SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
28 avril 2025
Opinions
Par Baba DIENG
REFLECHIR AU MILIEU D’UN CHARIVARI
Au Sénégal, personne ne peut prendre le pouvoir par les armes. Pastef et les cerbères de son «Projet» imaginaire le savent, car, malgré tous les appels à l’insurrection du chef, c’est le vote qui a eu le dernier mot.
J’aimerais commencer cette toute première chronique en remerciant Le Quotidien -une lumière d’excellence dans cette grande pénombre de médiocrité galopante qu’est en train de devenir le journalisme sénégalais qui m’a toujours ouvert ses portes, en publiant régulièrement mes opinions. J’ai exprimé mes opinions une vingtaine de fois dans ce périodique. Et je puis témoigner toute ma satisfaction, à chaque fois, d’émettre des opinions peu ou prou pertinentes pour le progrès économique et social du Sénégal - ce beau pays que nous avons en partage. Je saurais gré à toute la rédaction de ce merveilleux canard, particulièrement à M. Mohamed Guèye, d’avoir bien voulu m’associer à la liste de leurs talentueux chroniqueurs. C’est un très grand honneur pour moi.
Tenir une chronique, c’est essayer d’être un témoin de l’Histoire ; c’est, comme l’écrit Camus dans La peste, dire : «Ceci est arrivé.» Après tous les événements dramatiques qui se sont succédé dans ce pays, nous avons besoin d’entreprendre, et très sérieusement, un travail de mémoire, qui pourra conjurer à jamais nos traumatismes. Des gens d’une irresponsabilité innommable, pour leurs ambitions, le pouvoir, se sont résolument engagés à torpiller les soubassements de notre République. La démocratie, et fort heureusement, a réhabilité ces frondeurs, en les propulsant à la tête du pays, par le truchement et la magie de l’élection. Au Sénégal, personne ne peut prendre le pouvoir par les armes. Pastef et les cerbères de son «Projet» imaginaire le savent, car, malgré tous les appels à l’insurrection du chef, c’est le vote qui a eu le dernier mot.
Il devient de plus en plus difficile d’opiner dans ce Sénégal bipolaire et manichéen. Nous vivons dans ce que mon ami Ibrahima Malick Thioune, brillant juriste et universitaire courageux, appelle la «politique de l’adversité», qui est tout simplement la banalisation de la rhétorique guerrière et la recherche de l’ennemi. Il écrit : «Pour de nombreux politiciens, l’adversaire devient une nécessité incontournable pour refaçonner le paysage politique. Leur identité et leur positionnement se construisent autour de l’opposition, et sans celle-ci, ils semblent perdre leur pertinence […]. Les leaders qui se définissent par le conflit exploitent la dynamique de groupe, où l’ennemi commun renforce la cohésion des partisans. En créant une image de défenseur face à un oppresseur, ils mobilisent des émotions puissantes telles que la peur et l’indignation, qui galvanisent le soutien […]. Le discours et la rhétorique utilisés dans le débat public jouent également un rôle crucial. Un langage agressif, qui emploie des métaphores de guerre et des expressions clivantes, peut exacerber les conflits, tandis qu’un langage inclusif et conciliant peut contribuer à les apaiser.»
Notre pays est devenu un grand embrouillamini populiste dont les chefs d’orchestre, déifiés par de vaillants hussards, ont la manifeste mission d’annihiler la pensée sous toutes ses coutures. Je ne me lasserai jamais de dénoncer la versatilité de nos «intellectuels» pétitionnaires, jadis si déterminés pour la préservation de la démocratie et ses avantages. Il fallait donc signer des pétitions pour défendre un homme et ses turpitudes, et se taire quand l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad) a été incendiée par des vandales. Des pilleurs-incendiaires. La nouvelle manie de ces intellectuels -ou ceux considérés ainsi- consiste désormais à se transformer en thuriféraires et bien-pensants pour s’attirer les vivats de la nouvelle orthodoxie. L’apocalypse n’a jamais été si proche : céder au totalitarisme de Pastef.
Je reste convaincu, hier comme aujourd’hui, que la désertion de la parole sera fatale pour nous tous. Il faut parler, et toujours parler. Ne pas se taire, c’est ce qui nous sauvera. Dans «Nous serons tous des Moustapha Diakhaté», tribune en date du 5 décembre 2023 que j’avais publiée dans ces colonnes pour dénoncer l’incarcération arbitraire de ce «républicain ombrageux», j’écrivais ceci : «Quand des gens qui n’aiment pas votre parole dissidente vous attaquent, c’est parce que ce que vous dites est intéressant, dérangeant, même à peine audible.»
Devant les insanités et les invectives -devenues le sacrement de notre espace public depuis l’intrusion de ces fascistes dans notre démocratie- de ces roquets et leurs maîtres, il ne faut jamais courber l’échine ou donner l’impression d’être effarouché par leurs billevesées. Il faut rester debout, pour un front républicain. Et vite ! La parole est fondamentale dans cette entreprise salvatrice pour notre si belle et grande République.
Ce n’est pas notre défaite si ce populisme dévastateur, qui s’est emparé de notre pays pour le détruire, est aujourd’hui dans une logique de remettre en cause nos acquis démocratiques, avec les foucades autoritaires du «meilleur Premier ministre de tous les temps». Même les Etats-Unis, avec leurs innombrables prix Nobel, ont succombé, à deux reprises, aux assauts d’un exceptionnel avatar du populisme comme Donald Trump. Toujours est-il que, pour nous, l’échec sera de ne pas faire face, de ne pas dresser des balustrades pour arrêter les saillies populistes de ces chantres d’un souverainisme forcené et anachronique.
Des chiffres bardés de fards ? Nous sommes désormais dans un pays où certains fonctionnaires, dans un passé très récent, auraient fardé nos chiffres pour édulcorer les désastres d’un régime et ses prédateurs financiers. Mille et une questions se posent. Autant de réponses. Attention à celles qui irriteraient Ousmane…
En tout cas, Diomaye et sa bande de «vertueux» peuvent se rassurer d’une chose : si l’obsession de se partager nos maigres ressources titille leur sobriété, ils pourront compter sur ces maquilleurs sans scrupules, déjà rompus à la forfaiture, pour colmater les brèches. Pour duper le Peuple.
Le Pmos, lui, va bientôt s’extirper de sa cachette pour fêter sa nouvelle victoire, celle d’avoir raison, d’avoir toujours raison, d’avoir vilipendé le Sénégal. Son honorabilité et sa geste précédent la crédibilité du pays de Senghor…
Par Momar Dieng
LA SARABANDE DES CRAPULES EN VASE CLOS !
Au lendemain du point de presse résolument accusatoire du gouvernement tenu le 26 septembre 2024 et consacré à la « falsification » de certains comptes publics de l’Etat par Macky Sall et ses acolytes, un ami m’interpelle pour faire part de ses doutes.
Au lendemain du point de presse résolument accusatoire du gouvernement tenu le 26 septembre 2024 et consacré à la « falsification » de certains comptes publics de l’Etat par Macky Sall et ses acolytes, un ami m’interpelle pour faire part de ses doutes. Ma réponse : attendons de voir. Mais une chose me semble certaine : aucun Président de la République ou Premier ministre au monde ne prendrait la responsabilité de livrer à une presse locale et internationale des faits d’une gravité aussi extrême sans avoir eu, en amont, la certitude de leur authenticité et véracité.
Un peu moins de cinq mois plus tard, le 12 février 2025, on se rend compte que le chef du gouvernement ne nous avait servi qu’un bref mais déjà gravissime avant-goût des œuvres malveillantes d’un groupuscule de crapules sans scrupules qui, dans l’intimité et l’opacité de leurs connexions mafieuses, ont presque mis à genoux l’Etat, au moins dans ses marges et capacités budgétaires régaliennes. La réalité du désastre révélé par les magistrats de l’institution de contrôle atteint des proportions giga-industrielles au regard de la dimension de notre pays.
Ce que le Rapport de la Cour des comptes sur les finances publiques entre 2019 et le 31 mars 2024 nous dit dans toute sa solennité, c’est la détermination absolument maléfique qui peut animer des personnes de toutes origines dans leur soif de capturer l’Etat et ses démembrements pour assouvir des envies grotesques : domination, jouissance, prévarication, vols, détournements, substitution, le tout avec le Sceau d’une impunité totale garantie par la plus haute autorité de l’Etat ou par ses chambellans ou, comme souvent, par l’instinct collectif de protection qui peut animer un groupe.
