la Décentralisation a annoncé le décès de trois personnes en marge de heurts survenus dans la nuit de lundi à mardi, à Kaédi, une localité du sud du pays, en proie à des violences nées de la réélection annoncée du président Mohamed Ould Chaikh El Ghazouani.
“Tard dans la nuit du lundi à mardi, la ville de Kaédi a été le théâtre d’actes violents de pillage et de vandalisme visant des citoyens pacifiques, des biens, des installations publiques et des forces de sécurité dans la ville les obligeant à les affronter et à arrêter certains groupes d’émeutiers en flagrant délit’’, relate le ministère mauritanien de l’Intérieur dans un communiqué rendu public mardi.
Il souligne qu’en raison de l’effet de surprise, de l’heure tardive et du nombre élevé de manifestants, et dans l’objectif de contrôler la situation, les unités de sécurité ont été forcées de détenir les émeutiers arrêtés dans les lieux de détention disponibles.
‘’Dans ces circonstances, trois manifestants sont malheureusement décédés, deux d’entre eux en présence de leurs codétenus et dans le lieu de détention, tandis que le troisième est décédé plus tard à l’hôpital’’, explique le ministère mauritanien de l’Intérieur, qui déplore deux blessés graves dans les rangs des forces de l’ordre.
Il promet qu’une enquête transparente et approfondie sera menée pour déterminer les causes et les circonstances des décès, tout en s’engageant à rendre publics les résultats dans les meilleurs délais.
La République islamique de Mauritanie est en proie à des violences depuis la proclamation par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) des résultats provisoires de l’élection présidentielle de samedi.
D’après les résultats provisoires proclamés lundi par la CENI, le chef de l’Etat sortant, candidat à sa propre succession, a été réélu dès le premier tour, devançant notamment son principal challenger, le militant anti-esclavagiste, Biram Dah Abeid, crédité de 22, 10 %.
La proclamation de ces résultats a notamment été suivie d’échauffourées entre les forces de l’ordre et des partisans du principal candidat de l’opposition, dans certains endroits de la capitale.
Lundi, le siège du directoire de campagne de M. Abeid a été encerclé par les forces de l’ordre qui ont procédé à nombreuses arrestations.
L’opposant a déclaré qu’il contestait les résultats proclamés par la CENI. Il a invité ses compatriotes à faire de même, de manière pacifique.
L'ASSAUT DES MULTINATIONALES SUR LE MARCHÉ SÉNÉGALAIS
Après les Grands Moulins de Dakar, Patisen et Avisen, c'est au tour de Sédima, fleuron avicole national, d'être convoité par des capitaux étrangers. Pour la Confédération nationale des employeurs, l'État se doit de préserver ces champions industriels
Après les Grands Moulins de Dakar rachetés à des centaines de millions d’euros par les Américains de Seabord, Patisen plusieurs dizaines de millions d’euros par la Marocaine Al Mada, Avisen racheté par Olam, c’est au tour de la Sedima de subir l’assaut de grandes multinationales qui, à partir du Sénégal, visent le marché de la CEDEAO. Le manque de soutien de l’État regretté par Alla Sène Guèye, président de la commission économie et finances de la Cnes.
’Le groupe Sedima en vente, près de 2 500 emplois en jeu’’. Cette information donnée par le journaliste Omar Fédior, hier sur sa page Facebook, a été largement relayée. Chacun y allant de son commentaire. Pour les uns, l’État doit racheter l’entreprise, en tout cas tout faire pour que la société ne tombe pas dans le capital privé étranger. Pour les autres, il faut que l’État vienne en aide au chef d’industrie, le fondateur de la Sedima, Babacar Ngom, quelles que puissent être par ailleurs leurs divergences.
Président de la commission chargée de l’économie et des finances de la Confédération nationale des employeurs du Sénégal (Cnes), Alla Sène Guèye se veut très clair : ‘’Je pense que l’État doit être plus regardant dans ces genres d’opérations, concernant des ventes d’entreprises. Lorsque des entreprises étrangères veulent racheter des entreprises sénégalaises qui évoluent dans des secteurs stratégiques, il faut que l’État puisse intervenir. Perdre Sedima aujourd’hui, c’est perdre une partie de notre souveraineté. Je pense que l’État doit mettre en place des mécanismes pour la sauvegarde de nos champions’’, plaide le spécialiste.
Si beaucoup de Sénégalais ont été surpris et choqués par cette annonce soudaine de la vente de la Sedima, ils sont nombreux les acteurs économiques qui ne l’ont guère été.
