«Les Frères musulmans écartés, c’est le retour de l’Egypte sous la tutelle américaine»
TARIQ RAMADAN SUR LA SITUATION EN EGYPTE

Accroché par Sud quotidien à la fin d’une conférence qu’il animait jeudi 4 juin, à l’université Gaston Berger de Saint-Louis, M. Tariq Ramadan, professeur d’Islam contemporain à la prestigieuse université d’Oxford, en Angleterre, s’est exprimé sur la situation actuelle dans son pays d’origine, l’Egypte (il est petit-fils de Hassan El Banna, le fondateur de la confrérie des Frères musulmans). Pour lui, la chute du président Morsi marque, par le truchement de l’armée qui a toujours tenu le pouvoir réel, le retour de l’Egypte sous la tutelle américaine. Le célèbre islamologue n’a pas manqué dans cet entretien de s’en prendre à la France qui «a un problème avec l’Islam.»
Avec cet effondrement du pouvoir Morsi, des millions de personnes ont pavoisé, mais est-ce pour autant le bout du tunnel pour l’Egypte ?
Non, on en est loin. Maintenant on va espérer qu’on ne sombre pas dans la violence. De l’autre côté il faut se rendre compte que l’Armée a repris la réalité du pouvoir. On est loin d’un processus démocratique réel. C’est une reprise en main. La réalité aujourd’hui, c’est qu’avec cette sortie du jeu politique des ‘’Frères musulmans’’, on assiste au recentrage du pays sous la tutelle américaine et du Fonds monétaire international sur le plan économique. Il faut aussi noter que les alliés comme l’Arabie Saoudite, le Qatar, les Etats-Unis et Israël parlent de coup d’Etat mais soutiennent le nouveau pouvoir.
M. Ramadan, vous êtes de nationalité suisse, et au plan professionnel vous êtes professeur à l’université d’Oxford en Angleterre, mais c’est en France que les polémiques vous concernant enflent le plus. Pourquoi ?
Parce que mon discours en direction des Français de confession musulmane les appelle à être autonomes, à s’engager dans la politique ainsi qu’au plan social. C’est une réponse affirmée dans la mesure où la France a un problème avec la religion, elle a un problème avec l’Islam, elle a un problème avec l’ancienne colonisation, donc ce discours-là est gênant.
C’est ce qui vaut toute cette inimitié notamment avec M. Manuel Valls, ministre français de l’Intérieur qui a boycotté, en mai dernier, une rencontre de l’Union européenne juste parce que vous y étiez invité ?
C’est un fondamentaliste, il n’a pas voulu débattre. A ce débat sur l’état de l’Union, les responsables européens se sont d’ailleurs un peu moqués de lui.
Que pensez-vous de l’intervention française pour chasser les assaillants du nord du Mali?
Je l’ai déjà dit et répété, l’intervention française au Mali n’est pas dictée par des fins politiques de liberté. Elle est géostratégique et économique.