DIAGNOSTIC ET REMÈDES POUR LES FAILLES D’UN SYSTÈME
INCLUSION ET PARTICIPATION DES FEMMES ET DES JEUNES DANS LE DÉVELOPPEMENT

Hier, un panel de haut niveau initié par le Comité scientifique de l’organisation du sommet de la francophonie a convié des personnalités de haut rang autour du thème : «Le nouvel agenda pour le développement dans l’espace francophone : quelles stratégies pour l’inclusion et la participation des jeunes et des femmes ?» Cette tribune a accouché d’échanges de haut vol sur la place des femmes et des jeunes et ouvert d’intéressantes perspectives.
La démarche est prospective et le résultat attendu est ainsi formulé : «Contribuer à trouver des solutions consensuelles aux grandes questions qui agitent l’espace francophone et le monde, notamment en matière d’implication des femmes et des jeunes dans les processus de paix et les stratégies de développement.»
La méthodologie est participative et se propose de recueillir une masse critique d’analyses et de propositions pour éclairer les échanges et les prises de décision des chefs d’Etat dans divers domaines concourant tous à la réalisation d’un espace de paix et de développement durable.
Conformément à ses grandes orientations, la Francophonie se propose de participer, à l’échelle des pays et dans le monde, à la constitution d’un espace de démocratie, de paix et de sécurité pour un développement durable et solidaire.
L’évolution de ces sociétés contemporaines de ces dernières décennies indique nettement que les femmes et les jeunes sont devenus des acteurs essentiels de cette aspiration légitime des peuples.
Le thème général est davantage circonscrit par deux sous-thèmes : «Conflits, paix et sécurité» et «Potentialités et dividendes démographiques : quelles perspectives de valorisation pour un développement durable et inclusif.»
D’entrée de jeu, le Pr Amsatou Sow Sidibé lit le triptyque, conflits, paix et sécurité à sa façon : «La sécurité est un préalable et une conséquence de la paix, du développement et du respect des droits humains. La participation des femmes et des jeunes est une condition sine qua non. Ils sont les principales victimes des violences.
Ces groupes sociaux ont intérêt à agir pour qu’il y ait de la paix. Ils ont des qualités intrinsèques, la fougue, l’audace, l’initiative. Ces qualités sont à exploiter pour la consolidation de la paix.»
Mais l’universitaire relève qu’il n’y a presque pas de synergie d’actions entre les femmes et les jeunes, chaque groupe agit de son côté ce qui cause un dialogue de sourds entre les femmes et les jeunes.
Or quelques chiffres justifient amplement ce choix : 52% de la population des pays francophones sont des femmes, 70% des personnes vivant en des- sous du seuil de pauvreté sont des femmes et 60% de la population des pays francophones ont moins de 30 ans.
Par ailleurs, les crises et les mutations économiques, sociales et politiques de ces dernières années ont été fortement marquées par les femmes et les jeunes, en tant qu’acteurs, mais aussi en tant que victimes.
Vitalité de la pensée dans l’espace francophone
Pourtant, il existe bien des mécanismes qui permettent de protéger femmes et jeunes. Ces instruments viennent des Nations-Unies et se chiffrent en termes de résolution mais également en termes de principes directeurs établis par les Nations-Unies pour la participation des jeunes comme condition essentielle pour la consolidation de la paix et point d’ancrage pour asseoir leur leadership.
Amsatou Sow Sidibé relève cependant : «Il y a des difficultés parce que les mécanismes qui existent ne sont pas mis en application et ce manque d’application est à l’origine des conflits.»
A son avis, les mécanismes institutionnels ont un problème d’application, les documents sont dans des tiroirs. Même si la volonté politique existe, elle tarde à se traduire en termes d’engagements forts. Or la Francophonie elle-même, à travers les déclarations de Bamako et de Saint-Boniface, a ses mécanismes qui favorisent l’implication des femmes et des jeunes.
Pr Omar Ndongo, représentant le recteur de l’Ucad, après avoir listé les dispositions pertinentes qui donnent des réponses pertinentes aux interrogations, pense que l’institution du Centre pour le développement du genre et du Centre pour le développement de la jeunesse, permet de distiller des interventions ciblées pour les femmes et les jeunes et d’insuffler des politiques de développement hardies contre les distinctions sexistes.
Le Pr Amsatou Sow Sidibé est formelle dans ses recommandations : «Il faut vulgariser les mécanismes existants, y compris dans les langues nationales. Les gouvernants francophones doivent le savoir, un Etat qui veut se développer sans respecter les droits humains, c’est impossible.»
Pour Magaye Touré, directeur de la Francophonie, ce débat est devenu «une nécessité, un devoir» au moment où la Francophonie a franchi une étape fondamentale. Il s’agit de faire entendre avec force, sa voix pour faire avancer les grandes causes. D’autres panélistes lisent à travers l’égalité homme- femme, des résultats encore ténus. Selon le Pr Ndioro Ndiaye, il faut impérativement procéder à une évaluation de ces résultats pour tendre vers une reddition de comptes.
La démarche intègre également un programme qui s’attachera à donner des compétences supplémentaires aux jeunes qui s’intéressent aux questions de la paix.
Mais aussi aider les femmes et les jeunes à faire des plans d’action communs. Diatou Cissé dit haut ses souhaits: «Il faut que des recommandations claires puissent sortir de ce Sommet. La question de l’entreprenariat féminin est d’enjeu national. Il est temps qu’on pense aux petites unités de transformation.»
Nouvelles menaces pour les démocraties
Alioune Tine, président du Comité sénégalais des doits de l’Homme, repère de nouvelles menaces pour les démocraties. «Une des faiblesses de nos Etats, c’est quand il y a urgence, il n’y a pas de réponses rapides, ou pas de réponses du tout.
Pourtant le système d’alerte est divers. Si nous prenons l’exemple du Mali, comment se fait-il que des gens qui transportent des tonnes d’armes n’aient pas pu être arrêtés depuis ? Il faut voir comment renforcer le système d’alerte, voir les problèmes pour qu’il n’y ait pas de suite aux alertes», ajoute-t-il.
Il propose de réunir les Etats, les parlementaires, la société civile, les jeunes, les femmes à une conférence sous-régionale sur ces questions, pour dégager une vision consensuelle sur ces remèdes et mettre en place des mécanismes de suivi.
Le second axe des débats revisite les potentialités et dividendes démographiques dans leur dimension de perspectives de valorisation pour un développement durable et inclusif.
Pour le modérateur Alioune Sall, directeur du Think Tank des Futurs africains, «Le dividende démographique représente la promesse d’un gain en croissance économique et en richesse pour un pays provenant d’une main d’œuvre abondante et productive par rapport à la population dépendante.»
Pour lui, l’importance du binôme femmes-jeunes regorge de défis à relever parce que les dividendes démographiques se construisent dans le temps. Avec l’obligation de réinventer l’Etat par un solide ancrage identitaire.