Cela fait, en effet, plusieurs mois que l’entreprise familiale vit des moments difficiles. Interpellé sur la question, cette source précise : ‘’Je ne suis pas au courant d’une vente, mais cela ne me surprendrait pas.’’ À la question de savoir pourquoi, elle rétorque : ‘’C’est très simple. Un entrepreneur travaille sur des projections avec des chiffres. Si les perspectives de croissance de ses revenus ne sont pas bonnes, au mieux, il freine ses projets d’investissement, au pire, il désinvestit. Le problème, au Sénégal, c’est que l’entreprise n’est pas soutenue.’’
La famille Ngom aurait déjà vendu plus de 50 % de l’entreprise
Dans le cas de la Sedima, elle a en plus la malchance de devoir vivre avec un régime avec lequel elle a eu quelques bisbilles dans le passé. L’un des points de divergence a été l’affaire Ndingler dans laquelle l’actuel président a toujours été en désaccord avec les Ngom. S’y ajoute sa fille et non moins directrice générale de la boîte qui s’est engagée en politique et se positionne comme opposante au régime du président Bassirou Diomaye Diakhar Faye et d’Ousmane Sonko.
D’ailleurs, récemment, l’affaire Ndingler est revenue sur la table et il a été fait état d’une volonté du Premier ministre de restituer les terres aux paysans, alors même que Babacar Ngom réclame un titre foncier sur les mêmes terres. Des événements qui montrent, s’il en était encore besoin, que si la vie a été difficile pour les Ngom sous Macky Sall, elle risque de l’être encore plus sous Diomaye Faye.
Selon certaines sources, les Ngom auraient déjà vendu plus de 50 % de leurs actions dans la Sedima à des Américains. Aujourd’hui, ils sont plus dans d’autres secteurs dont l’immobilier, avec notamment Batix. Interpellé sur les négociations entre GMD (Grands Moulins de Dakar) et Sedima, nos sources estiment qu’en réalité, GMD a toujours discuté avec Sedima. Mais Babacar a toujours posé une condition : conserver la majorité des actions de son entreprise. Sauf que dernièrement, les conditions financières se sont nettement détériorées et le magnat de l'aviculture aurait revu sa position. Il aurait cédé la majorité, mais pas à GMD. ‘’Déjà, il y avait des difficultés avec le fisc. Aujourd’hui, c’est sûr que les nouvelles autorités vont remettre sur la table l’affaire Ndingler. Je pense que toute cette atmosphère a un peu pesé sur la balance’’, informe un ancien cadre de l’entreprise à notre source. Malgré ces affirmations, des sources proches du PDG insistent qu’à ce jour, Babacar Ngom continue de contrôler l’entièreté des actions de son entreprise.
Des sources proches de la famille soutiennent que Babacar Ngom contrôle toujours l’entièreté des actions
Ainsi, la perte du contrôle de la Sedima par Babacar Ngom risque d’allonger la liste des entreprises qui échappent peu à peu aux champions industriels nationaux. Plusieurs secteurs considérés comme de souveraineté sont concernés par ce phénomène. Il en est de l’agro-industrie qui défraie aujourd’hui la chronique avec la Sedima. Avant cette entreprise, il y a eu le cas des Grands moulins de Dakar vendue par la famille Mimran à la firme américaine Seabord ; Avisen qui a été racheté par Olam, mais aussi Patisen qui a été reprise par la Marocaine Al Mada.
Selon M. Guèye de la Cnes, ceci est de la faute principalement de l’État. ‘’L’État doit être plus regardant sur les filières stratégiques. Si quelqu’un veut vendre, l’État doit voir d’abord comment l’accompagner, s’il est possible de l’accompagner. Sinon, si la vente n’est pas évitable, un organisme comme le Fonsis doit pouvoir intervenir pour que l’entreprise n’échappe pas aux capitaux sénégalais. C’est comme ça que ça se passe dans plusieurs pays’’.
Au-delà du marché sénégalais, les grandes firmes internationales visent surtout les marchés régionaux. Dans le cas de la Patisen, par exemple, ‘’c’est une manière de contourner le refus de la demande du Maroc d’adhérer à la CEDEAO. Puisqu’on lui refuse cette adhésion, il contourne l’interdiction en achetant des entreprises CEDEAO. Tout l’amont, ils vont l’amener du Maroc. On peut même utiliser la Patisen pour écouler dans cet espace. On ne construit pas une industrie nationale forte de cette manière’’.
Agro-industrie, téléphonie, banques, assurance… Ces secteurs de souveraineté qui échappent aux champions locaux
En sus de l’agro-industrie, il y a également des secteurs névralgiques comme la téléphonie, les assurances, les banques, autant de secteurs sur lesquels l’État livre des pans de sa souveraineté à des étrangers.
