ETHIOUAR, LE VILLAGE TRADITIONNEL NE REVIT QUE PENDANT LES FÊTES
JADIS FORTERESSE IMPRENABLE

Les jeunes ont l’œil rivé sur un horizon neuf. Ils ne se rendent plus au sommet des montagnes où se trouve la forteresse imprenable. Ethiouar, le village niché au sommet des montagnes, est supplanté par la plaine. C’est un conflit de générations.
Au sommet de la montagne, se trouve Ethiouar le village traditionnel des Bédiks de Bandafassi. Comme une forteresse imprenable, ce village haut perché a sauvé les Bédiks des envahisseurs. Longtemps après les menaces, ils sont restés au sommet de la montagne. Ils ont été obligés de descendre dans la plaine lorsqu’il s’est produit un tremblement de terre en Guinée, abaissant drastiquement le niveau de la nappe phréatique.
Ne pouvant plus avoir de l’eau au sommet de la montagne, les Bédiks qui le pouvaient descendent dans la plaine où se trouvaient les terres arables. Ils se sont implantés à Indar. Juste au pied de la montagne.
Toutefois, toutes les familles ont des résidences à Ethiouar. Des maisons dans lesquelles elles séjournent le temps des fêtes. Selon Mark Keïta, Indar signifie en quintessence « une terre fertile qui requiert beaucoup de courage pour en tirer profit ». Et Ethiouar signifie « met le feu et active ».
Au sommet de la montagne où se trouve Ethiouar et ses grottes refuges, ne sont restées que les familles ne pouvant pas quitter. Selon Mark Keïta, il s’agit principalement de deux familles : celle qui possède le village et celle qui possède les masques. Ils sont restés pour ne pas s’éloigner des génies protecteurs des Bédiks.
Toutes les autres familles sont descendues dans la plaine. Toutefois, elles ont leurs maisons à Ethiouar. Au sommet. Elles s’y rendent à l’occasion des fêtes traditionnelles qui sont célébrées sept fois dans l’année.
Les fêtes se passent toujours à Ethiouar. Pendant ces périodes, les villageois, qui sont au pied de la montagne, « montent » et restent deux à trois jours durant pour célébrer la fête. En effet, c’est « en haut », à Ethiouar, que se font les fêtes. Celles du génie de la place, des morts, des récoltes, du chef de village, etc. « Que sera le village traditionnel dans une cinquantaine d’années ? », s’interroge Mark.
A l’en croire, il y a un conflit de générations dans le village. Les anciens veulent perpétrer les traditions et les jeunes veulent embrasser la modernité. « Les jeunes préfèrent aller en boîte ou regarder la télévision plutôt que d’aller au village traditionnel pendant les fêtes », fait remarquer Mark.
EST HOMME L’INITIE !
Les Bédiks font environ 7 à 8.000 habitants divisés en trois sous-groupes ethniques que sont les Banapass, les Biwol et les Boniolo. La société bédik est très bien structurée. L’éducation ou l’initiation à la vie future est très importante chez les Bédiks. A Ethiouar, peuplé par les Banapass, tous les garçons âgés de 14 ou 15 ans font trois mois d’initiation dans le bois sacré.
C’est ici, dans la case initiatique, que se fait la transition de l’adolescence à l’adulte. Pendant ces trois mois, on apprend aux garçons la débrouillardise, le respect des aînés et les pratiques animistes bédiks, entre autres.
Après cette phase, il y a une seconde qui dure six ans. Elle est appelée « accès à la case coutumière ». Ces deux étapes se bouclent à l’âge de 20 ou 21 ans. C’est seulement après que le garçon peut maintenant prendre part au conseil du village. On peut aussi lui attribué des responsabilités au sein de la société. Il peut se marier. Chaque sous groupe a quelques particularités mais les trois ont ceci de particulier : les hommes passent d’une classe d’âge à une autre tous les six ans. Tout se fait par classe d’âge.
Jadis, les gens du village allaient travailler pour le chef de village. Les rai- sons, explique Mark, c’est que ce dernier est très souvent sollicité pour régler des problèmes sociaux. Il vient en aide aux autres et n’a pas assez de temps pour se consacrer correctement à ses propres travaux.
« On est en train de perdre nos traditions, les jeunes qui sont allés à l’école sont plus tournés vers le modernisme. Avant, chaque semaine, on allait travailler chez le chef de village », se souvient Mark qui rappelle que ce sont des choses qu’ils sont en train de perdre petit à petit.
LA SOLIDARITE, UNE VERTU CARDINALE
Autant la société bédik est structurée, autant elle est organisée et autant elle est solidaire. Et cette solidarité se mesure à l’aune des travaux champêtres. Pendant ces travaux, les gens organisent des corvées pendant lesquelles une classe d’âge vole au secours d’un de ses membres pour effectuer lesdits travaux. Le membre secouru prépare un copieux repas. Il sert aussi de la boisson aux hôtes. Et, à tour de rôle, les membres des classes d’âge organisent des corvées pour faire face à leurs travaux.
C’est ainsi que les Bédiks viennent à bout de ces terres farouches. Au-delà de ces corvées organisées par les classes d’âge, les Bédiks ont un autre système de secours à l’endroit des personnes malades ou invalides. Sous la houlette du chef de village, les Bédiks organisent occasionnellement des corvées pour venir en aide à ces personnes.
Chez les Bédiks, la société est très hiérarchisée. A Bandafassi, on a quatre noms de famille : les Keïta, les Camara, les Kanté et les Samoura. Selon le guide Mark, les Keïta sont les nobles et c’est en leur sein qu’on choisit le chef de village, qui n’est « pas forcément le plus âgé mais le plus sage, qui connaît les traditions et qui ne fait pas dans la langue de bois ».
Il faut aussi, renseigne Mark, être âgé d’au moins 45 ans et jouir de toutes ses facultés mentales. Ces deux familles qui veillent sur le village et des fétiches sont ceux qui sont restées à Ethiouar. Au sommet de la montagne.
Les Camara, souligne Mark, sont les chefs coutumiers. Ils s’occupent des fêtes. A Bandafassi, une partie des Camara et des autres noms de famille occupent les autres catégories sociales.