LES PAYSANS VEULENT AUSSI HABITER AKON CITY
L’ambitieux projet de la star américaine donne espoir à des populations rurales en attente de développement. Mais tout est encore loin d’être concrétisé

Cent kilomètres au sud de Dakar. La route d’asphalte longe des terres broussailleuses, piquées çà et là de champs de maïs. Ces cultures perdues sur les bandes vertes qui se déroulent jusqu’à l’océan Atlantique et sa lagune ont été plantées par les petits paysans de Mbodiène, un village qui vivote de pêche et d’agriculture. Difficile d’imaginer que bientôt cette terre verra pousser la ville de demain. Akon City, la cité que le rappeur américain d’origine sénégalaise Akon veut bâtir d’ici à 2029. Ce projet un brin mégalo dont le budget avoisine les 6 milliards de dollars (5,1 milliards d’euros) devrait être lancé en 2021 par celui qu’on connaît pour des titres comme « Lonely » ou « Smack That ».
Grandes tours de verre, de bois ou de béton au design futuriste, architecture en courbes, studios de cinéma, hôtels, université, hôpitaux, aéroport, centres d’affaires et de loisir… Alimentation en énergie oblige, tous les bâtiments seront recouverts de panneaux photovoltaïques. L’architecte libanais Hussein Bakri, basé à Dubaï, s’est inspiré « des sculptures africaines, de la faune et la flore sénégalaises ainsi que du design des habitations locales », qu’il a voulu rendre « plus modernes ».
Cette ville nouvelle dont il n’existe pour l’heure que des piles de dossiers, une maquette 3D et une vue d’artiste très léchée, paraît encore irréelle aux yeux de Michel Diome, le chef de village installé dans la pénombre de sa maison. « Nous accueillons Akon et son projet d’envergure à bras ouverts, même s’il va rompre le calme de notre village », témoigne le sage, qui s’inquiète quand même au passage de la préservation des valeurs et coutumes locales de cette communauté à majorité chrétienne. Surtout qu’Akon mise sur le retour d’Afro-Américains qui rêvent de retrouver leurs racines. Un tourisme mémoriel encore peu développé au Sénégal, et encore moins dans la région de Mbodiène.
« Les Noirs américains reviennent parfois pour visiter les lieux de mémoire de la traite des esclaves, mais je ne connais pas de mouvement de retour sur le long terme », observe Xavier Ricou, architecte basé sur l’île de Gorée, au large de Dakar, et fondateur du site Senegalmetis.
Calendrier ambitieux et serré
Le risque est donc qu’Akon City soit réservée à une élite fortunée avec laquelle les populations locales devront apprendre à cohabiter. « S’ouvrir à d’autres cultures implique un changement. Il nous faudra en tirer le positif en conformité avec nos valeurs culturelles, religieuses et ethniques », prévient Alioune Badara Diakhaté, deuxième adjoint au maire de la commune de Nguéniène.
La cité d’Akon sera construite sur cette commune, qui compte 25 villages dont celui de Mbodiène. Au total, 500 hectares de ce village ont été cédés en 2009 à la Société étatique d’aménagement et de promotion des côtes et zones touristiques du Sénégal (Sapco) dont l’ambition est de créer là la deuxième station balnéaire du pays. « Depuis 2009, la Sapco est chargée de trouver des partenaires privés pour investir dans des projets touristiques », précise Maguèye Ndao, le maire de Nguéniène, devenu impatient après le passage de plusieurs partenaires étrangers intéressés, avant que le projet d’Akon ne soit lancé.