DES ACCUSATIONS DE TORTURE SE MULTIPLIENT À L'ENCONTRE DE LA POLICE
Si elle n’est pas systématique, la torture existe bel et bien au Sénégal. Même s’il note une amélioration de la situation depuis les années 1990, Seydi Gassama s’inquiète du déni de l’Etat face à ces pratiques
Le gouvernement a annoncé la mise en place d’une commission d’enquête sur les violences intervenues lors des récentes émeutes dans le pays.
Au Sénégal, l’heure est au bilan après les violentes émeutes des mois de février et mars. L’atmosphère politique demeure tendue alors que plusieurs manifestants arrêtés lors de ces mouvements de protestation, déclenchés suite à l’affaire judiciaire impliquant l’opposant Ousmane Sonko, affirment avoir été victimes d’actes de torture et de mauvais traitements de la part des forces de l’ordre ou dans les lieux de privation de liberté.
S’il est difficile de cerner précisément l’ampleur du phénomène, les ONG de défense des droits humains s’inquiètent de ces témoignages qui nourrissent le ressentiment de la jeunesse vis-à-vis des autorités.
« Mes menottes étaient tellement serrées que le sang circulait mal. Puis on m’a frappé avec des chaînes de moto et on m’a donné des coups dans les testicules, tout en me posant des questions », rapporte ainsi Mohamed Ndoye, manifestant de 40 ans arrêté le 8 février et qui a passé quatre jours en garde à vue dans le commissariat central de Dakar.
« On m’accusait d’avoir jeté des pierres et brûlé des voitures », explique ce chauffeur et père de famille. Les violences se sont arrêtées, explique-t-il, quand un avocat, Me Babacar Ndiaye, est arrivé pour le défendre.
« Giflé puis frappé avec des bâtons »
Ce dernier a constaté des cicatrices sur le corps de son client, qui a dû arrêter de travailler. Des blessures similaires à celles qu’il a observées chez d’autres manifestants arrêtés le même jour à Dakar. Mohamed Ndoye et d’autres détenus arrêtés le même jour ont été libérés après la médiation menée début mars par un émissaire du khalife général des mourides, l’une des plus influentes confréries religieuses du pays.
Les forces de l’ordre de Dakar ne sont pas les seules visées par les accusations de mauvais traitements. A Diaobé, dans le sud du pays, Papis Sagna, 30 ans, a été arrêté dans la nuit du 7 au 8 mars avec vingt-six autres jeunes de cette petite ville où la brigade de gendarmerie a été incendiée.
Au téléphone, il raconte qu’ils ont été « torturés » d’abord par des gendarmes à Diaobé puis dans la commune voisine de Vélingara. « J’ai été giflé puis frappé avec des bâtons », explique l’étudiant membre du Pastef-Les Patriotes, le parti dirigé par Ousmane Sonko.
Libérés le lendemain après une nuit et une journée de détention, les vingt-sept jeunes ont dû rentrer chez eux à plus de 30 kilomètres. « Je ne pouvais pas marcher, j’avais mal aux jambes à cause des coups. Les gendarmes avaient gardé mon argent et mon téléphone », poursuit Papis Sagna.
La torture existe bel et bien
Depuis, un médecin a constaté que ses dents et ses yeux ont été abîmés. Des meurtrissures dont il a gardé la trace en photo dans l’espoir de porter plainte. « Ces gens doivent être punis pour ce qu’ils ont fait. Personne ne mérite un tel traitement », revendique Papis Sagna, qui est en contact avec Amnesty International.