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29 avril 2025
Opinions
par l'éditorialiste de seneplus, Jean-Claude Djéréké
JEAN-MARC ELA, THÉOLOGIEN INSOUMIS ET DÉFENSEUR DES PAUVRES
EXCLUSIF SENEPLUS - Pour lui, la religion est “une force sociale dans laquelle l’homme peut puiser des possibilités contestatrices de l’ordre établi”. Le natif d’Ebolowa ne pouvait qu’irriter le Vatican à travers ses prises de position
Jean-Claude Djéréké de SenePlus |
Publication 29/05/2022
La dernière fois, où j’échangeai avec lui, c’était chez Karthala, notre éditeur commun, dans le 13e arrondissement de Paris. Nous étions en 2003. Notre première rencontre avait eu lieu 20 ans plus tôt au noviciat jésuite situé à l’époque à Nkoabang, près de Yaoundé (Cameroun). Ce jour-là, Jean-Marc Ela nous avait longuement parlé de Tokombéré où il avait débarqué en 1971. Simon Mpeke alias Baba Simon y vivait déja depuis une dizaine d’années. Ela admirait à la fois l’esprit missionnaire et le dépouillement de ce prêtre bassa de l’archidiocèse de Douala. Il voulait “partager l'expérience de cet homme qui l'avait fasciné quand il était étudiant”. Tokombéré était appelé “le lieu du combat” parce que la vie y était difficile et parce qu’il fallait se battre sans cesse pour y survivre. Ainsi, Ela lui-même était obligé de lire et d’écrire à la lueur de la lampe tempête, de dormir dans une petite case. Partager la vie difficile des paysans kirdis lui donna l’occasion de voir les conséquences des plans d’ajustement structurel imposés par le Fonds monétaire international aux pays africains dans les années 1980 ainsi que les ravages du néo-libéralisme car ces paysans étaient “contraints d’arracher les tiges de mil qui commencent à pousser pour semer le coton”. Cela lui permit aussi de constater que le “monde d’en-bas”, loin d’être passif, invente des pratiques sociales novatrices adaptatives pour ne pas crever de faim et disparaître” (cf. ‘Quand l’État pénètre en brousse. Les ripostes paysannes à la crise’, Paris, Karthala, 1990).
De tous les ouvrages écrits par Ela pendant son séjour à Tokombéré, ‘Le cri de l’homme africain’ (1980) est, de mon point de vue, celui qui décrit le mieux les souffrances du monde paysan. Pour Ela, l’Église en Afrique, en plus de gérer des écoles et dispensaires, de catéchiser, de baptiser, de marier et de confesser, devrait prendre la défense des petits et des faibles, dénoncer et combattre le système néolibéral qui appauvrit et clochardise des millions de personnes dans un continent qui possède pourtant toutes sortes de richesses. Pour lui, la religion, loin de se réduire à une relation avec le surnaturel, est “une force sociale [dans laquelle] l’homme peut puiser des possibilités contestatrices de l’ordre établi”.
Il était contre le cléricalisme qui réserve au prêtre le pouvoir de dire la messe, de confesser, etc. Pourquoi ? Parce que, dans les premiers siècles, des laïcs étaient responsables de communautés ou présidaient l’Eucharistie. Ela souhaite que cette possibilité soit offerte en Afrique à des laïcs estimés et ayant fait la preuve d’un long engagement dans l’Église.
Certains se cachent derrière la tradition pour refuser tout changement dans la doctrine et le fonctionnement de l’Église, comme si la tradition était quelque chose d’immuable et d’intouchable. La “théologie sous l’arbre” d’Ela, qui est “un va-et-vient entre la réflexion et la pastorale des mains sales”, soutient au contraire que la vraie tradition est vivante et non figée, qu’elle n’a rien à voir avec l’enfermement dans les clôtures dogmatiques. En d’autres termes, Jean-Marc Ela remet en cause les concepts, institutions, structures, modèles et traditions des Églises d’Occident. Pour lui, il est nécessaire et urgent de “sortir d’une religion toujours plus ou moins modelée par une civilisation de conquête, qui domine les autres, qui se croit unique, de libérer le christianisme de cet encombrement qui risque d’empêcher son incarnation dans la culture et l’humanité de l’homme africain” (https://www.cath.ch/newsf/apic-interview-28/).
Le natif d’Ebolowa ne pouvait qu’irriter le Vatican en faisant valoir que les Églises africaines pouvaient être autre chose qu’un décalque du modèle romain. En effet, il ne sera pas convié au premier synode sur l’Afrique à Rome (avril-mai 1994). Le Vatican le percevait, avec Engelbert Mveng, Pierre Meinrad Hebga et Fabien Eboussi, comme un “théologien à problèmes”, non parce qu’il enseignait et défendait des hérésies mais parce qu’il “militait pour l’inculturation et l’organisation d'un Concile africain”. Au grand dam des autorités vaticanes, Ela, Hebga et Mveng participeront néanmoins à un synode parallèle grâce au SEDOS (Service of documentation and study on global mission). Au cours de ce contre-synode, les 3 théologiens défendent unanimement l'option selon laquelle “la démocratisation et l'instauration de l'État de droit en Afrique sont la nouvelle route de l'Église”. Ela pense que le théologien africain doit parler de Dieu à partir du lieu où la parole de Dieu le trouve. Et il ajoute : « L'Afrique est un véritable pôle de la révélation, un lieu où Dieu parle à l'Église et au monde. J'ai pris conscience de l'insignifiance du christianisme occidental pour l'homme africain. Ce christianisme est intégré à un système de domination dans lequel Dieu risque d'être capturé par les forces qui nous oppriment. Or il faut que Dieu soit Dieu et, pour qu'il en soit ainsi, il faut que Dieu soit libéré de cette captivité. Autrement dit, ma théologie prend pour point de départ le fait que l'Évangile ne peut réellement être une force de libération que si on le dégage du christianisme occidental fondamentalement associé à un système de domination depuis la conversion de l'Empereur Constantin. »
Il y a ainsi, chez Jean-Marc Ela, la préoccupation d’une double libération : libération des structures qui affament et oppriment l’Africain en interne et libération de la dépendance occidentale. Parce qu’Ela parle de libération, certains en ont hâtivement conclu qu’il avait été influencé par la théologie de la libération dont les grandes figures en Amérique latine sont le Péruvien Gustavo Guttierrez, les Brésiliens Hugo Assmann, Leonardo Boff et Clodovis Boff, les Nicaraguayens Ernesto et Fernando Cardenal, l’Uruguayen Juan-Luis Segundo et les Salvadoriens Ignacio Ellacuria et John Sobrino. À ceux qui accusent les théologiens africains d’avoir copié le continent latino-américain, il répondra ceci : “Ce qu'il faut savoir, c'est que la théologie de la libération est d’origine africaine. Nous avons été parmi les premiers à poser les bases d’une théologie de la libération en essayant de retrouver les rapports entre Dieu et les peuples opprimés. Dès les années 1960, pendant que nous préparions le Concile, j'étais préoccupé par les problèmes de la libération.”
Après 14 ans passés à Tokombéré, Ela s’installe dans la capitale politique du Cameroun pour enseigner la sociologie à l’université de Yaoundé I. Il dispensait ses cours en semaine. Le weekend, il célébrait la messe à la paroisse de Ndzong-Melen fondée par l’abbé Pie-Claude Ngoumou qui introduisit le balafon dans le chant liturgique. Cette paroisse devint rapidement célèbre non seulement parce que les catholiques camerounais pouvaient y louer le Seigneur avec des instruments du terroir mais aussi parce que la messe y était dite en plein air. Beaucoup de personnes parmi lesquelles des étudiants venaient dans cette paroisse, pour écouter les homélies d’Ela qui ne caressaient pas le régime de Paul Biya dans le sens du poil. Si on admirait son audace et son courage, on repartait surtout, de là, réconfortés après avoir écouté sa parole qui était tranchante comme l’épée. Mais les prédications d’Ela ne plaisaient pas à tout le monde. Elles dérangeaient ceux qui étaient devenus les bourreaux de leurs propres frères alors qu’on s’imaginait que le départ du colonisateur serait synonyme d’une ère de liberté, de sécurité et de prospérité pour tous.