Il y a quand même de bons exemples qui devraient inspirer. ‘’Quand BNP Paribas a voulu vendre sa filiale, la Bicis, l’État est intervenu et a pesé de tout son poids pour que la banque soit reprise par un national. Voilà ce qu’il faudrait faire. Si les capitaines d’industrie locaux sentent le soutien de l’État, il n’y a aucune raison pour qu’ils ne puissent pas prendre le flambeau’’.
Avec le nouveau régime, l’espoir est permis, selon le responsable à la Cnes. Il rappelle les propos du président Bassirou Diomaye Diakhar Faye, lors du dernier Conseil des ministres. ‘’Je pense que le président de la République a pris la pleine mesure de la situation. Quand des entreprises sénégalaises sont créées depuis zéro, avec de l’expertise sénégalaise, du management sénégalais, quand on vend, l’État doit avoir son mot à dire. Quand il y a des difficultés, l'État doit pouvoir les soutenir. On ne peut pas prendre sa fille et la donner en mariage au premier étranger qui vient’’.
BURKINA : DES MANIFESTANTS POUR DELOCALISER L’AMBASSADE DE FRANCE
Des centaines de personnes ont manifesté le vendredi 28 juin 2024 à Ouagadougou sur l’avenue de l’Indépendance, demandant le déplacement de l’ambassade de France loin de la Présidence du Faso.
Ces soutiens du capitaine Ibrahim Traoré ont d’abord été dispersés avant d’être finalement autorisés à manifester devant l’ambassade de France dont ils exigent la délocalisation.
Des centaines de personnes ont manifesté le vendredi 28 juin 2024 à Ouagadougou sur l’avenue de l’Indépendance, demandant le déplacement de l’ambassade de France loin de la Présidence du Faso.
En réponse à l’appel de la Coordination nationale des associations de la veille citoyenne, des « Wayiyans » se sont rassemblés près du dispositif de sécurité de la Présidence, derrière lequel se situe l’ambassade de France.
La garde de sécurité de la présidence (GSPR) a refusé que la manifestation se déroule à proximité, en raison des nombreuses audiences prévues ce jour-là à la Présidence.
Après insistance, les manifestants ont été dispersés avec des gaz lacrymogènes. Mais suite à des négociations, ils ont obtenu l’autorisation de la sécurité de la présidence.
Une délégation de la coalition, escortée par la garde présidentielle, s’est rendue devant l’ambassade.
Les responsables ont donné un mois à l’ambassade pour se déplacer loin de la Présidence.
« Quittez notre pays dans le respect et le plaisir. Si vous refusez, nous déclinons toute responsabilité sur ce qui va vous arriver », a déclaré Amadé Maïga, Président du mouvement Leaders Panafricains.
Les relations entre Ouagadougou et Paris se sont détériorées depuis l’avènement du capitaine Ibrahim Traoré.
PAR Francis Laloupo
SÉNÉGAL-AES, LE GRAND MALENTENDU
Les thuriféraires des putschistes projettent des anathèmes sur le pouvoir sénégalais, accusé d’avoir « tourné le dos à ses engagements ». Un fossé idéologique sépare désormais Dakar des juntes prônant la "souveraineté" au détriment de la démocratie
Les propagandistes des juntes du Sahel ne décolèrent pas. Eux qui avaient tant misé sur l’adhésion du Sénégal à l’Alliance des Etats du Sahel (AES, Mali, Burkina Faso, Niger), à l’issue de la crise qui a opposé durant plusieurs mois le président sénégalais Macky Sall aux mouvements de contestation. Au cœur de cette crise, le bras-de-fer entre le régime de Macky Sall et le parti dissous Pastef (Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité), dirigé par Ousmane Sonko. Les discours « de rupture » de ce dernier avaient, entre-temps, tissé des liens d’affinités avec les néo-panafricanistes, fervents propagandistes des régimes issus de putschs dans le Sahel. Dans sa marche pour la conquête dupouvoir, le Pastef n’a pas dédaigné compter sur ces soutiens pour relayer son combat auprès des opinions. Quitte à assumer des soupçons d’accointances avec des puissances étrangères – Russie en tête - peu enclines à favoriser l’expansion des principes démocratiques auxquels le Pastef n’a jamais cessé de se référer. Les officiers du néo-panafricanisme professionnelétaient devenus d’exubérants exégètes du projet du Pastef, convaincus que le Sénégal allait bientôt rejoindre le club des régimes prétendument « souverainistes » qui ont émergé à la faveur de coups d’Etat militaires depuis 2020 en Afrique de l’Ouest.
