DÉBY ENFONCE HABRÉ
L’ETAT TCHADIEN SE CONSTITUE PARTIE CIVILE

Les choses semblent se corser pour l’ex-Président Hissène Habré et pour cause. L’Etat Tchadien vient de déposer sa lettre de constitution de partie civile auprès des Chambres africaines extraordinaires. Pour le ministre de la Justice Béchir Madet, l’Etat Tchadien est la principale victime des agissements de Habré, particulièrement sur l’aspect économique et financier. Avec cette plainte, Idriss Déby veut enfoncer son prédécesseur dont il a été l’un des plus proches collaborateurs.
Placé sous mandat de dépôt depuis près de 10 mois, l’ancien président de la République du Tchad est poursuivi pour crime de guerre, crime contre l’humanité et torture. Les Chambres africaines extraordinaires mises en place à Dakar dans le cadre de son procès ont reçu hier des mains du ministre de la Justice Tchadien, la constitution de partie civile du Tchad qui accuse Habré d’avoir pillé les ressources financières de ce pays. «Les motifs pour lesquels Hissène Habré est poursuivi font que la République du Tchad est la victime parfaite de ses agissements.
En entrant donc dans la procédure, l’Etat tchadien veut aider les Chambres africaines extraordinaires à faire son procès. Ce procès, nous y tenons car il permettra à beaucoup de familles de faire leurs deuils, d’indemniser les survivants ou les ayants droit, mais il permettra aussi au peuple tchadien de se réconcilier avec lui-même pour se consacrer à son développement et à cultiver les valeurs de paix», déclare le ministre de la Justice Béchir Madet.
Selon Me Philippe Houssine, un des Avocats de l’Etat tchadien, un préjudice financier énorme a été causé au Tchad et ce préjudice nécessite une constitution de partie civile. «Les personnes civiles qui se sont constituées dans la procédure n’ont pas compétence de le faire sur l’aspect économique. Seul l’Etat tchadien qui a subi ce préjudice peut le faire pour faire valoir ses intérêts», explique Me Houssine.
«HABRE N’A PAS OUBLIÉ DE VIDER LES CAISSES DE L’ETAT»
La République tchadienne a aussi pris l’engagement d’accompagner les Chambres africaines extraordinaires lors de leurs prochains voyages à Ndjaména dans le cadre de la commission rogatoire. «Nous les invitons à visiter les grands chantiers de Habré, qui sont en réalité des charniers pour nous les victimes, situés au Nord, à l’Est, et à l’Ouest du Tchad pour constater de visu et permettre aux juge de se faire une conviction sur tous les dégâts que cet homme (Habré) a causé au peuple Tchadien», souligne le garde des Sceaux.
Prenant l’opinion internationale à témoin, Me Madet souligne qu’il y a eu «un pillage des ressources de ce pays et le Sénégal est mieux placé pour le savoir, car Habré, dans sa fuite, n’a pas oublié de vider les caisses de l’Etat. C’est pour toutes ces raisons que nous avons décidé de nous constituer partie civile. J’invite à ce titre toutes les victimes qui s’emmurent encore dans le silence à venir porter plainte soit individuellement ou en groupe.
Le temps presse et une fois que la procédure sera clôturée, il ne sera plus possible de le faire», avertit-il. Le ministre de la Justice tient à préciser que cette plainte n’est pas tardive, puisque l’Etat tchadien s’est toujours impliqué dans cette affaire depuis le début. «Il était matériellement difficile de juger Hissène Habré. Maintenant que les conditions sont réunies, l’Etat s’est constitué partie civile», dit Me Madet. Il ajoute toutefois que la comparution du Président Idriss Deby n’est pas à l’ordre du jour, puisqu’elle n’apportera aucun élément nouveau à ce dossier.
L’actuel Président tchadien est accusé par les proches de Hissène Habré d’avoir une part de responsabilité dans les massacres au Tchad, puisqu’il était ministre de la Défense de Habré à l’époque.