Le 24 avril 1995, Engelbert Mveng, historien, artiste et théologien, est assassiné à son domicile. La mort du premier jésuite camerounais provoque un choc dans le pays et au-delà. Léopold Sédar Senghor, qui le connaissait et l’estimait, est atterré. Ela était en Belgique quand le drame se produisit. Il rentrera au Cameroun en juin. Interrogé sur la mort de son ami Mveng, il ne mâche pas ses mots. Il rappelle notamment que l’État camerounais a le devoir de protéger les personnes et leurs biens, de rendre la justice. Il se demande ce qui risque d’arriver à la société camerounaise si les dirigeants du pays ne respectent plus rien. Il n’omet pas de faire un parallèle entre la vie des Camerounais au cours des dix dernières années et l’homme attaqué et dépouillé par des brigands entre Jérusalem et Jéricho dans la parabole du bon Samaritain, fait remarquer que “le sang du Père Mveng et des autres victimes des assassinats qui ont eu lieu au Cameroun depuis dix ans crie, faute de justice”. Ces prises de position vaudront des menaces de mort à Ela. Au début, il essaie de les minimiser mais des parents et amis proches du régime l’informent qu’il pourrait être la prochaine victime et lui conseillent donc de se mettre à l’abri. Devant la multiplication des menaces, Ela est obligé de quitter le Cameroun en août 1995 pour le Canada où il rendra l’âme en 2008.
Partisan d’une théologie qui, “à partir de la solidarité avec les pauvres et les opprimés, libère la force provocatrice et libératrice de l’Évangile”, Jean-Marc Ela fait indiscutablement partie des “intellectuels authentiques”, c’est-à-dire de ces Africains qui “ont résisté aux séductions de l’intégration, ont refusé de se renier, de se truquer, sont restés sur la brèche, entre le passé et l’avenir, entre deux mondes… sont demeurés des êtres réels, des humains” (cf. Fabien Eboussi, ‘Lignes de résistance’, Yaoundé, Clé, 1999, p. 42).
Les manifestations anti-françaises, devenues habituelles à Bamako, font des émules à Ouagadougou et N’Djamena. Pour les colonels au pouvoir, l’ancienne puissance coloniale représente un bouc-émissaire idéal
Jeune Afrique |
Damien Glez |
Publication 28/05/2022
Comment la France de « papa Hollande », fendant la liesse tombouctienne en 2013, est-elle devenue la piñata sur laquelle les manifestants bamakois tapent aujourd’hui avec le plus d’entrain ? Certes, les clameurs des foules ne se confondent pas avec les opinions des peuples.
Certes encore, chaque contrée souveraine possède le droit de désirer de nouveaux partenariats, sans d’autres formes d’arguments, et il est vrai que le bilan des opérations militaires Serval et Barkhane ressemble à un verre à moitié vide ou à moitié plein – c’est selon. Certes enfin, la France n’était pas guidée dans son épopée malienne que par les seuls intérêts altruistes, Paris anticipant les risques terroristes en Europe, cédant pour le reste aux réflexes françafricains ou promouvant le réseau économique postcolonial ou néocolonial – c’est toujours selon. Pour autant, les calicots qui qualifient la France de « génocidaire » ont-ils été écrits par des gens convaincus que Paris a programmé l’extermination physique et systématique de tout le peuple malien ?
Contagion
L’irrationalité et le populisme étant chacun le catalyseur de l’autre, Barkhane et l’ambassadeur gaulois ont été appelés à faire leurs bagages, tandis que France 24 et RFI ont été bâillonnées, parfois présentées comme victimes équivalentes des russes RT France et Sputnik. À Gossi, les captations de caucasiens manipulant des corps, puis des faux comptes sur le Net, n’ont été publiquement évoquées par les autorités maliennes qu’en se focalisant sur le doigt qui montrait la lune. Le portrait-robot esquissé avant même que ne soit menée l’instruction, il devient superflu de citer « l’État occidental » qui aurait soutenu une « tentative de coup d’État ».
Les pays africains ont une spécificité précieuse qui se fait rare dans les autres pays, il s’agit de la tradition d’hospitalité. L’accueil de l’étranger, qui est considéré comme un invité, est une tradition ancrée au sein de chaque famille africaine
Au siège des Nations unies à New York, du 17 au 20 mai 2022, s’est tenu le premier Forum d’examen des migrations internationales. Gouvernements, observateurs, représentants du système onusien et groupes des parties prenantes y ont participé.
A Marrakech en décembre 2018, les gouvernements avaient adopté le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières. Les Etats membres y ont présenté le bilan des progrès accomplis depuis.
L’enjeu majeur, sans grande surprise, qui planait sur ce forum, a été les statistiques migratoires. Ce n’est pas un hasard si l’objectif 1 du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières est, je cite, «collecter et utiliser des données précises et ventilées qui serviront à l’élaboration de politiques fondées sur la connaissance des faits».
Il faut rappeler que le Pacte mondial s’inscrit dans le cadre de la cible 10.7 du Programme de développement durable à l’horizon 2030 : «Faciliter la migration et la mobilité de façon ordonnée, sans danger, régulière et responsable, notamment par la mise en œuvre de politiques de migration planifiées et bien gérées.»
Les Etats membres s’étaient engagés à coopérer au niveau international pour faciliter une migration sûre, ordonnée et régulière.
Les 23 objectifs du Pacte touchent à tous les aspects de la migration, des aspects socioéconomiques aux aspects politiques et de gouvernance, en passant par ceux liés aux droits des migrants.
Une révision du Pacte signifie concrètement une évaluation du degré d’implémentation des différents objectifs dans les pays membres. Cela implique la disponibilité de données factuelles et fiables qui permettent de faire une évaluation rationnelle. Or, cela s’avère difficile voire impossible, quand on constate qu’il existe un grand déficit dans les statistiques liées à la migration.
Tant que l’objectif 1 n’est pas atteint, il est inutile de fournir des efforts pour faire une révision des 22 autres objectifs du Pacte.
A ce niveau de réflexion, il est important de préciser : quand on parle de statistiques migratoires, cela ne veut pas dire uniquement la quantification. Ramener l’utilisation des statistiques à ce seul fait pourrait s’avérer dangereux. Cela sous-entendrait que les statistiques servent à réduire et contrôler les flux. Une telle approche viderait le Pacte mondial sur les migrations de tout son sens.
Le Pacte est d’abord et avant tout, un cadre de gouvernance mondiale sur les migrations au service du migrant. Une gouvernance mondiale implique l’existence de gouvernances nationales. La condition pour qu’une politique soit efficiente, est qu’elle doit être basée sur des données factuelles, d’où l’importance majeure des statistiques.
L’objectif d’avoir des statistiques fiables, loin de chercher à arrêter, en vain certainement, un phénomène tout à fait naturel, est de servir à garantir les droits des migrants, leur offrir un meilleur accès aux services et protéger leurs droits.
Avoir des données fiables sur les flux migratoires permet de faire des prévisions, d’adapter les politiques, de mettre en place des mesures permettant d’optimiser l’offre de santé, d’éducation et d’emploi.
