LA ’’BRAVADE’’ DANGEREUSE DES MOTOS-TAXIS DE THIÈS
Malgré les huit cas confirmés de coronavirus dans la ville, certains conducteurs de Jakarta, entre méconnaissance et inconscience, s’arrangent encore pour transporter des passagers, au risque de voir leurs engins confisqués ou, pire, contracter le virus

Trois jours après l’entrée en vigueur de l’interdiction du transport de passagers à bord des deux-roues, des conducteurs de mototaxi de Thiès (ouest) s’obstinent toujours à le faire en jouant à cache-cache avec les forces de l’ordre tout en faisant fi des risques de contamination au coronavirus dans une ville comptant des cas positifs de Covid-19.
Même pas peur ! A croire que la psychose quasi-générale née de l’apparition du coronavirus dans la capitale du Rail, l’état d’urgence, encore moins le couvre-feu ne les effraient pas.
Malgré les huit cas confirmés de coronavirus dans la ville de Thiès, sur les 21 malades de la région, certains conducteurs de mototaxi, entre méconnaissance et inconscience, s’arrangent encore pour transporter des passagers, au risque de voir leurs engins confisqués ou, pire, contracter et transmettre le virus.
Au lendemain de l’état d’urgence assorti d’un couvre-feu, décrété par le président de la République, pour arrêter la propagation du Covid-19 au Sénégal, les ministres de l’Intérieur, Aly Ngouille Ndiaye, et des Transports terrestres, Oumar Youm avaient pris des mesures de ‘’ régulation des infrastructures et des services de transport public et privé’’.
Parmi ces mesures, figure la limitation à une place du nombre de passagers autorisés à bord des engins à deux roues. Cela signifie l’arrêt du transport des mototaxis Djakarta, un secteur en plein essor ces dernières années à Thiès et dans une bonne partie des régions au Sénégal.
Mais dans la capitale du Rail, des conducteurs de mototaxi également surnommés ‘’djakartamen’’ s’agrippant à leur gagne-pain, ne l’entendent pas de cette oreille. Résultat : une cinquantaine d’engins leur appartenant ont été saisis et immobilisés devant la façade de la police centrale de la ville.
Quelques rares conducteurs trouvés au rond-point Sahm, un des nombreux arrêts dédiés à ce type de transport, se montrent d’ailleurs méfiants vis-à-vis des journalistes, préférant garder l’anonymat.
‘’Pourquoi devrait-on nous interdire de travailler ? Nous sommes des pères de familles et nous n’avons que ça pour subvenir à nos besoins’’, soutient Mamadou, un conducteur qui dit emprunter des raccourcis, tout en évitant les grandes artères pour échapper aux contrôles de la police.
Agé seulement de 19 ans, un autre conducteur dans l’attente d’un client avec son collègue, à l’arrêt Mbour 3, dit être au fait de la situation : ‘’J’ai un masque pour me protéger et un gel antiseptique. Je ne peux pas arrêter de travailler‘’, fait-il savoir. Contrairement à bon nombre de ses collègues ignorant la notion de couvre-feu, il rentre chez lui dès 17h pour s’informer sur Internet.
Pape un autre Jakartamen confirme cette méconnaissance. Il dit avoir compris ce qu’est un couvre-feu, quand il a appris que des gens qui ‘’traînaient’’ dans la rue, au-delà de 20 heures avaient été passés à tabac par des policiers.
Ce jeune thiessois dit être obligé de continuer à faire du transport pour honorer ses engagements. Il est membre d’une tontine pour acheter un terrain, payer les frais d’établissement d’un permis de conduire et d’une formation en électromécanique.
’’Je dépends entièrement des clients que je transporte avec mon scooter‘’, fait-il valoir non sans admettre les risques et périls de l’activité par ses temps qui courent.
‘’On nous a dit qu’un jakartaman aurait transporté un cas positif à l’hôpital Barthimee. Donc, il y a des risques que ce conducteur soit contaminé et qu’il soit parmi nous’’, s’empresse-t-il d’ajouter.
Pour se prémunir, toutefois, il utilise du gel chaque fois qu’il dépose un passager, et se garde de serrer la main aux gens.
’’’On sait tous qu’il y a une maladie qui se propage. D’ailleurs, c’est pour cela les mototaxis se sont raréfiés dans la ville, mais comment voulez-vous que ceux qui vivent de cette activité restent chez eux ? Qui va nourri leurs familles’’, se demande Pape.
Il n’arrive d’ailleurs pas à comprendre qu’on interdise aux conducteurs de mototaxi de travailler pendant qu’on laisse les commerçants vaquer à leurs occupations dans les marchés.
’’Tant qu’il y a des clients je continuerai à rouler avec mon masque et mes gants pour me protéger car je suis soutien de famille ‘’, martèle-t-il.
Certains responsables de groupements de propriétaires et conducteurs de mototaxi déclarent avoir noté des récalcitrants lors de séances de sensibilisation à l’intention de leurs membres.
Lors de ces réunions, Vieux Samb a expliqué à des ‘’jakartamen’’ que ‘’ces mesures s’appliquent à tout le secteur des transports et qu’il y va de (leur) santé et de (leurs) vies’’. ‘’Nous n’avons pas les moyens de les retenir’’, regrette-t-il.
Cet autre responsable approuve ‘’à 100%’’ toutes les mesures édictées pour contenir l’expansion de cette ‘’maladie sérieuse’’, et insiste sur l’importance de poursuivre la sensibilisation.
Thierno Gaye, syndicaliste et conducteur de mototaxi, affirme avoir cessé toute activité dès que la mesure est tombée. ‘’C’est difficile, mais je n’ai pas de choix que de rester chez moi, au lieu de me mettre en danger et mettre en danger ma famille’’, se résigne-t-il.
’’Douze jours, ce n’est pas long. J’invite tous mes collègues à respecter les mesures, c’est pour notre bien’’, lance-t-il.
Etant convaincu que des ‘’jakartaman’’ ‘’n’entendront pas raison, car vivant de cette activité, Gaye suggère aux autorités de ‘’beaucoup miser sur la sensibilisation de proximité’’.
Pour lui, de nombreux sénégalais n’ont pas encore réalisé l’ampleur du danger que représente cette pandémie.