Les principales conclusions de la Cour des comptes, au nombre d’une dizaine, sont factuelles. Elles recensent une panoplie d’actes et de pratiques j’men-foutistes avec lesquels une administration d’Etat non corrompue et républicaine ne saurait se rendre complice. En fin de compte, la Cour ouvre à l’Etat et aux autorités en place l’immense chantier de reconstruction ou de réforme d’une bureaucratie de hauts fonctionnaires happés par la politique politicienne, souvent peu courageuse pour dénoncer la patrimonialisation de l’Etat et de ses instruments de gouvernance.
On se rend compte aujourd’hui que les Sénégalais n’avaient pas assez pris au sérieux la dimension cumulativement loufoque et tragique des propos de l’ancien président Macky Sall lorsqu’il plaisantait - presqu’avec le sourire malin - sur son « coude » qui protégeait plusieurs de ses amis, collaborateurs et fonctionnaires contre la traque judiciaire qu’ils auraient méritée, selon lui. Ses successeurs ont un boulevard légitime devant eux…
Macky Sall n'était pas seulement un parrain dans l'assassinat de plusieurs dizaines de personnes sous son règne de douze ans. Il était également un trafiquant de nos maigres ressources publiques.
Par Pape Seen
DIOMAYE ET SONKO N’ONT, POUR L’INSTANT, PAS TROUVE DE SOLUTIONS POUR REPONDRE AUX ATTENTES
Diviser les travailleurs et le peuple, en jetant en pâture les syndicats, n’a rien de progressiste. Ce n’est pas de gauche. C’est à l’encontre de l’héritage des combattants dont Guy Marius Sagna se revendique
Ce message de Guy Marius Sagna me laisse sans voix. Faudrait-il donc cesser de défendre les intérêts des fonctionnaires, vacataires, étudiants, bénéficiaires des bourses familiales et travailleurs licenciés sous prétexte que Pastef est au pouvoir ? Les revendications syndicales ont toujours été les mêmes. Sous Senghor, Diouf, Wade, Macky.
La réalité est brutale : Diomaye et Sonko n’ont, pour l’instant, pas trouvé de solutions pour répondre aux attentes des travailleurs et des masses laborieuses. Ils ne savent pas comment faire pour donner de la vigueur à l’économie. Bon Dieu, avaient-ils vraiment fait un quelconque diagnostic ? Avaient-ils des solutions face aux gigantesques défis du Sénégal ? C’est de cela qu’il faut débattre.
Ces 4 dernières années, la conversation politique a été étouffée par un clivage politique binaire et facile. Renforcé par une violence symbolique omniprésente - insultes, dénigrements, instrumentalisation des algorithmes pour faire taire ou dire.
Ce schéma antidémocratique continue. Diviser les travailleurs et le peuple, en jetant en pâture les syndicats, n’a rien de progressiste. Ce n’est pas de gauche. C’est à l’encontre de l’histoire des luttes fondamentales du Sénégal et de l’héritage des combattants dont Guy Marius Sagna se revendique.
Par Vieux SAVANE
LA HONTE !
"Il s’appelle Thiam. Quand tu quittes le Sénégal pour venir en Côte d’Ivoire, tu vas sauter d’abord un pays…le nom de Thiam est de quelle région de la Côte d’Ivoire ?" Ces propos ignobles sont indignes d’une Côte d’Ivoire résiliente
« Il s’appelle Thiam. Quand tu quittes le Sénégal pour venir en Côte d’Ivoire, tu vas sauter d’abord un pays…le nom de Thiam est de quelle région de la Côte d’Ivoire? » Pénible résurgence d’une histoire récente douloureuse tournée autour de cette « identité meurtrière » que symbolise « l’Ivoirité »
Immondes, indignes, insoutenables sont les propos de Célestin Serey Doh, ministre délégué auprès du ministre des Transports chargé des affaires maritimes de Côte d’Ivoire, prononcés le 8 février dernier, à Tacourably, à l’ouest du pays dans la région des Dix-huit Montagnes.
Ces propos ignobles sont indignes d’une Côte d’Ivoire résiliente, qui sort péniblement de longues années de guerre civile et fait la fierté de beaucoup d’Ivoiriens et d’Africains pour son dynamisme économique.
Tidjane Thiam est un digne fils de l’Afrique, un digne fils de Côte d’Ivoire, de Guinée, Du Cameroun, du Ghana, d’Ethiopie, du Congo, etc. Par son cursus, il est une fierté africaine. On ne peut que s’étonner du fait que le président de la République dont le serment en fait le garant de la cohésion nationale ne l’ait pas débarqué illico presto ou suspendu de son poste.
En attendant, un citoyen a saisi le Procureur de la République pour exiger l’ouverture d’une enquête et l’application des sanctions pénales prévues par la loi notamment en son article 227 qui punit d’une peine d’emprisonnement d’1 à 2 ans et d’une amende de 500.000 à 2.000.OOO FCFA », toute personne qui se « rend coupable de racisme, de xénophobie, de tribalisme ou de discrimination ».
Par Mamadou Abdoulaye SOW
MULTIPLE PHOTOS
ET SI ON PARLAIT DES LETTRES DE CONFORT ?
La dette cachée nuit à l’économie. Une meilleure législation en matière de divulgation peut contribuer à limiter le préjudice
«La dette cachée nuit à l’économie. Une meilleure législation en matière de divulgation peut contribuer à limiter le préjudice».
Le Gouvernement sortant a-t-il contracté des prêts auprès des banques locales de façon non transparente comme l’avait affirmé l’actuel Gouvernement ? La réponse est sans équivoque si on se réfère au rapport d’audit de la Cour des comptes sur la situation des finances publiques des gestions 2019 au 31 mars 2024 (pages 37 à 42, § 2.7 du chapitre II). En effet, ledit rapport d’audit révèle l’existence d’une importante dette bancaire contractée hors circuit budgétaire. Le même rapport révèle également l’existence de remboursements d’emprunts en 2023 sur le compte de dépôt n° 3683047 « CAP/Gouvernement » d’un montant de 305 943 167 977 francs CFA (voir le détail par banque au tableau en annexe établi par nos soins). Or, une dette contractée conformément à la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ne doit pas être remboursée sur un compte de dépôt de fonds particuliers au Trésor, de surcroit sans lien avec la gestion de la dette publique.
La présente contribution revient sur l’utilisation des lettres de confort comme procédé d’emprunt ou d’octroi de garantie de l’Etat, étant précisé d’emblée que plusieurs paragraphes de la première partie des développements qui suivent sont extraits du rapport du FMI n° 19/34 de janvier 2019 sur l’évaluation de la transparence des finances publiques au Sénégal 2. Nous examinerons d’abord la pratique des lettres de confort puis la question des garanties données par lettre du ministre chargé des Finances en marge de toute légalité.
LA PRATIQUE DES LETTRES DE CONFORT
Qu’entend-on par lettres de confort ? Selon le rapport précité du FMI (§ 53), « Les lettres de confort permettent d’effectuer le paiement d’une dépense auprès d’un tiers alors même que cette dépense n’est pas inscrite dans le budget de l’année ou que cette dépense excède le cadre annuel. »
Les lettres de confort visent donc à combler une insuffisance de la programmation budgétaire, pour prendre en charge des dépenses qui n’avaient pas été prévues et qui ne peuvent pas être supportées par la réserve de gestion.
Au moment du décaissement, l’Etat demande à la banque de payer directement son fournisseur, l’argent ne transitant pas par le Trésor ; l’Etat rembourse directement la banque sur les crédits destinés au projet une fois les crédits mis en place dans les budgets suivants. Dans ce cas , les lettres de confort constituent in fine de véritables opérations d’emprunt pour financer des dépenses qui ne sont pourtant pas retracées comme telles dans le PLF (projet de loi de finances). Les lettres de confort peuvent également être utilisées pour accorder une garantie de l’Etat à un opérateur pour l’obtention d’un financement auprès d’un établissement de crédit »3.
Il existe quatre catégories de lettres de confort : la lettre de couverture budgétaire (ou financière), la lettre de domiciliation bancaire, la lettre de confort stricto sensu et les lettres de garanties. L’encadré 2.1 ci-dessous de la page 37 du rapport du FMI définit leur objet.
