«DANS DES CAS DE MORSURES D’ORIGINE MYSTIQUE, LES MEDECINS SONT IMPUISSANTS…»
Lamarana Cissokho soutient surtout exceller dans le traitement des cas de morsures de serpents.
Domicilié à Keur Mbaye Fall, dans la banlieue dakaroise, Lamarana Cissokho est un guérisseur traditionnel. Originaire de la Guinée-Conakry, ce quadragénaire prétend être doté d’un savoir empirique, quelques fois mystique ou spirituel, le rendant capable de deviner la cause d’une maladie avant de la soigner. Lamarana Cissokho soutient surtout exceller dans le traitement des cas de morsures de serpents. A travers cet entretien, notre tradipraticien livre son expertise étiologique et son traitement thérapeutique qui visent entre autres à neutraliser le venin et à sauver le malade.
Le Témoin : Quels sont les types de serpents et de morsures auxquels vous êtes confronté dans l’exercice de votre métier de tradipraticien ?
Lamarana Cissokho : D’abord, permettez-moi de vous rappeler que l’Afrique renferme les serpents les plus dangereux au monde. Et la plupart de ces espèces se trouvent au Sénégal comme dans tout pays chaud et humide. Il y a des pythons, des boas, des cobras, des vipères, des anacondas etc. Parmi ces types de serpents, certains sont offensifs, d’autres inoffensifs ! Cependant, même parmi les offensifs, il y a une différence sur le degré de dangerosité car certains de ces reptiles sont provocateurs et attaquent dès qu’ils font face à un être qui n’est pas leur semblable. Particulièrement s’il s’agit d’un homme. Par contre, il y a des serpents qui mènent leur existence de façon secrète, fuyant même la présence humaine comme n’importe quel animal sauvage. Mais lorsqu’ils sont dérangés, ils sont capables de réagir cruellement. Donc, pour répondre à votre question, je suis confronté à plusieurs espèces de serpents. Il faut préciser que, chez mes patients, le degré de morsure n’est pas important car la gravité de cette morsure d’un serpent réside dans le degré de toxicité et la quantité de son venin qui varient d’une espèce à l’autre. Par exemple, les serpents de couleur blanchâtre appelés vipères sont les plus mortels car leur venin peut provoquer une paralysie rapide suivie d’une mort au bout de quelques minutes. Par contre, il y a certaines espèces de vipères dont l’envenimation entraine une douleur intense, un gonflement autour de la morsure ainsi que des nausées, vomissements, diarrhées, accélération du rythme cardiaque etc. Et si la victime n’est pas rapidement prise en charge, elle décède à terme. En ma qualité de tradipraticien, j’ai eu à secourir plusieurs patients victimes de divers cas de morsures et d’envenimation.
Comment traitez-vous ces cas de morsures de manière traditionnelle ?
Principalement, j’ai deux façons de traitement traditionnel par rapport aux morsures de serpents. Mais avant tout prise en charge, on commence par diagnostiquer la zone de la morsure sur le corps du patient avant de l’interroger sur la nature du reptile en cause pour pouvoir déterminer le type de soins le plus efficace et le plus approprié. Donc en ce qui me concerne, je procède d’abord aux évocations d’ordre mystique dont je suis dépositaire pour amoindrir la douleur. Ensuite, j’utilise des potions de plantes médicinales qui peuvent être des feuilles, des tiges, des racines, des fleurs, des graines, des fruits ou tout mélange aboutissant à une décoction que le patient doit absorber. Il y a aussi des traitements à application locale ou utilisés comme bain chaud. Et dans d’autres prises en charge thérapeutiques où la nature du reptile est connue, je délivre aux patients des antidotes pour bain de corps, séances de massage etc…Il est bon de révéler que j’ai eu à recevoir des patients mordus par des serpents ayant agi par manifestations mystiques et surnaturelles. Dans tous ces cas, l’usage d’incantations mystiques ou rituelles serait plus approprié pour soigner le malade. Ou alors conjurer le mauvais sort émanant du reptile.
Dans ce dernier cas de figure, peut-on dire que la médecine moderne recèle des limites ?
En tout cas, je vois mal comment des professionnels de santé pourraient prendre en charge des patients mystiquement atteints par une morsure de serpent ! A mon avis, il n’est pas interdit d’affirmer que, dans certains cas de morsures d’origine occulte ou mystique, la médecine moderne voire conventionnelle atteint ses limites et est incapable de soigner ces patients particuliers.
Pouvez-vous nous donner une idée du coût de vos prestations dans ce domaine ?
Vous savez, le traitement traditionnel des cas de morsures de serpents n’est pas chose aisée. Et surtout quand il s’agit d’une question de vie ou de mort nécessitant une course contre la montre. Parce que les venins sont des poisons d’origine animale représentant des armes d’attaque ou de défense d’un animal sur une autre espèce, y compris l’homme. Si certains animaux ont des cornes ou des griffes pour se défendre, d’autres n’ont que leur venin comme arme de survie dans la jungle. Le venin est une arme redoutable qui, une fois injectée dans le sang, provoque une coagulation rapide. Et dans d’autres cas, le venin entraîne des infarctus ou des accidents vasculaires cérébraux. Face à ces situations d’urgence, c’est notre expertise qui est mise en jeu. En ce qui me concerne, dans ce sens, la prise en charge se fait par rapport au type de serpent. Pour les reptiles dangereux dont les morsures sont difficiles à soigner, il faut débourser au minimum 500.000 cfa. Mais, il existe aussi d’autres types de serpents dits « noirs » dont les coûts de soins des morsures tournent entre 100.000 et 300.000 cfa. Parfois, il arrive certains cas mineurs où le traitement est simple et la somme à payer peut être fixée même à 5.000 cfa.
Et que faites-vous lorsque vous êtes confronté à des patients dans une situation d’extrême urgence ?
Ecoutez, nous sommes des tradipraticiens ou guérisseurs traditionnels. Juste pour vous dire qu’il y a des cas que nous ne pouvons pas régler. Moi personnellement, les patients qui arrivent tardivement, ici, avec des symptômes et pathologies compliqués, je les oriente vers les hôpitaux. Cependant, j’ai une fois reçu un parent victime de morsure et disant avoir bénéficié de plusieurs soins à l’hôpital, mais sans succès ! Il souffrait de douleur atroce au niveau du pied. Par peur, ce patient est venu solliciter mes soins traditionnels.
Avez-vous une anecdote relative à un de vos patients ?
D’abord, il faut noter que, depuis le début de cette année en cours, j’ai reçu cinq patients victimes de morsures de serpents. Je me rappelle qu’une fois, c’était un jeune garçon accompagné de ses parents qui était venu me voir, un soir, pour bénéficier de mes soins médicaux. Mais arrivé ici, la jambe était enflée au point que le garçon marchait à peine. Les symptômes se manifestaient par une forte fièvre suivie d’une faiblesse totale. Le garçon avait été mordu par un serpent aux alentours d’une maison en construction dans son quartier à la périphérie de Dakar. Le venin avait commencé à se propager dans son corps. Nous avons arrêté toutes nos activités pour lui effectuer une prise en charge urgente. Apres plusieurs formules incantatoires, j’ai fait des recours à des plantes médicinales. Aujourd’hui, Al hamdoulillah, le garçon se porte bien. Il est sauvé et guéri...