IL ÉTAIT UNE FOIS, LA SÉCHERESSE...

Comme la philosophie qui est née de l’étonnement, la divination sérère est une tradition séculaire qui trouve son origine dans l’apparition de cala- mités telles que les maladies, les guerres, les sécheresses, les mauvais hivernages, etc.
«Au début, c’était le Bour sine qui conviait tous les Saltigués à une cérémonie de divination. L’objectif était de prédire les évènements à venir afin d’anticiper sur leur cours », soutient Diégane Ndong, l’actuel « Jaraf » du village de Langhème.
Les séances de divination ou «xoy» (Ndlr : l’appel) permettaient, par exemple, selon ce petit-fils du grand Saltigué Ngor Mack Takhar, (cf. papier), de conjurer le mauvais sort, de prendre les dispositions idoines pour un bon hivernage mais aussi les mesures qui s’imposent en prélude aux guerres.
« C’est grâce aux Saltigués que le Sine ne s’est pas disloqué. Ils ont toujours mis au service du royaume, leur savoir occulte notamment à l’occasion des guerres», martèle avec force, Diène Ndiaye, le vice-président de Malango.
Des propos que confirme le septuagénaire Ibrahima Sarr du village traditionnel de Ndiongolor. « Suite au ‘xoy’ que le Boursine Coumba Ndoffène famak avait organisé en prélude à la bataille de Somb, les Saltigués avaient promis d’user de leurs connaissances mystiques pour faciliter la victoire de l’armée du Sine sur celle amenée par Maba Diakhou Bâ.
A l’arrivée, ils avaient bien tenu leurs promesses ; car, comme certains l’avaient prédit, il avait, la veille de la bataille, plu des cordes qui ont endommagé les munitions de l’armée adverse», révèle-t-il.
D’après Emile Niane, le responsable du laboratoire du centre Cemetra, les cérémonies de divination sont de plusieurs types. « Il y a le ‘xoy’ mixte auquel prennent part à la fois hommes et femmes, le ‘xoy’ où il n’y a que des hommes et un autre auquel seules les femmes sont conviées », précise ce quadragénaire qui a fait plus de vingt ans au Cemetra.
Dans la même lancée, le Saltigué Hamad Ndong soutient que jadis, les non-circoncis n’assistaient pas aux ‘xoy’. «Il était formellement interdit au non-circoncis de prendre part à une cérémonie de ‘xoy’ car on redoutait qu’il aille raconter tout ce qu’il a entendu et vu durant la cérémonie. Malheureusement, ce n’est plus le cas. Aujourd’hui, les jeunes et les non-circoncis assistent aux séances de divination mais, en plus, ils disent : untel Saltigué a dit... Or, autrefois, on ne citait pas de nom, on ne personnalisait pas. On disait : «o xoy olaa lee» (Ndlr : le ‘xoy’ a dit) », déplore-t-il.
Tout cela, indique- t-il, a fini par ôter au ‘xoy’, son caractère mythique et ésotérique. Au grand dam des Saltigués !