EFFETS AFFLIGEANTS, CAUSES ADORÉES !
Pris en tenaille par l’obstination d’une égérie en rébellion et un allié en vitupération, le PS joue la montre, et garde ses cartes en main, malgré tout. Combien de temps durera cette posture ?

Le torchon brûle entre le Parti socialiste (PS) et les partisans de Macky Sall. Après les attaques soutenues de Makhmoud Saleh, directeur de cabinet politique du président de la République, contre les alliés de Benno Bokk Yaakaar, c’est «Macky 2012», une galaxie de formations et de personnalités fidèles au Président, qui prend le relais avec des diatribes et autres algarades sévères contre le PS. La riposte des socialistes est mesurée et inversement proportionnelle. Elle n’en reste pas moins ferme.
Elle était déjà contenue dans la déclaration de son secrétaire général, Ousmane Tanor Dieng, samedi dernier lors de la clôture de leur réunion du comité central. En des termes mesurés, OTD avaient réaffirmé le double ancrage du PS, dans une sorte d’ambivalence. Le PS reste dans la majorité présidentielle, instanciée par Benno Bokk Yaakaar. Mais elle garde sa liberté d’action et sa trajectoire de parti constitué normalement pour conquérir le pouvoir. A quelle échéance ? Le leader des Verts n’a pas voulu franchir le Rubicon.
Mais le mouchoir jaune est déjà agité. C’est Aïssata Sall Tall, potentiellement installée dans un courant interne encore en pointillés, qui a agité le mouchoir rouge : le PS, a-t-elle dit sans ambages, doit présenter son propre candidat en 2017 et qu’une telle perspective est parfaitement envisageable pour une formation politique qui a donné deux Présidents au Sénégal. Et ce, quarante ans durant. Mais en réalité, cette sortie effraie autant le PS que l’APR.
Le PS, parce qu’elle est le fruit d’une démarcation nette des précautions oratoires du secrétaire général. L’APR ensuite, parce que la liberté de ton d’Aïssata Tall Sall pourrait demain, se convertir en liberté d’action ou de prise en main de son destin politique.
En juin dernier, cette audace s’est avérée payante dans l’élection municipale remportée difficilement à Podor certes, mais sans l’appui du PS. Qu’en sera-t-il en 2017 sur une échelle autrement plus grande et un registre plus complexe ?
La différence entre une élection municipale et un scrutin présidentiel est à la fois de degré et de nature. Mais, c’est connu «les risques et les conséquences de l’action ne sont pas comparables aux risques et conséquences, d’une confortable inaction» (JFK dixit). Et visiblement, la maire de Podor refuse la fatalité de l’inaction et devra prendre son destin en main. Pour autant, ce défi n’en reste pas moins immense. A elle de trouver la boîte à outils pour surmonter les obstacles politiques et financiers sur lesquels se greffe un stock d’innommables stéréotypes machistes et sexistes, aussi redoutables que les candidats qu’elle pourrait avoir en face d’elle.
Pris en tenaille par l’obstination d’une égérie politique en rébellion et un allié en vitupération constante, le PS joue la montre, et garde ses cartes en main, malgré tout. Combien de temps durera cette posture, attentiste pour les uns, réaliste pour les autres ?
En politique, toute prévision au-delà de trois mois est irréaliste (Edgar Faure dixit). Une dizaine de trimestres nous sépare de 2017, le temps que le déroulement inexorable de l’histoire nous délivre ses mystères. Cependant, il n’est pas impossible que l’APR et la galaxie mackyste ne trouvent pas ce délai long. Et même trop long !
Le raisonnement, sans doute très calibré, est de ne pas laisser du champ au PS, pour se re-bonifier, et son futur probable adversaire tirer tout le fruit et l’usufruit de ses postures gouvernementales actuelles, pour apprêter un candidat, affûter ses armes pour la présidentielle.
Au-delà de cette suspicion (légitime ou non), se pose à l’évidence, une question de confiance. Et plus encore, celle de l’état d’esprit des relations entre les deux grands mastodontes de Benno. Face aux audiences confidentielles des partis de gauche, à la reddition de l’AFP (en dépit de quelques velléités de jacqueries vite étouffées), le PS est, même avec un discours en clair-obscur, le seul vrai poids au sein de Benno, capable de servir de pôle de résistance de la boulimie apériste. Sans doute présente-t-il les meilleures potentialités politiques en termes de maillage national, de structuration organisationnelle, de candidatures crédibles et présidentiables.
Si d’aucuns manifestent avec force de récrimination, leur ressentiment envers ce qu’ils considèrent plus à raison qu’à tort, comme le manque d’audace du PS, c’est certainement au regard de gisement de richesses humaines, politiques et stratégiques que le PS laisse encore en friche. D’aucuns diraient, qu’il offre cette part royale sur un plateau d’argent à l’APR.
Au risque de voir cette formation historique et mythique, sombrer dans la figuration, comme les partis de gauche de Benno Bokk Yaakaar.
Une autre compréhension de l’attitude prudentielle du PS aurait pour synonyme, un vocable lourd de sens, loyauté. La ligne majoritaire du PS aurait-elle compris que la moindre des solidarités serait pour une partie prenante à une majorité de respecter la ligne majoritaire de Benno qu’incarne le Président Macky Sall ? Comment éthiquement parlant, une formation pourrait-elle, tout un mandat durant, partager les fruits de la gouvernance, en tirer les marrons du feu, et subitement vouer son principal partenaire aux gémonies lors des élections ? Comment connaître et partager les faiblesses de l’intérieur d’un système et les fustiger, comme jadis Abdoulaye Wade ? Et sans ménagement ?
D’où, pensent les «loyalistes», faute de primaires, l’obligation de soutenir la candidature unique de Macky Sall, pour ne pas disperser les forces et éclater ses chances d’un second mandat en 2017. Cela se comprendrait d’autant plus facilement que l’actuel locataire du Palais de l’Avenue Senghor, a quand même accepté de réduire son mandat à cinq ans. Et qu’il pourrait engranger, en tant que président-candidat, la prime au sortant dans une élection aussi incertaine dans les résultats finaux que sa tenue en 2017.
Thèse et antithèse d’une coalition, équation à multiples inconnues, jeux de chaises musicales ou de sommes nulles, on pouvait utiliser toutes les allégories ainsi que de l’arithmétique et de la littérature, qu’on ne parviendrait pas à démêler cet écheveau. Il faut bien le dire, l’appartenance à une coalition ne doit pas compromettre la liberté de ton d’un membre, ni le droit d’assumer ses choix dans leur complétude. De ce point de vue, le PS a le droit et le devoir de «tracer son propre territoire» et de pérenniser son label historique. Mais revers de la médaille, toute alliance est fondée sur des devoirs, des obligations et… des finalités.
Toute la difficulté de Benno Bokk Yaakaar réside dans sa nature ou dans sa contre-nature. Front d’unité d’actions, elle a du mal à se mouvoir en coalition organique, avec des structures appropriées, des finalités acceptées et partagées, un chef reconnu et incontesté et une commune volonté de cogérer le pouvoir.
Or, cette dernière perspective n’est acceptable par aucune des composantes, qui s’étonnent et de pouvoir s’entendre. Combien de fois des séminaires sont organisés, pour ne déboucher que sur des enjolivements forcés, des joies obligées, et à la moindre incartade, des attaques méprisantes, des stigmatisations désopilantes et probablement, une rupture brutale en perspectives ? C’est comme qui, «ces gens s’affligent des effets, mais adorent les causes» (Bossuet dixit). La politique de l’autruche, prévoir de rien voir !