« Préserver l’héritage de la Cédéao »
Ainsi, au plus fort de la crise sénégalaise, ces « amis » du Pastef en étaient arrivés à souhaiter un coup d’Etat au Sénégal. Formule idéale, selon eux, pour parachever la logique d’une inclusion de ce pays dans l’AES. Pourtant, les Sénégalais n’ont eu de cesse d’exclure une telle hypothèse, en rappelant le « caractère républicain » de leur armée dans un pays qui n’a jamais connu de coup d’Etat. Au bout de la crise sénégalaise, le 24 mars dernier, des élections libres et transparentes ont porté au pouvoir l’une des principales figures du Pastef, Bassirou Diomaye Faye. A ses côtés, Ousmane Sonko, leader du mouvement, nommé Premier ministre. Cette démonstration de vitalité démocratique marque alors une profonde incompatibilité entre la culture politique sénégalaise et les schémas prônés par les pyromanes néo-panafricanistes.
Toutefois, ces derniers exigent de l’exécutifsénégalais de satisfaire sans délai à leurs attentes, à savoir une « rupture avec la France et l’Occident », le retrait du Sénégal de la Cédéao (Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest) à l’instar des trois régimes de l’AES, l’abolition immédiate du Franc Cfa… Mais, très vite, les actes posés et la parole publique dunouveau président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye, vont provoquer l’ire de ces autoproclamés « souverainistes » qui ont fait de l’AES leur sanctuaire. Tout en rappelant à ceux qui ne le sauraient pas qu’il est un «panafricaniste de gauche», le jeune président sénégalais – 44 ans - exalte les vertus de la démocratie qu’il souhaite «renforcer». Un propos aux antipodes du bréviaire des régimes militaires de la région qui se sont lancés, avec leurs affidés, dans une véritable croisade contre la démocratie. Le président sénégalais affirme l’attachement de son pays aux « objectifs de l’intégration régionale », en promettant de « travailler au retour au sein de la Cédéao » des pays de l’AES. De quoi déclencher une crise d’urticaire aigüe chez les activistes pour qui panafricanisme semble rimer avec désintégration régionale. Le malentendu sur le concept de panafricanisme devient manifeste, entre les leaders du Pastef et les tonitruants adeptes de l’AES.
S’il ne renonce pas au projet de « quitter » le franc CFA, le pouvoir sénégalais explique que cela se fera en liaison avec les partenaires concernés de la région et selon un calendrier raisonnable. L’important étant d’œuvrer à «un Sénégal juste et prospère dans une Afrique en progrès», il faut «rééquilibrer les partenariats internationaux dans un sens gagnant-gagnant». Lors d’une visite, le 30 mai dernier au Mali puis au Burkina Faso, Bassirou Diomaye Faye enfonce le clou en insistant auprès des deux dirigeants putschistes, Assimi Goïta et Ibrahim Traoré, sur la nécessité de «préserver l'héritage de la Cédéao». Des propos qui s’accordent peu avec l’agenda des juntes de l’AES qui ont choisi de se retirer de la Cédéao afin de se maintenir indéfiniment au pouvoir.
Confrontation de deux systèmes de valeurs
Pour les prédicateurs AESiens qui s’attendaient à une « rupture » théâtrale avec la France, la visite de Bassirou Diomaye Faye à Paris – son premier déplacement hors du continent depuis son élection – aura été un acte d’ultime « renoncement ». Depuis, les réseaux sociaux s’enflamment, et les thuriféraires des régimes putschistes projettent des monceaux d’anathèmes sur le pouvoir sénégalais, accusé d’avoir « tourné le dos à ses engagements » Cependant, dans l’entourage du dirigeant sénégalais, certains tiennent à rappeler que leur pays a su conforter, au fil des décennies, les contours d’une diplomatie sophistiquée. Pour eux, la « souveraineté » s’affirme aussi par une gestion maîtrisée de la diversification des partenariats, pour les intérêts bien compris du Sénégal. Une « tradition » que compte bien renforcer le nouveau pouvoir. En réaction aux charges haineuses sur les réseaux sociaux, des groupes de Sénégalais se sont constitués pour défendre leurs dirigeants et leur pays, et rétorquer que le Sénégal n’a jamais contracté le moindre engagement avec les pays de l’AES. Entre des ressortissants et alliés de l’AES et des cyberactivistes sénégalais, la violence verbale, assortie de menaces physiques, atteint un seuil critique.
