MESURES POLITIQUES TOTALITAIRES
EXCLUSIF SENEPLUS - Le confinement ne doit écraser le droit à la santé pour des patients - La crise du Coronavirus ne doit pas être utilisée comme un tremplin pour se défaire de l'étreinte de l'endettement - ENTRETIEN AVEC SERIGNE FALLOU DIENG

Serigne Fallou Dieng, président du cercle des marabouts soufis, dénonce les méfaits des mesures gouvernementales qui écrasent le droit à la santé des patients. Deux patients souffrant d’autres pathologies sont décédés faute d’obtenir une autorisation de déplacement sur Dakar. Il déclare aussi qu’il n'est pas normal que la crise du coronavirus soit utilisée par le président Macky Sall comme un tremplin pour se tirer d'affaire et s’assujettir de l'étreinte de sa course folle aux endettements.
Comment analysez les mesures d’état d’urgence assorties de couvre-feu prises par l’Etat pour gérer la crise sanitaire ?
Quand la société est menacée et que l'État prend des mesures d’urgence, l’immense majorité des populations comprend la nécessité de la chose, consent à des sacrifices, fait ce que dit le gouvernement et se soumet aux impératifs du bon sens et de la raison. C'est pour cela que nous encourageons les mesures du confinement qui sont en en vigueur, ceci en guise de couper la chaîne de transmission rapide de l'épidémie. Donc nous sommes favorables aux mesures de quarantaine quand celle-ci retrouvent l'essentiel. Autrement dit, quand elles préservent des vies, endiguent la forte contagiosité et faire en sorte que le taux de létalité n'explose et que les services de réanimation ne soient pas en surchauffe.
Le Sénégal s’est ainsi résigné à vivre cloîtré, mais le peuple peine à prendre ses largesses avec le dogmatisme de l'establishment médical, pétri d'injonction contradictoire, naviguant au gré du vent médiatique, en dehors de tout consensus scientifique. Oui que la parole des médecins ait aujourd’hui la préséance, on le comprend bien. Mais elle ne saurait être quand-même celle qui soit exclusive. Les mesures barrières doivent être renforcées par la présence du "matériel barrage". Ceci est d'autant plus vrai que, les masques, premier équipement de protection de la pandémie ainsi que les dépistages à grande échelle deviennent le curseur raisonnable de toute analyse de riposte. Cela a permis à l'Allemagne d'enregistrer de meilleurs résultats et en Corée du Sud, Taïwan et Singapour d'en sortir avec brio. Mais force est reconnaître que la ville sainte de Touba est martyrisée par l'isolement et que sa population souffre et vivote. Celle-ci ne saurait nullement les boucs-émissaires de l'impéritie gouvernementale et de la corruption des ventes d'autorisation par certains de ses agents territoriaux. Trop c'est trop ! Le confinement ne doit écraser le droit à la santé pour des patients qui doivent se rendre à Dakar aux fins des examens médicaux.
1000 milliards ont été débloqués par le chef de l’Etat pour venir en aide aux ménages et entreprises nécessiteux. Comment appréciez-vous une telle initiative ?
Quand j'écoutais le discours du président j'étais très ému, émerveillé d'un discours fort empreint d'humilité et d'humanité mais aussi plein d’accents sociaux et de la solennité républicaine marqueurs sémantiques d'une profonde conscience sur la dimension de la souffrance des Sénégalais. Seulement mon enthousiasme est vite désenchanté avec la modicité de l'enveloppe 69 milliards destinées à secourir les ménages sociaux. Une assistance sociale qui n'en est pas une, l'Etat a ainsi laissé au bord du chemin, les couches pauvres et démunies. Il n'est pas normal que la crise du Coronavirus soit utilisée par le président Macky Sall comme un tremplin pour se tirer d'affaire et s’assujettir de l'étreinte de sa course folle aux endettements, c'est-à-dire utiliser l'élan unitaire comme un moyen politique de sortie de la bulle des dettes extérieures. Cela avec comme cri de ralliement l’annulation des dettes. Le proverbe nous dit que c’est au pied du mur qu’on verra le maçon. Une stratégie de mobilisation et d’inclusion non politicienne doit être mise en œuvre. Ainsi faut-il penser à long terme la réorganisation de nos chaînes de valeur et de production.