2.1. LA PRATIQUE DES LETTRES DE CONFORT
« Les lettres de confort » constituent une appellation générique qui recouvre différents types de situations: • La lettre de couverture budgétaire (ou financière) : il s’agit d’une lettre adressée par le Ministre chargé des finances au Directeur de la direction centrale des marchés publics, dans le cadre de la procédure d’instruction d’un marché pluriannuel soumis au contrôle a priori. La lettre de couverture budgétaire est en réalité un engagement du Ministre à inscrire les crédits qui permettront de financer un projet ; • La lettre de domiciliation bancaire : il s’agit d’une lettre adressée par le Ministre chargé des finances au Directeur général d’une banque, par laquelle il s’engage de manière ferme et irrévocable à domicilier dans un compte ouvert au sein de ladite banque les paiements découlant d’un projet inscrit au Budget. La banque à qui elle est adressée est en général celle qui lui fournit les financements lui permettant d’exécuter le marché dont il est attributaire ; • La lettre de confort stricto sensu : il s’agit d’une lettre adressée par le Ministre chargé des finances au Directeur général d’une banque, par laquelle il sollicite le financement d’une opération déterminée, à rembourser sur des crédits budgétaires à venir (dans le cadre d’une prochaine loi de finances en général) ; • Les lettres de garanties : l’Etat se porte garant pour un opérateur aux fins d’obtention d’un financement auprès d’un établissement de crédit. » Source : services du FMI
Les crédits relatifs aux lettres de confort ne sont pas recensés dans le bulletin statistique trimestriel de la dette publique publié par la Direction de la Dette publique.
D’après le rapport du FMI, « le Sénégal ne répond pas au niveau de pratique élémentaire qui exige que les rapports financiers couvrent la trésorerie, les dépôts et toutes les dettes. Si des données sur les actifs et passifs financiers sont produites, elles sont fragmentées et contiennent des lacunes » (§ 10, page 19). Ainsi, le bulletin statistique trimestriel de la dette publique publié par la Direction de la dette publique ne tient pas compte notamment des crédits relatifs aux lettres de confort.
En outre, le rapport souligne : « Si le budget de l’administration centrale est relativement exhaustif, l’absence d’information relative aux lettres de confort contribue à affaiblir l’unité budgétaire en ne donnant pas une image complète de la dette publique 4 ».
Les montants des lettres de confort auraient dû être recensés dans la rubrique « Autres financements bancaires » de la situation de la dette intérieure
Le FMI a constaté l’absence de mécanismes budgétaires appropriés pour retracer et encadrer ces opérations relatives aux lettres de garanties alors qu’elles ont un impact conséquent pour les finances publiques.
En effet, « Qu’elles permettent de garantir le financement d’une dépense ou d’un projet, ou d’accorder une garantie, les outils budgétaires devraient permettre de retracer les implications des lettres de confort pour le budget »
« Dans le premier cas, les montants des lettres de confort devraient apparaitre dans la partie relative aux emprunts (ex. autres financements bancaires). Également, l’engagement global de l’Etat sur l’intégralité du projet (et non uniquement sur la tranche annuelle de remboursement qui doit apparaitre en loi de finances) doit être retracé dans les documents budgétaires (…) »5.
Enfin, le rapport du FMI (page 51) recommandait, entre autres, de « Renforcer la sincérité budgétaire et refléter de manière exhaustive dans le budget tous les engagements de l’Etat » en :
• « (alignant) le traitement des lettres de confort avec les règles comptables et budgétaires issues de la LOLF et refléter celles-ci au sein de la dette publique (nous mettons en gras et soulignons) ;
• (en appliquant) les dispositions de la LOLF relative aux provisions pour les garanties accordées par l’Etat (y compris celles attribuées via lettres de confort) ».
En résumé, rappelons que l’article 133 du décret n° 2020978 du 23 avril 2020 portant Règlement général surla Comptabilité publique (RGCP) dispose :« Aucune dette de l’Etat ne peut être contractée sous forme de souscription de rente perpétuelle, d’emprunt à court, moyen et long termes, ou sous forme d’engagements payables à terme ou par annuités, aucune opération de conversion de la dette publique ne peut être opérée, qu’en vertu de la loi de finances »
« Les conditions et modalités d’émission des emprunts de l’Etat sont fixées par décret pris sur le rapport du Ministre chargé des Finances. » (article 134 RGCP). L’article 135 du RGCP précise que les créances résultant d’un emprunt de l’Etat donnent lieu soit à la remise d’un titre au souscripteur ou bénéficiaire soit à une inscription au crédit d’un compte courant de titres dans les conditions fixées par décret pris sur proposition du ministre chargé des Finances
L’OCTROI DE GARANTIES PAR CONVENTION OU LETTRE DU MINISTRE CHARGÉ DES FINANCES EST UNE VIOLATION DE LA LOLF
Par définition, une garantie est un « accord en vertu duquel le garant s’engage à verser la totalité ou une partie du montant dû au titre d’un instrument d’emprunt en cas de défaut de paiement de l’emprunteur 6 ».
Quant à l’emprunt garanti, il se définit comme un « emprunt bénéficiant d’un engagement contractuel d’un tiers de répondre de la défaillance du débiteur 7». On peut dire que les garanties accordées par l’Etat sont en quelque sorte à la frontière de la dette publique. A préciser que le Gouvernement sortant avait décidé en 2020 que « les passifs conditionnels liés aux garanties ou aux contrats de partenariat public-privé intégreront le champ de la dette pour une meilleure appréciation du risque de surendettement » (cf. exposé général des motifs de la loi n° 2019-17du 20 décembre 2019 portant loi de finances de l’année 2020).
Par ailleurs, dans le Document de programmation budgétaire et économique pluriannuelle (DPBEP) 2023-2025 (page 102), il est rappelé : « L’émission de garanties constitue une source de risque budgétaire, en cas d’appel pour le remboursement des prêts adossés aux garanties» (…). « Également, le recours croissant aux PPP, attendu dans le cadre de la mise en œuvre des prochains programmes d’investissements du PAP2A, devrait accroitre les garanties y afférentes et induire une plus grande exposition budgétaire ».
Le régime des garanties et avals donnés par l’Etat est régi par les articles 42 et 44 de la LOLF de 2020.
1°/ L’autorisation de l’Assemblée nationale est un préalable à l’octroi par l’Etat de sa garantie ou de son aval
Dans sa seconde partie, la loi de finances de l’année autorise l’octroi des garanties et avals accordés par l’Etat (article 44 LOLF).
2°/ La loi de finances de l’année fixe la variation nette de l’encours des garanties et avals (article 44 LOLF)
3°/Les garanties et les avals sont donnés par décret (article 42 LOLF)
Le même article précise : « Les conditions d’octroi des garanties doivent respecter les dispositions du Règlement portant cadre de référence de la politique d’endettement public et de gestion de la dette publique dans les Etats membres de l’UEMOA ».
A rappeler que le DPBEP de 2022-2024 (page 69) avait retenu que « concernant les garanties, l’émission des lettres de confort et de garanties pourrait se faire par la prise d’un décret, pour permettre une meilleure transparence des garanties de l’Etat … »
En passant, nous avons remarqué que le Gouvernement sortant, comme celui en place, a accordé par décrets des garanties souveraines dans le cadre du contrat de fourniture de service de stockage et d’achat d’électricité. Nous nous étonnons que les rapports de présentation de ces décrets de garanties soient signés par le ministre de l’Economie, du Plan et de la Coopération. Au surplus, on s’interroge sur le texte qui autorise ce dernier à administrer directement une partie de la dette garantie (Cf Tableau n° 3.1 du § 2.6 de la page 36 du rapport d’audit de la Cour des comptes) alors qu’il revient au ministre chargé des Finances de gérer les comptes de garanties et d’avals
4°/ Les engagements de l’Etat résultant des garanties financières accordées par l’Etat doivent être retracés dans les comptes de garanties et d’avals de la comptabilité générale de l’Etat
Lorsqu’une garantie accordée par décret est appelée, elle est enregistrée dans un compte spécial du Trésor. Le montant des garanties accordées par lettres de confort aurait dû être provisionné dans le compte spécial du Trésor retraçant les avals et garanties.