Dans cette même temporalité, une manifestation a été organisée à Dakar, le 21 juin dernier par la Coalition sénégalaise des défenseurs des droits humains (COSEDDH) et Amnesty International. Une démonstration de solidarité avec les victimesdes atteintes aux libertés d’expression et de la presse au Burkina Faso. En réponse, une contre-manifestation « de protestation » s’est tenue quelques jours plus tard devant l’ambassade du Sénégal à Ouagadougou, à l’initiative des membres de la Coordination nationale des associations de la veille citoyenne du Burkina Faso (soutien de la junte burkinabé). Des faits symptomatiques du climat qui règne entre ces deux pays.
Le malentendu entre les nouveaux dirigeants sénégalais et leurs pourfendeurs apparaît comme une confrontation entre deux systèmes de valeurs. Entre un Sénégal plus que jamais attaché à son système démocratique, et des régimes qui s’appliquent, avec leurs relais, à diaboliser cette démocratie. Le décalage entre les actes posés par l’actuel pouvoir sénégalais et les attentes decertains de ses alliés putatifs du temps où le Pastef faisait feu de tout bois pour conquérir le pouvoir, traduit la réalité d’un malentendu initial. Pour qui connaît le Sénégal et les dynamiques à l’œuvre sur son échiquier politique, il était difficile d’imaginer qu’un pouvoir issu des urnes allait,dans un élan exclusif, bouleverser tous les équilibres existants. Le président Diomaye Faye qui n’a pas le profil d’un boutefeu, ne saurait faire fi de l’architecture des forces plurielles qui structurent la vie politique de son pays, l’ensemble des facteurs constitutifs de son élection et l’évaluation des priorités nationales… Dans ce contexte national spécifique, il s’attelle, avec son entourage, à trouver le juste équilibre entre une gestion orthodoxe du pouvoir d’Etat etune fidélité relative aux promesses préélectorales.Une manière, en somme, de renouer avec les vertus et les contraintes de la politique. Aux Sénégalais, et à eux d’abord, d’en juger.
LA RÉBELLION DU M23 CONTINUE DE GAGNER DU TERRAIN DANS L'EST DE LA RDC
Félix Tshisekedi a réuni samedi un Conseil de défense puis s'est exprimé à l'occasion de la journée d'Indépendance en affirmant que "des instructions claires et fermes ont été données pour la sauvegarde de l'intégrité territoriale" de son pays.
La rébellion du M23 continue de gagner du terrain dans l'Est de la République démocratique du Congo, en s'emparant de nouvelles localités sur le front nord du conflit qui l'oppose aux forces gouvernementales, a indiqué dimanche une source locale.
Le M23 (pour "mouvement du 23 mars") s'est déployé dans la localité de Kirumba, dans la province du Nord-Kivu, théâtre de violences depuis que cette rébellion soutenue par le Rwanda a repris les armes en 2021. Kirumba, la plus grande agglomération dans le sud du territoire de Lubero et important centre commercial, compte plus de 120.000 habitants.
"Nous regrettons que la grande entité (la ville de Kirumba, ndlr) soit depuis hier soir aux mains des M23. Ce matin, avant d'être visibles dans le centre, ils ont fait une reconnaissance de terrain en patrouillant tous les axes de Kirumba", a déclaré à l'AFP sous le couvert de l'anonymat un responsable administratif local. Les rebelles se dirigent désormais vers le nord de Kirumba, a ajouté cette source.
Samedi, c'est la ville-clé de Kanyabayonga située à 25 km de là, où vivent plus de 60.000 personnes et des dizaines de milliers de personnes déplacées ces derniers mois, qui est tombée aux mains des rebelles. Cité du Nord-Kivu située à une centaine de km au nord de la capitale provinciale Goma, Kanyabayonga est considérée comme un verrou contrôlant vers le nord les accès aux villes de Butembo et Beni, fiefs de l'importante tribu Nande et grands centres commerciaux du pays.
Le président congolais Félix Tshisekedi a réuni samedi un Conseil de défense puis s'est exprimé à l'occasion de la journée d'Indépendance en affirmant que "des instructions claires et fermes ont été données pour la sauvegarde de l'intégrité territoriale de notre pays", sans plus de précisions. D'autres villes proches de Kanyabayongo sont aussi tombées aux mains des rebelles, selon des sources sécuritaires et des responsables.
Depuis fin 2021, le M23, rébellion congolaise majoritairement tutsi, a conquis avec l'appui d'unités de l'armée rwandaise de larges pans de territoire du Nord-Kivu, jusqu'à encercler presque entièrement Goma. Les autorités de la RDC accusent le Rwanda de vouloir faire main basse sur les richesses de l'Est congolais, ce que Kigali conteste. Jusqu'à présent, les initiatives diplomatiques lancées pour tenter de régler la crise n'ont rien donné.