Ces statistiques servent également à mesurer l’impact économique des migrations sur la société d’accueil et d’origine. Elles permettent de faire des analyses plus approfondies et de «niche». L’analyse qui a été faite par Lebeaud et Renaud sur la relation entre langue et travail, a démontré que le lien entre la langue et la mobilité professionnelle n’est pas stable et se modifie avec le temps. Les études qui ont été faites pour mesurer le lien entre taux de fécondité et migration, sont une question d’actualité face au vieillissement de la population que subissent plusieurs pays dans le monde. On voit là que le champ des statistiques s’avère multidimensionnel et transversal.
Les statistiques migratoires permettent aussi de contrer les discours alarmistes et d’y faire face. Sait-on qu’on estimait à 281 millions le nombre de migrants internationaux dans le monde en 2020, soit 3,6% de la population mondiale. Ils sont 36 millions d’Africains, dont 80% se déplacent à l’intérieur du continent. Ce qui nous amène au fait avéré qu’il n’y a que 7 millions de personnes qui quittent l’Afrique pour le reste du monde, dont 1,5% de manière irrégulière. Contrairement aux idées reçues, la migration africaine et illégale ne représente que 0,5% de la migration totale. On voit bien qu’on est loin de l’image fantasmée qu’on donne de la migration en provenance du continent africain.
Les pays africains devraient faire face à ce double défi technique et de bonne gouvernance, faute de quoi ils continueront à le traiter d’une façon empirique. En effet, des statistiques de qualité permettent une bonne gouvernance des migrations, mais avoir des chiffres fiables exige impérativement une structure de gouvernance performante.
Pour ce faire, plusieurs actions peuvent être entreprises. On peut citer la nécessité de la mise en place d’une structure de gouvernance nationale qui chapeauterait et centraliserait la collecte et le traitement des données migratoires. Le Maroc s’est doté d’un Observatoire national de la migration, qui a pour mandat de traiter l’ensemble des questions liées à la migration au niveau national. Ce type de structures pourrait être un relais pour l’Observatoire africain des migrations.
Au niveau multilatéral, Il est souhaitable d’accélérer l’opérationnalisation effective de l’Observatoire africain des migrations basé à Rabat et créé sous l’impulsion du Roi du Maroc, Mohamed VI. C’est une institution de l’Union africaine qui pourrait constituer un puissant bras armé dans le domaine.
L’Union africaine devrait faire preuve de beaucoup plus d’implication. Comme le démontrent les chiffres cités plus haut, la migration africaine est d’abord une question africaine, elle devrait de ce fait être discutée prioritairement au sein des instances africaines.
Par ailleurs, il faut préciser que dans la majorité des pays africains, les statistiques migratoires sont gérées de manière sectorielle. Chaque structure dispose de sa propre méthode de collecte, ce qui complique le processus de traitement et d’exploitation des données issues de ces systèmes. De ce fait, il s’avère urgent d’harmoniser les méthodes de collecte au niveau de chaque pays, avant de passer à une harmonisation au niveau du continent. C’est un travail qui pourrait être soutenu par l’Observatoire africain des migrations. Cette harmonisation devrait impérativement être menée en parallèle avec une harmonisation des définitions et concepts liés à la migration.
Il est recommandé que les organismes internationaux mettent leur expertise technique au service des pays qui veulent se doter des instruments nécessaires à la collecte des statistiques. La question du renforcement des capacités des acteurs, certes importante, devrait faire l’objet d’un suivi.Il s’agit également d’encourager les échanges de bonnes pratiques au sein du continent. On peut citer comme exemple le Sénégal et sa gestion avancée des questions liées à la diaspora.
Aussi, il est important d’améliorer l’accessibilité aux données migratoires officielles, aux médias et chercheurs, faute de quoi ces derniers se tourneront vers des sources moins fiables.
Enfin, il est important d’introduire les nouvelles technologies au niveau de la collecte et du traitement des données migratoires, comme le recours à des plateformes informatiques ou des outils de collecte digitaux.
Les pays africains ont une spécificité précieuse qui se fait rare dans les autres pays, il s’agit de la tradition d’hospitalité. Le Sénégal, terre de la «Teranga» (mot en wolof qui signifie hospitalité), la «Djatigiya» (mot bambara qui signifie accueillir les étrangers chez soi), pour ne citer que ceux-là. L’accueil de l’étranger, qui est considéré comme un invité, est une tradition ancrée au sein de chaque famille africaine. Mais, on accueille toujours mieux ses invités quand on connait d’avance leur nombre !
Par Mohamed GUEYE
SUICIDE, MODE D’EMPLOI
Comment veut-on réussir une politique de développement avec un budget dont l’essentiel des recettes sert à payer les salaires d’une minorité de la population ?Comment en est-on arrivés à tuer la filière tomate ou l’industrie huilière ?
Le niveau de pauvreté est tel, dans certains ménages sénégalais -et pas seulement dans le monde rural-, qu’il serait aventureux pour un dirigeant responsable de vouloir mettre totalement fin aux politiques de subventions. En toute vérité, les subventions sur certains produits alimentaires et services sont des filets de sécurité indispensables à la stabilité même de ce pays.
Dans un pays où les statistiques officiels enregistrent 51% de taux de pauvreté, il est indispensable de mettre en place des politiques d’atténuation, pour ne pas parler de «lutte contre», comme préconisé par certains officines internationaux. Le véritable défi est de faire en sorte que les subventions arrivent vraiment à ceux à qui elles sont destinées, et ne servent pas à faire le bonheur de ceux qui n’en ont pas besoin. En d’autres termes, les subventions ne doivent pas financer la pauvreté du Sénégal.
Le gouvernement sénégalais continue de s’endetter afin de payer des dettes qui ont été contractées pour financer des produits consommés par des personnes qui ont largement les moyens de s’en procurer, même sans les incitatifs à la baisse.
Nous nous sommes offusqués il y a une semaine, de ce que la subvention à l’énergie va connaître une hausse de 100% dans la nouvelle Loi des finances rectificative, tandis que les augmentations de salaires des enseignants vont nécessiter 100 milliards de francs Cfa supplémentaires. Le même document revoit à la baisse les recettes fiscales de l’Etat, contrairement aux prévisions de la Loi des finances initiale de 2022.
C’est vrai que cette hausse de la subvention se justifie par la situation économique difficile engendrée par la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Cette guerre n’affecte d’ailleurs pas que la fourniture en produits pétroliers. Déjà, dans certains pays de la sous-région, on commence à rationner les fournitures des céréales. D’autres ont décidé de laisser flamber les prix de certains produits alimentaires. Au Sénégal, où l’on préfère laisser agir «la main invisible du marché», l’Etat se soumet au chantage de certains corps professionnels comme les meuniers ou les boulangers, dans l’espoir de maintenir à la baisse les prix.
On peut se demander si les effets de cette politique ont jamais été évalués. Il est en effet intéressant de savoir ce qui justifie de subventionner de manière uniforme le courant payé par les ménages logés dans des quartiers comme Point E, Fann Résidence ou les Almadies, et celui consommé par les familles des quartiers pauvres de nos villes et hameaux.
Hors des ménages, les entreprises du secteur extractif sont les plus gros consommateurs d’énergie au Sénégal, et leur courant est également subventionné. Or, elles ont chacune les moyens de payer leur facture d’électricité au prix coûtant, vu que certaines en produisent même une quantité non négligeable. Dans le même ordre d’idées, une renonciation par l’Etat, aux taxes douanières et fiscales sur la farine de blé, le lait et riz, ne fait essentiellement que les affaires de ces couches de la société qui ont les moyens de payer ces produits, même à des prix non subventionnés. Les producteurs locaux, eux, n’ont pas les mêmes avantages.
