LES VOITURES SANS PLAQUES D’IMMATRICULATION, UN DANGER PERMANENT
La direction des Transports routiers, policiers et douaniers se prononcent sur le phénomène

Elles sont nombreuses et de toutes tailles et de toutes marques. Elles circulent de nuit comme de jour à Dakar et à l’intérieur du pays. Le directeur des Transports routiers, Cheikh Oumar Guèye, déplore l’usage excessif que ces conducteurs font du certificat de mise en consommation et lance un cri du cœur aux autorités pour mettre fin à la circulation anarchique de véhicules sans plaques d’immatriculation. Une situation dont les conséquences sont à la fois sécuritaires et psychologiques. Interpellée sur la présence massive de ces véhicules à Dakar, la Douane se disculpe en expliquant que son rôle se limite au dédouanement. La police également se défausse car, selon elle, ces véhicules bénéficient de passavants délivrés par la douane.
C’est une évidence. Il y a trop de voitures qui circulent à Dakar. Ce qui explique sans doute les nombreux bouchons constatés un peu partout dans la capitale. Mais dans ce lot de voitures, celles qui circulent sans plaques d’immatriculation deviennent chaque jour plus nombreuses. En plus d’être nombreuses, elles sont plus rutilantes les unes que les autres. Certaines parmi ces voitures ont les vitres teintées et circulent de jour comme de nuit, créant une certaine psychose surtout dans un environnement d’insécurité sociale et routière avec les nombreuses disparitions de personnes et accidents sur les routes. « La nuit de samedi dernier, j’allais à Mbour et j’ai failli perdre la vie au niveau du rond-point de la station de Mbour. Un véhicule 4x4 noir sans plaque d’immatriculation est sorti de nulle part. Imaginez-vous si par malheur, il m’était arrivé quelque chose de dramatique, cette voiture pourrait disparaitre sans laisser de traces » s’inquiète Amath Faye, un jeune chauffeur habitué de l’axe Dakar-Kaolack.
A l’en croire, des scènes de ce genre sont récurrentes et les chauffeurs roulant de nuit y sont habitués. D’où leur cri de détresse face à ces voitures qui peuvent provoquer des accidents — ou leurs conducteurs commettre des actes de banditisme — et disparaitre. Aussi, interpellent-ils la police afin qu’elle mette de l’ordre dans la circulation de ces voitures « anonymes » et qui sont de plus en plus nombreuses. Les chauffeurs ne sont pas les seuls à s’inquiéter de la présence de ces voitures dans la circulation. Elle est également source d’angoisse chez les piétons surtout avec les nombreux cas de personnes qui disparaissent régulièrement. « Personnellement, j’ai peur avec ces voitures qui sont de plus en plus nombreuses dans la ville. Et puis, nous sommes dans un contexte d’insécurité totale. Chaque jour, à travers la presse, nous entendons des récits de crimes ou d’enlèvements voire de braquages. En tout cas, il est temps que la police se charge de cette problématique avec toute la rigueur qu’il faut » interpelle Abdou Diouf, entrepreneur rencontré au niveau des Almadies 2 de Keur Massar.
