AFTU DEFIE L’ETAT
La hausse subite de 50 FCFA sur les prix du ticket sur ledit trajet avait fini de dérouter tout usager

Augmentation généralisée du prix des tickets de transports dans les minibus du réseau Aftu (Association pour le financement du transport urbain) ! Malgré les injonctions du gouvernement et de ses multiples ramifications instaurant un barème des prix dans le transport urbain, les acteurs du sous-secteur regroupés au sein d’Aftu ont passé outre et opéré une hausse généralisée du prix des tickets sur les différents trajets. Aucune ligne ne semble d’ailleurs épargnée, au grand dam des usagers qui ne savent plus à quel saint se vouer, face à l’incurie de l’Etat devant le diktat des transporteurs.
Plus d’une heure trente minutes (1h30) de récriminations, de plaintes et de prises de gueule, dans un car de transport bondé ; c’est ce à quoi a été confronté hier et avant-hier, mercredi et jeudi, tout usager de la ligne 34 d’Aftu qui dessert le trajet Nord Foire Petersen. Il faut dire que la hausse subite de 50 FCFA sur les prix du ticket sur ledit trajet avait fini de dérouter tout usager. De 100 FCFA, par exemple, le ticket de la première section est ainsi passé, sans crier gare, à 150 FCFA et ainsi de suite, selon la destination, la liaison jusqu’au centre-ville de Dakar se facturant désormais à 300 FCFA. Visiblement pris au dépourvu par la hausse subite, les usagers ne manquaient pas d’entrer dans tous les états d’âme, traitant souvent le pauvre receveur de tous les noms d’oiseau, quand lui prétextait suivre seulement les ordres de ses patrons.
Dans la canicule naissante qui frappait petit à petit Dakar, l’on assistait ainsi à moult récriminations et autres gros mots qui dégénéraient souvent en engueulades. Alors que les uns traitaient les membres de l’Aftu (Association pour le financement du transport urbain) de "voleurs", les autres se défaussaient, sans rechigner, sur l’Etat impuissant, peinant à faire respecter ses directives et qui, à la longue, abandonnait les populations à la merci des transporteurs. Et ce, après avoir montré son incurie face à la vie chère et au diktat des commerçants.
De véritables réquisitoires qui finissaient parfois en de petites scènes assez cocasses. A l’image de cet étranger qui demandait, visiblement dérouté par la hausse subite, si les prix du ticket changeaient en fonction des jours. Pour cause, il avait payé la veille seulement un prix inférieur à celui qu’on lui imposait hier. Ou même à l’image de cette dame qui préféra récupérer son argent et descendre du car, en refusant sans fioriture le «vol» esquissé par le receveur, selon ses propres mots.
Autres lignes, même réalité. Les usagers des minibus desservant la grande banlieue dakaroise ont également été mis devant le fait accompli. C’est une fois dans les cars, alors qu’ils vaquaient à leurs occupations, qu’ils ont découvert les nouveaux tarifs. A titre d’exemple, pour la ligne 61 reliant Keur Massar village aux Almadies, au lieu de 100 FCFA initialement, il faut désormais débourser 150 FCFA pour rallier la route nationale. Il en sera ainsi pour toutes les sections qui ont été majorées de 50 FCFA, jusqu’au Almadies dont ticket passe ainsi de 400 à 450 FCFA.
Là aussi, les récriminations ne manquant pas, une des receveurs a choisi, avant vendre un ticket, de prévenir le voyageur. «Pass bi dafa yokk deh» («le tarif a augmenté», en wolof), prévenait-elle, montrant, sans cesse, pour se justifier, le nouvelle grille tarifaire affichée dans le car. Libre au voyageur d’acheter le ticket sur la base du nouveau tarif ou de descendre et prendre un autre moyen de transport.
Contrairement à la dernière tentative lors de laquelle Aftu avait publié un communiqué pour informer les usagers d’un réajustement des prix, en janvier dernier, mais qui avait avorté, cette fois-ci, la mesure a été administrée sans bruit. Et les affiches dans les minibus renseignant sur les nouveaux prix sont signées le prédisent, avec le cachet de l’Aftu à l’appui ; ce qui n’était pas le cas lors de la tentative de janvier dernier où l’Etat avait tapé du poing sur la table, l’obligeant à faire marche arrière.