La meilleure des choses à faire pour l’Etat, serait certainement de mieux cibler ses subventions. Les bourses familiales et transferts d’argent aident certainement les pauvres à atténuer les effets de la crise, mais ne les aident pas à acquérir des moyens de faire vraiment face aux chocs à moyen et long termes.
Comment veut-on réussir une politique de développement avec un budget dont l’essentiel des recettes sert à payer les salaires d’une minorité de la population, les fonctionnaires, et à rembourser les dettes contractées justement pour le bien de ladite minorité ? Comment veut-on réussir une politique agricole visant l’autosuffisance alimentaire quand on laisse des produits étrangers venir étouffer la production nationale sur son propre marché ? L’Etat s’est-il jamais demandé pourquoi tous les milliards injectés chaque année dans le secteur n’ont pas encore permis d’assurer l’autosuffisance en riz ? Comment en est-on arrivés à tuer la filière tomate ou l’industrie huilière ?
Si l’on veut continuer à subventionner indistinctement les produits exportés, on finira par sonner le glas de la petite industrie de transformation qui nous reste, et l’on continuera de mettre des freins à l’expansion de notre agriculture. Et ainsi, on devra trouver toujours plus d’argent pour financer les bourses familiales et autres mécanismes de Cash transfer, parce que la pauvreté, elle, continuera de se développer. L’ironie de l’histoire est que les pays qui poussent nos dirigeants à ouvrir nos marchés à la concurrence, sont les plus fermés à l’entrée des produits étrangers sur leurs marchés. Et ils se disent adeptes de la libre circulation des marchandises…
Par LUCY DURÁN
RUDY GOMIS, UN COLLABORATEUR MAGISTRAL QUI A PRÉSERVÉ LA MUSIQUE SÉNÉGALAISE DANS SA DIVERSITÉ
Le monde a perdu l'un des grands pionniers du mouvement postindépendance de la musique populaire moderne au Sénégal.
Le monde a perdu l'un des grands pionniers du mouvement postindépendance de la musique populaire moderne au Sénégal.
Après une longue maladie, Rudolphe « Rudy » Clément Gomis, membre fondateur du célèbre Orchestra Baobab, chef d'orchestre, compositeur, chanteur et percussionniste, est décédé le 27 avril 2022 à l’âge de 75 ans dans sa ville natale, Ziguinchor, capitale de la Casamance, au sud du Sénégal. Il n'avait pas été en mesure de se produire avec le groupe depuis un certain temps, mais ses ballades hypnotiques telles que « Coumba » et « Utrus Horas » – aux paroles puissantes, aux mélodies somptueuses et au rythme entraînant – figurent parmi les chansons les plus emblématiques de Baobab, toujours aussi envoûtantes après quasiment un demi-siècle.
En tant que chanteur et auteur-compositeur, le talent de Gomis résidait dans « la fusion de l'humour et de la mélancolie », comme me l'a dit le chanteur vétéran, Amadou Sarr, dans une note rédigée pour les funérailles de son vieil ami. Son génie ne transparaissait pas seulement dans ses textes philosophiques et métaphoriques, mais aussi dans ses mélodies pleines de soul.
Sur des chansons comme Coumba, sa voix légèrement rauque et expressive oscille magnifiquement entre pathos et optimisme. Il a joué un rôle clé dans la création du style si particulier d'Orchestra Baobab, un groupe composé de musiciens exceptionnels originaires de différentes régions du Sénégal, ainsi que du Mali et du Togo. Leur succès est en grande partie dû à ses qualités de leader et à son esprit d’équipe. Cinquante ans plus tard, Orchestra Baobab continue de maintenir vivante et diversifiée la musique sénégalaise et de parcourir le monde avec elle, principalement grâce à Gomis.
LES PREMIÈRES ANNÉES D'ORCHESTRA BAOBAB
Gomis était le dernier survivant des fondateurs du groupe. Il a créé Orchestra Baobab en 1970 à Dakar avec deux autres musiciens exceptionnels, le chanteur Balla Sidibé également originaire de Casamance, et Barthélémy Attisso, le guitariste togolais. Ils avaient déjà travaillé ensemble au sein d’un petit groupe appelé Standard, à la conception d’un style collectif, cosmopolite et varié.
Au Sénégal, dans les années 1970, bon nombre de groupes locaux reprenaient surtout des versions de tubes cubains des années 1950, en chantant dans un espagnol approximatif. Mais avec Baobab, les références à la musique cubaine étaient subtilement repensées dans d'autres langages musicaux pour en faire de nouvelles compositions, et ce délicieux mélange faisait leur charme. De tous les groupes qui ont animé la vie nocturne dakaroise dans les années 1970, Orchestra Baobab était le plus professionnel, tant sur scène qu'en studio, toujours parfaitement au diapason avec des arrangements maîtrisés, sophistiqués et bien ancrés dans le groove. Le Sénégal a obtenu son indépendance en 1960.
En jouant pour l’establishment politique dans la discothèque chic « Baobab », au centre de Dakar, le groupe a connu un grand succès tout au long des années 1970, avec des albums emblématiques comme « On verra ça » (We’ll See). «Oui, nous étions très populaires, mais cela ne nous assurait pas une vie aisée», avait commenté Gomisa commenté Gomis lors d'une longue interview que j'ai réalisée en 2001 et qui est conservée à la British Library Sound Archive. À cette époque, nous avions un président catholique, (Léopold Sédar) Senghor, qui a dit que l'on pouvait jouer des morceaux de styles français et cubains…
Ensuite, après le début des années 1980, les Sénégalais se sont désintéressés des sonorités de Baobab; ils voulaient simplement écouter de la musique wolof. Les Wolofs sont le groupe ethnique majoritaire et le wolof la langue la plus parlée à Dakar et dans le nord du Sénégal. En 1980, le nouveau président Abdou Diouf, un musulman wolof, a introduit une dynamique sociale et culturelle différente. Bien qu'ils aientdans leur réépertoire beaucoup de superbes chansons en wolof, comme Mohamadou Bamba, chantée par Thione Seck, le chanteur wolof, Orchestra Baobab n'était pas à l'aise à l'idée de se lancer à fond dans le mbalax, un style musical d'origine wolof rendu célèbre plus tard par Youssou Ndour. Le groupe s’est finalement séparé en 1985 avant de se reformer en 2001 et de s'imposer sur la scène internationale.
UN PARCOURS RICHE
Les origines de Gomis constituent un facteur déterminant du style musical unique de l'Orchestra Baobab et de son charme. Il défendait des sonorités multiéthniques, une réponse naturelle à l'environnement dans lequel il a grandi. Le Sénégal est divisé en deux régions par le fleuve Gambie. Au sud, la luxuriante Casamance, dont Gomis était originaire, englobe une multitude de langues, de religions et de traditions musicales que l’on ne retrouve nulle part ailleurs dans le pays et qui sont sous-représentées au niveau national. Gomis a expliqué que son héritage bissau-guinéen saute aux yeux dès que l’on prononce son nom de famille.
Son grand-père, d'ethnie Manjak, est né en GuinéeBissau (apppelée à l'époque Guinée portugaise). Les Manjak ont été largement christianisés et ont reçu des noms de famille portugais, comme Gomes, devenu Gomis par créolisation. Leurs traditions musicales font partie d'une culture beaucoup plus vaste, partagée par l’ensemble de l'Atlantique noir, et leur langue principale est le kriolu, un mélange de langues locales et de portugais. C'est la langue que Gomis parlait à la maison, et bon nombre de ses chansons sont en kriolu, comme « Utrus Horas » et « Cabral ».
