LES VÉRITÉS DE MOUHAMED ABIB AÏDARA
De retour d’une tournée avec la base, le secrétaire général du Syndicat Unique des Travailleurs de l’Electricité (Sutelec), Mouhamed Abib Aïdara, se prononce sur les tensions qui secouent la Senelec

Le secteur de l’électricité est en pleine mutation au Sénégal. Le 26 mai 2021, le Président Macky Sall a validé en conseil des ministres le projet de loi portant Code de l’électricité qui sera soumis à l’Assemblée Nationale. Un référentiel unique dans le secteur de l’électricité dont le contenu fait débat chez les acteurs. De retour d’une tournée avec la base, le secrétaire général du Syndicat Unique des Travailleurs de l’Electricité (Sutelec), Mouhamed Abib Aïdara, se prononce sur les tensions qui secouent la Senelec.
Le Sutelec que vous dirigez vient de boucler une tournée nationale dans le pays. Que peut-on retenir de ce périple ?
Le secteur de l’électricité est en mutation. Un projet de filialisation, c’est-à-dire une réforme institutionnelle se prépare au sein de Senelec. Le texte qui gouverne cette réforme est le code de l’électricité. Le gouvernement du Sénégal a travaillé avec la direction générale de Senelec sans y impliquer les partenaires sociaux que nous sommes, ni les travailleurs encore moins les associations consuméristes. Nous pensons qu’un texte qui règlemente le secteur sur la réforme doit être partagé avec toutes les parties prenantes.
Par ailleurs, cela va faire cinq ans que Senelec fait des bénéfices, c’est-à-dire un bilan excédentaire. L’année dernière, on a eu 17 milliards Fcfa. Cette année, on a eu plus de 27 milliards Fcfa. Sur les 17 milliards de bénéfice de l’année dernière, l’Etat, en tant qu’actionnaire majoritaire, a pris les 14 milliards Fcfa, ensuite les 2 milliards Fcfa ont été versés à la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), et le reste (1 milliard Fcfa) est allé dans les caisses de la Senelec. Ce qui veut dire que nous, qui avons travaillé pour arriver à ces résultats, n’avons pas été motivés. Cette année, nous nous sommes encore sacrifiés pour donner le meilleur de nous-mêmes. Et cela a occasionné un bénéfice de 25 milliards Fcfa. Seulement, nous n’accepterons plus de travailler pour que l’Etat du Sénégal en bénéficie exclusivement. Nous voulons que les travailleurs soient rémunérés en fonction de leurs résultats.
Au moment où nous réalisons ces bénéfices, nous avons constaté lors de notre tournée dans 27 localités du pays que les travailleurs sont confrontés à de mauvaises conditions de travail. On n’a pas de tournevis, ni de tenue de travail, ni de chaussures de sécurité. Pour assurer la relève, les travailleurs sont obligés de marcher, parce qu’ils ne disposent pas de moto. Il y a aussi un déficit de moyens humains au moment où les prestataires sont dans la rue pour réclamer leur embauche. Malheureusement, le président de la République a déclaré le 1er mai dernier qu’il est insoutenable d’embaucher 8000 prestataires à Senelec. Sur ce point, le Président a été abusé, il n’a pas eu la bonne information. Ceux qui demandent à être embauchés sont des prestataires qui travaillent dans l’exploitation et ne font même pas 500. Raison pour laquelle, nous sommes allés vers les travailleurs afin de les sensibiliser à se préparer pour un éventuel combat. Car, si les autorités ne nous appellent pas à la table des négociations, nous allons nous faire entendre et il n’y aura pas élections. Parce que si la Sénélec éternue, tout le pays est enrhumé !
Que pensez-vous de la loi sur la régulation du secteur de l’énergie ?
Non seulement nous n’avons pas été associés à ce projet de loi, mais aussi son contenu demeure une nébuleuse pour nous. C’est la semaine dernière que nous avons eu possession du texte et nous sommes en train de l’étudier. On est en train de l’examiner pour voir ce qui est bénéfique pour les populations, l’entreprise, les travailleurs et les agents de Senelec. Il nous faut un avis consultatif sur ce code de l’électricité. Mais, nous dénonçons la non implication des partenaires, des collaborateurs dans l’élaboration de ce Code qui va régir le secteur. On est en train de remobiliser les bases pour leur dire qu’il est impossible de faire des réformes au sein de Senelec sans nous y associer. Nous n’accepterons plus que l’Etat prenne nos bénéfices sans nous motiver et sans nous doter de moyens de travail.
Qu’en est-il de la gestion du Directeur Général?
La gestion de la Direction Générale est gabégique. Il est inadmissible pour une société comme la Senelec que les travailleurs soient en manque de matériels de travail. Nous n’avons pas de locaux. Quand vous allez à Oussouye par exemple, la Senelec est hébergée par la Sénégalaise des Eaux (Sde) de la localité. A Fimela, le bâtiment de la la Senelec est dans un état de vétusté inexplicable. Même décor à Guinguinéo. Dans d’autres localités, la Senelec avait entamé de grands projets de construction, mais les projets ont été attribués de manière nébuleuse. Ce qui a conduit à un arrêt de tous les chantiers de la Senelec. Et ceci nous interpelle tous, parce qu’à ce rythme, la Senelec risque de connaître des difficultés. C’est pourquoi, nous appelons la Direction générale à revenir à la raison et à discuter avec les travailleurs. Nous avons effectué une tournée à la fin de laquelle nous avons noté tous les maux des travailleurs et nous pouvons les leur exposer pour qu’in fine ils y apportent des solutions, pour le bien de tous les Sénégalais.