«ECHEC» DE LA TENTATIVE DE HAUSSE UNILATERALE DES PRIX DU TRANSPORT, EN JANVIER DERNIER : Ruse ou reculade pour mieux rebondir !
Aftu n’en est pas à son premier essai. Il y a quelques années, il a procédé au réajustement des prix sur tout son réseau. Devant le tollé suscité par cette décision, ses responsables avaient argué qu’il s’agissait d’un retour à la vérité des prix. Puisque, de manière unilatérale, expliquaient-ils, Aftu avait revu à la baisse les prix de ces tickets – moins 25 à 50 FCFA – face à la chute des prix du carburant à l’époque. Donc, disait-on, ils étaient revenus aux tarifs homologués.
Aussi, partant de la dernière hausse des prix du carburant, Aftu avait remis ça. «En raison de l’augmentation du prix du carburant et des coûts élevés des charges d’exploitation, les prix des sections tarifaires de toutes les lignes du réseau connaitront un réajustement, à compter du lundi 16 janvier», lisait-on dans note publiée par Aftu, quelques jours plus tôt, invitant ainsi les passagers «à prendre les dispositions nécessaires pour une bonne application de la mesure»
Réagissant à cette décision, le ministère des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement, dans un communiqué publié la veille de l’entrée en vigueur de la mesure, le dimanche 15 janvier 2023, avait mis en garde Aftu contre toute velléité de hausse unilatérale des prix du transport en commun de voyageurs. Mieux, Mansour Faye rappelait aux transporteurs «que les tarifs des transports publics routiers de personnes sont fixés par le décret n°2009-20 du 22 janvier 2009… Aucune augmentation des tarifs de transport n’a été discutée, encore moins arrêtée, avec les opérateurs. Des concertations sont en cours pour subventionner directement les opérateurs, afin que le réajustement des prix du carburant n’ait pas d’impact sur la tarification du transport routier». Par conséquence, déclarait le ministre, «toute hausse unilatérale des tarifs serait contraire au décret précité et aux conventions signées entre l’autorité de régulation des transports urbains, le Conseil exécutif des Transports urbains Durables (Cetud) et les Groupements d’Intérêts économiques membres de l’Aftu». «Cela constituerait une infraction à la règlementation sur les tarifs de transport routier, notamment la loi n°2021-25 du 12 avril 2021 sur les prix et la protection du consommateur», avait prévenu Mansour Faye, qui avait exhorté, par le même, les opérateurs «à veiller à l’application stricte de la règlementation sur les tarifs et se réserve le droit de prononcer à l’encontre de tout contrevenant les sanctions prévues par la règlementation en vigueur». Non sans inviter également, les Forces de sécurité, chargées du contrôle routier, à veiller strictement au respect des tarifs actuels.
Et, suite à la réunion entre le Cetud et les présidents de Groupements d’intérêt économique (Gie) de l’Association de financement des professionnels du transport urbain (Aftu), tenue le lundi 16 janvier 2023, l’Aftu avait fait marche arrière. D’ailleurs, des mises en demeure avaient été adressées à des présidents de Gie d’Aftu, notamment la ligne 62, qui s’entêtaient à augmenter les prix, malgré les injonctions de l’Etat. Aussi s’était-elle engagée à respecter les termes de la Convention de concession des lignes de transport signée avec le Cetud. Une convention qui prévoit la saisine officielle du Cetud pour toute demande de hausse tarifaire sur le réseau de transport urbain. Dès lors, les tarifs applicables sur l’ensemble du réseau de transport Aftu restaient en vigueur. Toutefois, les transporteurs des minibus s’engageaient à transmettre au Cetud, dans les meilleurs délais, une proposition d’harmonisation de leurs tarifs, tenant compte des nouvelles dessertes, notamment les zones de Dougar, Tivaouane Peulh, Déni Birame Ndao et Toubab Dialaw.
Actuellement, l’Aftu est l’un des plus grands réseaux de minibus au Sénégal. Opérateur en charge du programme de renouvellement du parc des transports en commun au Sénégal, lancé depuis 2005, elle est présente dans plusieurs villes notamment Dakar, Thiès, Louga, Saint-Louis, Kaolack, Ziguinchor et Tamba etc.