Son premier contact avec la musique a été l'asiko : À Noël, au Nouvel An et aux mariages, ma famille jouait des tambours asiko et tout le voisinage chantait autour de nous. Également connu sous le nom de gumbé, l'asiko est un type de tambour festif qui a été introduit sur les côtes de l'Afrique de l’Ouest en provenance de la Jamaïque, dans les années 1800, par les Marrons réinstallés. Rudy ne connaissait pas les origines de cet instrument, mais c'était une passerelle vers d'autres styles caribéens comme le reggae et le son cubain, et vers diverses musiques africaines. « L'asiko, dira-t-il plus tard, me relie à toute la côte africaine, jusqu'à l'Angola».
Le père de Rudy Gomis était un capitaine de navire strict. Rudy travaillait dur à l'école mais sa passion était la musique : J'allais dans les boîtes de nuit de Ziguinchor pour voir différents groupes et je me disais que je pouvais faire mieux que ce chanteur ; pourquoi est-ce que je paye pour l'écouter? Alors, j'ai demandé à mon père, ‘Si j'ai de bonnes notes, tu me donneras tout ce que je te demandes?’ Ce que je voulais, c’était une guitare. Il a accepté. Il s'est entraîné quotidiennement, en écoutant divers enregistrements. Ses préférés étaient la musique de l'orchestre cubain Orquesta Aragón, les styles traditionnels de Casamance et de Guinée-Bissau, et la voix du chanteur griot gambien Laba Sosseh, populaire à l'époque. On retrouve des traces de toutes ces sonorités et influences dans la musique de Baobab. Ce qui rend en partie leur musique si particulière c'est que tout le monde y trouve son compte. À l'époque, au Sénégal, les personnes qui n'étaient pas des descendants de lignées d'artisans - appelés griots - n'étaient pas censés faire de la musique: « Mon père m'a dit : ‘Non, tu n'es pas un griot… Tu laisses tomber la guitare et tu continues tes études, ou alors tu pars’. J'ai choisi de partir. Cependant, avant même que je puisse le faire, mon père avait jeté ma valise hors de la maison.
LE RETOUR DE BAOBAB
Après la séparation d'Orchestra Baobab, Gomis, professeur de langues de formation, a fondé sa propre école de langues (dénommée Centre Baobab) à Dakar, où il a enseigné les nombreuses langues parlées dans le sud du Sénégal et en Guinée-Bissau. Les membres du groupe sont restés en contact et ont occasionnellement joué ensemble. Le légendaire producteur Nick Gold, Youssou N'Dour et d'autres ont exhorté Orchestra Baobab à se reformer. Nick Gold avait réédité leur album de 1982 Pirates’ Choice sous le label World Circuit Records, qui a touché un public international, et leurs enregistrements ont commencé à devenir cultes.
Orchestra Baobab s'est reformé en 2001, lançant ainsi sa nouvelle carrière internationale. Sous la direction de Gomis, ils ont renoué avec leur ancien esprit d’équipe, enregistrant cette fois dans de meilleures conditions et avec des featuring d'arttistes formidables. Une série de nouveaux albums à succès sont sortis composés d'anciennes et de nouvelles chansons à l'intention de leur public éparpillé dans le monde.
En 2020, Gomis a pu fêter les 50 ans de la création de Baobab. En 2001, dans l'excitation de leurs retrouvailles, il m'avait confié : J’ai des chansons inédites en poche. Je suis un compositeur. C'est mon travail dans ce groupe… Nous voulons faire de la bonne musique qui perdurera. Orchestra Baobab réalisera ces souhaits, sans aucun doute.
LUCY DURÁN
PROFESSOR OF MUSIC, SOAS, UNIVERSITY OF LONDON
THECONVERSATION.COM
par l'éditorialiste de seneplus, serigne saliou guèye
MAIS QUE FAIT LE MINISTRE DE L’INTÉRIEUR ?
EXCLUSIF SENEPLUS - Les infrastructures sont délabrées, les équipements obsolètes, les conditions de vie des policiers exécrables alors qu'une série fréquente de meurtres et d'agressions s'exerce sur d’honnêtes citoyens
Serigne Saliou Guèye de SenePlus |
Publication 27/05/2022
Le lundi 25 avril 2022, dans un bâtiment inachevé à Bargny, une fillette du nom d’Anta Ndiaye âgée de 8 ans a été tuée sauvagement par un couple de jeunes ados qui prenaient une partie de plaisir. Et voilà le 20 mai que la gérante d'un multiservices à Pikine Rue 10, Kiné Gaye mourait après avoir reçu sauvagement 37 coups de couteau. L’auteur d’un tel crime sordide n’est que Khassim Ba, son superviseur, qui n’a pas hésité à ôter la vie d’une jeune dame pour célébrer un autre, celle de son bébé. Le sadisme et le cynisme ont atteint leur paroxysme quand un dandy épicurien écharpe cruellement une jeune dame pour assouvir les desiderata d’une mère et d’une épouse enivrées par les plaisirs mondains. 24 heures après la mort de Kiné, c’est au tour du jeune Papi Niang à Ouakam de perdre la vie après avoir reçu un coup de couteau dans l’abdomen. Le dimanche 22 mai 2022, à Diamaguène Sicap-Mbao, un jeune du nom de Khabane Dieng âgé de 24 ans est poignardé mortellement au niveau du cou lors d’une altercation avec le frère jumeau du lutteur Mama Lamine. Cela a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase pour que les populations indignées et traumatisées par cette série de crimes s’interrogent sur l’utilité des forces de sécurité que sont la police et gendarmerie. Qu’est-ce qui explique en si peu de temps ce débridement de la violence mortifère à laquelle assistent impuissamment les populations apeurées ?
L’insuffisance des forces de l’ordre et le manque d’équipements adéquats et adaptés à la criminalité sont à mettre dans cette exacerbation de la violence. Pourtant le ministre de l’Intérieur, Antoine Félix Diome, vante à hue et à dia sur tous les tréteaux et plateaux l’acquisition de matériels et d’équipements performants pour notre police nationale. Mais cet équipement commandé après les évènements de mars 2021 est destiné à d’éventuels émeutiers. Selon une information reprise de l’Obs, un mois après ces évènements malheureux, le ministre de l’Intérieur, sur instruction du président de la République, « a passé une commande, en toute urgence, d’un lot de plusieurs dizaines de véhicules blindés légers (APC) de type BATT (Ballistic Armored Tcatical Transport), auprès du fournisseur américano-émirati The Armored Group (TAG) ». Selon la fiche technique du véhicule visitée par Dakaractu et repris par l’Obs « le BATT est destiné aux forces de l’ordre et aux équipes tactiques pour effectuer des missions en milieu rural et urbain. Il permet, pour les équipes, une protection contre les balles de calibre 50 B7/NIJ IV+ ou niveaux de blindage B6/NIJ III. Il dispose d’un plancher de protection contre les explosions, d’un pare-feu interne blindé, d’une protection du toit adaptée aux fusils d’un clip de capot entièrement blindé, des ports pour armes à feu prêts pour l’optique et a une capacité tout-terrain à quatre roues motrices ».
Aujourd’hui, la priorité de Diome, c’est de préserver en toute quiétude le règne de Macky Sall. Quand il s’agit de sécuriser le régime auquel il appartient, le magistrat-politicien ne lésine pas sur les moyens. Mais il est indéniable que la police sénégalaise souffre d’une disette de matériels performants de dernière génération pour lutter contre le grand banditisme et la criminalité ambiante. Lors de son installation à la tête de la police le 29 avril 2021, l'inspecteur général de Police Seydou Bocar Yague avait déclaré par-devers son ministre de tutelle qu’il allait « réarticuler le dispositif sécuritaire, moderniser des infrastructures abritant les unités de Police, acquérir des équipements spécialisés, améliorer les conditions de vie des policiers, renforcer du système de renseignement et d'action ». Mais rien de tout cela ! Les infrastructures sont délabrées, les équipements obsolètes, les conditions de vie des policiers exécrables. Il suffit de se rendre dans plusieurs commissariats pour se rendre compte que les bâtiments qui les abritent, n’étant que des maisons transformées, ne répondent pas architecturalement aux normes d’une infrastructure devant abriter des unités de police.
