AMAZONES DES CÔTES

Facteur entravant, s’il en est, l’insécurité foncière n’affecte pas de la même manière tous les acteurs dans le secteur de la pêche artisanale et de la transformation des produits de la mer. Cette donne essentielle qui constitue un gage de la qualité de la production dans cette filière, touche plus durement les femmes transformatrices et autres micro- mareyeuses qui appartiennent aux ménages ruraux les plus pauvres dont elles sont souvent les piliers.
Mais elle renseigne aussi sur bien d’autres dimensions. Notamment sur les représentations culturelles des modes de distribution des relations de travail. Et également, sur ce que l’accès au foncier permet de comprendre sur les relations entre hommes et femmes au sein de certaines de ces communautés halieutiques des zones d’intervention du Projet Usaid-Comfish...
Autant de facteurs qui, en plus d’être des créateurs de représentations, sont aussi et surtout, les plus gros reproducteurs et véhicules de stéréotypes.
A Joal, à Mbour et dans beaucoup d’autres sites d’intervention du Projet Usaid-Comfish, il y a eu, dans le passé, de nombreuses expériences de recherche-action qui ont permis de conclure sur la nécessité de tirer la leçon des échecs répétés des solutions conventionnelles, centralisées, sectorielles et technocratiques et de chercher des solutions alternatives globales, qui considèrent la ville comme un écosystème dont on doit rétablir les équilibres dynamiques et reconstituer les cycles rompus par les pratiques sectorielles et les approches d’aménagement dirigistes et en régie.
Avec les initiatives développées dans le Projet Usaid-Comfish de sou- tien aux efforts des communautés et principalement des femmes transformatrices, les véritables amazones de lutte pour la préservation de leur environnement, pour gérer autrement les déchets, ce sera un nouveau rythme qui va être imprimé aux équations de développement de ces communautés à la base.
Un rythme à la hauteur des attentes des milliards d’enfants, de femmes et d’hommes confrontés à des problèmes de survie mais qui ont plus que jamais besoin de se donner les moyens de ne plus douter de leurs capacités ataviques à se tirer d’affaire, malgré les difficultés multiples auxquelles elles restent quotidiennement confrontées sur le chemin de la vie.
Dans ces différents sites correspondant aux zones d’intervention de différents Clpa, les femmes qui ne sont traditionnellement pas propriétaires n’ont, en réalité, que très peu de chance d’accéder durablement à des terres dans la mesure où les propriétaires traditionnels continuent d’exercer leur pouvoir avec la complicité des élus locaux.
L’application des textes se heurte à beaucoup d’autres problèmes du fait d’une brèche que la pratique elle-même ouvre sur des choix peu orthodoxes imposés dans le mode d’accès et d’attribution des terres et que facilite à bien des égards cette hybridité du régime foncier caractérisé par un enchevêtrement de trois normes ayant vocation toutes à être appliquées ( droit coutumier , droit d’inspiration islamique et droit positif, écrit et dit moderne).
Même si, il y a pour le cas précis de Joal et bien au-delà, dans les autres localités du terroir sereer-niominka qui s’étendent jusque dans les îles et le delta estuarien du Saloum, cette donne liée à une spécificité culturelle qui n’a pas échappé au chercheur Amadou Abdoulaye Seck qui a longtemps travaillé au Musée de la Mer de l’Institut fondamental d’Afrique noire (Ifan- Cheikh Anta Diop) de l’université du même nom et pour qui : « Les gisements de mollusques constituent pratiquement les seuls terrains assignés aux femmes par la tradition alors qu’il leur est impossible ailleurs d’avoir accès à un lopin de terre et des champs dans leur village ».