L’ETAT DU SÉNÉGAL, UN MAUVAIS PÈRE ?

C’est à croire que l’Etat du Sénégal est un mauvais père. Un géniteur qui nourrit mal les enfants qu’il met au monde ou, du moins, qu’il adopte avant de les laisser mourir.
Les Rencontres cinématographiques de Dakar « Recidak », créées par Mme Annette Mbaye d’Erneville et refilées à l’Etat quand leur génitrice n’a pas voulu commettre un infanticide, ont été enterrées par le même Etat qui s’était pourtant présenté en sauveur. Un Etat qui peine depuis lors à ressusciter cette manifestation cinématographique malgré un séminaire consacré aux moyens de la relancer.
Les « Recidak » étaient pourtant alors un évènement phare dans le calendrier cinématographique national. Mieux, elles commençaient même à susciter de la jalousie de la part des Burkinabés, lesquels soupçonnaient le Sénégal de vouloir leur faire un enfant dans le dos. Depuis, donc, que l’Etat a hérité des « Recidak » pas une seule édition n’a été tenue. Et l’événement est mort de sa belle mort.
Quant au Fesnac (Festival national des arts et cultures), une manifestation biennale initiée par l’Etat du Sénégal, elle croule à chaque édition — qui se tient selon les humeurs budgétaires du gouvernement — sous les difficultés financières. Cela fait d’ailleurs presque trois ans que ce festival ne s’est pas tenu, la dernière édition en 2011 ayant été un gouffre financier. La Foire du Livre et du Matériel didactique connaissait les mêmes difficultés financières. Ce n’est que lors de l’édition de décembre 2014 qu’elle a connu un léger mieux.
La Biennale de l’art africain contemporain, la Foire du livre et du Matériel didactique et le Fesnac restent les seuls évènements culturels phares initiés par l’Etat du Sénégal. Les autres émanent de privés ou d’entités régionales qui ont du mal à obtenir un soutien de l’Etat. C’est le cas du Festival international de Folklore et de Percussions de Louga, du festival de jazz de Saint Louis, de ceux de Dakar et Gorée consacrés à la même musique et de beaucoup d’autres journées culturelles.
Et si les experts appellent de tous leurs vœux à une autonomisation de la Biennale ou à un changement de statut, c’est parce que l’Etat nourrit mal son bébé. En même temps, jaloux de ses prérogatives,il empêche ceux qui auraient pu trouver d’autres ressources pour la Biennale d’en prendre les commandes.
Aujourd’hui, sa part de participation à la Biennale de Dakar reste minime par rapport au soutien des différents partenaires dont les plus importants sont lesOccidentaux. Malheureusement, ces bailleurs de fonds n’offrent pas leurs billes que pour l’amour de l’Art. En effet, ils imposent que leurs orientations artistiques soient bien prises en compte. Ce qui dénature un peu le jeu et constitue une chape de plomb sur la prétendue liberté artistique.
L’autonomie suggérée par le Comité d’orientation n’échappera pas à cette contrainte. Bien au contraire, le gap va s’accentuer. A moins que les sociétés nationales et les grandes compagnies du continent, par un sursaut d’orgueil, ne viennent financer cette fête continentale qui s’ouvre aussi au monde. Ce qui serait un point de plus.