Rappelons qu’en application de l’article 42 de la LOLF, « la dotation portant sur les crédits destinés à couvrir les défauts de remboursement ou appels en garantie intervenus sur les comptes d’avals et de garanties (…) est provisionnée au minimum à hauteur de dix pour cent (10%) des échéances annuelles dues par les bénéficiaires des garanties et avals de l’Etat. Or, « le montant provisionné en loi de finances est un montant forfaitaire qui est très en-dessous de la provision nécessaire pour couvrir toutes les garanties existantes, y compris les lettres de confort 8».
En conclusion, on se pose la question suivante : en avril 2024, « des passations de service détaillées (ont-elles) été organisées loyalement et (ont-elles) permis entre les deux gouvernements, entrant et sortant, de consigner explicitement les dossiers d’une relève voulue précisément transparentes sur les aspects du travail gouvernemental dans les différents ministères 9».
1 Rhoda Weeks-Brown , Source IMF BLOG, 2 avril 2024
2 Suite à une requête du Ministre de l’Economie, des Finances et du Plan de l’époque (M. Amadou Ba,) formulée au cours des assemblées annuelles du FMI en 2017, une mission du département des finances publiques du FMI s’était rendue à Dakar du 5 au 17 avril 2018 afin de mener une évaluation de la transparence des finances publiques du Sénégal.
3 Sénégal. Evaluation de la transparence des finances publiques, Rapport du FMI n° 19/34, janvier 2019, p.36. Nous mettons en gras et soulignons.
4Ibidem, § 53, pp.35-36. Nous soulignons.
5 Ibidem, § 54, pp. 36-37.
6 Cf. REGLEMENTN°09/2007/CM/UEMOA portant cadre de réference de la politique d’endettement public et de gestion de la dette publique dans les Etats membres de l’UEMOA 7 Ibidem.
8 Rapport du FMI n° 19/34, p. 37. Nous soulignons.
9 Mamadou Lamine Loum, “Le Sénégal au 1er avril 2001, p.233.
LA QUESTION DES RÉPARATIONS POUR L’AFRIQUE EST RELANCÉE
EXCLUSIF SENEPLUS - Le 38ème Sommet de l'UA pose clairement la question des réparations coloniales, avec un soutien international grandissant incluant l'ONU. Il reste aux sociétés civiles africaines de s’en saisir
Le 38ᵉ Sommet de l'Union africaine (UA) a effectivement discuté de la question des réparations en mettant un accent particulier sur le thème annoncé « Justice pour les Africains et les personnes d'ascendance africaine grâce aux réparations ».
« Le Conseil économique, social et culturel de l'UA (ECOSOCC) a affirmé que « les réparations sont le sujet brûlant à Addis-Abeba ». Le général-major Dr. al-Tayeb Abdul Jalil, professeur soudanais de droit international, a élaboré une carte des réparations, estimant que Londres doit 700 milliards de dollars au seul Soudan en raison des pertes subies durant la domination coloniale britannique.
Dr. al-Tayeb Abdul Jalila indiqué qu’il ne parlait pas au nom du seul Soudan mais de plusieurs pays africains, ajoutant : « La compensation matérielle n'est pas une tentative de mesurer les souffrances en argent, mais une opportunité de consacrer ces fonds au développement de nos pays. »
La Première ministre de la Barbade, Mia Motley a quant à elle lancé un appel passionné en faveur des réparations, en demandant à l’Europe et aux USA de commencer par reconnaître leurs torts historiques.
"Dites pardon. Dites pardon et soyez sincères. Et après avoir dit pardon, reconnaissez que l'avenir du monde n'est pas possible sans la stabilité de l'Afrique et de sa diaspora", a-t-elle souligné.
La Première Ministre Mottley a souligné la nécessité d'actions tangibles telles que la création de ponts aériens et maritimes pour faciliter les voyages et les échanges entre l’Afrique et les Caraïbes.
Le Secrétaire de l’Organisation des Nations Unies, M. Antonio Guterres a pour sa part pris position très clairement an faveur des réparations en déclarant notamment devant l’Assemblée Générale, au cours de son allocution du 15 février 2025 :
« Le monde ne doit jamais oublier que l’Afrique est victime des effets conjugués de deux injustices colossales. Tout d’abord, les profonds ravages du colonialisme et de la traite transatlantique des esclaves. C’est un mal dont les racines remontent à plusieurs siècles et dont les Africains et les personnes d’ascendance africaine continuent de pâtir aujourd’hui encore…La décolonisation, en elle-même, n’a pas été une panacée. L’indépendance politique n’a pas débarrassé les pays des structures fondées sur l’exploitation et des décennies de sous-investissement économique, social et institutionnel. Il est grand temps de mettre en place des cadres de justice réparatrice… »
Ainsi la question des réparations de la part de l’Europe et des Etats Unis en faveur de l’Afrique a été relancée par le 38eme Sommet de l’Union Africaine.
Il reste aux sociétés civiles africaines de s’en saisir et de faire sorte que les chefs d’Etat posent des actes concrets, en direction de l’ONU notamment pour la réalisation des engagements pris au cours de ce 38eme Sommet.
Image d'illustration: Alwihda Info
Par Demba Moussa Dembélé
UN RAPPORT ACCABLANT !
Le rapport publié le 12 février 2025 sur l’audit des finances publiques est une véritable bombe, par la gravité et l’ampleur des révélations qu’il contient. On est effaré par la désinvolture avec laquelle le régime de Macky Sall a géré les finances ...
Le rapport publié le 12 février 2025 sur l’audit des finances publiques est une véritable bombe, par la gravité et l’ampleur des révélations qu’il contient. On est effaré par la désinvolture avec laquelle le régime de Macky Sall a géré les finances publiques du pays pendant plusieurs années. On découvre ainsi un pillage à grande échelle des deniers publics par un groupe d’individus qui n’avaient aucun respect pour le bien public. Des dizaines de milliards ont disparu sans laisser de trace. Des mensonges ont été servis aux « partenaires » et aux marchés financiers sur le niveau du déficit budgétaire et le plafond de la dette publique.
Confirmation des alertes du nouveau régime
On notera que les chiffres du rapport vont au-delà de ceux que le Premier ministre Ousmane Sonko avait révélés le 26 septembre 2024. Lors de cette sortie, il disait que le régime de Macky Sall avait menti au peuple et aux partenaires et maquillé les chiffres des finances publiques pour présenter « une image économique différente de la réalité ». Le président de la République Bassirou Diomaye Faye avait lui aussi alerté sur l’état catastrophique des finances publiques du pays constaté après la prise du pouvoir. Les défenseurs de l’ancien régime et leurs mercenaires tapis dans certains médias avaient contesté leur diagnostic et parlé de manipulation.
Le rapport de la Cour des comptes vient de leur clouer le bec en révélant une réalité qui dépasse largement ce que le régime avait annoncé. Parmi les chiffres maquillés on notera surtout ceux du déficit budgétaire et de la dette publique dont les niveaux sont de très loin supérieurs à ceux fournis par l’ancien régime. En effet, le déficit budgétaire se situe à 12,3% contre 4,9% et le ratio de la dette publique frôle 100% du produit intérieur brut (PIB), comparé à 74% !
Au vu de l’ampleur du maquillage des chiffres révélée par le rapport, on ne peut manquer de poser la question sur les raisons qui ont poussé le régime précédent à mentir au peuple et aux « partenaires ».
Raisons du maquillage des chiffres
Ces rasions sont à rechercher dans l’obsession de Macky Sall visant à présenter aux marchés financiers et aux « partenaires » internationaux une bonne image de la gestion économique du pays. En effet, on avait souvent entendu le président Macky Sall et ses ministres se vanter de la « qualité de la signature » du Sénégal auprès des marchés financiers, chaque fois qu’il émettait avec succès des « eurobonds ».
De même, dans ses rapports avec la Banque mondiale et le FMI, le régime de Macky Sall avait coutume de dire que les relations avec ces deux institutions étaient basées sur la confiance qu’elles avaient dans les politiques « macroéconomiques saines » du pays, c’est-à-dire sur des déficits budgétaires jugés « raisonnables » et une dette publique jugée « soutenable ». L’on peut se demander comment la Banque mondiale et le FMI ont pu être bernés pendant des années par le régime de Macky Sall. Question légitime quand on sait que ces institutions ont leurs représentants-résidents à Dakar qui travaillent étroitement avec les ministères en charge de l’Economie et des Finances. Comment se fait-il qu’avec cette proximité et les moyens dont elles disposent qu’elles n’aient pas pu déceler les fraudes sur les chiffres ? Ou bien auraient-elles une certaine complicité dans la manipulation de ceux-ci ?