L’informatisation et la numérisation de la police ne sont pas encore au rendez-vous du 3e millénaire. Une police comme celle des Parcelles Assainies, deuxième grand commissariat de Dakar, manque quasiment de tout. Personnel insuffisant, ordinateurs de dernière génération inexistant, véhicules d’intervention déficients. Comment imaginer que même pour enregistrer des plaintes, le service d’accueil comme d’autres du même commissariat utilise de gros registres. Pourtant nonobstant ces moyens limités, les policiers des Parcelles Assainies, avec à la tête un commissaire chevronné et épris des sens de responsabilité, abattent quotidiennement un travail titanesque à tous les niveaux : sécurisation des personnes et des biens, fluidification et la régulation de la circulation routière surtout avec la construction des voies du BRT, lutte contre la drogue. L’espace polarisé par le commissariat des Parcelles Assainies, en dépit de la déficience des moyens de sécurisation, est l’une des zones de Dakar où les agressions et le grand banditisme n’existent presque plus.
Les conditions des policiers du Sénégal ne sont pas des meilleures. Quand d’autres secteurs de la fonction publique revendiquent à juste raison avec tout un tintamarre des augmentations de salaire ou des indemnités quelconques, les limiers, entravés par une réglementation qui leur interdit d’étaler publiquement leur souffrance, se résignent avec les maigres salaires qui ne peuvent même pas leur assurer un demi-mois de subsistance correcte. Une telle situation ne manque pas d’exposer malheureusement certains d’entre eux, à leur corps défendant, à des pratiques corruptogènes.
En 2018, la gendarmerie sénégalaise avait fait une commande de véhicules blindés et de véhicules anti-émeutes pour parer à toute émeute lors de l’élection présidentielle de 2019. Il s’agissait de véhicules blindés Ejder Yalcin 4×4 et de véhicules anti-émeutes Ejder Toma. In fine, ces véhicules n’ont pas servi à grand-chose pendant les émeutes de mars 2021 où la déferlante populaire a submergé les forces de défense et de sécurité.
En 2011, à deux mois de l'élection présidentielle de 2012, le ministre des Forces armées d’alors avait commandé du matériel anti-émeute composé de 400 lance-grenades, de 9 000 grenades lacrymogènes à fusil et de 600 tenues anti-émeutes complètes pour un montant de 500 millions de francs CFA. Cela n’a pas empêché, Macky Sall opposant de décider, avec ceux qui partageaient son projet politique, d’aller déloger le président en exercice, Abdoulaye Wade, en cas de confiscation de la volonté populaire.
C’est donc dire que plutôt que d’acheter des équipements destinés à mater des populations éprises de démocratie, les ministres des Forces armées et de l’Intérieur doivent orienter plus leur politique sécuritaire sur cette série fréquente de meurtres et d'agressions avec violence exercés sur d’honnêtes citoyens. Aujourd’hui, le ministre de l’Intérieur semble être un ministre chargé simplement des élections. Aucune politique sécuritaire mise en place depuis sa nomination le 1er novembre 2020. Rien que des discours et des déclarations d’intention. Toute son énergie, tous ses moyens, tous ses discours et toutes menaces sont dirigés contre ceux qui ne partagent les mêmes schèmes de pensée politique avec son mentor Macky Sall.
Pour incompétence et échecs répétitifs, le ministre de la Santé Abdoulaye Diouf Sarr a été desservi de ses fonctions. Pourtant son collègue de la place Washington ne fait pas mieux pour la sécurité des citoyens. Mais tant qu’il assurera au Prince des victoires électorales ou tant qu’il lâchera sa flicaille sur les opposants radicaux, il bénéficiera toujours d’une assurance-vie à la tête de son ministère.
Soudain le drame ! Une douleur sans nom. Une souffrance. Une hérésie. Une aberration. Une faute. Une irresponsabilité. Une colère froide. Une rage au coeur. Puis un silence.
Soudain le drame ! Une douleur sans nom. Une souffrance. Une hérésie. Une aberration. Une faute. Une irresponsabilité. Une colère froide. Une rage au coeur. Puis un silence.
La tragédie de Tivaouane ne s’explique pas. Elle s’explique d’autant moins que l’hôpital qui porte le doux nom de Dabakh a failli sur divers protocoles sanitaires qui l’engagent. Visiblement, un grand écart se creuse au regard de l’irrespect du code strict de déontologie.
Au juste, le serment d’Hippocrate plane-t-il encore sur les hôpitaux ? D’autres démons gâtent aujourd’hui le sommeil des patients qui perdent confiance et patience.
La raison du sinistre, puis du drame et enfin de l’hécatombe ne résiste pas à la réalité. La consternation envahit tous les esprits hantés par les carences dans de nombreux services santé.
Un court-circuit ! Rien pour couper court à cette éventualité d’une autre époque. Un court-circuit, encore une nébuleuse.
Les spécialistes de l’électricité sont-ils associés en amont à l’édification des bâtiments hospitaliers ? Qui détient le monopole des constructions ? Pourquoi ne pas démocratiser l’accès aux marchés en éliminant le gré à gré ravageur ? Transparence jusqu’au bout du bistouri.
Si c’est "ça", que valent alors les installations dans nos infrastructures de santé ? Pas grand’chose.
Puisqu’avant Tivaouane, il y eut Linguère, Louga, Kaolack. Les mêmes causes de négligence ont été relevées mais pas l’once d’une réprobation de ces facéties qui nous angoissent tant.
Partout l’horreur qui, à force de se répéter, s’inscrit désormais dans une affligeante banalité. Faute de mieux on entre à l’hôpital avec le doute chevillé au corps, on en sort avec la certitude d’un moral brisé, d’un mental écorné et la crainte bien réelle de contracter une maladie nosocomiale.
Le discours évacue souvent la main de l’homme pour ne retenir que la volonté divine.
Vous y ajoutez les "petits présents" et le gros convoi de gens vautrés dans la paresse venus pour soulager les familles endeuillées.
Le tour du cirque est complet. En attendant un soporifique rapport qui disculpe en fonction des affinités ou des rapports de force prévalant.
La vie ne tient à rien au Sénégal où l’indifférence se substitue à l’émoi pour étouffer des sanglots auxquels plus personne n’est sensible.
Nous ne nous indignons plus. Nous nous complaisons. Grave.
Cette renversante version de notre vie nous précipite dans un versant-toboggan mortifère.
Le pays erre. La société divague. L’autorité se dilue. Le présent fuit. Le passé gouverne des êtres désincarnés qui ne croient plus au futur, donc à l’avenir.
Ces nouveaux-nés calcinés, nous infligent une sanction sans rémission.
Par Amadou Fall
FINI LE MORTAL KOMBAT
Le manipulateur est un dealer ; il vous livre ses doses, vous rend dépendant, vous laisse loque humaine et s’enrichit en vous méprisant.
Le manipulateur est un dealer ; il vous livre ses doses, vous rend dépendant, vous laisse loque humaine et s’enrichit en vous méprisant.
Le Conseil constitutionnel a tranché et à ce qu’il me semble, il aura rendu à chaque coalition politique intéressée par les futures législatives, ce qui lui revient de droit. Les unes comme les autres acceptent le verdict tant bien que mal. Alors lu yaggul, rawul i gêt.