Cheikh Oumar Guèye, directeur des Transports terrestres : « Ces voitures sont sources d’insécurité routière et publique ! »
Conscient du danger que représentent ces véhicules, Cheikh Oumar Guèye, le directeur des Transports routiers, n’a pas manqué de hausser le ton et reconnaitre qu’il est temps qu’il y ait un peu d’ordre à ce niveau où règnent une véritable anarchie et une situation d’insécurité routière. A l’en croire, même si la loi n’interdit pas la présence de ces voitures, les textes sont clairs. « Normalement, le certificat de mise en consommation ne dure qu’un mois. Ceci, afin que le propriétaire profite de ce délai pour être en règle. Il doit faire usage de ce véhicule sans immatriculation dans le seul but de chercher les papiers d’immatriculation. La durée était de 15 jours, mais avec le covid-19, le code de la route a changé. C’est ainsi que la durée a été prolongée à 31 jours. Cependant, il faut reconnaitre que les gens en abusent » fustige Cheikh Oumar Guèye, le directeur des Transports routiers. Et c’est le cas. Ces particuliers qui circulent avec ces véhicules usent et abusent du délai légal qui leur est accordé. En effet, il est fréquent de voir des personnes circuler avec une voiture sans plaque d’immatriculation sur une très longue période en toute impunité en se jouant des policiers par de multiples subterfuges. Pour sortir de cette situation d’insécurité, le Directeur des Transports routiers préconise l’installation d’un guichet unique d’immatriculation au niveau du Port comme cela se fait en Côte d’Ivoire. « Ces voitures sans immatriculation sont sources d’insécurité routière et publique. De ce fait, la police doit jouer son rôle » estime M. Guèye qui pense que la présence de ces voitures ne rassure pas les usagers, surtout en cas d’accident. Il déplore également la légèreté dans le contrôle de ces voitures. Aussi appelle-t-il à plus de vigilance dans un contexte d’insécurité dans le pays, mais également dans la sous-région.
Le jeu de pingpong entre la Police et la Douane
Au niveau de la police, la hiérarchie reconnait la présence de ces voitures de toutes marques et sans immatriculation dans la circulation « C’est vrai qu’il y a une forte présence de ces véhicules sans immatriculation. A notre niveau, nous ne délivrons pas les papiers autorisant la circulation de ces véhicules ayant souvent les vitres teintées. Ils bénéficient de passavants leur permettant de circuler. Dans ce cas de figure bien précis, la police ne peut rien faire. En plus, ils ont des papiers attestant la procédure de mutation en règle. Même si le danger existe, nous ne pouvons faire que le contrôle.
Toutes les fois qu’ils ne sont pas en règle, nous n’hésitons pas à appliquer la loi dans toute sa rigueur » fait savoir un haut gradé de la police sous l’anonymat. Lui-même ne cache pas ses inquiétudes par rapport à cette situation sur la sécurité routière. Interpellé sur la présence de ces véhicules, un policier chargé de réguler la circulation, nous oriente au niveau des services habilités à délivrer ces papiers. Tout en dégageant toute la responsabilité de la police sur la présence de ces véhicules dans la circulation. « Ces voitures commencent à être nombreuses dans la circulation. Et puis, c’est dangereux car les malfrats préfèrent utiliser ces voitures de couleur noire et aux vitres teintées. Qu’est ce qui peut retarder l’immatriculation de ces voitures ? En tout cas, ça ne dépend pas de la police. La Direction des mines doit régulariser la situation de ces voitures » consent à dire le préposé à la régulation.
Au niveau de la Douane, les soldats de l’économie se dédouanent et disent que leur champ de compétence se limite à délivrer des passavants. « Notre rôle n’est pas de gérer la circulation des véhicules sans immatriculation. Notre rôle est d’assurer le dédouanement afin que la voiture puisse être en règle par rapport aux exigences de la douane. Il y a trois bureaux de dédouanement : Dakar Port Nord, Dakar Port Sud, Dakar Port centre. Ces voitures prennent le bateau ou bien la voie terrestre en passant par le Maroc et la Mauritanie, une fois à Rosso Saint Louis, la douane met en pratique toute la procédure de dédouanement. Mais il y a également le système Gaindé qui facilite le travail. Les passavants ont une durée d’un mois » explique un douanier. Mais malgré toutes ces procédures, un fait demeure. Beaucoup de ces véhicules circulent en toute impunité dans la ville. Et, fait notable, une bonne proportion de ces voitures sont conduites par des dames. Qu’on ne vienne surtout pas nous taxer de misogynes. Certainement des cadeaux de nos « Modou-Modou » pour leurs « sokhnas » !