En ce qui concerne l’UEMOA, on se rend compte que le régime de Macky Sall n’a pas respecté les normes édictées par l’institution communautaire, notamment un déficit budgétaire ne dépassant pas 3% du PIB et un niveau de dette publique ne dépassant pas 70% du PIB.
Donc, à la lecture du rapport de la Cour des comptes, on sait maintenant que le régime précédent avait utilisé le mensonge et la manipulation des chiffres dans ses rapports avec les marchés financiers et ses « partenaires africains et internationaux !
Que faire ?
Après la publication du rapport de la Cour des comptes, le nouveau régime aura fort à faire pour restaurer l’image du pays à l’extérieur et même au sein de l’UEMOA. Il y aura toujours un petit soupçon qui subsistera dans la tête de certains des « partenaires ».
Pour lever ces doutes et la méfiance, il faudra prendre des mesures drastiques, tant au niveau des procédures de décaissements et de contrôle qu’au niveau des personnes responsables de ce que certains appellent un « carnage financier ».
En effet, il est impératif d’identifier toutes ces personnes et engager des poursuites contre elles. Il faudra saisir cette occasion pour éradiquer la culture de la complaisance, du mensonge et de la manipulation des chiffres dans la gestion des ressources du pays. Il faut mettre fin à la culture de l’impunité en trainant en justice tous ceux qui ont eu une part de responsabilité dans la gestion scandaleuse des finances publiques et leurs complices, dans l’administration et le secteur privé.
Le Président Bassirou Diomaye Faye et le Premier ministre Ousmane Sonko ont dit et répété qu’ils diront toujours la vérité au peuple sur la réalité économique et sociale du pays. Ce rapport leur donne l’occasion rêvée d’aller plus loin dans cette voie, en combattant le mensonge et l’opacité dans la gestion des affaires publiques et en instaurant une culture de la transparence et du respect du bien public. Ce sera un signal fort de rupture d’avec le système qu’ils ont combattu avec acharnement. Car on ne peut pas obtenir des résultats différents avec le même système.
La rupture doit également s’appliquer aux relations avec les « partenaires », en se débarrassant de la culture de la dépendance. Le Président Diomaye et le Premier ministre Sonko doivent mettre l’accent sur la nécessité pour le Sénégal de compter d’abord sur lui-même par la mobilisation de ses propres ressources et la transformation structurelle de son économie.
Par Abdoul Aly KANE
LA NOUVELLE LOI BANCAIRE ET LES PME
L’état du Sénégal est en passe de voter, à l’Assemblée nationale, de nouveaux aménagements de la loi bancaire s’appliquant aux établissements de crédit exerçant leur activité sur le territoire de l’Union monétaire ouest-africaine.
L’état du Sénégal est en passe de voter, à l’Assemblée nationale, de nouveaux aménagements de la loi bancaire s’appliquant aux établissements de crédit exerçant leur activité sur le territoire de l’Union monétaire ouest-africaine.
Encore une réformette de l’Umoa serions-nous tenté de dire, dans un contexte de rejet, par la jeunesse, du système économique et monétaire actuel dont la particularité, après 70 années de fonctionnement, est son échec à impulser un développement économique créateur d’emplois.
Ces pays sont enfoncés dans le classement des pays les moins avancés ou à faible indice de développement humain selon l’organisme en charge de la classification.
Les Etats sont caractérisés par des performances de croissance économique erratique et généralement à 1 chiffre n’ayant pas d’effet d’entraînement notable sur la transformation structurelle des économies.
Une politique monétaire axée sur un franc Cfa fort, du fait de son arrimage à l’euro, n’a pas impulsé le développement des économies africaines en 75 années, faute de compétitivité sur le plan international, les spécialisant dans l’importation tous azimuts et l’exportation de produits primaires non transformés.
Faute de consistance des revenus des produits de base exportés et sans aucune maîtrise sur leur prix de marché, nos pays sont dans l’impossibilité de faire face aux déficits budgétaires, encore moins au remboursement de la dette extérieure, ce qui les classe en général parmi les «pays pauvres très endettés de la planète».
De surcroît, la sous-valorisation des produits de base exportés contraint les Etats à «emprunter pour payer la dette» (cavalerie financière) et à faire l’impasse sur des dépenses budgétaires essentielles de santé et d’éducation, faute de revenus exports suffisants.
Les principaux aménagements de cette nouvelle loi que nous avons identifiés à l’appui de cette contribution, sont : la création de nouvelles dispositions encourageant les établissements de crédit à financer les Pme et les particuliers, la mise en application rigoureuse des normes règlementaires «prudentielles» issues de Bâle II et III afin de rendre le système bancaire plus «robuste», la mise en place d’un dispositif préventif de gestion des crises bancaires, et enfin la régulation des entreprises de technologie financière (Fintech) et de monnaie électronique.
Rappelons que le Comité de Bâle a été créé en 1974 par les dix principaux pays industrialisés, avec comme objectif de renforcer la solidité du système financier mondial par une surveillance bancaire régulière via des normes prudentielles appliquées à leurs activités et à leur structuration propre, dans le souci de prévenir les faillites de banques.
La question transversale qui nous interpelle d’emblée, est de savoir comment concilier la volonté de renforcement de l’actuel dispositif règlementaire (Bâle 1, 2, 3 et bientôt 4) appliqué aux banques de la zone F Cfa et l’accès des Pme au crédit dont on sait qu’elles sont évincées du fait même de ces dispositions ?
Le dispositif prudentiel était déjà considéré comme oppressif pour les banques en matière de distribution de crédit ; l’application stricte des normes de Bâle 2 et 3 non seulement ferait apparaître des cas de non-conformité nécessitant des restructurations en fonds propres, mais encore se traduirait par la diminution du volume global des crédits «risqués» comme ceux accordés aux Pme.
Bâle 4 serait en préparation pour être appliqué aux banques européennes en 2025.
Ses dispositions, particulièrement en matière de renforcement du capital des banques (estimé à près de 50% de leur niveau actuel), pourrait conduire à la rareté de la création de banques, mais surtout à la disparition de banques africaines ne disposant pas d’un actionnariat solide ou alors non affiliées à des groupes susceptibles de leur fournir un «back up financier» solide pour leur mise en conformité.
Pour notre part, nous considérons que la règlementation de Bâle est une course-poursuite entre les banques européennes exposées aux risques inhérents aux marchés financiers et un surveillant bancaire (le Comité de Bale) soucieux de veiller à l’intégrité du système bancaire exposé aux risques de faillite.
Des crises bancaires systémiques se sont produites depuis 2008 (crise des subprimes, faillite de la Silicon Valley Bank et du Crédit Suisse racheté in extremis par l’Union des banques suisses), induisant davantage de normes de surveillance en réaction.
Ces normes tournent essentiellement autour du renforcement des fonds propres de banques en vue de l’absorption éventuelle des pertes générées par l’octroi de crédits non performants ou des opérations sur titres hasardeuses.
Pour ce qui concerne la zone Uemoa, le marché financier étant peu profond, l’exposition à ces risques sont réduits avec la surveillance étroite exercée par la Commission bancaire sur les banques.
En effet, depuis le milieu des années 80, il n’a pas été enregistré de faillite de banque à notre connaissance.
Toutefois, les taux de croissance économique enregistrés dans la zone depuis cette période n’ont pas impulsé un développement économique qu’aurait permis la transformation structurelle des économies.
A notre sens, cette volonté de s’ancrer dans les règles de Bale, tout en apportant des aménagements à la loi bancaire, montre en réalité que la Bceao est au centre d’objectifs divergents.
Mettre en œuvre une politique monétaire visant la stabilité du couple F Cfa/Euro sur le marché des changes, appliquer des normes de rigueur aux banques dont l’effet est de circonscrire le risque de crédit Pme et de pousser les banques à s’orienter vers les opérations sur titres ou de trésorerie, privilégient assurément la stabilité monétaire au détriment du développement économique.
Après avoir encouragé la création d’institutions de microfinance et d’établissements de crédits généralistes voilà 30 ans (1995), les nouveaux aménagements semblent indiquer un retour au secteur bancaire pour financer les Pme.
Il a été établi par des audits que le faible développement des institutions de microfinance dont les mutuelles constituent la majorité (en nombre), tient à des questions de gouvernance dans les organes de direction (Conseil d’administration, crédit, contrôle), mais aussi à la faible capacité de ces institutions à couvrir les besoins financiers exposés par les Pme, et enfin au déficit de contrôle de la part de la tutelle (ministère chargé des Finances).
