LENS PLEURE SON PAPA
En s’éteignant à seulement 42 ans des suites de la maladie de Charcot, Papa Bouba Diop n’a pas seulement laissé orpheline la nation sénégalaise. Dans le bassin minier aussi, le Lion est mort dimanche soir

En s’éteignant à seulement 42 ans des suites de la maladie de Charcot, Papa Bouba Diop n’a pas seulement laissé orpheline la nation sénégalaise. Le colosse taillé dans l’ébène a aussi laissé sa trace dans l’Artois, où, l’espace de deux saisons et demie (2002-2004), cette « force de la nature » , dixit Jean-Guy Wallemme, avait su conquérir le cœur de Bollaert. Dans le bassin minier aussi, le Lion est mort dimanche soir.
Il est de ces dimanches d’automne dont on n’oubliera jamais la teneur. Celui d’hier en fait partie. Gervais Martel, l’ancien boss du Racing Club de Lens (1988-2012, 2013-2017), était sur la route du retour de Bollaert, après le logique revers des hommes de Franck Haise devant Angers (1-3), lorsque le téléphone a sonné. « C’était Éric Sikora, livre l’ex-président. Il m’annonçait la triste nouvelle de la disparition de Papa. J’ai été fauché... » Gervais n’avait plus de nouvelles de Bouba Diop depuis quatre-cinq mois et pensait « qu’il était en train de s’en sortir, mais avec cette maladie, on connaissait la seule fin possible... » Apprendre la disparition de « ce roc impressionnant » aux dires de Joël Muller qui l’a fait venir du Grasshopper Zurich à l’hiver 2002, en a ébranlé plus d’un dans l’Artois. À commencer par Jean-Guy Wallemme, passé lui aussi avec Bouba Diop de l’espoir aux larmes un soir de mai 2002 à Gerland, lorsque le titre leur fila sous le nez : « C’était une force de la nature et malgré tout, ça ne protège de rien. Je suis sous le choc. » Immédiatement à l’esprit de Wallemme, un flash, « celui de Marc-Vivien Foé, lui aussi un monstre de physique, d’attitude, un colosse, terrassé bien avant l’heure. Je ne dis pas que les gens les plus costauds sont les moins fragiles, mais quand on a en face de soi un garçon comme Papa Bouba Diop, le voir disparaître si jeune est un étonnement énorme. » Pour Dagui Bakari (2002-2005 au Racing) aussi, la peine est de taille : « J’ai essayé de le contacter dernièrement sans parvenir à l’avoir. On m’avait dit que c’était très difficile pour lui la gestion de cette maladie. En tant qu’Africains, nous avions forcément des attaches. Je pense à sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs. C’est une grosse perte pour le football africain, mais pas que. »
Un voyage en Suisse, l'affaire est dans le sac
À Lens, aussi, son ombre flottera, des vestiaires de Bollaert aux pelouses d’entraînement de la Gaillette. C’est là, durant le mercato hivernal 2002, que « le grand Bouba » , comme aime à le rappeler tonton Gervais, vient poser son baluchon. Le milieu de terrain déboule de Suisse pour un peu plus de 3 millions d’euros et cinq années et demi de contrat dans la valise. Le convaincre a été une mince affaire. « Tout s’est fait en une quinzaine de jours à peine, resitue François Brisson, ancien joueur et entraîneur artésien, alors au recrutement. Jean-Luc Lamarche, directeur sportif me dit : "Viens en Suisse, j’ai quelqu’un à te montrer." » Direction Zurich, Bouba Diop est sur le pré et ne laisse pas vraiment le doute s’installer chez François Brisson. « Très rapidement, j’ai dit à Jean-Luc qu’il avait sa place à Lens. Par son physique un peu à la Foé même s’il est davantage relayeur, Papa Bouba Diop impressionnait. Il était costaud, perdait peu de ballons, venait mettre son coup de boule sur les coups de pied arrêtés. Ce n’était pas un animateur de jeu, mais il avait une solidité régulière. Ce n’est pas le mec qui va tout te faire sur un terrain, mais il a son importance dans un collectif » . La seule crainte de François Brisson, Bouba Diop évolue en numéro 10, « mais ça n’en était pas un. Il n’était pas capable de te faire une transversale à la Steven Gerrard et ne va pas vite vers l’avant. »