«LA VRAIE LUTTE POUR MOI, C’EST LA LUTTE SIMPLE»
MME AMINATA TOURE, ANCIEN PREMIER MINISTRE

L’ancien chef du gouvernement du Sénégal et actuelle envoyée spéciale du président de la République est une grande sportive bien connue pour son amour pour le football qu’elle a eu à pratiquer durant sa jeunesse. Mais «Mimi», comme la surnomment ses proches, est une passionnée de notre sport national qui est la lutte. À Latmingué samedi dernier pour prendre part au gala de Faata Productions sur invitation de Dr Macoumba Diouf, Madame le ministre a déclaré qu’elle préfère la lutte sans frappe.
Madame le ministre, qu’est-ce qui explique votre présence à Latmingué ?
Je suis à Latmingué aujourd’hui (samedi dernier) sur invitation de monsieur le maire, Docteur Macoumba Diouf. Je suis venue également à Latmingué pour assister à la célébration de la culture Sérères dont la lutte fait partie. Vous savez ici, ce qui attire le public, ce sont les chansons, la danse, l’accoutrement des lutteurs, le mystique. Et tout cela célèbre la culture sérère. Nous n’avons que notre culture, que ce soit la culture sérère, woolof, diola… Cette culture, nous devons bien l’entretenir pour que les générations futures puissent trouver elles aussi un legs très solide. Avant d’arriver à Latmingué, j’étais à Kaone qui est l’ancienne capitale du Saloum, où l’on célébrait le Gamou Kaone plus communément appelé O Odé. Et ça aussi, c’est de la culture Sérère. Il faut qu’on ressuscite notre passé pour que nos enfants et nos petitfils puissent connaitre leur origine. Qui ne connaît pas ses origines se perd facilement. La lutte, au-delà de son aspect sportif, est aussi notre culture. Je salue le champion Yakhya Diop ici présent. Je salue sa présence car ceux qui sont à l’intérieur du pays ne le voient qu’à travers le petit écran. Donc, s’il se déplace vers ses nombreux admirateurs, c’est vraiment formidable. N’oublie pas aussi que je suis petitefille de Mboutou Sow qui est le père de ma mère. Ma mère est originaire de Kaone.
Quel combat vous a le plus marquée ?
Ils sont nombreux les combats qui m’ont marquée. Mais vous savez, avec le temps, on oublie certaines choses. Je suis de la génération de ceux qui suivaient Mbaye Guèye, le premier Tigre de Fass, que nous aimions pour son courage, sa technique, son accoutrement, sa chorégraphie, le lait qu’il se versait avant d’entrer dans l’enceinte. Quand Mbaye Guèye luttait, c’était un grand évènement. À l’époque, il n’y avait pas de direct à la télévision comme c’est le cas maintenant. Nous nous contentions du poste récepteur pour écouter l’ORTS avec les belles voix de feu Moustapha Ndiaye, feu El Hadj Abdoulaye Naar Samb, El Hadj Mansour Mbaye… Les images, nous les recevions le soir à la télé ou bien le matin avec les photos du journal officiel le Soleil. D’ailleurs, Mbaye Guèye / Double Less, ça fait 40 ans ou plus. Mais les gens s’en souviennent encore. C’était un excellent combat qui à l’époque avait fait couler beaucoup d’encre et de salive.
Laquelle des formes de lutte aimez-vous le plus ?
La lutte simple, pour moi c’est la vraie lutte. C’est dans cette forme de lutte où vraiment on sent que les amateurs sont contents. D’ailleurs, avec la raréfaction des combats avec frappe, les lutteurs ont pris d’assaut la lutte simple. Et tant mieux pour cette forme de lutte. D’ailleurs, aujourd’hui (samedi dernier) j’ai vu de grands champions que je voyais dans la lutte avec frappe. Et je suis très surprise de les voir à Latmingué. La lutte avec frappe est très populaire au Sénégal. Mais pour moi, elle ressemble un peu à la boxe. Souvent on prépare un combat pendant plusieurs mois. Et le jour- J, après le coup de sifflet de l’arbitre, un des adversaires donne un coup de poing à l’autre qui tombe. Le combat est fini. Ça, à la limite, c’est insipide. En plus de cela, la lutte avec frappe offre souvent des spectacles violents avec le sang qui coule alors que moi j’ai horreur du sang.