Au total, ces institutions n’ont pas connu, depuis 30 années, de développement en termes de volumes de crédits distribués, et semblent de plus en plus orientés vers les «micro-entreprises» centrées dans des activités à faible revenus, relevant davantage de la «lutte contre la pauvreté».
Les autres établissements financiers à caractère bancaire pêchent pour la plupart par une stagnation de leur portefeuille commercial, à relier à leur taille (réseau), à la faible diversité des services qu’ils fournissent à leur clientèle, mais aussi à l’absence d’affiliation à un actionnariat ou groupe pouvant assurer du refinancement.
Paradoxalement, ces établissements sont concurrencés par les banques commerciales qui les supplantent dans la «chasse» aux dépôts d’épargne du secteur informel (cuir, maroquinerie, chaussure, bijouterie, tissus transformés etc.).
Alors, quels types d’institutions financières spécifiques aux Pme ?
Les banques commerciales classiques sont exclues du schéma.
Après 3 générations de normes prudentielles renforcées, les banques commerciales s’éloignent progressivement des secteurs des prêts à risque, pour privilégier l’immobilier, les opérations de prêts aux banques sur le marché monétaire et aux Etats sur le marché financier des titres publics.
Les normes prudentielles appliquées aux banques, calquées sur l’Europe, poussent les banques à octroyer des crédits à une clientèle sûre, couverts par des garanties indiscutables (même les garanties foncières ne suffisent plus avec la gestion qu’impose la Banque centrale en matière de traitement comptable des adjudications d’immeubles) et surtout à faire des opérations de trésorerie sans risque.
On le constate d’ailleurs à la lecture des comptes d’exploitation bancaires, à travers lesquels on voit bien que la composition de la marge bancaire globale est de plus en plus dépendante des opérations de trésorerie (opérations sur le marché monétaire interbancaire et sur le marché des titres publics), au détriment du corps de métier originel (transformation des dépôts des clients en prêts à d’autres clients générant une marge d’intermédiation).
Les banques commerciales (ou banques de dépôts) sont des entités privées qui agissent, en définitive, dans l’intérêt de leurs actionnaires, soucieux d’un retour sur capital investi via des dividendes substantiels.
Si la robustesse des banques vantée en Umoa se limite à leur santé financière pour la satisfaction d’actionnaires privés en attente de dividendes substantiels, le développement économique via les Pme n’y trouve pas son compte.
Les Etats, de plus en plus orientés par la Bceao sur ce marché des titres, les intègrent comme «levier» pour leurs levées de fonds sur le marché international (financements des infrastructures publiques, couverture des déficits budgétaires et «reprofilage» de leur endettement extérieur global), participent de la rareté du crédit aux entreprises.
Dans un contexte de surveillance stricte de l’évolution de la masse monétaire en circulation, cette éviction, de fait, des entreprises du crédit bancaire au profit de l’Etat devrait, à notre sens, inspirer de nouvelles réformes de l’institut concernant les Pme, leur accompagnement aux plans financier et organisationnel doit être du ressort des Etats, et par conséquent se traduire par la création d’une banque publique à statut particulier et d’institutions spécialisées en aval pour garantir l’efficacité des concours à accorder en priorité dans les secteurs de l’artisanat de production, d’art et de culture, du digital, au niveau desquels notre pays possède des avantages comparatifs indéniables.
Le gouvernement du Premier ministre Ousmane Sonko nous paraît avoir pris la mesure du contexte institutionnel dont la Bceao est l’institution faîtière, et des enjeux du financement des Pme.
En perspective de la tenue du Forum de la Pme, le Secrétariat d’Etat au développement des Pme-Pmi, l’Agence de développement et d’encadrement des petites et moyennes entreprises (Adepme), des structures de l’administration publique concernées et des institutions financières ont pris l’initiative de constituer un fonds de 3000 milliards de F Cfa à l’horizon 2028 dédié au financement des Pme.
Au-delà de ces partenaires, l’Etat pourrait mobilier le soutien en termes de subventions et de lignes de crédit, d’institutions financières internationales confiantes dans le potentiel des industries artisanale et créatives.
L’organisme de gestion de ces fonds gagnerait à être précisé quant à sa nature et son mode de fonctionnement.
En définitive, les réformes de la Bceao ne sont pas anodines, l’institution supranationale étant le pilier du système économique et monétaire des Etats membres. Dans un monde où les Etats, structurellement déficitaires en ressources budgétaires, sont livrés aux marchés financiers pour leurs besoins de refinancement courts et longs, les Pme n’y trouvent pas leur compte.
La Bceao et les banques soumises à sa réglementation d’une part, et la monnaie F Cfa de l’autre, ne sont pas en rapport dichotomique, mais constituent l’envers et le revers d’un même système monétaire et financier qui n’a pas réussi à transformer structurellement les économies concernées, faute de soutien aux Pme, seules capables d’innovation continue et de création d’emplois décents.
Aussi, la création de banques commerciales tous azimuts venant participer à la collecte des dépôts à vue, à terme et d’épargne doit connaître un terme dans la zone, au profit de l’émergence d’institutions financières tournées vers le développement économique.
C’est la raison pour laquelle nous estimons que l’Etat du Sénégal doit assurer le leadership de la définition d’une autre politique monétaire dans la zone, combinant «stabilité des prix» et «développement économique».
Abdoul Aly KANE
LA CHINE PEUT-ELLE REMPLACER L'OCCIDENT AU SAHEL ?
Alors que la France perd rapidement son influence dans la région du Sahel en Afrique de l'Ouest et qu'un un président américain imprévisible est au pouvoir, la Chine pourra t-elle combler le vide ?
Alors que la France perd rapidement son influence dans la région du Sahel en Afrique de l'Ouest et qu'un un président américain imprévisible est au pouvoir, la Chine pourra t-elle combler le vide ?
La région du Sahel couvre 10 pays : Burkina Faso, Cameroun, Gambie, Guinée, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria, Sénégal et Tchad. Les troupes françaises ont été expulsées dans trois d'entre eux - le Mali, le Burkina Faso et le Niger - à la suite de coups d'État militaires. Le Tchad, le Sénégal et la Côte d'Ivoire ont également mis fin à la présence militaire française.
Les troupes étaient présentes en raison de la menace sécuritaire posée par des groupes extrémistes tels que Boko Haram et la Province de l'Afrique de l'Ouest de l'État islamique.
Le Niger a aussi dénoncé un accord permettant le maintien d’environ 1 000 soldats américains engagés dans une mission de lutte contre le terrorisme, reprochant aux ÉtatsUnis une attitude « condescendante ».
Bien qu'il ait été justfifié que la présence des puissances occidentales n'a pas résolu les défis sécuritaires de la région, leur retrait crée un vide.
Je suis un chercheur en sciences politiques et en relations internationales qui étudie. les relations sino-africaines depuis plus de dix ans.
Je soutiens que Pékin pourrait tirer parti du vide au Sahel d'au moins trois manières : en augmentant ses investissements dans les minerais critiques ; en résolvant la crise de la Cedeao (due par la sortie du Niger, du Burkina Faso et du Mali du bloc régional) ; et en augmentant ses ventes d'armes.
Cela est d'autant plus vrai que la Chine n'est pas étrangère dans la région du Sahel. Par exemple, elle finance la construction du siège de la CEDEAO à Abuja, au Nigeria pour un montant de 32 millions de dollars US.
Trois avantages pour la Chine
Premièrement, la Chine pourrait étendre son influence, et les quatre prochaines années offrent d'énormes opportunités à cet égard.
L'approche transactionnelle et imprévisible que pourrait adopter Donald Trump en matière de relations internationales pourrait forcer les pays africains à se tourner vers la Chine. Par exemple, ils pourraient avoir besoin de l'aide de la Chine pour combler le vide créé par la décision des États-Unis de démanteler l'USAID et de geler l'aide internationale au développement.
Le Nigeria a rejoint le Brics en tant que pays partenaire quelques jours avant l'investiture de Trump. Le Brics est un groupe d'économies émergentes déterminées à faire contrepoids à l'Occident et à réduire l'influence des institutions mondiales. Il a été créé en 2006 et était initialement composé du Brésil, de la Russie, de l'Inde et de la Chine. Cette décision de la plus grande économie du Sahel est l'expression de son engagement envers la Chine. Elle pourrait avoir des répercussions sur d’autres pays sahéliens.
