BASSIROU FATY FETE EN GRANDE POMPE PAR LA BANQUE AGRICOLE
Après en avoir été le président pendant 11 ans, Bassirou Faty est un personnage de roman qui, comme le chat, a eu plusieurs vies.

Bassirou Faty est un personnage de roman qui, comme le chat, a eu plusieurs vies. Il fut dans sa jeunesse, avec d’autres camarades leaders du mouvement estudiantin qui donna du fil à retordre au président Léopold Sédar Senghor, enrôlé de force dans l’Armée au sein d’un contingent spécial qui, après sa formation militaire, fut envoyé à la frontière du Sénégal et de la Guinée-Bissau où le Paigc menait sa guerre de libération face à l’armée portugaise. Laquelle effectuait régulièrement des incursions sanglantes en territoire sénégalais à la poursuite des combattants indépendantistes guinéens.
Au cours de l’une d’elles, Al Housseynou Cissé, enrôlé en même temps que les Bassirou Faty, Mamadou Diop Decroix, feu Mbaye Diack, Abdoulaye Bathily et autres Sakhewar, fut égorgé par les Portugais. Il fait partie des « martyrs » de l’école sénégalaise que l’on célébrait le mois de mai de chaque année. Bassirou Faty fut aussi le guitariste bassiste de l’Espéranza de Ziguinchor sur les cendres duquel a été constitué le fameux orchestre Touré Kounda. En même temps, toujours dans la même ville, il fut un membre fondateur de la Fraternelle, une association culturelle qui participa à l’animation de cette grande ville du Sud de notre pays. Il s’y fit remarquer notamment par ses talents de comédien au sein de la troupe théâtrale.
Par la suite, après de brillantes études en France, il a été recruté à la Société générale de banques au Sénégal (SGBS) dont il fut l’un des premiers cadres sénégalais à une époque où l’encadrement de cet établissement était quasi-exclusivement composé de Français. C’était le début d’une brillante carrière de banquier. Mais attention, pas n’importe quel banquier puisque Bassirou Faty, lui, était un banquier « rouge » de la même manière que l’on avait surnommé Jean-Baptiste Doumeng, homme d’affaires proche du Parti communiste français (PCF), le « milliardaire rouge ». Bassirou Faty, lui, quoique banquier, ne s’est jamais enrichi. L’argent, pour lui, a toujours été un moyen jamais une fin. A la limite, on pourrait dire qu’il le méprise même. En tout cas, l cœur sur la main, il partage tout ce qu’il a avec ses parents, ses amis, ses proches, ses anciens camarades auxquels la fortune n’a pas souri. Pourquoi « banquier rouge » ? Eh bien parce que, en même temps qu’il était cadre de banque, il militait dans la clandestinité au sein du parti maoïste AndJëf dont il était l’un des dirigeants et aussi un bailleur de fonds. Il fallait le faire à l’époque très répressive du président Senghor lorsque le multipartisme n’existait pas encore et que le parti unique senghorien dirigeait ce pays d’une main de fer.
Après la Société Générale, il a été sollicité par la société Petrosen qui avait besoin de ses compétences de banquier et où il a fait la connaissance d’un certain…Macky Sall qui l’a tout de suite pris comme grand-frère. Si bien que lorsqu’il a accédé à la magistrature suprême, la première personne qu’il a promue président du conseil d’administration n’est autre que Bassirou Faty qui, en tant que banquier émérite, s’est retrouvé à la Caisse nationale de Crédit agricole (CNCAS) devenue aujourd’hui La Banque Agricole (LBA). Onze ans durant — un record ! —, il a été le président de cette banque dédiée au monde paysan et qui était alors dans une situation calamiteuse.
Grâce à son entregent, en particulier dans le milieu de la régulation bancaire, sa connaissance du métier de banquier, sa parfaite collaboration avec les divers directeurs généraux de l’établissement, ce dernier a sorti la tête de l’eau. « Rebrandée » comme disent les spécialistes de marketing, elle est redevenue La Banque Agricole et a été recapitalisée à deux reprises par l’Etat qui en est l’actionnaire de référence à tel point que, comme l’a dit M. Fallou Dièye, ancien DG de la Sonacos et administrateur indépendant de la LBA tout en en dirigeant le comité supérieur de crédit, « notre banque est aujourd’hui l’une des mieux capitalisées de la place ». Surtout, au moment où Bassirou Faty quitte sa présidence pour prendre celle de l’ANIDA, la LBA est « presque sortie de la surveillance rapprochée dont elle faisait l’objet de la part de la BCEAO ».