Ce qui est par contre désolant, c’est la peinture désobligeante que certains politiciens-manipulateurs et autres soi-disant experts (de la Constitution ou du Code électoral) font de ces magistrats émérites et des hauts fonctionnaires de l’Administration du pays. Ils dépeignent magistrats et fonctionnaires de l’Etat comme affidés à l’Apr et des serpents charmés par le Président Macky Sall, le chef de la coalition Benno. Lamentable comme posture politicienne peut-on dire.
Mais de quelle expertise se prévalent-ils à longueur de journées ? Celle qui décrit sans voir ? Celle que l’on présente de manière dupe et intéressée pour manipuler la jeunesse, pour exploiter sa fougue et sa colère, pour enfin l’asservir en douceur et la jeter comme torche incendiaire dans les rues lors des manifestations ?
Déthié Fall admet aujourd’hui que son recours était simple diversion. L’avait-il signifié aux jeunes de mon pays ? Que cherchait-il avec cette patate chaude placée entre les mains du Conseil constitutionnel, hormis le fait de jeter à la vindicte populaire les sept sages ?
Sonko appelle, quant à lui, deux cent mille jeunes dans les rues pour aller déloger le président et en assumant pleinement cet appel à l’insurrection. Depuis quand l’Etat de mon beau pays est-il devenu si faible ?
On oublie nos morts du Mortal Kombat de mars 2021 ; on les efface de facto de notre mémoire collective ; seuls les intérêts politiciens du moment comptent aux yeux de ces baroudeurs. Pourtant, nous refusons tous par simple hypocrisie de dire à ces pyromanes professionnels que parmi les 14 jeunes martyres de mars 2021, il n’y avait pas un seul petit Sonko, pas un seul petit Diaz, pas un seul petit Fall, pas un seul petit Sagna ou encre le moindre petit Sall.
Dis Ousmane Sonko, tes enfants n’ont-ils pas la force de jeter un pavé sur les Forces de l’ordre ? Dis-moi, Barth, ton fils aîné, n’aurait-il pas le bras assez solide pour tenir une torche incendiaire afin de carboniser un Auchan ou une station Total ? Dis-moi Déthié, ta descendance n’a-t-elle le courage de tomber sur le «champ d’honneur», l’honneur de donner sa vie pour le redressement et l’aura démocratique ce pays ? Et toi Khalifa, ta descendance n’a-t-elle pas le courage de laver «l’affront» de ton inéligibilité et de tes quelques mois passés à Rebeuss ? Si, Khalifa, avoir fait la prison pour un crime, ne t’empêche pas de commencer un autre crime encore plus odieux ! Seulement, tu tires (toi et ta clique de pyromanes insensés) avec un fusil déchargé. Plus de munition, vieux frère ! Les jeunes ont compris votre jeu cynique et dévastateur. De la simple chair à canon, ils vous disent non et non…Ils aspirent à mieux. Désormais il n’y a plus de kamikazes dans ce pays vous rétorquent-ils. Allez Chercher ailleurs vos moutons de sacrifice.
Ceux qui se disent experts dans ce pays (surtout le professeur Ngounda) doivent apprendre à se taire car la vocation première d’un chercheur est de créer l’information nouvelle -c’elle qui éclaire parce que novatrice- et non de manipuler d’une manière de plus en plus élaborée, l’information déjà disponible. Pourquoi pousse-t-on nos jeunes au sacrifice suprême pour les simples intérêts d’opposants-pouvoiristes encagoulés ?
On consolide la construction d’un pays par les idées et non par le sang. Le sang appelle le sang. Et tous ceux qui sont arrivés au pouvoir en voguant sur un fleuve de sang, l’ont quitté par une autoroute ensanglantée et avec un onéreux et lourd péage. Qu’on se le tienne pour dit ! Oui, la valeur d’une vie, c’est un mort qui te la donne. Car le proverbe nous chinois dit : «Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait.»
Ce pays ne vit pas de politique politicienne : il cherche à être bien présent au rendez-vous de la *Raison* du monde et de *l’intelligence* de l’humanité ; raison et intelligence faites d’émergence économique, de paix sociale et de concorde entre les hommes. L’entraver de ce chemin par un verbe léonin voire incendiaire et par un geste burlesque et attentatoire, constitue un crime. Et la place d’un criminel est connue de tous…
Par Colonel El hadji Alioune SECK
MACKY SALL À MOSCOU ET A KIEV
La visite du président à Moscou et Kiev d’abord, puis à Bamako, Conakry, N’Djamena, Ouagadougou et Khartoum serait un parcours parfait
Colonel El hadji Alioune SECK |
Publication 27/05/2022
La visite du Président Macky Sall à Moscou et Kiev d’abord, puis à Bamako, Conakry, N’Djamena, Ouagadougou et Khartoum serait un parcours parfait.
Le 23 mai 2022, le Président Macky Sall a décidé de se rendre à Moscou et à Kiev pour une demande d’ouverture de négociations entre les belligérants russes et ukrainiens.
C’est une bonne décision ; après le vote historique de neutralité du Sénégal, le 2 mars 2022, à l’Assemblée générale de l’Onu sur l’opération de la Russie en Ukraine, déclenchée le 24 février 2022.
Décidément, la diplomatie sénégalaise «reprend du poil de la bête». Tant mieux. La diplomatie sénégalaise, sous la conduite du Président Macky Sall, sera encore plus respectée. Car elle emprunte ainsi les traces de la dynamique et bien inspirée diplomatie des années 1970, du premier Président sénégalais chrétien, quand le Sénégal obtenait la présidence du comité des Nations unies pour l’exercice des droits inaliénables du Peuple musulman palestinien. Moscou, Kiev, Bamako, Conakry, Ouaga, Ndjamena et Khartoum méritent bien une prière du vendredi saint.
La visite officielle du Président Macky Sall a pour but essentiel de demander une ouverture de négociations devant aboutir à un cessez-le-feu d’abord, et une paix ensuite, entre Russes et Ukrainiens. Ce faisant, le Président Macky Sall, à la faveur de son magistère de président de l’union africaine, souhaite œuvrer pour une sécurité mondiale collective renforcée, faire élaborer une sécurisation des sources vitales d’approvisionnement d’énergies et de céréales ; et enfin éviter aux africains une insécurité alimentaire certaine si le conflit venait à se prolonger. Mais par-dessus tout, il convient de constater que la Russie a beaucoup d’intérêts en Afrique ; sans doute le Président Poutine écoutera le président de l’Ua.
Il faut prier ; et Moscou, Kiev, Bamako, Conakry, Ouaga, Ndjamena et Khartoum méritent bien une prière du vendredi saint.
Bravo Monsieur le Président pour cette vision perspicace.
Etre président de l’Ua, pour la durée trop courte d’un an, suppose une vision claire et profonde des enjeux stratégiques ; mais il postule également un réalisme de la part du leader des Africains face aux si forts dirigeants des grandes puissances qui ont des intérêts nationaux divers et variés.
Dès sa désignation par ses pairs à Addis, nous sommes de ceux qui ont tout de suite pensé que le Président Macky Sall devait se fixer les deux à trois objectifs ci-après.
Proposer l’intégration de l’Ua comme membre du G20 pour mieux faire entendre les préoccupations africaines dans le processus de prise de décisions économiques et politiques qui impactent la vie quotidienne des Africains qui ne siègent pas dans ces hautes et importantes organisations.