Ce vide offre à Pékin l'opportunité de renforcer ses investissements et sa position de premier bénéficiaire des minerais essentiels, tels que l'or, le cuivre, le lithium et l'uranium, dans la région du Sahel.
En 2024, la production d'or en Afrique de l'Ouest était estimée à 11,83 millions d'onces. Le Ghana, le Burkina Faso, la République de Guinée et le Mali étaient les principaux contributeurs.
Deuxièmement, la Chine est dans une position unique pour jouer un rôle dans la résolution de la crise de la Cedeao.
Suite aux coups d'État militaires, la Cedeao a sanctionné le Mali, le Burkina Faso et le Niger. La Cedeao a même menacé le Niger d'une invasion militaire. En réaction, les trois pays ont décidé de quitter la Cedeao pour former l'Alliance des États du Sahel.
En tant qu'acteur neutre dont la politique de non-ingérence s'applique aussi bien aux régimes civils que militaires, Pékin est en mesure de faire négocier la Cedeao et l'Alliance des États du Sahel avant la date de départ définitif du 29 juillet 2025.
Si elle réussit, la Chine ressemblerait davantage à une puissance pacifique, une image contestée par d'autres.
En s'appuyant sur ses projets de soft power comme les Instituts Confucius et les bourses d'études, la Chine pourrait se présenter comme le « sauveur » de l'intégration de la Cedeao.
A l’image de son soutien au projet ferroviaire Tazara qui a permis à la Tanzanie et à la Zambie de se doter d’une ligne ferroviaire, alors que les ÉtatsUnis et l’Europe étaient soit réticents, soit absents.
Troisièmement, il y a les ventes d'armes chinoises.
Les armes chinoises sont déjà présentes au Sahel. En 2019, le Nigeria a signé un contrat de 152 millions de dollars avec la China North Industries Corporation Limited (Norinco) pour acquérir des équipements militaires destinés à la lutte contre Boko Haram. Depuis lors, les drones et autres équipements chinois sont devenus un élément clé de la stratégie nigériane de contre-terrorisme.
Le retrait des pays occidentaux du Sahel pourrait donner un nouvel élan au marché des armes chinoises. En effet, ces pays seront probablement réticents à vendre des armes aux États sahéliens qui ont expulsé leurs forces.
Les sanctions contre la Russie ont également augmenté la probabilité de voir des armes chinoises dans le Sahel.
Par exemple, quelques mois après le départ de la France et des États-Unis de la région, certains rapports ont suggéré que des mercenaires russes dans la région du Sahel utilisaient des armes chinoises. Norinco, le premier fabricant d'armes de Chine et le septième fournisseur d'armes au monde, a ouvert des bureaux de vente au Nigeria et au Sénégal.
En juin 2024, le Burkina Faso a reçu 100 chars d'assaut de la Chine. Trois mois plus tard, le Mali a signé un accord avec Norinco pour renforcer sa lutte contre le terrorisme.
Une route semée d'embûches
Le principe de non-ingérence de la Chine peut convenir aux gouvernements civils et militaires du Sahel. Cet atout stratégique peut lui être bénéfique à certains égards, mais il comporte aussi des risques imprévus.
Les intérêts locaux dans la région sont souvent divergents, et l'implication croissante de Pékin pourrait être perçu – à tort ou à raison – comme un soutien à l’un des camps au détriment des autres. Cela pourrait exposer les intérêts chinois comme cibles potentielles.
Il reste incertain que la Chine ait la capacité ou la volonté de combler entièrement le vide laissé par les puissances occidentales évincées. Toutefois, à court terme, Pékin semble bien positionné pour tirer profit de la situation au Sahel.
Par Diagne Fodé Roland
LA COUR DES COMPTES LIBERE LA REDDITION DES COMPTES, LE PEUPLE DOIT L'EXIGER PAR SA MOBILISATION
Dans son rapport de 2025, la Cour des comptes dresse un constat alarmant sur la gestion des finances publiques, mettant en lumière des incohérences majeures entre les chiffres officiels et la réalité budgétaire.
La conclusion du rapport de la Cour des comptes est sans appel :
« En définitive, les travaux de la Cour sur la situation globale des finances publiques, en particulier l’exécution du Budget général et des Comptes spéciaux du Trésor ainsi que l’endettement et la trésorerie, présentée dans le rapport du Gouvernement, ont abouti aux principales constatations suivantes : tirages sur ressources extérieures supérieurs à ceux affichés dans le rapport du Gouvernement ; encours de la dette supérieur à celui figurant au rapport du Gouvernement ; disponibilités du Trésor supérieures à celles indiquées dans le rapport du Gouvernement ; montant de la dette garantie supérieur à celui présenté dans le rapport du Gouvernement ; déficits budgétaires supérieurs aux niveaux affichés dans le rapport du Gouvernement ; service de la dette bancaire hors cadrage non retracé dans le rapport du Gouvernement ; encours de la dette bancaire hors cadrage supérieur au montant affiché dans le rapport du Gouvernement ».
Ces morceaux choisis de la sentence sans équivoque, qu'est le rapport 2025 de la Cour des comptes, démontrent chiffres et lois à l’appui la saga néocoloniale de la mal-gouvernance libérale APR/BBY :
« La Cour constate, à la Recette générale du Trésor, des rattachements irréguliers consistant à comptabiliser des recettes recouvrées en année N à l’exercice N-1. Les situations des recettes rattachées sont produites par la Direction générale des Impôts et des Domaines (DGID) et la Direction générale des Douanes (DGD) ». « Les rattachements irréguliers ont pour effet d’augmenter les recettes de l’année N-1 et, par conséquent, de minorer le déficit budgétaire de la même année enregistré dans le Tableau des Opérations financières de l’État (TOFE)… En 2022 et 2023, les déficits budgétaires sans rattachements irréguliers, rapportés au PIB, sont supérieurs respectivement de 0,46% et 0,27% aux déficits affichés dans le TOFE ».
Les « restes à recouvrer s’élèvent à 408,2 milliards de F CFA et ne tiennent pas compte des créances douanières liquidées d’un montant de 261,71 milliards de F CFA… L’omission des créances douanières altère la précision des données relatives aux restes à recouvrer et donne une image incomplète de leur situation ». « Le coût budgétaire des exonérations fiscales évaluées par le rapport sur la période de 2019 à 2021... La Cour constate que le rapport du Gouvernement n’inclut pas les données relatives aux dépenses fiscales pour les années 2022 et 2023 ». « En revanche, la DGD a transmis une situation récapitulative des exonérations accordées entre 2019 et le premier trimestre 2024… La Cour relève des transferts importants au profit des services non personnalisés de l’Etat (SNPE) et des dépenses sur ressources extérieures non retracées dans les LR/PLR… Les Services non personnalisés de l'État (SNPE), entités dépourvues de personnalité juridique, ont bénéficié, durant la période sous revue, de transferts budgétaires d’un montant total de 2 562,17 milliards de F CFA, représentant 28,06% des transferts globaux du budget général… Contrairement à la procédure normale, les opérations effectuées à travers ces comptes de dépôt échappent totalement aux contrôles de régularité préalables nécessaires à la préservation des deniers publics. En effet, les seules diligences qu’effectuent les comptables de rattachement lors des décaissements des fonds portent sur le contrôle de la disponibilité des fonds et de la qualité du signataire du chèque ou de l’ordre de virement. Ils n’effectuent pas de contrôle de régularité notamment la vérification de la validité de la créance. Les transferts au profit des services non personnalisés de l’Etat, exécutés à travers des comptes de dépôt ouverts au Trésor et confiés à des gestionnaires nommés par le Ministre chargé des finances, mobilisent d’importantes sommes dont la gestion comporte plusieurs manquements… A titre illustratif, la Cour a examiné la situation d’exécution des comptes « CAP/Gouvernement » et « Programme de Défense des Intérêts économiques et sécuritaires du Sénégal (PDIES) ».
« L’analyse des données sur les ressources extérieures permet de faire les constats ci-après : des variations notées dans les situations produites par la DODP ; des écarts entre les données sur les prêts projets communiquées par la DODP et celles du TOFE ; des discordances des tirages sur les prêts projets entre la DDP et la DODP… L’écart global entre la dernière situation produite par la DODP et celle figurant dans le rapport du Gouvernement est de 143,98 milliards de F CFA ».