L’ancien bidasse devenu confident des généraux !
Pour donc, fêter l’artisan — aux côtés des DG et du personnel — de ce redressement spectaculaire, la banque a mis hier les petits plats dans les grands
Des administrateurs — Fallou Dièye, on l’a dit, mais aussi Mamadou Racine Sy, auteur d’un très bon discours — au directeur général, Cheikh Ahmed Tidiane Bâ, en passant par les représentants des délégués du personnel et de l’amicale des employés, tous ont couvert d’éloges le président sortant et n’ont pas tari sur ses compétences, son sens de l’écoute, son grand humanisme, son humilité, sa générosité, son accessibilité. Représentant de la famille du héros du jour, le Pr Mamadou Mané a dit combien elle était honorée et fière de Bassirou Faty mais aussi à quel point elle a apprécié à leur juste valeur les hommages qui lui ont été rendus. Il a livré de savoureuses anecdotes sur l’élève brillant, le lycéen surdoué que fut son camarade de Ziguinchor tout en révélant ses talents d’artiste.
Flashback sur son passage sous les drapeaux. Bien qu’ayant été un soldat indiscipliné — alors que la discipline est la force des armées ! — radié de l’armée et rendu à sa famille, donc, comme il l’a raconté avec un grand sens de l’humour, Bassirou Faty a paradoxalement eu une grande fascination pour la Grande Muette. Et entretenu des relations de confiance avec ses chefs successifs dont il est l’homme de confiance pour la plupart. Votre serviteur en sait quelque chose. De fait, il faut être respecté par les militaires pour avoir l’honneur de la présence de trois généraux lors de sa cérémonie de passation de service. Hier, parce qu’il s’agissait de Bassirou Faty, le général d’armée (5 étoiles !) Mamadou Sow « Nogass », ancien CEMGA et artisan de la montée en puissance de notre armée, un homme que l’on ne voit pas souvent dans ce genre de cérémonie, avait tenu à faire le déplacement de même que les généraux El Hadj Alioune Samba et Talla Niang qui ont eux aussi brillé de mille feux dans les théâtres d’opération africains. Egalement présent dans la salle, le président de la CENA, le haut magistrat Doudou Ndir, ainsi que l’ambassadeur Seydou Nourou Ba, également membre de la CENA mais surtout un de nos plus grands diplomates. L’ancien bâtonnier Moussa Félix Sow a tenu à honorer de sa présence son ami Bassirou Faty.
Lequel, ému aux larmes et excellent orateur, mais aussi grand homme de culture, a disserté de Descartes et de son discours de la Méthode à son amour de la sape, lui, le dandy qui sacralise l’élégance. Faisant parfois rire à gorge déployée l’assistance, le PCA sortant a raconté ses multiples vies, parlé du travail réalisé en 11 ans à la LBA, sublimé les belles femmes de cette banque, rendu hommage à ses amis, raconté son passage à la Générale et dans l’Armée, livré des anecdotes croustillantes sur sa vie. Surtout, surtout, il a remercié chaleureusement le président de la République Macky Sall non seulement pour l’avoir nommé à la présidence de l’établissement qu’il vient de quitter — tout en le redéployant le même jour à la présidence d’une autre société — mais aussi pour la confiance qu’il lui a accordée et aussi le soutien qu’il n’a cessé d’apporter à La Banque Agricole. Laquelle, reconnaissante, l’a couvert de cadeaux.
Face à autant d’hommages rendus à Bassirou Faty mais aussi au vu de sa carrière exceptionnelle, le nouveau PCA, l’ingénieur agronome Samba Kanté a dit avoir ressenti pour la première foi autant d’appréhension pour ne pas dire de doute quand à sa capacité à remplacer valablement l’homme auquel il succède désormais. Mais bon, lui aussi a le profil de l’emploi pour être un brillant ingénieur agricole ayant blanchi sous le harnais du monde rural sénégalais. Ingénieur sorti de Montpellier, en France, chercheur à l’Isra, directeur général de l’Ancar et de la Saed, directeur de la DMER (Direction de la Modernisation de l’Equipement rural), directeur général de la PROMER, ancien directeur de l’Agriculture, ancien conseiller technique du Premier ministre, c’est un parfait connaisseur des problèmes du monde agricole sénégalais qui vient de prendre la présidence d’une banque justement dédiée à l’agriculture.
M. O. N.