Donner une porte de sortie aux cinq juntes africaines
Proposer que l’Ua obtienne un siège de membre permanent du Conseil de sécurité avec droit de veto (les juristes nous diront que les membres de l’Onu sont des Etats ; ce qui est, du reste vrai ; mais comme il est impératif d’élaborer une refonte des textes de l’Onu, alors il faut étudier les voies et moyens d’entendre et écouter les 54 Etats africains ayant accédé à la souveraineté internationale 15 années après la mise sur pied de l’Onu, le droit international est-il une science immuable ? ).
Entamer une initiative politique et économique au Mali, en Guinée, au Burkina Faso, au Tchad et au Soudan en dépit des sanctions décidées par la Cedeao.
A ces 3 objectifs ou vœux est venu s’ajouter la situation brusque et inattendue de la paix nécessaire en Ukraine.
A son retour de Kiev, le Président Macky Sall devrait se rendre obligatoirement dans les quatre pays africains de l’Ouest et au Soudan où des juntes militaires sont au pouvoir. Le constat est que la Cedeao a bel et bien pris, à juste raison, des sanctions pour décourager les coups d’Etat militaires en Afrique.
La Cedeao a joué, continue de jouer un rôle important sans prétendre être une communauté parfaite. En effet, dans les années 1990, il y a eu le Senreglib (senegalese régiment in Liberia) au sein de l’Ecomog (ecowas monitoring group), qui était la première force au nom de la Cedeao, sous l’impulsion du Nigeria comme «lead-nation».
Ce fut un succès éclatant. Cette dernière notion de nation-leader, ou de nation-pivot fait cruellement défaut aujourd’hui. Et pourtant le Sénégal a joué ce rôle en République de Guinée-Bissau, avec un résultat mitigé, et en Gambie mettant fin à une dictature militaire de 23 ans. Là aussi la réussite de la Cedeao fut totale.
De ce point de vue le moins que l’on puisse dire est que la Cedeao a le mérite d’exister. Et en Afrique des pays comme le Soudan n’ont pas la chance d’appartenir à des organisations communautaires régionales capables de prôner la «tolérance zéro» pour les putschs militaires. Ainsi les populations soudanaises sont victimes des exactions brutales et criminelles d’une junte militaire dans l’indifférence générale de tout le continent africain. Ainsi donc, en sa qualité président de l’Ua, le Président Macky Sall devrait rayonner au-delà de la Cedeao.
Cette initiative offrirait une chance, une porte de sortie, aux militaires africains au Mali, en Guinée, au Tchad, au Burkina Faso et au Soudan. Sinon ces derniers seraient tentés par une radicalisation qui serait nuisible au développement économique, politique et social du continent.
Colonel El hadji Alioune SECK
Grand officier de l’ordre national du mérite
Senior consultant AC Consultants
USA naval Postgraduate School graduate
Monterey Californie
Usa
Par Serigne Saliou DIAGNE
DES VIES PAS SI SACRÉES AU SÉNÉGAL
Notre pays est dans une séquence folle, une chute au fond des abysses nous dépouille de lucidité, de raison et de dignité. Qu’est-ce qu’un État incapable de garantir une sécurité à la naissance ?
Le Sénégal s’est réveillé une nouvelle fois dans l’émoi. Le drame vient cette fois-ci de Tivaouane. 11 âmes innocentes perdues dans un incendie, rallongeant la liste des morts de nouveau-nés ou de leurs mères dans nos hôpitaux. Le drame de l’unité néonatale de Linguère en mai 2021, avec 4 morts, la tragique affaire Astou Sokhna à Louga, qui a tenu le pays en haleine tout ce mois d’avril, et cette horreur à Tivaouane, sont autant de rappels froids et cruels qu’il y a un mal qui ronge notre secteur sanitaire.
Ce mal mérite d’être adressé en situant toutes les responsabilités, en identifiant les fautifs, en sanctionnant aussi bien les acteurs de premier rang que les autorités en bout de chaîne. On ne peut pas avancer sur cette situation sans stigmatiser l’Etat du Sénégal au premier chef. Le drame de Linguère était une tragédie de trop. Voir que dans des circonstances similaires, une pareille situation se produit dans un autre hôpital, a de quoi indigner et pousser à mettre au banc des accusés les décideurs publics sans aucune logique de chasse aux sorcières, mais dans un esprit d’imputabilité des responsabilités. Ce drame mérite que les causes profondes soient identifiées, qu’un diktat de syndicalistes dans le corporatisme le plus primaire ne fasse obstruction à toute enquête. La rengaine des menaces de grèves ou de paralysie du système de santé a assez prospéré. Le Sénégal doit bien à ses enfants ayant péri dans les flammes une vérité qui empêchera qu’une telle horreur ne se répète.
Notre pays est dans une «séquence folle», une chute précipitée au fond des abysses nous dépouillant de lucidité, de raison et de dignité. Le sacré se perd dans tout, mais l’échec majeur reste la perte du caractère sacré de la vie. Dieu a le dos assez rond pour lui imputer tous les morts. Pire ou mieux !, il n’est pas là pour apporter la réplique ! La formule est connue : pleurons les morts un temps, crions à l’indignation, une enquête est diligentée, cherchons des faux-fuyants, personne ne sera froissé, laissons le temps faire, l’amnésie caractéristique de notre peuple fera le reste. Les Etats-Unis d’Amérique ont les tueries de masse comme traumatisme permanent et on finit par «apprivoiser» cette roue de l’indignation ou d’un «endiguement» des affects et émotions face à tout drame national. Pour le «containment» des affects au Sénégal, les miracles de la vaseline sociale Made in Dakar ne sont plus à prouver.
Il serait regrettable que le Sénégal voie ses hôpitaux devenir la source continue des drames majeurs qui nous mettraient tous en émoi. Ce sont des lieux de vie qui, à l’image des écoles outre-Atlantique, s’ils venaient à être estampillés comme des mouroirs ayant pignon sur rue, ne feront que renforcer le désamour et le mépris en la chose publique. Cela ne ferait qu’accentuer la défiance à l’égard de la parole publique d’où qu’elle vienne. A moins de servir aux populistes encagoulés de notre vie publique, notre pays perdra au change. Le coup de gueule devenu viral de l’entraîneur des Golden State Warriors, Steve Kerr, en conférence de presse, se prononçant sur la fusillade récente dans une école du Texas, mérite d’inspirer des sorties de personnalités sous nos cieux pour crier leur ras-le-bol face aux drames qui se produisent dans nos hôpitaux.
Khalil Gibran disait dans Les ailes brisées qu’ «une simple pensée bâtit les pyramides, fonda la gloire de l’Islam. Une seule passion détruisit Troie et causa l’incendie de la bibliothèque d’Alexandrie». De simples erreurs et des errements coupables ne cessent de porter atteinte à des vies qui auraient pu être bien utiles à ce pays. Ces tragédies récentes dans la santé sont contrariantes quand on mesure les efforts colossaux consentis pour donner au pays une carte sanitaire et un plateau technique digne de ce nom. Des incendies aux causes les plus prévisibles nous renvoient à la figure l’échec que devient notre modèle social crachant sur la sacralité de la vie. Qu’est-ce qu’un pays s’il n’arrive pas à garantir une sécurité à la naissance avant même d’offrir une égalité de départ ?
Le concert d’indignations aura sûrement la force d’inspirer nos «héros conscients» des réseaux sociaux et adeptes de cagnottes à se mobiliser enfin pour des causes de salut public. Les familles de victimes méritent autant d’efforts pour des collectes de ressources que des officiers déchus ou des apprentis réactionnaires biberonnés à l’attente d’un grand soir révolutionnaire. Espérons aussi que nos pouvoirs publics érigeront en valeur cardinale le respect du caractère sacré d’une vie. On dit qu’ils sont rares ceux qui connaissent la valeur d’une vie, une seule peut permettre à plusieurs d’exister. Que penser de onze vies alors !