Certains chefs religieux et prêcheurs prônent encore l’ouverture des lieux de culte pour lutter contre le Covid-19. N’est-ce pas là un danger ?
Je ne voudrais pas m'étendre sur cette question. Je veux être moins disert et peu expansif. Tout ce que je pourrais vous dire sur ce domaine, c’est qu'une véritable coordination entre confréries se fait toujours désirer au Sénégal. Pas de réelle organisation. Il n'y que des activistes politiciens commensaux. Et que l'activisme sans boussole mène à l'épuisement et aux désillusions. Je m'en arrête là ! Car l’heure n'est pas aux procès ! Le reste, c’est qu’en raison de ce fléau qui touche notre rapport à la foi et au culte, nous sommes tous obligés de vivre le confinement. Qui consacre un étrange moment où il n'y a plus de bain rituel, mais d'offices religieux diffusés sur la communauté virtuelle. Les pratiques religieuses se font dans la maison. Un étrange moment où l'on arrive à la conclusion que les espaces sacrés ne sont plus indispensables à la prière. Un peu partout dans le monde "un geste spirituel et symbolique" tient lieu aux rassemblements des fidèles. Les événements religieux musulmans à l'instar de la Pâque chrétienne et Pessa'h juif ont été toutes célébrés hors lieux de culte hors espaces sacrés.
L’isolement sanitaire ou la mise en quarantaine est, de nos jours, le moyen le plus important pour limiter la propagation des maladies infectieuses. En vertu de ce principe, on doit empêcher toute personne d'entrer dans les lieux où s'est propagé un type d'épidémie ou de se mêler aux gens qui s'y trouvent. Pareillement, on doit empêcher les personnes qui s'y trouvent d'en sortir. Qu'elles soient atteintes ou non par ladite infection. Le Prophète (Paix et Salut sur lui) a clairement expliqué les principes de l'isolement sanitaire à travers plusieurs hadiths. Il a interdit d'entrer ou de sortir des régions touchées par la peste. Il a assimilé quiconque enfreindrait cet ordre au grand péché qui consiste à fuir devant l'ennemi sur le champ de bataille et quiconque ferait preuve de patience dans cette situation bénéficierait de la récompense d'un martyr. Un hadith rapporte : «Si vous apprenez qu'une épidémie ravage une région, ne vous y rendez pas et si vous vous trouvez dans une région frappée par une épidémie, ne la quittez pas.» Et même il est mentionné dans la Bible que le prophète Isaïe l'envisageait déjà au chapitre 26, verset 20 : « Entrez mon peuple dans vos maisons, restez enfermés le temps que la colère passe ! ». Ce verset, le Talmud dans le traité Baba Kama l'interprète ainsi : « quand il y a une épidémie, il faut s'enfermer chez soi. » Ce principe du confinement est un invariant de l'humanité. Ce temps est pour nous celui d'une hiérarchisation nouvelle. Cette crise ne débouchera pas forcément sur un nouveau monde, mais il y aura fatalement une réorganisation. Et les religieux doivent aider à réfléchir à cette résilience. Il faut que nous nous relevions tous ensemble sans haine et sans peur.
Certains optent pour un confinement d’autres pour un dépistage massif ? Selon vous quelle est la bonne formule ?
Ce conformément généralisé relève plus d’une « assignation en résidence surveillée ». En effet, cette privation totale pour tous de nos libertés n'est pas indiquée dans le protocole de lutte contre les épidémies proposé par l'OMS aux Nations. Lequel protocole stipule «dépistage et isolation des malades, soins gratuits pour tous, port du masque, renforcement des mesures d'hygiène pour toute la population». Le président Macky Sall n'a donc pas appliqué une mesure sanitaire, mais une mesure politique totalitaire, celle de l'assignation en résidence surveillée, et l'expérimentation par les instruments médiatiques d'une propagande de masse pour stigmatiser, dénoncer, surveiller, traquer, réprimer, emprisonner les récalcitrants avec l'appui de tous les moyens technologiques et informatiques modernes.
Votre mot de la fin sur la gestion de cette crise ?
Maintenant, il faut mettre un gouvernement de salut public auquel toutes les forces vives doivent se sentir associées. Car l'heure n'est pas aux procès, ni aux polémiques politiciennes. Et c'est au président de la République qu'incombe le devoir de mettre le pays à la hauteur des défis.