MACKY SALL SE SAISIT DE LA BOMBE FONCIÈRE
Afin de régler la question de la bombe foncière, le présient a pris un décret pour fixer de nouvelles règles concernant les conditions d’affectation et de désaffectation des terres du domaine national

Désormais, les conditions d’affectation et de désaffectation des terres de cultures ou de défrichement établies dans le domaine national sont adossées sur l’étendue de la superficie à délibérer. Dans un décret daté du 16 septembre 2020, le chef de l’Etat a fixé les nouvelles règles. Deux changements majeurs à signaler : l’introduction de deux nouveaux acteurs dans le processus de délibération des terres et la limitation du domaine d’action des autorités représentantes de l’Etat central.
Sans doute les dernières polémiques foncières y ont pour quelque chose. Afin de régler la question de la bombe foncière, Macky Sall a pris un décret pour fixer de nouvelles règles concernant les conditions d’affectation et de désaffectation des terres du domaine national. Avec ce nouveau texte, les maires se retrouvent désormais les mains liées. Maintenant, leur capacité de délibération ne peut plus dépasser 10 hectares. C’est dire que Macky Sall les a sabrés.
Dans le décret en date du 16 septembre 2020, il est stipulé que les terres de culture et de défrichement sont affectées certes par délibération du Conseil municipal. «Mais cette délibération n’est exécutoire qu’après avoir été approuvée soit par le sous-préfet, soit par le préfet de département territorialement compétent, lorsque la superficie objet d’une délibération ne dépasse pas 10 hectares ». Toutefois, précise la même source « dès que la superficie est comprise entre 10 et cinquante 50 hectares, seul le préfet du département dans lequel est géographiquement localisée l’assiette, approuve la délibération ».
En revanche, au-delà de 50 hectares, la délibération ne peut être approuvée que par le gouverneur de région territorialement compétent, par acte règlementaire enregistré au niveau du Secrétariat général du Gouvernement. Ce décret modifie les dispositions de l’article 2 de celui n° 72 - 1288 du 27 octobre 1972 qui stipule que les terres de culture et de défrichement sont affectées par délibération du Conseil rural.
Et, en application de l’article 24 de la loi n° 72-25 du 19 mars 1972, cette délibération n’est exécutoire qu’après avoir été approuvée par le Préfet du département ». A noter que le changement majeur se trouve dans l’étendue des délibérations des parcelles. Le deuxième changement constitue la segmentation des compétences, puisque le Préfet n’est plus le seul à approuver les délibérations. Maintenant son champ d’action a été limité. Il y a trois acteurs : le Sous-préfet, le Préfet et le Gouverneur. Mais, il convient de signaler aussi que même si le gouverneur approuve les délibérations, c’est enregistré au Secrétariat général du Gouvernement pour encore plus de contrôle par rapport aux actes pris par les autorités représentantes de l’Etat. Cela dit, les maires pourtant dépositaire légitime du suffrage comme le chef de l’Etat vont devoir se soumettre aux humeurs d’une autorité administrative qui ne tire sa légitimité d’un décret. Une véritable entorse à l’esprit de la loi sur la décentralisation qui préconise la libre administration des collectivités locales.
LE CURSEUR SUR LES LIMITES DU DECRET
Joint au téléphone, Mamadou Mballo, expert sur les questions foncières, estime que ce décret n’est pas en mesure de régler les problèmes fonciers. « En réalité, le Sous-préfet qui approuve maintenant les délibérations du conseil municipal dont la superficie ne dépassant 10 hectares l’a toujours fait. La seule différence, c’est de limiter ces compétences d’approbations. Le Préfet a toujours aussi été un acteur dans le processus d’approbations des délibérations des conseils municipaux», souligne le juriste spécialiste des questions foncières. Car, dit-il, les autorités représentantes de l’Etat sont toujours intervenues dans le processus, mais les conflits fonciers existaient. «L’introduction du principe des fourchettes n’est pas une panacée aux conflits fonciers. Le simple fait de réduire le domaine de compétence des représentants de l’Etat pour approuver les délibérations n’est pas suffisant», tranche le sieur Mballo.
Pour Adama Diouf, le nouveau décret permet de sécuriser le foncier. Selon le président de l’Association des Elus Locaux, en segmentant les territoires de compétition, les territoires de délibérations et les parcelles de délibérations, l’Etat va mieux gérer les problèmes relatifs aux délibérations des représentants de l’Etat. «Ceci, dans le souci de rationaliser les délibérations et de mieux contrôler mais aussi de limiter les prérogatives des autorités représentantes de l’Etat. Avant cela, dans le décret 1972 quelle que soit la superficie, c’est le Sous-préfet qui approuvait et les maires faisaient des délibérations sur 50, 100 et 1000 hectares», souligne Adama Diouf.