« Les rapprochements effectués ont permis de constater des écarts entre les ordonnancements de la DODP et ceux enregistrés dans les plateformes de certains bailleurs. Interpellé sur ces constats, le Directeur de l’Ordonnancement des Dépenses publiques a transmis une nouvelle situation des ordonnancements qui présente encore des écarts. A titre illustratif, les écarts relatifs aux ordonnancements effectués par la DODP et concernant trois (3) bailleurs », qui sont « BANQUE ISLAMIQUE DE DÉVELOPPEMENT, BANQUE MONDIALE, BANQUE AFRICAINE DE DEVELOPPEMENT ». « Selon le DODP, ces variations notées s’expliquent essentiellement par l’annulation de montants déjà ordonnancés et transmis aux bailleurs, l’omission d’enregistrements d’ordonnancements, les erreurs d’écriture et les corrections apportées après vérification ».
« La Cour note des écarts entre la situation des tirages sur prêts projets nets des rétrocessions et des soldes des comptes bancaires ouverts pour le compte de projets et programmes communiquée par la DODP et celle enregistrée au TOFE… Le montant des dépenses financées sur « prêts projets » nets des rétrocessions et soldes des comptes bancaires communiqué par la DODP à la Cour est supérieur à celui qu’elle a produite enregistrée dans le TOFE, ce qui a pour effet de réduire le déficit budgétaire affiché… Sur toute la période sous revue, à l’exception de l’année 2020, les dépenses d’investissement financées sur ressources extérieures dépassent les prévisions de la LFI. A titre illustratif, en 2023, les dépassements représentent 84,4% des prévisions de la LFI ».
« Des écarts sont relevés entre les données de la DODP et les tirages des prêts projets suivis par la DDP…Les données de la DODP sont supérieures aux tirages de la DDP ; ce qui signifie qu’une partie de l’encours de la dette n’est pas retracée dans les documents de suivi de la DDP ».
« Les travaux de la Cour ont permis de relever les constatations ci-après. - des discordances sur les données de l’amortissement, de l’encours de la dette publique et des disponibilités bancaires ; - des anomalies constatées dans les surfinancements ; - des pratiques impactant la trésorerie de l’Etat ; - des manquements dans la gestion des dépôts à terme (DAT) ; - un reliquat de l’emprunt obligataire (Sukuk SOGEPA) de 2022 non versé au Trésor public ; - une dette garantie non exhaustive ; - une dette bancaire importante contractée hors circuit budgétaire ; - des déficits budgétaires supérieurs à ceux affichés dans les documents de reddition ; - un encours de la dette supérieur au montant figurant dans les documents de reddition ».
« Les données sur l’amortissement de la dette de 2019 à 2023 indiquées dans le rapport du Gouvernement ne sont pas concordantes avec celles des PLR/LR… Les données présentées dans le rapport du Gouvernement ne reprennent pas correctement les situations transmises par la DDP et retracées dans les lois de règlement… L’encours de 13 773 milliards de F CFA de la dette de l’Administration centrale au 31 décembre 2023 présenté dans le rapport du Gouvernement est différent de celui de 13 854 milliards de F CFA retracé dans le PLR 2023, soit un écart de 81 milliards de F CFA…».
«Le surfinancement est le dépassement du montant nécessaire pour couvrir le besoin de financement composé du déficit, de l’amortissement de la dette et des autres charges de trésorerie. La Cour relève des discordances dans les reports des surfinancements et l’utilisation en 2023 d’une partie du surfinancement. Des discordances sont relevées dans les reports des surfinancements… Le surfinancement de 2020 de 54,71 milliards de F CFA n’a été reporté en 2021 que pour un montant de 51,31 milliards de F CFA, soit un écart de 3,4 milliards de F CFA. Celui de 2021 d’un montant de 238,24 milliards de FCFA n’a été reporté en 2022 que pour 120,7 milliards de F CFA, d’où un écart de 117,54 milliards de F CFA ».
« La Cour constate, dans la comptabilité générale de l’État, l’alimentation du compte CAP Gouvernement pour un montant de 155 milliards de F CFA sans couverture budgétaire… En définitive , ces décaissements irréguliers d’un montant total de 481,42 milliards de F CFA doivent être déduits du surplus de financement annoncé de 604,7 milliards de F CFA, ce qui ne laisse qu’un reliquat de 123,28 milliards de F CFA ».
« Les travaux réalisés par la Cour ont permis de relever une absence de concordance entre le compte « DAT-TG Banques commerciales » de la balance du TG et l’état de suivi des DAT, des DAT encore disponibles dans les livres des banques et des DAT cassés et non reversés au Trésor... ce stock n’est pas corroboré par la situation extracomptable des DAT appuyée des pièces justificatives qui dégage un solde de 198 287 194 249 F CFA, soit un écart de 21 066 819 011 F CFA… ».
« Des anomalies sont relevées... Les travaux de la Cour ont permis d’établir les constats suivants : • une dette bancaire importante non retracée dans la comptabilité publique ; • un service de la dette bancaire élevé ; • une gestion de la dette à travers des comptes bancaires mouvementés sur ordre du Ministre chargé des Finances ; • une dette bancaire exposant l’État à des risques budgétaires ».
« L’analyse de la situation des CNO a permis à la Cour de relever que cette pratique est effectuée en dehors des circuits d’exécution budgétaire et occasionne des surcoûts importants supportés par l’État ».
« Des comptes bancaires commerciaux mouvementés sur ordre du Ministre chargé des Finances et utilisés pour couvrir des dépenses extrabudgétaires… recommandation de la Cour... mettre en œuvre les mesures nécessaires en vue de la clôture des comptes bancaires ouverts au nom de l’État du Sénégal et gérés par des personnes autres que les comptables publics ».
« Les travaux réalisés par la Cour montrent que l’encours de la dette est supérieur à celui affiché dans les documents de reddition. L’encours total de la dette de l’administration centrale budgétaire s’élève à 18 558,91 milliards de FCFA, au 31 décembre 2023, et représente 99, 67% du PIB ».
Ce rapport de la Cour des comptes établit donc clairement l'usage de faux, de tripatouillage et maquillage pour dilapider l’argent du peuple par la bourgeoisie bureaucratique d’Etat néocolonial que dénonçait le communiste feu Seydou Cissokho et ses camarades signataires du Manifeste du PAI.
Ces bourgeois nègres sous-traitants juchés sur les bancs du gouvernement néocolonial APR/BBY opéraient leur OPA manifestement au vu et avec la complicité des institutions de Brettons Woods (FMI/BM) et de certaines banques.
L’État hors la loi que nous n’avons cessé de dénoncer est largement illustré dans ce rapport de la Cour des comptes qui épingle des pratiques opaques des « emprunts risqués », des « surfinancements », « dette bancaire contractée hors circuit budgétaire », de « reliquat d’emprunt obligataire non versé au Trésor public », des « Dépôts à terme cassés dans des banques et non reversés au Trésor public », « Des rattachements irréguliers de recettes », « des restes à recouvrer » exonérés, « des dépenses fiscales » donc des milliards de francs CFA d’exonérations non justifiées, « des transferts importants au profit des services non personnalisés de l’État et des dépenses sur ressources extérieures non retracées », etc. Le bonbon de cette gourmandise vénale insatiable est « l’émission de certificats nominatifs d’obligations (CNO) évalués à 546,70 milliards de F CFA et des intérêts de 58,99 milliards de F CFA... émis au nom de personnes morales et qui ne sont pas adossés à des obligations résultant de conventions de crédit bancaire ».
Les dettes vis-à -vis de certains bailleurs de fonds (FMI/Banque Mondiale) et les transactions entre l’État APR/BBY et certaines banques de la place doivent absolument être auditées.
Prolongeant la mise en place de la Haute cour de justice, le peuple doit s’en mêler en exigeant la reddition des comptes des voleurs et l’abrogation des mécanismes de ce système libéral de la pompe à fric qui dépouille le peuple et le pays.
Notre parti Pastef doit être le fer de lance de l’indispensable mobilisation populaire pour appuyer l’actuel pouvoir souverainiste dans sa lutte justifiée pour récupérer tous les biens mal acquis de l’autocratie néocoloniale libérale. La préparation du 1er congrès de Pastef conformément au communiqué du Bureau politique doit intégrer la nécessité de favoriser l'expression démocratique massive du peuple pour la reddition des comptes.